Je sors des
Royaumes du Nord de Pullman. 520 pages défoncées en 3 jours, j'ai rarement lu un truc aussi long aussi vite, dans ce livre les pages se tournent toutes seules, toutes les phrases sont hyper fluides, aucune n'a de construction véritablement complexe, et comme tout s'enchaine hyper vite et qu'il y a peu de temps mort, on arrive à le dernière page très rapidement.
Ça, c'est un tour de force, mais ça ne veut pas dire que c'est bien écrit. Au contraire même, je trouve que c'est un défaut du livre. Mal écrit ne serait pas le bon terme mais ça manque grandement d'aura poétique à mon sens, et ça se sent surtout dans les dialogues ; aucun dialogue n'a fait mouche chez moi, je les aient trouvés extrêmement peu naturels et forcés, ce qui donne une caractérisation des personnages très bizarre. Comme dans ces films ou des personnages dialoguent à l'intention du spectateur. A ce titre le roi gitan John Faa n'a pas de dialogues qui montrent l'ampleur de son importance dans son peuple. La sorcière Serafina Pekkala vient faire un petit coucou l'espace de deux (courts) chapitres pour donner des infos sur le background et elle repart tout aussitôt. La petite Lyra (l'héroïne), est loin d'être une cruche mais elle a aussi ses pensées d'enfants, naïves avec pas mal de bêtise. Les perpétuelles oscillations entre son état d'esprit fort, indépendant, mature et franchement débrouillard, avec d'autres moments de pleurnicherie pure (et tout simplement enfantins) m'ont paru plus que bizarres (mais j'ai peut être pas trop accroché à la manière dont elle était écrite). Bref tout ça est maladroit et mal amené, trouvé-je.
Cela dit, le background. J'ai dit qu'il n'y avait aucune aura poétique dans l'écriture et c'est d'autant plus dommage parce que l'univers développé par Pullman l'est indéniablement. C'est pas Tolkien (en même temps c'est pas le but) dans l'élaboration d'univers mais c'est suffisamment enchanteur pour que l'imagination fasse le reste. Ça pioche pas mal dans Verne avec ces zeppelins et ces montgolfières, London avec le grand Nord, et j'ai aussi pas mal pensé à du Miyazaki au fur et à mesure qu'avançait ma lecture (il y a sans doute aucune influence et je dois peut être être le seul à faire le parallèle), notamment avec l'étroite relation qu'entretiennent les humains avec leurs dæmons (j'avais la VF de Jiji dans la tête quand Pantalaimon parlait
).
Alors maintenant l'idée de ces créatures liées aux humains est une riche idée, même si la suspension d'incrédulité ne marchait pas trop à certains moments (le tabou de ne jamais toucher le dæmon d'un autre ne tiendrait jamais en vrai), heureusement contrebalancé par le traitement qui est fait quand, justement, le concept de séparation est exploré.
Parlant de suspension d'incrédulité le coup de l'ours qui met son armure comme s'il mettait une chemise, j'ai beau avoir pas mal d'imagination, ça ne marchait pas du tout dans mon esprit, pourtant j'ai adoré le personnage (qui partage cette scène extrêmement touchante avec l'héroïne sur la fin).
Surtout, c'est la noirceur de l'ensemble qui fait tout le sel du livre. L'auteur évite tout manichéisme binaire pour se concentrer sur chaque élément (pas si évident que ça pour un enfant, ça parle pas mal de particules élémentaires) convergeant vers un climax pas si simple et franchement bien vu. Tout cela en ayant même jeté au passage quelques petits parallèles plus ou moins cachés avec le nazisme (carrément !). Le tout lié par un sous-texte anti-religieux, même s'il ne faudrait pas que ça devienne de l'athéisme primaire, et qu'il y ait une réelle réflexion derrière, car en l'état c'est pas mal cliché et c'est à mon sens un réel point noir. Cela dit les références religieuses en elles-même pourraient presque évoquer Evangelion, et ça, pour un livre pareil, ça surprend (agréablement).
Un bon livre qui m'oblige à acheter les suites car cela finit sur un cliffhanger qui n'est pas une torture de suspense non plus mais qui donne envie d'en découvrir plus. A ce titre, si quelqu'un pouvait donner un avis rapide sur les deux autres volets de la trilogie, et pourquoi pas sur le tout dernier (La Belle Sauvage)
Enfin, pas trop l'endroit idéal pour en parler mais j'ai vu le film dans la foulée, incroyable cette purge
J'ai toujours pas compris pourquoi il avaient enlevé la fin originelle alors que c'était le gros morceau du livre. Sans ça, l'histoire n'a plus de sens. Mais bon, c'est fait c'est fait...