Dernier bouquin en date :
Le Mythe de Cthulhu.
Il s'agit en fait d'un recueil de quelques nouvelles de H.P. Lovecraft, grand maître contemporain de la conspiration cosmique dont on dit que ses écrits sont "effrayants". J'dois être trop moderne, mais je n'ai pas spécialement éprouvé cette "peur".
Trop accroché au visuel.
Avant tout, rappelons/apprenons que Lovecraft vivait au début du XXème siècle aux USA. Les préjugés sudistes et la ségrégation faisaient encore rage (les fameuses lois de Jim Crowe). On trouve donc énormément de positions condescendantes et racistes des personnages à l'égard des nègres et des gens au bas de l'échelle sociale (qui sont celles de l'auteur par extension) et les plus allergiques ne manqueront pas de s'en offusquer.
Lovecraft a été un écrivain assez secret de son vivant, doublé d'un ermite et d'un misanthrope, alors qu'aujourd'hui, presque tout le monde connaît son nom ou au moins la figure centrale d'un cosmos malveillant qu'il a inventé : Cthulhu, le prêtre de R'lyeh. Si vous avez joué à
Castlevania, vous connaissez peut-être un monstre qui porte son nom ; le groupe
Metallica lui rend hommage dans certaines chansons comme
The Thing that should not be. Son succès est tel qu'il existe un jeu de rôle papier qui se fit fort d'épaissir encore plus son univers.
L'inspiration de Lovecraft sur la fiction moderne est considérable : si Batman visite un certain Arkham Asylum, ce n'est absolument pas par hasard. Vous connaissez peut-être le terme de Necromicon pour désigner un ouvrage majeur de démonologie ou même de sorcellerie, et contrairement à la Goetia, il n'a jamais existé ailleurs que dans l'imaginaire lovecraftien ! Du reste, vous pouvez aussi lire du Borges pour voir quelques clins d'œil aux travaux de Lovecraft.
Howard Phillips a conçu tout un parterre d'entités surnaturelles visant à détruire le genre humain, car il n'adhérait pas à l'anthropocentrisme
(idée selon laquelle l'humain est l'être suprême de l'univers, je vous épargne le googlage) et nourrissait une certaine réserve quant au mérite d'exister de certains de ses semblables. Il considérait que nous ne sommes que poussière et qu'il n'y avait rien d'improbable à ce que des races supérieures existent et soient capables de nous anéantir en claquant des doigts ; au surcroît, il vivait à une époque où la foi en la science prenait un essor considérable, ce qui l'encourageait à soutenir des thèses plus "visionnaires" que les doctes rabâchés depuis quinze cents ans.
Toutefois, Lovecraft n'était absolument pas un illuminé qui s'était réfugié dans son monde de cauchemar à lui, bien au contraire. Lovecraft n'a jamais eu foi en ses propres délires : son but était de remettre en question la place de l'homme dans le cosmos et notre tendance à croire aveuglément en des idées obscurantistes au lieu d'envisager "la lumière", ce qui désigne "une réalité beaucoup plus complexe qui ne manquerait pas de nous faire sombrer dans la démence si nous ne revenons pas à la sécurité d'un âge de ténèbres". Cthulu, Yog-Sothoth et tous les autres "dieux obscènes" ne sont qu'un outil, une présentation imagée et fictionnelle de ce que l'auteur veut nous faire comprendre.
Pour remercier la page Wikipedia de ces informations, j'ai pris la peine d'en reformuler le contenu sans l'interpréter au lieu de balancer négligemment un bête lien.
L'Appel de Cthulhu est la première nouvelle du recueil et nous apprend l'existence d'une secte mondiale vénérant un monstre "haut de plusieurs kilomètres" et ayant pour objectif la destruction de l'humanité. Elle nous met en vue par-dessus l'épaule d'un professeur qui lutte ardemment entre la tentation de croire et la volonté de traiter le tout de fadaises. Car l'histoire n'est que la somme de récits de tiers, l'homme n'assiste concrètement à rien du tout.
Après quelques histoires qui n'ont pas de rapports « directs » avec Cthulhu (
La Peur qui Rôde que j'ai trouvée assez mal finie et
La Couleur tombée du Ciel que j'ai pas mal appréciée) on passe à
Celui qui Murmure dans les Ténèbres. Ce récit, prenant place de la même façon que
L'Appel, en est le prolongement direct ; Lovecraft reprend son univers malveillant dont Cthulhu n'est qu'un petit aspect, et lui greffe nombre de noms et de concepts comme Nyarlathotep, le Chaos Rampant.
Lovecraft est un auteur très fluide, ses écrits sont très faciles à lire et l'immersion est remarquable. Il sait jouer de la « frontière »
(je la finirai un jour cette fiction) floue entre la raison objective qui refuse de croire et la démence qui entrevoit la démesure du réel tel que H.P. nous le présente. Ses écrits sont généralement assez courts, et se terminent souvent de façon "négative", les humains ne réussissant pas à vaincre l'horreur venue leur porter préjudice et qui part ou disparaît d'elle-même après avoir répandu sa calamité. De plus, quelque soit l'apparente simplicité de ses concepts, il sait en faire un tout cohérent (ou au moins suffisant) et on n'a jamais une sensation de "tiré par les cheveux" ou de "ta gueule c'est magique". Par contre, au risque de me répéter, comme pour
Silent Hill j'aimerais franchement qu'on m'explique en quoi ces histoires sont censées "faire peur", parce que pour ma part elle m'inspire davantage de la curiosité que de l'effroi.
Bref, j'ai franchement adoré ce bouquin, et je pense que je lirai encore quelques pages de Lovecraft à l'avenir.