Il y a une série qui m'a longtemps inspiré des sentiments pour le moins hostiles, et qui répond au nom de
Kingdom Hearts.
Les fossoyeurs du forum retrouveront le post exact, mais je considérais en 2006 qu'il était honteux que Square Enix ait osé souiller la qualité de
Final Fantasy avec de la merde Disney.
Sous la pression d'une ancienne connaissance (Fénomal pour ne pas le citer) qui m'avait juré que je n'avais vu que le côté Disney de
Kingdom Hearts, j'avais tenté en 2010 l'expérience
Kingdom Hearts 2, qui n'avait pas été très convaincante pour bien des raisons.
Birth by Sleep est passé par là en 2017 pour me confirmer que j'étais passé à côté de quelque chose, et une autre expérience m'a fait revoir sévèrement à la baisse mes exigences en écriture et narration.
Bref, tôt ou tard, il faut savoir vérifier de ses propres yeux, alors je me suis lancé dans la compilation
The Story so Far en commençant par le 1.
Ne vous faites aucune illusion : je n'ai rien pardonné de ce que je reprochais à Square Enix ; après tout, cette affaire n'a que 16 ans.

Mais il ne m'a pas fallu longtemps pour comprendre qu'en fait, je partais de mauvaises bases, et je ne pouvais donc pas aboutir à un résultat positif.
Kingdom Hearts n'est pas un jeu
Square Enix.
Kingdom Hearts est avant tout un jeu
Disney sur lequel Square Enix a été exécutant, et qui a eu le droit de faire sa pub au passage. La différence d'approche est de taille : il ne faut pas chercher en
KH l'approche adolescente de découverte de
Final Fantasy, mais celle centrée sur le protagoniste qui va s'éveiller aux bons sentiments et à l'amitié de Disney.
A partir de là, j'aurais évidemment des centaines, des milliers de lignes à écrire sur le jeu, mais je vais m'en tenir au plus simple.
En tout cas, je ne suis pas étonné que le jeu ait été un hit à l'époque, et je serais même plutôt surpris s'il ne l'avait pas été.
Même avec la patine du remaster, on sent bien qu'on est face à un des plus beaux jeux de son temps, avec des cutscenes magnifiques, certaines animations qui se font plaisir (Jafar pour n'en citer qu'un) et qui arrive à rester fluide envers et malgré tout ce qu'il montre à l'écran. Il faut certes quelques petites concessions, certains environnements ou visages moins travaillés, mais qu'à cela ne tienne, la quantité de détails, de références, l'inspiration esthétique et la réalisation globale sont bluffantes.
Le doublage anglais peut sembler peu vivant à nos oreilles de 2022, et c'est vrai que les passages les plus dramatiques sont à mourir de cringe, mais replaçons-nous dans le contexte... Les doublages anglais de qualité moyenne sur PS2, c'était déjà l'exception, alors une qualité correcte, c'était carrément la denrée rare !
Le scénario fait un meilleur travail d'adaptation, à mon goût, que
Kingdom Hearts 2. S'entend, les milestones sont présents, les personnalités sont respectées, mais les enjeux, les enchaînements et les dialogues sont si différents, jouer au jeu ne spoile pas le film et réciproquement... défaut dans lequel ledit
KH2 baignait jusqu'aux sourcils et que
BbS esquivait en étant plus dans le lore
KH que Disney.
Le level design invite à l'exploration, à chercher les petites interactions pour débloquer des passages qui mènent à des coffres ou autres Dalmatiens. On n'est pas obligé de les chercher, mais quand on le fait, le jeu nous en récompense, autant par l'objet acquis, que le simple plaisir de l'avoir trouvé.
Et côté gameplay, c'est peu dire qu'on part de peu de choses, les capacités au départ sont rachitiques à crever, mais vers la fin du jeu, les magies, les compétences et notre expérience ont un peu plus de punch.
A partir de là, on pourrait se dire "la vache mais il est conquis par le jeu, c'est fou comme revirement, ce doit être le BGE intergalactique" ; eh bien, réfrénez vos ardeurs, car si je reconnais sans forcer les qualités du jeu, je n'en peste pas moins contre des défauts plus ou moins graves.

Le premier, le plus gros, c'est le gameplay, parce qu'il a beau gagner en finesse, il n'en reste pas moins très brouillon du début à la fin. Les distances ne sont pas évidentes à lire, notre unique combo ne se lance pas sans touche, les magies sont trop lentes et coûteuses pour être fiables (seul le Soin s'impose), certains Sans-Cœurs sont particulièrement frustrants à gérer, comme les Rondouillards. D'ailleurs, plus on approche de la fin du jeu, plus les bagarres sont omniprésentes, en triple vague de 7, et pas de la piétaille, de la grosse chienlit. Si on ajoute qu'on n'a pas des masses de HP, que les alliés au combat sont aussi utiles au combat qu'un scénariste à Atlose (Donald tombe KO aussi facilement qu'un politique français dit des conneries) ben... on se retrouve à essayer désespérément de spammer du combo dans un angle où on ne se fera pas marraver.
Plusieurs boss sont d'horribles purges, par leur pattern ou leur arène (Cerbère, Ursula et Crochet, je vous voue une haine éternelle) ; faut un masochisme pas croyable pour vouloir les passer au talent et pas par la force brute.
Et autre défaut... Le scénario "
Kingdom Hearts" de
Kingdom Hearts. Cherchez des avis sur Internet, vous trouverez tout ce que vous voulez.
Pour certains, c'est un ouvrage beaucoup plus deep que sa surface ne le laisse penser, une merveilleuse fable sur la fin de l'enfance et la fragilité humaine, écrite comme le rêve que nous avons tous fait de plonger dans les films Disney avec nos potes Donald et Dingo, mais uniquement pour apprendre nous-mêmes qu'il faut savoir laisser le rêve à sa place, apprécier ce qu'il nous apporte, et embrasser enfin la réalité.
Pour d'autres, c'est un scénario qui aligne des phrases tr0 d4rk, de la philosophie de comptoir et un second degré aussi profond qu'un dé à coudre pour faire bander les ados qui ne veulent plus du "le mal c'est pas bien" et qui veulent plus que ça, un pur jeu du Square Enix des années 2000 qui mercantilisait ses productions à tout va avec ce genre de message qui ne convaincrait que les moins indulgents ou les plus imbus d'eux-mêmes.
Pour moi... Les deux sont exacts.

La partie "Disney" de
Kingdom Hearts, où Sora est juste un gamin innocent à en sucer des prêtres qui devient acteur des films, glorifié par les héros, assisté par tonton Donald et Dingo, ben c'est clairement la meilleure partie du jeu. Il y a véritablement un rapport à l'enfance, une reconnaissance de toute la merveille et l'évasion qu'ils nous offrent, sans s'y noyer pour autant, en n'oubliant jamais que nous avons une vie bien réelle à regagner.
Mais la partie "
Kingdom Hearts" de
Kingdom Hearts, j'vais être courtois en disant qu'il faut pas être difficile, parce que question platitudes balancées avec aplomb sur la Lumière, les Ténèbres, les amis c'est magique et ça sauve les mondes, on n'est pas à plaindre, bordel de merde !!! Riku partait d'une très bonne base d'ado faussement sûr de lui, facile à manipuler, mais il tombe vraiment loin dans le trip "le héraut des Ténèèèèbres qui a tout compris à la viiiie pas comme Sora-le-Puceau".
Quelle serait mon opinion finale sur
Kingdom Hearts ? J'ai encore le boss final à me farcir, j'attends pas des miracles de l'épilogue.
C'est un jeu qui a manifestement eu beaucoup de moyens financiers, artistiques et techniques, et qui témoigne d'un savoir-faire bien réel d'un éminent studio.
Son gameplay a certainement été une révolution en son temps, mais voilà, son temps est révolu depuis longtemps. Les jeux suivants ont largement amélioré sa formule, sans parler de la concurrence. En plus de 15 ans,
KH a vieilli, salement vieilli, en terme de game feel.
Mais cela n'entame pas son écriture et son contenu, qui sont toujours fidèles à eux-mêmes : y a du bon à gratter, mais aussi beaucoup de mauvais à se farcir.
Kingdom Hearts 1 est donc un jeu auquel il est impossible de donner une seule note, entre ce qu'il a voulu, ce qu'il a fait, les choix qu'il avait et ceux qu'il n'avait pas, il n'aurait pas pu être meilleur qu'il ne l'a été, mais ce qui est sûr, c'est qu'il aurait pu être largement pire.
En conclusion, jouez-y pour vous faire votre propre avis, vous pouvez compter sur une bonne surprise, mais pas sur une expérience irréprochable qui va changer votre vie. Il est trop tard pour ça !