Les fantômes d'Hyrule
Chapitre 2 :Pour la première fois depuis longtemps, Link était rentré chez lui. Les yeux dans le vide, il s’était assis à même le sol et y était resté jusqu’au lever du soleil.
Et c’est au moment où il commençait à s’endormir que Midona se mit en tête de lui parler. Elle sortit de son ombre et, remarquant que son coéquipier se reposait un peu, déclara fièrement :
- Ah ! Enfin ! Tu vois que tu avais besoin de repos ! Par contre je dois t’avouer qu’un lit serait tout de même mieux…
Link ne leva pas les yeux et se contenta de répondre :
- Midona… je crois que je deviens fou…
L’être du Crépuscule fronça les sourcils, perplexe.
- Pardon ? Comment ça ?
Link redressa enfin la tête. Ses yeux étaient vides de toute expression.
- Tu n’as pas vu ? Tout à l’heure, dans la plaine…
- Dans la plaine ? Non. Je dormais. Même ceux qui viennent du Crépuscule ont besoin de sommeil. Mais que s’est-il passé ? demanda doucement Midona.
Elle se rapprocha de Link et posa une petite main sur son épaule. Son compagnon avait l’air totalement effaré, comme un enfant perdu.
- J’ai rencontré une fille…
Midona fut surprise de la réponse de Link.
- Hum, oui, Link, à Hyrule il y a des filles et des garçons, et des…
- Non, non ce n’est pas ça ! la coupa-t-il. C’était une fille, mais elle était… elle était morte !
- Quoi ?
- Elle était morte, répéta-t-il. C’était un fantôme, elle était transparente !
Midona ne savait pas quoi dire.
- Mais, Link, tu as déjà affronté des fantômes, non ? Dans la tour du Jugement, pour Giovanni… Tu n’as pas de raison d’avoir peur…
- Oui ! Oui, mais pas des fantômes comma ça ! C’était une fille ! Oh, Midona, je deviens complétement fou…
Ah bah, les effets du manque de sommeil… se dit-elle en levant les yeux au ciel. Elle observa son ami qui s’était roulé en boule et soupira. Elle lui avait pourtant bien dit qu’il devait se reposer…
Elle réfléchit puis lui prit la main pour le forcer à se relever. Elle l’entraina vers le lit où il se laissa tomber brutalement et enfoui son visage dans son oreiller.
- Tu sais quoi Link, commença-t-elle. On va faire une pause d’un ou deux jours, d’accord ? Personne n’est en danger immédiat pour l’instant.
Link ne répondit même pas. Il s’était déjà endormi.
***
Malgré toutes les heures de sommeil qu’il avait à rattraper, Link ne dormit quasiment pas. Toute la journée, après juste une ou deux heures de sommeil, assis près de sa fenêtre, il repensa à la jeune femme. S’il n’avait pas halluciné, alors cela voulait dire que la plaine d’Hyrule était hantée la nuit par une jeune chanteuse.
Link réfléchit. Il fallait qu’elle parte. Non pas qu’il détestait les spectres mais visiter une plaine de nuit, c’est tout de même mieux sans fantômes (même si, à son sens, visiter une plaine se faisait le jour, mais bon, comme le disait parfois Midona « chacun ses délires »).
Link se tourna vers la créature du Crépuscule, endormie sur son oreiller qu’elle jugeait plus confortable que son lit. Il s’approcha d’elle pour lui faire part de sa décision. La nuit tombait bientôt, il n’allait pas falloir qu’elle le retienne. Malgré sa frayeur de la veille, il tenait à retourner voir l’esprit. Pour une raison inconnue…
- Midona… dit-il en la secouant. Midona réveille-toi.
La petite créature ouvrit son unique œil visible.
- Quoi ?
- Je crois que, commença Link, que… je vais retourner voir cette fille.
- Pardon ? s’écria Midona en se relevant d’un coup, manquant ainsi de faire tomber son casque. Mais tu as vu dans quel état tu es rentré hier ? Et puis, si ça se trouve, ce n’est qu’une hallucination…
Link secoua la tête.
- Non. Ce que j’ai vu hier est réel. Il faut que j’y retourne.
- Et pourquoi donc ?
- Pour aider cette femme.
Midona ne comprenait plus. Aider cette femme ? Mais pourquoi faire faire ? C’est c’était encore pour retrouver son coéquipier complétement perdu comme la veille, il n’en était pas question.
- Mais pourqu… ?
Link la coupa brutalement. La nuit venait de tomber. Il lui fallait partir.
- Je t’expliquerai en route. Viens on y va.
***
- Et donc, quand comptes-tu m’expliquer ce que tu vas faire ?
Midona commençait à s’impatienter alors que Link et elle marchaient dans la plaine. Le fait que son compagnon tienne tant à revoir ce soi-disant esprit ne lui plaisait pas trop. Ils avaient d’autres chats à fouetter après tout.
- Je vais l’aider, répondit Link.
- Oui, merci tu me l’as déjà dit, mais l’aider à quoi ?
Link réfléchit quelques instants puis finit par répondre :
- Cette fille attend quelqu’un, sans doute son petit ami. Elle lui a fait une promesse et ne partira pas avant que celui qu’elle attend revienne. Un jour, continua le jeune héros, quelqu’un m’a dit que les fantômes hantaient des lieux parce qu’ils avaient encore des choses à faire. Je pense que si je l’aide à retrouver celui qu’elle attend, cette fille partira.
- Oui, si tu le dis, intervint Midona. Mais pourquoi tiens-tu tant à ce qu’elle parte, au point de vouloir la revoir alors qu’elle t’a tant effrayé hier ?
Le jeune homme soupira.
- Enfin, Midona, ça doit faire des dizaines d’années qu’elle attend là ! Comme toutes les âmes elle mérite elle aussi le repos éternel.
- D’accord, d’accord, j’ai compris. Mais pourquoi tiens-tu tant à l’aider ?
- Le devoir de tout héros est d’aider les personnes dans le besoin, qu’elle soit mortes ou vivantes. Sinon pourquoi crois-tu que je perds mon temps à chercher des insectes ?
Midona soupira à son tour. A son avis, Link était beaucoup trop gentil. Sa bonté allait finir par lui apporter des problèmes.
La nuit était déjà bien avancée quand ils arrivèrent enfin aux ruines. La jeune femme était toujours là, Link pouvait le déduire grâce à son chant et aux bruits de son seau. Midona était rentrée dans l’ombre de son ami, désireuse de ne pas se montrer.
Link contourna le monticule de pierre et vit enfin la jeune femme. Encore une fois, elle n’avait pas remarqué sa présence. Conscient que le moindre faux pas la ferait à nouveau fuir, le jeune épéiste s’approcha doucement d’elle et l’appela :
- Mademoiselle…
L’esprit se retourna brusquement et s’éloigna aussitôt lorsqu’elle aperçut son interlocuteur.
- Encore vous !? Je vous ai dit de me laisser tranquille !
Elle commençait déjà disparaitre.
- Non s’il vous plait ne partez pas ! insista le jeune homme. Je veux vous aider !
- M’aider à quoi ? A attendre ? Merci, mais je me débrouille très bien toute seule !
Elle tourna les talons et s’apprêta à partir.
- Non, mademoiselle attendez ! Je veux vous aider à retrouver celui que vous attendez !
L’esprit s’arrêta net et se retourna lentement.
- Vraiment… ?
Link, hésitant, hocha la tête avec incertitude. La jeune femme le dévisagea, se demandant s’il était sérieux, puis se précipita vers lui en lâchant son seau. Elle l’agrippa, désespérée, et Link frissonna au contact de ses mains glaciales.
- Vous allez vraiment m’aider ? C’est vrai ?
Ses yeux bleus s’étaient soudain rempli d’espoir. Face à ça, le jeune homme ne pouvait plus refuser.
- Euh, oui, bien… bien sûr, bégaya-t-il.
- Oh, merci ! Merci infiniment !
Prise d’enthousiasme, la jeune femme serra dans ses bras le jeune épéiste, qui s’empressa de se libérer de son étreinte. Le contact glacé de cet esprit le dérangeait. Malheureusement pour lui, la jeune femme le prit par la main et l’entraina près d’un muret où ils s’assirent à même le sol.
- Merci encore, monsieur, dit-elle en souriant. Depuis qu’
il est parti je ne cesse de m’inquiéter pour
lui. Je ne sais pas où
il est. Cela fait tellement longtemps que je n’ai pas reçu de lettre de
sa part… Si vous pouviez simplement me dire qu’
il va bien, je vous en serais reconnaissante toute ma vie !
Link trouva ses paroles étranges. Il semblait que la jeune femme n’avait pas conscience de sa mort.
Elle continue de parler comme si elle était vivante… Est-ce que je devrais lui dire à nouveau qu’elle ne l’est plus ? Il réfléchit, puis se décida.
Non. Je vais juste l’aider, elle finira bien par s’en rendre compte d’elle-même.La jeune femme à côté de lui ne semblait pas avoir remarqué son absence et avait continué à parler de
lui, mais fut soudainement interrompu par Link.
- Dites-moi, mademoiselle… Qui est celui que vous attendez depuis si longtemps ?
Il ne fallait que Link perde son temps en bavardages inutiles. La nuit passait plutôt rapidement et au lever du soleil, le spectre de la jeune femme disparaitrait à nouveau. Mais l’interruption du jeune homme ne parut pas déranger la demoiselle qui, ravie de parler de «
lui », leva les yeux au ciel amoureusement.
- Oh,
lui… C’est mon mari…
Il me manque, vous savez…, Je
l’aime tellement…
Link hocha la tête :
- Je vois… Et pourquoi est-il parti ?
Les yeux de la jeune femme se ternirent soudainement et la joie qui illuminait son visage lorsqu’elle parlait de son époux disparut immédiatement.
- Une guerre s’est déclarée, soupira-t-elle. Alors
il est parti combattre…
Une guerre ? Il n’y avait pas des guerres tous les jours. Si Link parvenait à savoir de quel conflit la jeune femme parlait, il pourrait avoir un indice sur son époque.
- Une guerre contre qui ? demanda-t-il.
- Oh, ça, je ne sais pas.
Il n’a pas voulu me dire, pour ne pas m’inquiéter.
Link soupira en son for intérieur. Cela ne l’avançait pas.
- Mais même si je m’inquiète pour
lui, je sais que tout ira bien, continua la jeune femme. Vous savez, monsieur, c’est le meilleur épéiste de tout Hyrule !
Une étincelle de fierté brillait dans ses yeux. Link sourit. Il n’avait jamais de femme aussi amoureuse qu’elle.
Cette dernière continua d’ailleurs à dire ô combien son mari était le meilleur jusqu’au lever du soleil, sans que Link n’ai pu placer un mot. Lorsque les premiers rayons du soleil touchèrent la peau transparente de l’âme, elle sursauta, ramassa son seau et se releva rapidement, tout en époussetant le bas de sa robe.
- Oh pardon, excusez-moi, s’empressa-t-elle de dire. Je parle, je parle et je ne vois même pas que l’heure passe. Pardonnez-moi d’avoir pris de votre temps.
Link secoua la tête. Bien qu’il n’ait pas eu plus de renseignement sur l’époque de la jeune femme, l’écouter parler ne lui avait pas déplu.
- Ce n’est pas grave.
- Bon, il vaut mieux que j’y aille. Vous devriez aussi rentrer chez vous. Vous allez être fatigué.
- Ne vous inquiétez pas pour moi.
- En tout cas merci de m’avoir tenu compagnie cette nuit. Depuis l’évacuation des habitants je me sens seule.
Elle lui sourit gentiment.
L’évacuation des habitants ? Link s’apprêta à lui poser une question quand elle le coupa :
- N’hésitez pas à revenir me voir. Je serai toujours au même endroit.
Et elle disparut soudainement, laissant Link dépité, avec ses questions encore sur le bout des lèvres.