Chapitre 7 :
Après plusieurs heures de cache-cache dans la forêt avec un étrange être des bois, Link avait finalement réussi à atteindre le Temple du Temps et à remonter le temps afin d’y entrer et de le voir comme il était avant. En y pénétrant il avait pensé à l’esprit du guerrier qui avait eu ce sublime décor pour son mariage. Lui aussi aimerais beaucoup se marier dans un si bel endroit. Enfin… fallait-il encore d’abord trouver quelqu’un avec qui se marier.
Enfin, après deux jours de montage de marches et d’écrabouillage d’araignées, Link était sorti du Temple avec un nouvel objet, le bâton Anima qui lui permettait de faire bouger des statues.
Malheureusement, l’objet avait perdu de sa magie en venant dans le présent. En tout cas, c’est ce que lui avait Baba, une étrange créature qui l’avait accompagné. Link était alors parti à la recherche du moyen pour rendre sa magie au bâton Anima, avec sous les bottes, des restes d’araignées écrasées.
Mais avant il lui fallait passer à la citadelle, ce qu’il n’eut pas le temps de faire car il reçut juste avant une lettre du prêtre de Cocorico. C’est alors fou de joie et sous les rires de Midona que le jeune héros se mit en route pour la province d’Ordinn car apparemment, le prêtre Reynald avait trouvé un moyen de guérir Iria.
Après moult péripéties Link arriva dans un endroit bien étrange : le village oublié. Là-bas il chassa des monstres, s’amusa à faire le cow-boy, se fit gronder par Midona, trouva une des stèles du loup doré, s’amusa encore à faire le cow-boy, manqua de tomber d’un balcon et sauva une petite vieille, mais ça, c’est sans importance.
Et finalement, après avoir fait des dizaines d’aller-retour à travers Hyrule, Link se fit enfin reconnaitre par Iria : elle avait recouvré la mémoire. Ils sautèrent l’un dans les bras de l’autre et restèrent une heure ensemble avant que Link ne déclare avec regrets qu’il avait encore des choses à faire. Dehors, il fut accueilli par une Midona moqueuse qui imitait piteusement un couple amoureux qui venait de se retrouver et qui lui dit que le truc vert et gluant sous ses bottes, c’était certainement pas de l’herbe.
Et c’est donc après avoir enlevé du dessous de ses bottes ce qui restait des araignées du Temple du Temps, que Link décida enfin d’aller voir la jeune femme de la plaine.
Cette fois-ci, Link était arrivé tellement tôt que la jeune fermière n’était pas encore là. La nuit n’était pas encore tombée. Link s’était assis sur le vestige d’un petit muret et attendait patiemment que la jeune femme fantôme apparaisse. Il était venu avec Epona, qu’il avait attachée non loin de l’endroit où il s’était assis. L’endroit, lors du Crépuscule, était calme et apaisant. Les pensées de Link dérivèrent vers la jeune femme fantôme. Quand elle venait chanter, voyait-elle la plaine comme il la voyait ? Ou la voyait-elle comme elle était à son époque ? Et que faisait-elle la journée, puisqu’elle pensait être encore vivante ? Toutes ces questions restaient sans réponse pour Link.
Le soleil avait disparu à l’horizon. Un grand silence régnait sur la plaine éclairée par la lueur de la lune. Link leva les yeux au ciel et contempla les étoiles qui venaient d’apparaitre. Elle ne devrait pas tarder à arriver, pensa le jeune héros.
Et, comme pour répondre à ses pensées, une douce voix venant de derrière lui parla :
- Oh, vous êtes déjà là.
Le jeune héros se leva et se retourna pour saluer la jeune femme.
- Bonsoir, mademoiselle.
- Bonsoir ! répondit-elle. Vous êtes arrivez bien tôt, aujourd’hui. D’habitude, vous ne venez pas avant minuit.
- J’avais du temps libre, alors je suis venu ici.
- Vous auriez dû venir me voir à l’intérieur et ne pas rester ici tout seul. Je vous aurais donné quelque chose à boire. C’est dangereux de rester ici le jour car les ennemis peuvent vous voir de loin.
- Ne vous inquiétez pas, je sais me défendre.
Il désigna son épée et son bouclier, avec une légère fierté. Le visage de l’esprit s’emplit soudain de tristesse.
- Oh…
Il a le même bouclier que vous…
Elle se rapprocha de Link et observa son équipement de plus près.
- Je vois que vous avez un arc. Oh, et est-ce un grappin ?
Link baissa la tête pour voir ce qu’avait désigné la fermière.
- Oui, c’en est un.
-
Il en a un aussi.
Il était parti le chercher un jour au village Cocorico. Quand je lui ai demandé pourquoi,
il m’a dit que cet objet pouvait nous sauver la vie.
- Il n’a pas tort.
Il est vrai que le grappin que Link avait récupérer au Temple de l’Eau l’avait plusieurs tiré de situations plutôt délicates.
La jeune femme passa ses doigts délicatement sur l’arc du jeune héros.
-
Lui aussi a un arc, vous savez. Il est presque comme le vôtre. Un jour,
il nous appris, à moi et notre fille, à s’en servir. On s’était bien amusés ce jour-là.
- Votre fille ? Vous avez une fille ?
Link était désormais presque sûr d’avoir trouvé la bonne personne.
- Oui, pourquoi ?
- Hum, non, rien, répondit-il. Est-elle avec vous ?
- Non, elle n’est pas là, dit tristement l’esprit. J’ai préféré qu’elle parte lors de l’évacuation. Je ne voulais pas qu’elle reste avec moi. C’est trop dangereux. Là, au moins, je sais qu’elle est en sécurité. Je la rejoindrais lorsque
son père sera rentré, quand tout sera redevenu comme avant.
Link se mordit la lèvre et évita le regard du fantôme. Ce qu’elle ne savait pas, c’est qu’elle ne reverrait sans doute jamais sa fille et que rien ne redeviendra comme avant.
- Puis-je vous demander comment s’appelle votre fille ? demanda Link.
Il savait que la jeune femme ne reverrait pas sa fille, mais il pouvait au moins lui rendre son mari.
- Ma fille… soupira le fantôme de la fermière. Je lui ai donné le nom de ma mère. C’était une Gerudo, ce qui fait que ma petite chérie porte un nom très rare. Elle s’appelle…
Elle s’arrêta soudainement de parler, fixant un point au loin. Elle haletait. Link se tourna, inquiet.
- Mademoiselle, tout va bien ?
Elle ne lui répondit pas. Un grand sourire commençait à se former sur son visage. Link suivit son regard. Peut-être voyait-elle son mari, au loin ? Mais lui ne voyait rien, à part Epona. Epona ?
- Epona !
La jeune femme ne laissa pas le temps à Link d’intervenir et se précipita vers la jument.
Cette dernière, voyant une inconnue courir vers elle, se cabra et voulu s’enfuir, oubliant le fait qu’elle était attachée.
- Mademoiselle, non ! cria Link. Arrêtez, elle a très peur des étrangers !
Mais la femme fantôme ne l’écouta pas et leva la main pour caresser la jument. L’animal voulut se débattre mais se calma subitement. Link remarqua ce soudain changement de comportement et s’approcha. Aussi fut-il surpris lorsqu’il entendit la jeune femme fredonner le chant qu’il utilisait pour appeler son cheval. Le chant d’Epona… ? Mais… mais qui est cette femme ?
- Mademoiselle ? appela Link. Mademoiselle, comment connaissez-vous…
Encore une fois Link ne reçut aucune réponse. La jeune femme se retourna et s’exclama, le visage éclairé de bonheur :
- C’est
son cheval ! C’est
son cheval, c’est Epona !
- Quoi ?
Link ne comprenait plus. Le cheval de son mari portait le même nom que le sien et visiblement, lui ressemblait, puisque la jeune femme les confondait.
- C’est
son cheval, celui que je lui avais donné, s’écria l’esprit.
Malgré son excitation, la jeune femme fronça soudainement les sourcils.
- Mais alors pourquoi n’est-
il pas là ?
Elle croisa les bras, perplexe et regarda Link :
- Monsieur, je ne comprends plus. Pourquoi n’est-
il pas là, alors que
son cheval, si ?
Le jeune héros ne savait plus que dire, ni quoi faire. La situation devenait un peu trop compliquée pour lui.
- Euh, mademoiselle, je crains que… que…
La jeune femme le regardait et l’écoutait attentivement, dans l’attente de la réponse à ses questions.
- Je crains que ce ne soit pas son cheval…
- Quoi ? s’écria l’esprit de la fermière. Mais bien sûr que si, je l’ai reconnue, c’est Epona. Elle réagit à mon chant, ça ne peut être qu’elle.
- Euh, oui, mais… tenta de répondre Link, complétement perdu. En fait… c’est… c’est le mien. C’est mon cheval.
- Quoi… ?
Rien qu’à la réaction du fantôme de la jeune femme, Link comprit que le monde s’était écroulé autour d’elle. Il se rapprocha de l’esprit.
- Mademoiselle, je suis désolé, mais ce cheval m’appartient.
- M-mais… mais pourtant, bégaya l’apparition, les yeux dans le vide. Mais pourtant elle lui ressemble tant… Et elle réagit à mon chant…
La situation devenait de plus en plus étrange. Pourquoi confondait-elle Epona ? Comment connaissait-elle son chant ? Bien que la situation ne s’y prêtait pas, Link se risqua à le demander :
- Comment… comment connaissez-vous ce chant ? C’est celui que je joue moi aussi… Mais j’ignorais qu’il était connu…
Le jeune femme releva soudainement la tête vers lui et le regarda dans les yeux avec dureté :
- La question serait plutôt de savoir comment
vous le connaissez. Ce chant se transmet de génération en génération dans
mafamille ! cria-t-elle. Alors comment la connaissez-vous ? Et puis qui êtes-vous, à la fin ?! Vous venez ici tous les soirs mais je ne vous connais même pas !
Des larmes commençaient à se former dans ses grands yeux bleus tandis qu’elle s’éloignait d’un Link embrouillé. Elle semblait confuse et désespérée.
- Hein ? Qui êtes-vous ?! continua-t-elle de crier. Vous avez les mêmes armes et le même cheval que
lui ! Vous connaissez le chant d’Epona et vous
lui ressemblez étrangement ! Alors, qui êtes-vous, bon sang ?!
Le jeune héros ne trouva pas de réponse à ça. Tout comme la jeune femme, il était perdu. La soirée prenait une tournure bien étrange.
- Mademoiselle, écoutez, commença doucement Link. Je suis tout aussi confus que vous, mais…
- Non ! protesta la jeune femme. Non ! Ne vous approchez pas de moi ! Vous me faites peur… Vous êtes étrange…
Link soupira. Tout recommençait comme au début. Elle avait pris peur et s’il faisait encore un faux pas elle s’en irait. Il lui fallait trouver un moyen de la calmer. Mais comment ? Tout semblait à nouveau perdu d’avance.
Link eut soudain une idée. La fille fantôme était effrayée parce qu’elle ne comprenait pas la situation. Elle ne comprenait pas car elle avait perdu toute notion du temps. Or si elle savait qu’elle était morte, elle pourrait sans doute se dire que Link était le lointain petit-fils d’une tante ou d’une cousine, ce qui expliquerait sa connaissance du chant. Car lui non plus, n’en savait pas plus. Ce chant, il le connaissait depuis sa plus tendre enfance.
S’il parvenait à prouver à la jeune femme qu’elle était morte et lui faire croire qu’il était de sa famille, peut-être pourrait la calmer et enfin avoir le nom de sa fille…
Une seule question restait cependant sans réponse. Comment lui faire comprendre cela ? Link avait déjà essayé, la première fois qu’il l’avait vue, et l’unique réaction obtenue fut la fuite. La situation était déjà très délicate, si le jeune héros se montrait maladroit, il perdrait peut-être toute chance de l’aider. Il soupira, ne sachant comme procéder. Il faudrait lui donner une preuve concrète… mais où la trouver ?
Son regard passait de la jeune femme effrayée à Epona, quand soudain il remarqua les sacs sur sa jument. Il eut alors un éclair de génie lorsqu’il se souvint de l’exemplaire du Livre des Guerres retrouvé aux Ruines des Pics Blancs. Il se précipita vers Epona, fouilla rapidement dans ses sacs, en ressortit fièrement le gros ouvrage et se félicita d’avoir oublié de l’enlever de ses sacs la veille.
Doucement, il se rapprocha de l’esprit de la fermière et tenta de la calmer :
- Mademoiselle, écoutez… je crois pouvoir vous expliquer ce qu’il se passe.
La demoiselle le fixait avec de grands yeux effrayés et recula encore lorsqu’il s’approcha.
- Non ! Je ne veux pas vous entendre ! Vous me faites peur, partez !
- Mademoiselle, s’il vous plait, attendez ! Regardez, ce livre peut tout vous expliquer.
Link ouvrit le gros livre à une page bien précise. Il se souvenait du chapitre parlant des civils et des victimes. En le feuilletant lors d’une pause au manoir des Pics Blancs, il avait trouvé par hasard une photo d’une ferme détruite, qu’il n’avait pas vue la première fois. Il venait à l’instant de faire le lien entre la ferme de la jeune femme et celle de la photo. Link tendit le livre à l’esprit qui se rapprocha et le saisit avec méfiance.
Lorsque la jeune fermière commença feuilleter les pages de l’ouvrage, il observa attentivement ses réactions. Cette dernière fronçait les sourcils, marmonnait des choses que Link ne pouvait saisir à voix basse. Dans ses yeux le jeune homme pouvait cependant voir son incompréhension. Elle semblait totalement confuse.
- Mais… mais ces dates… elles n’ont pas encore eu lieu… balbutia-t-elle.
Link s’avança encore plus vers elle.
- Mademoiselle… cette guerre dont vous me parliez la dernière fois…
Il inspira, priant les déesses pour que l’esprit ne prenne pas à nouveau peur :
- …elle est terminée depuis bien longtemps.
- M-mais… C’est impossible… Pourquoi personne n’est revenu vivre à la citadelle, alors ?
Elle le regardait avec des yeux remplis d’incompréhension. Link hésita, puis déclara doucement :
- Tout le monde est revenu. Après plusieurs années de combat Hyrule a gagné, malgré les nombreux soldats tombés au combat. Je suis désolé mais, c’est la vérité.
- Non, non, non !
Elle se mit à secouer la tête de droite à gauche, les yeux remplis de larmes, toujours en feuilletant le gros ouvrage.
- Ce n’est pas possible, arrêtez ! Si la guerre est vraiment finie alors pourquoi ni mon mari, ni ma fille ne sont reven… oh par les déesses !
La jeune femme lâcha soudainement le livre qui tomba brutalement au sol. Tout son corps fantomatique tremblait et son regard fixait l’objet avec peur.
Intrigué, Link ramassa le livre avec curiosité et observa ce qui l’avait tant bouleversée. C’était une photo en noir et blanc des ruines d’une ferme. On pouvoir voir les restes d’une pancarte tombée au sol sur laquelle Link réussit à déchiffrer « Ranch Lon Lon ». Devant les ruines se tenait une jeune fille d’environ quinze ans à l’air triste. En dessous de la photo, une petite inscription disait : « Ranch détruit par des soldats ennemis dont la seule habitante ayant survécu fut la fille des propriétaires, que sa mère avait forcé à quitter les lieux » Link dévisagea la jeune fille de la photo, puis l’esprit qui se trouvait devant lui.
La ressemblance était flagrante. Il n’y avait aucun doute : l’adolescente qui posait devant les ruines était la fille de la jeune femme. Link releva la tête vers son fantôme. La jeune femme tremblait toujours et était devenue presque invisible. Son regard croisa celui de Link mais elle ne parut même pas le remarquer :
- Je… je suis morte ? demanda-t-elle sans réellement attendre de réponse. M-mais… et mon mari… ?
Lui aussi est… ?
- Oui, malheureusement. Je suis désolé.
- Je…
La jeune femme baissa les bras le long de son corps transparent. Elle soupira, l’image l’avait éprouvée. Elle resta ainsi plusieurs minutes en silence. Link n’osa pas la déranger. Il ne pouvait imaginer le choc qu’elle venait d’avoir. Elle finit tout de même au bout d’un temps par dire, ses yeux bleus dans le vide :
- Je comprends mieux alors… Vous… vous n’êtes pas de la même époque que moi ?
- Non.
- Ce cheval n’est pas celui de mon mari…
- Non.
- Alors si vous lui ressemblez tant… c’est… c’est peut-être juste une coïncidence, dit tristement la jeune femme en regardant pour la première fois depuis les révélations Link.
- Oui, sans doute.
- Et le chant… ma fille l’a peut-être appris à l’un de ses amis comme je l’avais fait avec
lui…
Elle soupira :
- Depuis combien de temps… depuis combien de temps suis-je ici ? Le savez-vous ?
- Cela doit faire environ cent ans, répondit Link.
- Cent ans… ? C’est pour ça que ça me paraissait si long… Et c’est pour ça qu’
il ne vient jamais…
Des larmes commençaient à couler sur ses joues transparentes. Elle s’assit sans volonté sur l’un des murets en ruine, le regard toujours dans le lointain.
- Je ne
le reverrais donc jamais… ni
lui, ni ma fille, ni personne…
- Mademoiselle ne dites pas ça.
Link, empli détermination, avait saisi sa main bien qu’il détestait la sensation froide et sans vie que cela lui procurait.
- Je ne pourrais pas vous rendre votre fille, mais je peux au moins retrouver votre mari. Je vous le jure.
- Q-quoi ? Mais comment… ?
Il est mort, vous ne pouvez pas…
- Si. Je n’ai besoin que d’une seule chose. Le nom de votre fille.
La jeune femme paraissait ne pas comprendre. Elle fronçait les sourcils et secouait la tête, désabusée :
- Mais comment pouvez-vous… ? En quoi cela pourrait-il vous aider ?
- Ne réfléchissez pas, mademoiselle. Donnez-moi son nom et je vous jure que la nuit prochaine, votre mari sera là.
- Vraiment ?
Ses yeux bleus humides brillaient d’espoir.
- Oui.
- Très bien… dit-elle. Ma fille s’appelle, enfin… s’appelait… elle s’appelait Kara.
Malgré la triste situation, le visage de Link s’illumina. Enfin, il avait obtenu un nom.
- Merci ! s’écria-t-il. Merci, mademoiselle ! Je vous promets que demain, vous retrouverez votre mari, je vous le jure !
La jeune femme se contenta de lui sourire et disparut progressivement, l’air toujours triste. Link sauta sur Epona et partit au triple galop.
Pour une fois, Midona serait fière de lui.