Il y a peu, j'ai évoqué le kidnapping dont j'ai été victime, et qui a aboutit au visionnage du film Elysium. Pour ceux qui ont une vie, et ne sont donc pas au courant de tous les détails de la mienne, je rappelle que mes amis ont eu l'étrange idée de m'offrir une place de cinéma, seul moyen qu'ils ont eu de me convaincre d'aller voir un film que je présumais n'être qu'un blockbuster testostéroné de pseudo sci-fi comme il en existe hélas trop. Oui, je suis corrompu et je me laisse acheter; vous noterez que karma a jugé bon de me faire aider un malheureux vieil homme alcoolisé, aux jambes en bouillies, comme pour me permettre de racheter ma conduite.
Bref, le film. Qu'en dire? Et bien, force m'est d'avouer que son scénario est franchement pas mauvais: les richards, blasés de coexister sur une planète à l'agonie, rongée par le virus humain grignotant sa misère crasse dans des bidonvilles d'échelle continentale, se sont installés dans une gigantesque station satellitaire, Elysium, où ils vivent en bon nantis, loin de ces cons de pauvres qu'ils gouvernent, et que Gabin aurait pu injurier avec encore plus de véhémence, à la vue du métrage. Alors que les images chocs nous présentent le grouillant gruyère de L.A, plus proche des favelas que d'une métropole américaine en plein essor, on découvre le protagoniste, un chauve musculeux incarné par Matt Damon, autrefois rascal sans vergogne rêvant d'emmener une minette de son âge avec lui à Elysium, mais s'étant finalement dégoté un job dans l'usine fabriquant les droïdes de sécurité contrôlant les populations. Sauf que la vie, c'est moche, et avec sa rédemption, monsieur se fait irradier lors d'un accident de travail que le staff de la boîte, d'un indéniable et cinglant capitalisme, passe sous silence. N'ayant plus que cinq jours à vivre, notre skinhead plein de bonnes intentions s'en va frapper à la porte de son copain Spider, qui contrôle le meilleur (et inefficace) réseau de passeur amenant des clandestins sur Elysium, où la technologie pourrait le sauver de sa mort prochaine (parce que, bon, quand il vous reste cinq jours avant de crever, ça craint). Il prend donc "contact" avec Spider, un passeur qui envoie des navettes clandestines sur Elysium (avec plus ou moins de succès), lequel pourrait lui offrir son billet en échange d'une dangereuse mission...
Riche d'une histoire de sci-fi ma foi bien trouvé, ainsi que d'une progression captivante comportant son lot de surprises, Elysium surprend en arrivant à faire du neuf, pourtant non sans réutiliser habilement quelques clichés à bases de sacrifices, de sauvetages, etc... Habilement glissé de façon à prouver qu'il n'y a pas besoin de se montrer transgressif pour être forcément efficace et laissé un brin de nouveauté glisser son nez. On pourra de plus admirer combien le contexte du film est bien conçu et mis en scène: on comprend aisément le fonctionnement du background, les idéologies qui s'y disputent, la technologie mise en oeuvre et les causes plus ou moins altruistes des diverses personnages; d'ailleurs, chapeau à celui qui a eu l'idée de nous épargner un salvateur plein de bon sentiment, même s'il est vrai que le musclé qui fait se retrouve impliqué dans une grande cause en défendant ses intérêts personnels n'est plus un nouvel arrivant parmi les stéréotypes du genre.
Les personnages sont assez bien dessinés: ils sont sobres et efficaces, même s'il pourrait être aisé pour qui aime à jubiler sur la justesse ds portraits des grandes figures d'un métrage, de se plaindre de leur manque de profondeur; mais Elysium est un film qui a son rythme, qu'il ne faut pas casser, et les acteurs arrivent à nous donner ce qu'il manque à notre esprit pour travailler le reste; mention spécial à Wagner Moura, incarnant le charismatique et sémillant Spider, ou encore à Jodie Foster, bien campée en ministre de la Défense fanatique, ce qu'elle fait sans que ce soit too-much. On pourra reprocher à certains d'être un peu trop figuratifs ou caricaturaux, mais ne serait-ce pas se gâcher le plaisir facile, sinon coupable, de s'extasier devant les excès de Sharlto Copley?
Si l'ost, sans être formidable, sait être agréable et remplit bien sa fonction d'éviter au silence de massacrer les oreilles du spectateur réclamant à grand cri son show son et lumière, si les effets spéciaux, classiques et bien rendus sans plus particulier, force est d'admettre que la caméra m'a laissé sceptique... Il y a bien quelques scènes, concentré massif d'action et de violence, qui m'ont paru justifier un cadrage particulièrement mobile, mais je me suis souvent demandé pourquoi on voulait à ce point me faire gerber mon maigre repas étudiant; c'est vrai, quoi, ça bouge de partout, et pas toujours de façon justifié! Autant certains plans, sans casser trois pattes à un canard, sont réussis (on a quelques très bon panoramas, tout de même), autant parfois, ça devient n'importe quoi. Il n'y a pas besoin de jeter la caméra sur un trampoline pour donner l'impression que le film est dynamique, hein?
C'est dommage, parce que c'est justement le genre de chose qui m'agace; j'ai pas de vraies connaissances en cadrage, je me contente de trouver certains films très beau dans leur scénographie, et là, on oscille entre le très bon et le ridicule. Un trop grand fossé entre la qualité des scènes suffit à me faire grincer des dents.
Donc au final, qu'en-dire? Le film est une réussite. Du moins dans son objectif de proposer un bon compromis entre sci-fi pop corn à grands coups de combats épiques et d'effets spéciaux, et de sci-fi profonde et philosophique. On ne joue ni tout à fait sur le blockbuster, puisqu'on laisse au spectateur un background bien monté, ni au chef d'oeuvre de réflexion, puisqu'on prend le parti d'un rythme explosif bien typé action. De l'originalité mais pas trop, de l'efficacité sans trop d'éclats et une morale qui nous épargne la guimauve, je pense pouvoir affirmer avoir vu un bon film à défaut d'un chef-d’œuvre !