Je profite du bide monumental provoqué par le dernier chapitre pour embrayer sur la première partie du suivant (qui fait tout de même 4,5 pages Works ).
Pas de comm'= pas de réponses à donner, donc pas de blabla cette fois-ci, place à la lecture.___________________
Chapitre 14 : Mon nom est Zackary, je suis magicien. (Première Partie)
"Samyël,
si tu lis ces mots, c'est que je suis mort, où que l'on m'a emmené. Quoi qu'il en soit, voici ma dernière volonté:
Oublie nous.
Cela vaudra mieux pour toi, comme pour tous les autres. C'est mon dernier ordre, en tant que ton maître. Je sais que nous n'étions plus en très bons termes, après l'incident de la semaine dernière. Je veux que tu saches que j'en suis désolé. J'aurais voulu m'excuser, trouver ton pardon, mais ma foutue fierté m'en a empêché. Tous les mages sont comme cela, têtus et trop fiers. Ne devient pas comme nous autres. Quoi qu'il en soit, l'encre de mes mots m'aidera à exprimer ce que j'ai toujours voulu te dire depuis ce fameux jour, il y a six ans. Alors je le fais aujourd'hui. C'est peu être lâche, mais je m'en fiche, ça n'a plus d'importance désormais.
Pardonne-moi, pour tout.
J'ai essayé de prendre la relève de ton grand père au mieux de ce que je pouvais. J'espère avoir réussi, en partie du moins. Je ne sais pas si Erika et Erik auront disparus lorsque tu recevras cette lettre; cela me fait une drôle d'impression décrire cela, alors que je les regarde dormir, juste derrière moi; mais si cela devait arriver, j'aimerais que tu ériges une stèle à leur mémoire. Pas pour moi, je n'en mérite pas. Je suis probablement déjà parti en Enfer. J'ai fais beaucoup de choses dans ma vie, et j'en regrette plus de la moitié. J'aurais aimé te raconter mon histoire, même si elle n'est pas toute rose, mais quelqu'un d'autre devra s'en charger à ma place." L'aube rougeoyante nimbait son visage d'ombres vermeilles, et faisaient flamboyer ses cheveux. Une douce brise parcourait Solanéa en murmurant doucement, veillant sur l'île qui s'éveillait petit à petit. Quelques oiseaux matinaux commençaient déjà leurs vocalises, à l'ombre bienveillante des vieux sapins, qui écoutaient attentivement, leurs racines aussi vieilles que le Continent lui même vibrant d'un plaisir lyrique.
Un papillon se posa sur sa main, et il le regarda un instant. C'était un bel insecte, avec de magnifiques ailes jaunes et blanches. Le lépidoptère remua un instant, puis reprit son envol, planant dans le vent en pilote aguerri.
Il observa son balai aérien un moment, puis reporta son attention vers le lointain, son regard englobant la totalité de cette vieille île si chère à son coeur. Il apercevait au loin les fumées blanches des fours à pains, qui montaient en panaches virevoltants dans l'air du matin. A Gontarion, l'activité avait déjà commencé, et des hommes s'affairaient à charger et décharger des bateaux, à réparer une voile, un trou dans une coque. Insouciants et souriants à la vie. A l'est, l'Océan se parait de couleurs chaudes et miroitantes, baignant l'horizon d'un halo flamboyant.
"Il y a beaucoup de choses que je n'ai pas pu t'enseigner. Mais d'autres le feront à ma place. Du moins, si l'étude des Arts t'intéresse toujours. La Citadelle Blanche, à Arendia, t'accueillera et te protégera. La magie ne doit pas disparaître; et en tant qu'un des derniers pratiquants, tu te dois de transmettre ton savoir aux générations suivantes. L'Archimage et les Maîtres Mages te formeront; j'ai confiance en toi, tu deviendras un grand mage.
N'écoute pas ce que les faibles d'esprits pourront te dire. Les Arts ne sont pas un des outils du Mal. C'est une force bénéfique, qui doit aider le peuple, et non le détruire. A cause de ton pouvoir, les gens te craindront sûrement. N'emploie pas tes sorts pour leur donner raison. N'emploie pas ta magie à faire le mal, à détruire ou à blesser. Utilise la plutôt, pour aider les personnes autour de toi, fais en une alliée de la Justice et du Bien. C'est un don des dieux. Pas une malédiction.
Malheureusement, nous vivons une époque où être magicien est synonyme de mort. Ne montre jamais tes pouvoirs lorsque cela n'est pas strictement nécessaire, et dans tous les cas, ne les utilise jamais contre quelqu'un. Cela influencerait d'avantage l'opinion publique.
Si tu décides de garder les livres que je t'ai offerts, sois prudents, ne les montre à personne en qui tu n'as pas une confiance absolue. Ou sinon, brûle les. Sauf le carnet. Non, le feu ne lui fera rien. Ses maléfices sont insensibles à la morsure du brasier. Enterre le plutôt, ou jette le dans l'Océan. Je ne suis plus là pour te guider, mais, surtout, quoi qu'il advienne, ne l'ouvre plus tant que tu n'auras pas les connaissances nécessaires pour le manier sans risques."Samyël se leva, et passa son sac en bandoulière, et son arc et son carquois par dessus. Son épée pendait fièrement à son côté, battant ses hanches au rythme de sa marche. Il inspira une longue goulée d'air frais en fermant les yeux.
"Dieux, comme cette île va me manquer", réalisa-t-il soudainement.
Il rouvrit les paupières et se retourna. Il balaya l'intérieure de la maison de Rirjk une dernière fois, puis il referma la porte, tout doucement, avant de la sceller par un mot de pouvoir. Il y eu un léger déclique, et Samyël eu l'impression qu'une page de sa vie venait de se tourner, alors que se fermait cette porte.
Plus de larmes; plus de regrets; plus de chagrin. Seulement de la détermination, et l'envie de vivre. De vivre pleinement, d'en profiter.
La veille, il avait enterré les ouvrages de magie dans le petit potager que Rirjk aimait entretenir. Il n'avait pas pu se résoudre à les jeter en pâture au feu. Il avait du respect pour ces reliques d'un passé glorieux et oublié.
Il avait conservé le carnet. Enveloppé dans un linge épais et fourré au fond du sac. Mais même ainsi, il sentait les émanations démoniaques qui s'en dégageaient. Samyël avait pris le minimum, quelques affaires de rechange, ses bottes, un peu de nourriture, l'argent laissé par Rirjk et une couverture.
"Les gens qui m'ont emmené, ou tué, sont les mêmes que ceux qui ont tué ton grand père; même si tu as certainement dû t'en rendre compte. N'en conçoit pas de haine. La haine obscurcie la raison, et rend un homme malheureux. Je comprends que tu puisses êtres furieux peut être même désespéré. Mais ne cherche pas à te venger, car la vengeance entraîne la vengeance, c'est un cercle sans fin. Mais si jamais tu le souhaitais vraiment -et je ne pourrais t'en blâmer-, ne te venge pas pour moi, mais fais le plutôt pour Erika et mon fils, ainsi que ton grand père.
Ton grand père... C'était un grand homme. Maintenant que je ne puis craindre ton regard, j'ai envie de me libérer d'un fardeau qui pèse sur mon coeur et mon esprit depuis six ans. Ce jour, ils n'étaient pas venus pour Henry. Ils étaient venus pour moi, et moi seul. Ton grand père s'est sacrifié afin de me sauver la vie, et par la même celle de ma femme et de notre enfant.
J'espère que tu me pardonneras. Sincèrement.
Je vais clore cette lettre ici. Tu dois sans doutes te poser moult questions. Et je souhaite que tu en trouves les réponses.
J'ai dissimulé tout l'argent que j'ai pu amasser au cour de ses six dernières année, ainsi qu'une lettre de recommandation pour l'Archimage dans le creux du vieux pin, près de la marre.
Je t'ai aimé comme un fils, au même titre qu'Erik. J'aurais voulu que tu m'appelles "père", même si ça peut paraître égoïste. Je m'en fiche. Je suis enfin libéré de mes tourments. Je peux mourir en paix à présent.
A jamais,
Rirjk"-Je pars Grand Père.
Samyël posa sa main sur la pierre tombale qui se dressait face à l'immensité de l'océan.
-Oui, je pars. Je quitte l'île, je vais sur le Continent. Comme toi, lorsque tu étais jeune. Tu m'as dis un jour que ton histoire serait la seule que je n'entendrais jamais. Tu te trompais. Je la trouverais. Oui, je la trouverais. Et j'écrirais une geste en ton honneur. Même si cela ne te plait pas.
Il rit doucement.
-Tu vas me manquer, Grand Père. Je ne sais pas quand je pourrais venir te voir à nouveau. Mais je le ferais. C'est une promesse. Ce n'est pas un adieu, juste un au revoir. Je vais écrire mon histoire sur les pages du livre qu'on appelle Destiné. Et je te la raconterais. Celle-là, tu ne la connais pas, hein? (Un sourire) Je deviendrais un grand mage, et je protégerais tout les autres... Non, c'est faux. Je sais que je ne le peux pas. C'est un rêve. Mais c'est si bon de rêver; je crois que c'est la plus belle chose que tu m'aies enseigné... Merci. Et au revoir.
Samyël fit glisser ses doigt le long de la pierre lisse en une ultime caresse. Sa gorge se serra mais il ne pleura pas. Il se l'était promis.
A quelques centimètres à droite de la tombe d'Henry s'élevait un petit cairn de pierre solitaire, fait de pierres empilées. Samyël mit un genoux en terre face à lui, et adressa une prière silencieuse aux dieux, afin qu'ils veillent sur Erika et Erik durant leur voyage dans l'au delà.
Puis il se releva, remonta la bretelle de son sac sur l'épaule afin que celle-ci ne le gène pas, prit une grande inspiration et enfin s'engagea sur le sentier, qui le conduirait jusqu'à Gontarion, puis de là, sur le Continent. Il marchait d'un pas sûr et brave. Il ne regarda pas une seule fois en arrière. Il n'avait pas le temps pour avoir des regrets ou du chagrin. Il avait un but, il l'accomplirait. Ses pas le menèrent tout d'abords devant la ferme de la famille de Bill. Le jeune homme était assis sur sa souche, et mangeait un quignon de pain. Lorsque Samyël s'arrêta devant lui, il releva la tête, et tendit sa nourriture vers son ami.
-Tiens, j'ai plus faim... T'as du courage. Partir pour le Continent... D'après ce qu'on raconte, c'est l'Enfer. Mais bon, si c'est ce que tu veux... Bon vent.
Samyël sourit, prit le pain avec reconnaissance et étreignit son ami, avant de reprendre la route, sans un mot. Il traversa pour la dernière fois la Dent d'Ours. Tout le monde dormait encore. C'était sans doute mieux ainsi. Il avait l'impression de s'éclipser comme un voleur. Il se sentait vaguement honteux. Mais le vieux Silex comprendrait. Et puis Rose... Rose était intelligente, elle aussi comprendrait. Une petite vie tranquille et heureuse l'attendait ici, sur l'île du Soleil. Elle se marierait, puis élèverait ses enfants...
Samyël se mordit la lèvre inférieure. Il n'aimait pas penser à cela car ça malmenait sa détermination. Il secoua la tête et se remit en route.
-Comment va-t-il?
La vieille guérisseuse le regarda d'un oeil morne, et haussa les épaules. Elle s'écarta de lui et sortie dehors, afin d'aller remplir sa bassine d'eau au puit.
Samyël s'approcha d'un pas hésitant du lit où gisait le pauvre Lex. Il se dandinait d'un pied sur l'autre, ne sachant trop que dire. C'était de sa faute s'il était dans cet état là, après tout...
-Lex? Tu... Tu m'entends?
Le pauvre homme respirait difficilement, une respiration sifflante et irrégulière. Il ne semblait pas s'apercevoir de la présence de Samyël
-Je... Je voulais m'excuser pour ce qui s'est passé. Je regrette sincèrement... Je voulais aussi te remercier. Pour tout ce que tu as fait pour moi. Je vais faire ce que me conseille Rirjk. Je vais aller sur le Continent; et je deviendrais un grand Mage. Je te le jure!
Le silence qui s'installa, à peine troublé par les mouvements respiratoire de Lex, mit Samyël mal à l'aise.
-Je... Je vais te laisser, tu as besoin de repos. Adieu.
Samyël n'en était pas sûr, mais, en se retournant, il avait cru apercevoir un léger sourire sur les lèvres boursouflées de Lex.
Rongé par le remord pour ce qu'il avait infligé au vieil homme, Samyël sortit.
Lex mourut trois jours plus tard de ses blessures.
Une boule se forma dans la gorge de Samyël, et ses entrailles se nouèrent. Face à lui s'étendait l'infinité du Continent, sombre, angoissant, perdu dans les brumes, et pourtant, il ne se trouvait qu'à quelques kilomètres de sa position. Il se remémora toutes les histoires qu'il avait entendues sur ce sujet, souvent funestes et terrifiantes, et la peur qu'il inspirait à son Grand Père...
Samyël secoua la tête pour chasser ces sombres pensées. Il avait pris sa décision, c'est là qu'il se rendait. Il se fit soudainement la réflexion qu'il n'avait encore jamais été aussi loin de son village. Il se retourna, et admira quelque chose qu'il n'avait encore jamais vu, Solanéa s'élevant face à lui, et non s'abaissant pour lui délivrer une vue d'ensemble de l'île. Il leva le point vers les hauteurs, dans un geste symbolique.
Puis il pénétra dans Gontarion.
Ses premières impressions furent déception et émerveillement.
Déception, car le port n'était pas aussi grand que ce qu'il s'imaginait. Certes il faisait près du quadruple de la Dent mais une fois dedans, on se rendait vite compte que ce n'était pas si important que ça.
Émerveillement aussi, car malgré cela, c'était un endroit bondé de gens, de bruit, d'odeurs d'iode, d'alcool, d'épices, du cri des mouettes et de la mer.
Samyël se faisait bousculer, écarter, piétiner parfois, mais il s'en fichait. Il était grisé par la foule, et même dans ses rêves les plus fous il n'avait jamais imaginé autant de gens réunis au même endroit.
"Et je ne suis même pas sur le Continent!", pensa-t-il avec un frisson d'excitation.
Mais sa joie fut rapidement douchée lorsque deux hommes en armes, portant des tabards rouges s'approchèrent de lui et le saisirent par les épaules.
-C'est lui?, fit le plus petit, un homme d'un certain âge portant une petite moustache gominée.
-Aucun doute, répondit l'autre, les cheveux rouges et les yeux verts. Comme il a dit.
-Mais lâchez moi!, s'exclama l'apprenti magicien en se débattant. Qui êtes vous, qu'est-ce que vous me voulez?
Ses "agresseurs" le soulevèrent du sol et commencèrent à marcher vers la sortie du port, parallèlement à la mer. Ils avançaient d'un pas tranquille et lent, comme si rien ne les pressait.
-Le seigneur Expédition désirerait vous parler, c'est pourquoi vous êtes invité dans sa demeure.
-Expédition? Qui est-ce? Je ne le connais pas!
-Certes. Il est vrai que vous venez de loin, si je puis dire. N"ayez aucune crainte, il ne vous veut aucun mal. Il souhaite juste discuter.
-Dans ce cas lâchez moi! Je crois que je suis encore capable de faire aller mes jambes moi même!
-Mille excuses.
Les deux soldats le lâchèrent et ce fut donc sous escorte que Samyël se rendit au manoir Expédition, une bâtisse de pierre, la seule de l'île, haute de deux étages mais de superficie moyenne, située un peu à l'écart de Gontarion, sur une petite colline surplombant la Mer.
-Je... Je ne savais pas que des demeures en pierre existaient. Et puis elle est si grande..., souffla Samyël avec un air admiratif.
-Vous vous y habituerais, j'en suis sûr, répondit le vieux soldat.
Ce dernier s'avança et frappa deux coups à la lourde porte de bois massif. Ils attendirent quelques instants, puis elle s'ouvrit en grand, révélant un vieil homme qui semblait les attendre sur le pas de la porte.
-Marco, ce jeune garçon est la personne que sa Seigneurerie attend.
Le dénommé Marco posa ses yeux d'aigle sur Samyël, qui le jugèrent sur place, l'examinant, le détaillant, ce qui gêna profondément le jeune homme, car en comparaison avec le luxe des habits de Marco, il semblait sortir d'un ravin crotté. Cependant, le majordome plissa le nez, mais s'écarta pour les laisser entrer. Le deuxième soldat fit signe à Samyël d'avancer, ce qu'il fit assez timidement. Ils se trouvaient dans un petit hall, sobrement mais habilement décoré de tapisseries, de portraits et de fleurs.
-Venez, fit Marco avec un claquement sec de la langue, je vous montre le chemin.
Samyël acquiesça et s'engagea à la suite du serviteur. Ils grimpèrent un escalier qui s'enroulait doucement sur lui même, franchirent deux couloirs puis Marco s'arrêta devant une porte dénuée d'ornement. Il frappa doucement.
-Qu'y a-t-il?, répondit une voix lourde et profonde de l'autre côté du battant.
-Il est là, mon Seigneur.
-Parfait, faites le entrer, et laissez nous.
Marco fit un petit signe de tête vers Samyël et ouvrit la porte. L'apprenti magicien s'avança dans la pièce, un petit cabinet meublé avec goût, et avec, sur le mur de droite, une large fenêtre donnant sur la mer qui laissait entrer un flot de soleil.
Un homme, qui semblait avoir la trentaine, mais dont la sagesse qui brillait dans son regard donnait beaucoup plus, était assis face à lui, derrière un bureau en bois. Il rédigeait une lettre, des lorgnons sur les yeux. Lorsqu'il l'eu finit, il se relut puis plia le parchemin avant de le sceller en y appliquant son sceau -Un Lion. Puis il se laissa aller en arrière sur son siège, en jouant avec sa moustache.
-Tu es Samyël n'est-ce pas?
-Que... Comment connaissez vous mon nom?
L'homme se leva, puis se dirigea vers la fenêtre.
-Rirjk m'a beaucoup parlé de toi.
-Mon maître? Vous connaissiez mon maître?
-Oui. Il soignait ma maisonnée, mais c'était avant tout un ami. Je suis désolé pour ce qui est arrivé...
Samyël baissa les yeux, préférant ne pas ressasser ces souvenirs encore trop vifs en lui. Quand il les releva, il remarqua que son interlocuteur serrait les poings fortement.
-Je n'ai rien pu faire. Ils étaient trop nombreux...
-De... De quoi parlez-vous?
-Ces hommes... Ces démons, ils étaient au courant pour Rirjk. Je ne sais pas comment ils ont appris qu'il était toujours en vie. Ils ont débarqué ici un beau matin. Ils m'ont demandé où il vivait.
-Et vous... vous le leur avait dit?, murmura Samyël, abasourdi.
-Oui. Je n'avais pas le choix. Ils étaient environ trois cents, armés et bien entraînés. Résister n'aurait servi à rien si ce n'est faire couler plus de sang que nécessaire. J'ai n'ai pu obtenir d'eux que deux choses, qu'ils accomplissent leur besogne vite, discrètement, et loin de mon île.
-Vous... Vous l'avez vendu!, s'exclama le jeune garçon en serrant les poings à son tour, de colère.
Le seigneur Expédition se tourna vers lui.
-Crois ce que tu veux. J'ai fait ce qu'il fallait, j'ai fait ce qu'il aurait voulu que je fasse. Et tu le sais tout aussi bien que moi. Trois vies ont été prises, beaucoup plus auraient pu connaître le même sort si j'avais tenté de résister. Mais je ne t'ai pas fait venir pour parler de ce tragique événement.
Il retourna s'asseoir derrière son bureau et posa ses lorgnons.
-Je suppose qu'à présent tu vas partir pour le Continent?
Samyël tremblait; mais il n'aurait su dire si c'était de rage, de dépit ou de tristesse. Il ne voulait pas parler, mais quelque chose dans l'attitude de cet homme l'y incitait.
-Oui, c'est exact.
-Bien, je ne te retiendrais pas. Je te comprends, je crois que j'aurais fait pareil si je m'étais retrouvé à ta place. Que vas-tu faire?
-Je... Je me rends à la Citadelle Blanche, pour poursuivre mes études de magie.
-Rirjk avait de bons espoirs pour toi. Il disait que tu serais sûrement amené à jouer un rôle déterminant dans la guerre qui déchire le Continent.
-Pourquoi disait-il cela?
-Je ne sais pas. Personnellement, je ne te le souhaite pas. La guerre est quelque chose d'horrible, et je parle d'expérience. Elle ne devrait pas exister. Surtout, tu devras te montrer très prudent. Tu es probablement le dernier possesseur de magie en dehors de la Citadelle. Si cela venait à se savoir, sois certain que tu aurais le monde entier à tes trousses, tant que tu n'auras pas atteint Arendia.
-Je sais tout cela.
-Fort bien, cela nous fera gagner du temps. Rirjk disait que l'un de tes rêves était de devenir chevalier à la cour.
Samyël baissa les yeux de nouveau, ne sachant trop sur quel pied danser.
-A vrai dire, je ne sais plus. Je ne sais plus où j'en suis.
-Je vois..., répondit Ferdinand en se caressant la moustache. Quoi qu'il en soit, si tu devait être amené à rencontrer le Roi, remet lui ceci de ma part.
Le Roi de Solanéa prit alors la lettre qu'il rédigeait quelques instants plus tôt et la tendit vers Samyël. Ce dernier s'en saisit avec révérence, et la plaça délicatement dans son sac.
-Tu as une belle épée.
-Merci.
-Sais-tu t'en servir?
-Malheureusement non.
-Dans ce cas tu devrais apprendre. Parfois, une bonne lame est plus efficace qu'un tour de magie, crois moi.
-Je suivrais votre conseil.
Ferdinand sourit, la première fois depuis qu'ils discutaient.
-Le bateau pour le Continent ne va pas tarder à partir. Tu devrais te dépêcher. En sortant, Marco te remettra une bourse qui contient de quoi payer ton passage. Garde le reste, il te serra utile plus tard. Non, pas besoin de me remercier. C'est un minimum pour réparer ma faute.
Ferdinand se leva alors de son siège, et s'inclina légèrement en avant.
-Jeune Maître Samyël, ce fut un plaisir de vous rencontrer. Je caresse l'idée que lors de notre prochaine rencontre, nous parlerons d'égale à égale.
Samyël fit la révérence, mais ne comprit pas le sens des dernières paroles du seigneur Expédition Il s'apprêtait à sortir de la pièce lorsque Ferdinand le rappela.
-Il y a une dernière chose que je dois te dire. L'homme qui a tué ton grand père, ainsi que Rirjk et sa famille... Il s'appelle Eratius.
"Eratius"Ce nom se grava en lettres capitales rouges dans l'esprit de Samyël. Une lueur étrange passa dans son regard, mais il ne se retourna pas et quitta la salle en fermant derrière lui.
Marco l'attendait effectivement, un plateau d'argent dans les mains où reposait une petite bourse de cuir.
-Si monsieur veut se donner la peine...
Le jeune homme s'empara de la bourse, salua le vieux majordome d'un signe de tête, puis s'engagea dans l'escalier et sortit du manoir.