Yorick et Krystal restèrent assis, côte à côté, sur le tronc d'arbre couché qui leur avait servi de banc, regardant ensemble l'étrange spectacle qui se déroulait sous leurs yeux. Voir une horde de bokoblins débouler dans leur camp, d'accord, c'était assez commun par les temps qui court. Mais en voir un, de surplus celui qu'elle avait assommé plus tôt dans la journée, voler à leur secours et enflammer ses congénères pour les faire fuir, c'était du jamais vu. Mais alors jamais.
Ils demeurèrent silencieux, et immobiles, observant le fameux bokoblin se précipiter vers sa marmite, puis se tourner vers eux, l'air concerné. Il s'avança de quelques pas dans leur direction, et Krystal entendit distinctement le "Oh merde" que lâcha Yorick à sa gauche quand le monstre se planta devant eux.
— Linkondo : Et vous, tout va bien ?
Ils ne répondirent pas, trop choqués de rencontrer un bokoblin qui savait parler, et, aussi, qui ne les attaquait pas. Ce dernier, bien loin de s'en formaliser, continua de monologuer. Mais, encore sous le choc, les deux compères n'assimilèrent pas un seul mot de ce qu'il baragouinait.
— Linkondo : ... Et puis, ils sont partis, avec mon Chutney, c'est décevant, il était si bon, mais tout va bien, j'ai retrouvé mon wok ! D'ailleurs, il est en bon état ? Vu le coup qu'on m'a donné, j'ai peur qu'il soit cabossé, attendez...
Le bokoblin s'approcha du feu et examina l'ustensile, le soulevant précautionneusement. Toujours silencieuse, Krystal se leva discrètement, attrapa la branche la plus grosse qu'ils avaient ramassé pour le feu et, d'un coup sec... assomma le monstre qui tomba à la renverse, inconscient. Yorick sauta sur ses pieds et la rejoignit, observant le bokoblin allongé au sol, dans les vapes. Il ne se passa que quelques secondes avant qu'il ne réalise.
— Yorick : ... Mais t'es cinglée !
— Krystal : Et tu voulais que je fasse quoi, hein ? S'il nous a sauvé, c'est pour nous avoir pour lui tout seul ! J'allais pas rester assise là tranquillement pendant qu'il préparait son wok pour nous bouffer !
— Yorick : Oui mais... Attends, son wok ? Comment ça, SON wok ?
— Krystal : Euh...
— Yorick : Ne me dis pas, ne me DIS PAS, que c'est à ce bokoblin que tu as chouré ce wok !
— Krystal : Euh, oui, non... Peut-être. Mais le camp était vide quand je suis arrivée, et tu faisais ta sieste sur les silex. Et il est arrivé, alors j'ai paniqué et je l'ai assommé.
— Yorick : Tu m'étonnes qu'il soit à nos trousses. Tu l'as assommé et tu lui a volé son wok. Tu lui as VOLÉ son WOK !
— Krystal : OUAIS MAIS BON, les temps sont durs ! On démarre notre entreprise, y avait un wok sans surveillance, on en avait besoin alors je me suis servie ! C'est pas ma faute s'il est revenu entre-temps.
— Yorick : T'es pas possible...
Il se frotta le visage, consterné, tandis que sa compère jetait sa branche d'arbre dans le feu qui commençait à faiblir. Il posa le regard sur le bokoblin, toujours inconscient à terre. Il se mit à réfléchir, se demandant ce qu'ils allaient faire de ce monstre. Krystal, de son côté, commençait déjà à retirer le wok du feu afin qu'il refroidisse, dans l'optique d'un départ prochain. Parce que la horde qui les avait attaquée pouvait toujours revenir leur botter les fesses, pour se venger. Il fallait qu'ils bougent de coin. Ou pas. Après tout, au vu de la raclée qu'ils s'étaient prise, ils ne risquaient certainement pas de revenir de sitôt.
Mais il restait le bokoblin.
— Yorick : Qu'est-ce qu'on va faire de lui ?
Krystal releva la tête et lui jeta un coup d'oeil ennuyé, comme si la réponse coulait de source.
— Krystal : On l'attache et on se barre d'ici.
— Yorick : T'es sérieuse ? Il nous a sauvé la vie !
— Krystal : J'ai pas confiance.
— Yorick : Attachons-le et attendons qu'il se réveille. Il a quand même droit au doute. En plus, il parlait...
— Krystal : ... Je sais pas si c'est une bonne idée.
— Yorick : Sans lui, on serait pas là, donc, on attend qu'il se réveille et on avisera.
Devant le ton ferme de son compagnon, Krystal soupira et s'assit dans l'herbe, vaincue. Elle croisa les bras et s'adossa contre le tronc d'arbre, mécontente.
— Krystal : Ok, mais je garde le wok.
Devant l'air boudeur de la jeune fille, Yorick laissa échapper un petit rire et entreprit de fabriquer une corde à l'aide des hautes herbes aux alentours. Après tout, avec le coup de wok que Krystal avait mis au pauvre bokoblin, il ne risquait pas de se réveiller avant bien longtemps.
Après quelques heures et un repas qui valut à Yorick une critique, suivie d'une dispute, d'une bagarre de gamin, d'un moment de boudage, de réconciliation et de rires, le bokoblin remua et revint à lui, patraque. Il se redressa et, avec panique, se rendit compte qu'il était saucissonné. C'est alors que Krystal alla s'agenouiller devant lui, créant un contact visuel des plus perturbants.
— Krystal : Bien, on va parler, toi et moi.