Krystal mâchait un morceau de pommes au four, délicieuses au passage, près d'un feu de bois préparé pour cette occasion, tout en ressassant les derniers événements qui les avait conduit dans cette petite maison en ruine. La nuit était tombée depuis longtemps, et la journée avait été très très longue.
Elle savait qu'amener ce bokoblin dans un village était une mauvaise idée. Mais elle avait besoin de vivres, et elle n'avait pas pu se résoudre à le laisser seul. Déjà parce qu'elle savait pertinemment qu'il se serait échappé, et franchement, savoir un monstre à ses trousses, non merci, et puis, en le prenant avec elle, elle avait dû promettre à Yorick de ne pas faire n'importe quoi avec. "Ne le laisse pas sans surveillance, il pourrait être blessé. Et n'oublie pas de lui donner à boire et de faire des pauses, ce n'est pas un toutou qu'on promène". Une vraie mère poule qui donne ses instructions à un enfant. Et cela incluait le fait de l'attacher à un arbre pour aller tranquillement faire ses courses. Ce qu'elle aurait dû faire en définitive.
Il y avait eu l'incident dans la rue, où cet imbécile n'avait pas pu tenir sa langue, puis à l'épicerie, où elle avait rencontré un piaf des plus atypique qui avait assommé son prisonnier. Mais là n'était pas la plus grosse surprise qu'elle avait eu cette après-midi.
Krystal jeta un coup d'oeil furtif à la personne assise à quelques mètres d'elle, et qu'elle connaissait très bien. Jielash. Elle avait été tellement étonnée de sa présence qu'elle avait été incapable d'articuler le moindre mot pendant une minute entière. Elle qui a pourtant la réplique facile. Ce furent les cris de panique des autochtones qui l'avaient tiré de sa rêverie, et qui l'avaient fait courir. Et depuis qu'ils s'étaient réfugié dans cette maison abandonnée, elle n'avait cessé de réfléchir. Comment Jielash s'était-elle retrouvé à arpenter le monde, et surtout, depuis quand ? La dernière fois qu'elle avait vu, elle dormait encore à poings fermés au...
L'ancienne barman secoua la tête. Non. Ce n'était pas le moment de penser au Café, surtout après ce qu'il s'était passé là-bas. Un frisson la parcourut quand elle sentit le regard de la jeune femme sur elle. Savait-elle ? Valait mieux ne pas en parler.
— Krystal : Et donc, vous vous êtes rencontrés comment ?
Faire diversion.
— Chompir : Je l'ai survolée quand elle déposait une offrande à d'anciennes statues. Je suis descendu discuter et on s'est mis d'accord pour faire route ensemble.
Diversion réussie.
— Krystal : Je vois.
— Chompir : Elle avait peur d'être maudite parce qu'elle avait volé l'ancienne offrande.
Krystal lâcha un petit rire nerveux et lança un regard amusé à Jielash, qui se tortillait, gênée.
— Krystal : That's my girl.
— Jielash : Et toi, Krystal, qu'est-ce que tu deviens ?
— Krystal : Oh, la routine, tu sais. Je vole des trucs, je capture des bokoblins, je les promène. Rien d'inhabituel.
— Chompir : En parlant de bokoblin...
En effet, le monstre s'était redressé et assit, l'air hagard. Il regarda autour de lui, encore dans les vapes, avant de regarder une à une chaque personne présente autour de lui. Il mis une paire de minutes avant de percuter.
— Linkondo : Kesskicépassé ?
— Chompir : WOAH MAIS IL PAAARLE !
— Krystal : Ouais, et c'est pas une bénédiction, crois-moi.
— Linkondo : Ma têêêête... On m'a encore assommé ?
— Krystal : Yep.
— Linkondo : C'est la troisième fois cette semaine, mon crâne va finir par ne pas s'en remettre... Mais attends ! Ah c'est bon, mon wok est là.
— Jielash : Son wok ? Me dit pas que t'as été jusqu'à voler un bokoblin, Krystal.
— Krystal : Et pourtant, si j'avais su...
— Jielash : Tu n'as donc pas de limites. Déjà à l'époque.
Krystal tiqua. A l'époque du Café. Elle ne préféra pas souligner. D'ailleurs, Jielash non plus ne semblait pas vouloir s'étendre sur le sujet, c'était une bonne chose. Elle ne préférait pas aborder le sujet, plutôt l'oublier. En parlant d'oublier, l'ex-alcoolique avait la nette impression d'avoir complètement zappé quelque chose d'important. Mais elle n'arrivait pas à remettre le doigt dessus.
— Chompir : Doooonc, tu as volé le bokoblin...
— Linkondo : Linkondo.
— Chompir : Chompir, enchanté.
— Jielash : Moi c'est Jielash.
— Chompir : T'as volé Linkondo et tu l'as capturé, mais pourquoi ?
— Krystal : Ca ne s'est pas passé comme ça : je trouvé un campement abandonné, le sien, et j'en ai profité pour me servir. Son wok en l'occurrence, et quand il est revenu, je l'ai assommé avec.
— Linkondo : Premier traumatisme crânien de la semaine.
— Krystal : Sssh. Il nous a retrouvé un peu après et nous a sauvé d'une horde de bokoblins, des méchants cette fois. Mais bon, vous comprenez, un bokoblin qui parle...
— Linkondo : Deuxième traumatisme.
— Krystal : Voilà. Du coup, on l'a attaché et on a décidé de l'emmener avec nous.
— Jielash : Comment ça, on ?
La question innocente, à n'en pas douter, de Jielash, provoqua un déclic chez Krystal qui se redressa brutalement, retrouvant enfin ce qu'elle cherchait depuis quelques minutes déjà.
— Krystal : Oh merde, Yorick !
Au même moment, à la muraille d'Emilith.
— Yorick : Je vais la tuer.