Les trois déesses, illuminées d’un halo qui soulevait leurs drapés dans des gracieuses courbes, se penchèrent sur leurs jeunes invités. Din, de sa voix forte, ordonna alors aux imprudents de se redresser. Ils s’exécutèrent, le visage fermé, sans doute inquiets sur le sort qui leur était réservé. Face aux fondatrices d’un royaume prospère qu’était Hyrule, ils n’étaient que des grains de poussière que l’on pouvait simplement écraser d’un coup rêche, à l’image du peuple de la vérité que l’on avait décimé sous les yeux des Grandes Protectrices qui, lors de la Guerre d’Unification, n’avaient été que des spectatrices omnipotentes.
La Protectrice de Ganondorf Dragmire écarta ses bras enflammés, allumant ainsi les flambeaux accrochés aux piliers de marbre. À la vue des flammes qui menaçaient à tout instant de les engloutir, les Pziens eurent un léger sursaut, aux aguets. Par pur instinct, leurs mains virent se crisper non loin de leur arme en un automatisme, en vue d’une éventuelle attaque. Ils reculèrent de quelques pas lorsqu’ils sentirent l’eau de la déesse Nayru atteindre les semelles de leurs bottes. Alors c’était donc ça ? Ils allaient périr de la main des Déesses d’Hyrule ?
« N’ayez crainte, jeunes Pziens. Notre but n’est point de vous occire. S’éleva la voix de Farore »
À sa voix douce comme une brise d’été, la Protectrice des Héros de tous les âges réussit à soulager les jeunes gens qui éloignèrent leurs mains gantées de leur arme. La Déesse du Courage vêtue de vert, sentant que ses jeunes invités étaient enfin enclins à écouter son récit, continua à parler, d’une voix plus ferme cette fois-ci.
« L’imprudence causée par votre jeunesse n’est pas sans conséquence. En agissant si inconsciemment, vous avez mis la paix du Royaume d’Hyrule en péril. »
Les jeunes Pziens échangèrent un regard avant de passer la tête face aux trois déesses, penauds. Parce qu’ils voulaient explorer un peu plus ce royaume qui les avait accueillis, ils compromettaient son avenir. Gaellink serra fortement son poing droit. Si Hyrule était détruit, cela sera de leur faute. Qu’est-ce qui les avaient pris de s’aventurer dans ce cimetière ?
« La force et la fougue ne résolvent pas tout, affirma Nayru, par manque de sagesse, vous avez détruit le sceau qui maintenait l’antre des démons fermée.
- L’antre des démons ? Releva Zelink avant de baisser le regard, se souvenant qu’il n’avait pas été autorisé à parler »
La Déesse de la Force remarqua bien son trouble puis prit la parole comme ses sœurs auparavant.
« C’est un portail menant à la dimension des démons qui menacé Hyrule à travers les âges.
- Il n’y a donc pas un Héros élu des déesses pour contenir ses monstres ? »
C’était Midona-Hylia qui venait de prendre la parole. L’archère Pzienne avait relevé ses yeux jusqu’alors dirigés vers le sol. Ceux-ci se plongeaient dans les yeux clairs de la Déesse Nayru. Les autres Pziens, quant à eux, portèrent leur attention sur leur amie. Elle avait été la seule ayant osé demander aux Déesses ce qu’ils pensaient tous. Nobody, le jeune frère de Gaellink, sentit le rythme de son cœur s’accélérer. Les paroles annoncées en écho par les déesses venaient de lui faire prendre conscience de la gravité de leurs actes. Et si le Héros du Crépuscule ne venait pas en aide au royaume ? Que feraient-ils ensuite avec Gaellink, si Hyrule était ravagée sans aucun Héros pour tous les sauver ? Ils s’exileront dans un nouveau pays, à la recherche d’une nouvelle vie meilleure que les précédentes ?
Le jeune archer tremblait nerveusement de la main gauche, geste perçu par Midona-Hylia. La Pzienne enveloppa discrètement la main de son ami par la sienne, surprenant Nobody qui ne s’attendait pas à cette réaction. Néanmoins, rassuré par le simple soutien que lui procurait la chaleur de l’archère, il décrispa légèrement sa main avant de jeter un regard reconnaissant à Midona-Hylia.
Ganonpow, quant à lui, se contint du mieux qu’il put pour ne pas afficher une grimace sur son visage. À ses yeux, les déesses avaient volontairement omis la question de Midona-Hylia. De toute façon, que pouvaient-elles dire à des réfugiés tels qu’eux ? Que pour une quelque conque raison, le Héros ne pouvait venir sauver le pays comme à chaque fois ? Alors que le Pzien serra des dents, il entendit une respiration beaucoup plus forte que les autres. Le jeune homme tourna alors son visage vers son amie d’enfance 01. Celle-ci demeurait la tête baissée, sa respiration étant irrégulière.
« Fléau des déesses, avance-toi. Clama la voix forte de Din »
L’attention de tous fut concentrée sur Xanto01 qui le remarqua bien assez vite. La jeune femme se releva alors, les bras croisés dans le dos comme si elle était en attente d’un châtiment pour sa faute. Son visage habituellement expressif était désormais fermé et ses lèvres se tordaient en une moue imperceptible. La Pzienne prit une grande inspiration tandis qu’elles faisaient face aux déesses. Qu’allaient-elles lui faire ? La châtier du royaume comme une vulgaire pestiférée ou bien la maudire jusqu’à la fin de ses jours ? Sa gorge se noua à cette funeste idée. Allait-elle finir comme l’Homme qui voyait la vérité, exécutée puis jetée dans un immense gouffre qu’elle hantera jusqu’à la venue d’un Héros ?
Tandis que les déesses tendirent leurs bras vers elle, la Protectrice de la Princesse Zelda parlait de nouveau, de sa voix vibrante. Ses paroles ébranlaient l’être de la jeune épéiste qui essayait vainement de les assimiler.
« Enfant de Pzia, toi qui as été bénie par le Dieu de la Guerre, tu as été choisi afin de préserver la grandeur d’Hyrule. »
Ainsi elle avait été choisie par les déesses pour préserver cette terre et son peuple ? Ah ! Elle, dont l’enfance a été bercé par le culte du Dieu de le Guerre, la voilà maintenant béni par les divinités d’Hyrule ! Seulement était-elle vraiment bénie ?
« Le voyage qui t’attend ne sera pas vierge de tous dangers, continua Farore, puissent nos vertus te guider dans ta quête.
- Tel est le destin de notre fléau, conclut Din »
Dès lors ces paroles prononcées, les contours de la salle où se trouvaient les déesses s’effacèrent pour redonner place à l’architecture austère du sanctuaire. Les jeunes refugiés se révélèrent, encore sonnés par leur rencontre avec les créatrices d’Hyrule. Désarçonnés, ils regagnèrent alors les chambres qu’ils louaient dans l’établissement de Telma, qui en plus de sa taverne, abritait une auberge. Lorsqu’ils arrivèrent dans l’établissement de la matriarche, aucun ne pipa mot et la bonne humeur de la propriétaire n’y changea rien. En voyant leur air maussade la femme éprise du père Reynald n’insista point, laissant ses jeunes pensionnaires emprunter les escaliers pour arriver dans leur chambre. Néanmoins, la femme forte pris la peine de servir des verres à ses protégés, qu’elle posa ensuite sur son comptoir. Du40, qui remarqua cette attention de la gérante, prit alors entre ses mains une tasse brulante qu’il tendit à Xanto01.
« 01, l’appela-t-il d’un ton qu’il se voulait doux
- Non merci, répliqua le fléau des déesses d’un ton sec avant de disparaître à l’étage »
Le jeune blond voulut la rattraper mais une pression sur son épaule gauche se fit s’arrêter. C’était Ganonpow. Le rival de Xanto01 s’avança alors vers l’autre épéiste et annonça d’un ton calme qu’il y allait. Le grand Pzien attrapa ensuite la tasse que tenait toujours Du40 et monta lui aussi à l’étage. Lorsqu’il ouvrit la porte de la chambre de la jeune femme, il la découvrit assise par terre, dos à sa couche et la tête entre les mains. Ganonpow posa la tasse sur un petit guéridon en bois et se précipita vers son amie, s’agenouillant à ses côtés. Le métal de froid contre sa peau mate sembla la sortir de sa léthargie car elle leva les yeux vers Ganonpow.
« Tu vois, commença-t-elle, quand tu disais que j’allais tous nous faire tuer, je crois bien que c’est fait.
- Ne dis pas cela, répliqua de sa voix ferme le Pzien, aucun de nous, excepté les déesses, ne pouvait le savoir.
- Tu penses vraiment ce que tu dis ? Demanda 01 après un court silence
- Si ce n’était pas le cas, je ne le dirais pas. Tu sais comment sont les hommes de ton peuple. »
Cette remarque décrocha un mince sourire à la jeune Pzienne. Ganonpow, quant à lui, passa nerveusement une main sur sa nuque à la base de ses cheveux flamboyants. Toujours accroupi, l’épéiste se laissa également tomber contre le lit de 01, se retrouvant assis en tailleur. Il lui tendit alors la tasse qu’il avait arrachée des mains de Du40 et convainquit de boire en usant de sa voix grave. Son amie d’enfance obtempéra et put quelques gorgées du liquide brulant avant de diriger son regard vers la surface du thé encore fumant.
« Tu sais Ganonpow, commença-t-elle après un silence qui lui parut extrêmement long, j’ai du mal à croire que je suis bénie par notre Dieu. »
Le jeune homme baissa ses yeux vers son amie. S’il avait toujours été plus doué que sa rivale pour les mots, cette fois-ci, le jeune guerrier ne savait que répondre. Alors maladroitement, dans l’espoir d’apaiser son esprit troublé, il retroussa ses manches. Il les retroussa jusqu’aux coudes avant de montrer l’un de ses bras vigoureux, couvert d’encre ébène qui dessinait de nombreux tatouages tribaux. Sur son avant-bras, une cicatrice en forme de croix, d’une netteté impressionnante, comme si l’auteure de cette blessure avait été une lame fine et régulière.
« Cette marque qu’on nous a infligé, alors que nous n’étions que de jeunes enfants, elle est la preuve de notre bénédiction. Crois-moi, si nous n’étions pas des élus de notre Guerrier Divin, nous aurions été bons à garder le bétail au lieu de manier les armes.
- Tu parles comme les anciens, répliqua 01 en soupirant, l’éducation des prêtres t’es montée à la tête.
- Tu l’as reçue également. Tu devrais savoir que, quoiqu’il arrive, nous devons prendre la voie du sang.
- Et préserver la gloire d’Hyrule si le Héros n’est pas là pour le faire ? Répliqua 01 d’un ton plus agressif qu’elle ne l’aurait voulu, très peu pour moi. »
Cette fois-ci, le jeune épéiste ne trouva rien à répliquer. Que pouvait-il dire de toute façon ? Qu’il fallait qu’elle sauve une terre qui n’était pas la leur, sous prétexte que les Déesses le lui avaient ordonné ? Ganonpow ne pouvait décidément lui cracher ça à la figure. Et ça, les deux guerriers originaires du même peuple le savaient. 01 n’était pas comme lui. Contrairement à la force inflexible qu’il s’était forgé en entrant dans le monde de la guerre et des adultes, sa force à elle était beaucoup plus vacillante. Plus instable. L’épéiste voulut faire un geste envers elle, pour lui prouver qu’il serait là, mais se retint à la dernière seconde. Xanto01 n’était pas du genre à raconter ses états d’âmes. Mais il n’allait certainement pas la blâmer pour ce fait ; cette incapacité à montrer aux autres ses troubles était devenue l’un des traits de caractère de leur ethnie. Le regard perdu de 01 rencontra les yeux, rouge sang, de l’autre adolescent.
Alors la maudite, le fléau des déesses se releva après un silence qui sembla durer une éternité et se dirigea vers la porte qui venait au couloir de l’auberge.
« Que comptes-tu faire ? Entendit-elle dans son dos alors qu’elle posait sa main sur la poignée, tu vas fuir parce que le poids des responsabilités est trop lourd à porter ? »
À ces mots, les doigts protégés de la jeune Pzienne se figèrent la poignée ronde de la porte. Elle sentit ses muscles se contracter imperceptiblement et sa main se referma un peu plus sur le métal à la légère dorure grattée à certains endroits. Elle ouvrit légèrement la porte et se glissa dans l’entrebâillement à l’aide de petits pas qui faisaient tinter le métal de ses bottes. L’épéiste, auparavant si sûre d’elle, jeta un dernier vers le guerrier assis, tout en prenant soin de ne pas croiser son regard ardent.
« Je n’ai pas les épaules pour ça, souffla-t-elle »
Ce n’était que lorsqu’il entendit un bruit sourd que le Pzien se précipita dans le couloir. Ganonpow serra des dents en voyant, au bout du couloir qui donnait accès aux diverses chambres, la fenêtre donnant vers l’extérieur grande ouverte. Tandis que ses doigts se fermaient autour du rebord de la fenêtre, le Pzien aux cheveux sombres grogna légèrement, proférant des insultes contre lui-même et contre 01. Évidemment, cette idiote avait craqué et lui, incrédule comme il l’était, n’avait pas tenté de la retenir. Lui qui était venu afin d’apaiser les tourments de son amie, voilà qu’il avait réussi à lui faire prendre peur en lui faisant réaliser l’amère réalité. Ses jointures se blanchirent alors que ses mains se crispaient de plus en plus sur la barre métallique partiellement rouillée. Cette imbécile avait le don de lui faire perdre ses moyens et, par le Guerrier Divin, qu’il redoutait la réaction de ses amis. Qu’allait-il leur dire quand ils verraient que la malchanceuse s’était volatilisé ?
Des bruits dans l’escalier et, Ganonpow fut bientôt rejoint par Gaellink et Du40, qu’il reconnut au son de leurs voix. Les deux épéistes, légèrement haletants à cause de leur grimpée de ces escaliers aux hautes marches de bois, semblaient inquiets.
« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Questionna la grande sœur de Gaellink »
Ganonpow se retourna vers Gaellink et Du40. Le grand jeune homme tourna alors des talons et entreprit de regagner le rez-de-chaussée de l’auberge.
« Elle est partie, annonça simplement Ganonpow, la pression était visiblement trop dure pour elle à supporter.
- C’est tout ce que tu trouves à dire ? Répliqua Du40 »
Le blond l’avait vivement attrapé au niveau de son avant-bras. Les yeux rouges dardèrent le regard bleu du Pzien aux courts cheveux blonds. Si Du40 était de nature posée et ne trouvait guère amusant ou il ne savait quelle idiotie d’user de sa force sur l’un de ses amis, comme semblait si bien le faire 01 et Ganonpow, la façon dont ce dernier avait expliqué la situation actuelle l’irritait. Comment pouvait-il dire cela sur un ton si indifférent alors que leur amie avait disparu ?
Alors qu’il s’apprêtait à prendre la parole, tentant de faire réagir Ganonpow, Nobody et Midona-Hylia firent à leur tour leur apparition dans le couloir exigu. En voyant Du40 qui harponnait fortement Ganonpow, les deux archers se précipitèrent vers leurs autres camarades afin de les séparer.
« Qu’est-ce qui vous prend ? Les réprimanda Midona-Hylia, ça ne va pas de vous emporter de cette façon ? »
Du40 échangea un regard avec la sœur ainée de Nobody, interdits. Midona-Hylia, à l’instar du jeune archer et de Zelink, ignoraient que le fléau des déesses – Gaellink frémit à l’épithète que les Saintes Déesses avaient attribué à son amie – avait pris de façon irrationnelle la fuite. Qui réagirait rationnellement dans une situation pareille ? Pensa aussitôt l’épéiste à la rapière. Finalement, des bruits de pas se firent entendre et l’un d’eux avait pris la décision d’échapper à cette situation pesante. La jeune femme brune écarquilla les yeux en reconnaissant la silhouette large de Ganonpow. L’ami d’enfance du fléau était parvenu à se dégager de la prise de fer qu’avait exercé Du40 sur son avant-bras et descendait maintenant les endroits escaliers qui lui reliaient les différents étages du bâtiment. Le jeune guerrier indiqua qu’il sortait afin de prendre de l’air et surement, réaliser l’ampleur de ce qu’ils avaient commis.
« Gagou, qu’est-ce qu’il se passe ? Demanda Nobody, une fois la tension retombée quelques instants après le départ de Ganonpow »
Gaellink se tourna vers son jeune frère, ignorant si elle devait l’informer ou non au sujet de 01. Elle se fit hésitante puis une main rassurante se posa sur son épaule. La Pzienne releva les yeux vers le triste sourire mais également encourageant de Du40. Son meilleur ami fit glisser sa main dans son dos puis le tapota doucement, dans un signe de soutien. L’épéiste sentit, sans en avoir conscience, ses lèvres s’étirer en un fin rictus puis elle se retourna vers son frère, toujours aussi perdu à cause de son ignorance sur la situation.
« C’est 01...
- Quoi 01 ? Fit Nobody qui ne la saisissait pas, tu ne vas pas me dire que Ganonpow a encore une fois tenté de la balancer par la fenêtre ? »
À l’évocation de ce souvenir, Gaellink sentit la main de Du40 arrêter de percuter son dos. La jeune femme se souvenait bien de cette fois-là. Ces deux-là s’étaient encore provoqués et Ganonpow, une veine palpitant sur son front suant, avait fini par attraper 01 et la soulever à bout de bras. La Pzienne n’avait cessé de gigoter comme un diable en hurlant, et le guerrier aurait très bien pu parvenir à ses fins, si la vieille Impa n’avait pas intervenu. Et si la vieille femme ne possédait plus la force de sa jeunesse, ses cordes vocales, elles, demeuraient bien intactes. Ils en avaient été drôlement choqués d’ailleurs.
« Gagou ? »
Comprenant qu’elle n’avait toujours pas répondu à la question de son frère, dont les traits dévoilaient maintenant l’inquiétude et le scepticisme, elle se reprit et se pencha vers l’archer.
« Ce n’est pas Ganonpow qui l’a balancé, répondit-elle enfin. Elle a sauté de son propre gré pour fuir la situation. »
La révélation sonna comme un coup de massue pour les deux jeunes archers.
« Quoi ? »
**
« C’est pas vrai, jura Gaellink entre ses dents devant la masse d’ennemis qu’ils affrontaient »
Le groupe de Pziens étaient submergés. Cela faisait plus de trois jours que les Trois Créatrices du Monde et de la Triforce leur étaient apparues et contrairement à Ganonpow, Xanto01 n’était toujours pas revenue parmi eux. À l’entente d’une flèche sifflant en sa direction, l’épéiste recula d’un bond mal assuré, esquivant l’attaque de peu. La Pzienne ramena sa rapière devant elle, au niveau de ses yeux, en une position de garde. Le destin se riait-il d’eux au point de leur envoyer une horde de minions alors qu’ils avaient quitté la Citadelle pour partir à la recherche de leur amie ? Ces horreurs, Bokoblins à l’haleine fétide et aux peaux de bête tribales, étaient apparues des ombres de la plaine, trépignant sur leurs jambes courtes et sinueuses. Ils les avaient ensuite encerclé, bien trop vite pour ne pas comprendre qu’ils leur avaient tendu un guet-apens. Dès lors, ils s’étaient regroupés en un cercle, protégeant leurs chevaux et brandissant leurs armes.
Un mouvement sur la gauche et la jeune Pzienne fit tournoyer sa lame fine dans sa main, tranchant l’abdomen gras d’un de ces monstres. Le ventre ouvert, les viscères se répandirent au sol, teintant l‘herbe fraîche d’un rouge cramoisi, presque noirci. Le Bokoblin, porta alors sa main aux longs doigts crochus à son ventre rebondi, tout en lâchant un râle d’agonie. Lorsque le monstre fut enfin inerte, jonchant le sol tel un pantin, Gaellink secoua sa rapière souillée son nez froncé face à l’odeur nauséabonde. Par le Dieu du Vent, que ces effluves étaient désagréables…
« Attention Gagou ! Hurla une voix »
C’était la voix de son jeune frère, Nobody Celui-ci était en train de prendre une nouvelle flèche dans le carquois de cuir attaché à son épaule, se préparant à bander l’arc. Ce n’était qu’en rechargeant son arme qu’il l’avait remarqué : ce Bokoblin levant sa lame courbe vers le ciel, tentant de poignarder de dos sa sœur aînée. Désireux de sauver ardemment sa sœur, le jeune Pzien se pressa de pointer sa flèche vers le monstre. Alors qu’il se préparait à faire fuser sa flèche dans le vent, il vit avec étonnement le Bokoblin s’effondrer, une dague enfoncée entre ses deux omoplates. Le jeune homme baissa alors son arc, le souffle court. Son regard se promena sur ses camarades, tous se démenaient à occire ces vagues de monstres, mais aucun ne semblait être celui qui avait sauvé sa sœur. Alors qui…?
« Il s’en est fallu de peu mais maintenant que je suis ici… »
Cette voix… Avant même de se retourner, Nobody la reconnut. C’était celle de leur amie pour laquelle ils s’étaient engouffrés dans les plaines, le fléau maudit des Déesses. Elle se tenait-là, son épée, dont elle avait entourée la poignée de bandages jaunis qui enveloppaient sa main, reposant sur ses épaules.
« Prêts pour un carnage ? »