6 ans plus tard, je vais poster dans ce topic car j'ai ma vision assez simpliste du contexte actuel, sans qu'elle ne me semble en décalage, négativement parlant.
Il y a 3 problèmes majeurs aujourd'hui dans le marché du travail: l'inégalité de la répartition des richesses en premier lieu, la politique du travail et la vision sociale vis-à-vis du travail.
Inégalité de répartition des richesses: Les pauvres toujours plus pauvres, les riches toujours plus riches, malheureusement le COVID n'a fait que creuser le constat d'inégalités sociales. Et à l'heure actuelle où l'inflation dicte le pouvoir d'achat de plus en plus sévèrement, on est malheureusement toujours dedans. D'autant que le vrai problème pour moi va se situer ailleurs: la rentabilité du travail. A ce jour, elle est clairement pas terrible en moyenne. Comparons les indemnités chômage par défaut d'un ancien smicard, et le SMIC en lui-même. L'écart est carrément risible. Dans ce cas, pourquoi se souler avec un CDI qui rapportera toujours moins que des contrats d'intérim réguliers? Le NFP a proposé un SMIC net à 1600€? Ridicule, ça boostera d'autant plus les taux d'inflation et les taux d'intérêt, résultat le pouvoir d'achat sera encore plus tiré vers le bas... Sans parler du fait que la liberté contractuelle est de plus en plus un argument dans une société de plus en plus en conflit avec un executif aux tendances dictatoriales, et qui en a marre de se voir poser des barrières partout à longueur de temps.
Politique du travail: Le travail n'est pas valorisé par le gouvernement, qui passe son temps à jouer au fort avec les faibles, et à jouer au faible avec les forts. Pendant que le peuple compte ses sous dès le 10 du mois et les premières factures réglées, vous voyez des guignols style PDG de Total qui augmente son salaire de 50% et qui le balance en pleine grève des ouvriers de sa boîte en 2023, ouvriers à qui on a proposé un truc symbolique du style 3% d'augmentation, sans améliorer les conditions de travail par derrière et en leur envoyant la milice en prime pour les réquisitionner à retourner bosser? Sans parler de la réforme des retraites qu'on nous a imposé au 49-3. Ce qui est ridicule en soi, car en poussant les actifs à bosser plus longtemps, on dépouille les jeunes de davantage d'opportunités de rentrer sur le marché du travail.
Enfin, ça, c'est plutôt en théorie. Car la réalité est toute autre. J'ai travaillé dans une agence d'interim, du "bon côté du bureau", et je peux vous dire qu'en quelques semaines, j'ai capté pas mal de trucs. Certains secteurs comme celui du BTP, la peinture industrielle en bâtiment, l'electricité, les commerciaux... sont en pénurie de main d'oeuvre. Du travail, il y en a, mais aussi, comment les entreprises peuvent-elles se permettre de chialer en disant "les gens ne veulent plus bosser" quand elles refusent systématiquement d'aller au-delà du SMIC? Quand tu proposes rien de mieux que le SMIC, c'est un aveu que tu considères que le poste ne vaut pas mieux que le minimum, alors comment celà peut-il envoyer un message positif pour les pourvoir? Pour les commerciaux, les rémunérer à la commission pour aller faire du démarchage sans garantie d'avoir de la clientèle régulière, vous croyez que ça va attirer qui?
Aujourd'hui, ne nous y trompons pas: ce sont les intérimaires qui ont le rapport de force en leur faveur, encore plus même depuis les confinements de 2020 qui ont affaibli la puissance financière des entreprises les moins bien lôties? Entre novembre 2021 et novembre 2022, je peux vous dire que j'en ai reçu des offres débiles de ce genre. Des offres de commercial indépendant, je les comptais même plus, et dès que certains réussissaient à m'arracher un entretien téléphonique, ils lâchaient l'affaire quand j'exigeais une garantie de fixe.
La valeur du travail aux yeux de la société: Job alimentaire, c'est souvent ce que j'entends en termes de considération sociale. Les gens ça les fait chier d'aller bosser, de plus en plus. Ils aiment de moins en moins leur travail car les mentalités ont une tendance à l'évolution négative... Beaucoup trop de gens vont bosser pour l'argent et c'est tout. Je trouve ça très dommage. Ce n'est clairement pas la bonne mentalité pour relancer l'économie. On accorde de moins en moins d'importance au critère du bien-être professionnel je trouve, c'est 95% du temps "argent, argent, argeeeeeeent". Et malheureusement c'était aussi le cas pendant ma carrière qui a duré une grosse quinzaine d'années, balladée entre des interims pour le compte d'entreprises débiles style La Poste qui m'a accusé d'avoir détruit un mur avec... un vélo
(ouais jsuis trop baleze, le vélo il avait 0 trace en plus
). Mais là où je veux en venir, c'est finalement qu'à part une fois en 2011 (et un patron en 2012 que j'avais dépanné en 4 jours en lui remettant sa compta à niveau, il m'a filé un magnum de champagne pour me remercier
) , aucune entreprise ne m'a donné envie de rester chez elle, aucune entreprise ne m'a considéré, et aucune entreprise n'a eu de coup de coeur de ma part.
Bon, aujourd'hui, j'ai une situation stable, j'ai signé mon CDI pas plus tard que le 1er août dans une entreprise où je me sens très bien, une vraie petite famille professionnelle où l'égocentrisme n'a pas sa place, où j'apprécie chaque employé, du patron aux ouvriers, où on tape un barbecue tous ensemble, et pourtant, je suis pas payé une fortun hein!! Mais je reste en position de force, parce que j'ai malheureusement eu un arrêt de travail de 5 semaines à cause d'une maladie qui m'a fait passer en salle d'opération (et là j'en ai un autre d'une semaine et demie car la première opération a foiré et qu'il a fallu réopérer hier, bref, instant mylife fini)... Une heure après mon retour, le patron était à mon bureau et m'a proposé le CDI, parce qu'en 5 semaines, ils ont vu quel merdier c'était quand j'étais pas là, personne ne connaissant la moitié de mon poste... Donc si j'étais un enfoiré, que j'avais envie de revoir mes conditions salariales à la hausse en leur faisant du chantage, ou essayer d'évoluer dans l'organigramme de l'entreprise à n'importe quel prix, je le pourrais, car totalement involontairement, je les ai mis sous pression quoi... Mais JAMAIS je le ferais, là où avec La Poste par exemple, j'aurais pas hésité une seule seconde. Qui sème récolte, comme on dit.
Tout ça pour dire que quand on signe quelquepart, on doit aussi savoir tenir compte de ce genre de paramètres car ce n'est pas parce qu'un CDI est signé qu'on finira sa carrière dans l'entreprise avec qui on a signé. On doit pouvoir garder une marge et des arguments de négociation. Et on doit surtout être HEUREUX au travail. Y aller avec le sourire et pas les yeux rivés sur la calculatrice, en mode "Bon, qu'est-ce que les gars vont encore me sortir comme délires aujourd'hui?". Et se sentir coupable d'être en arrêt et de les savoir dans la mouise par la faute de la malchance sanitaire qui m'accable depuis deux mois, alors que dans la majorité des cas, on vous propose un arrêt de travail, vous le prenez, vous vous faites pas prier. Moi le personnel medical qui m'a suivi devait m'engueuler parce que ma boîte me manquait et que je pensais à faire une reprise anticipée.
Mais vous savez pourquoi cette entreprise est aussi attractive et que c'est purement une rareté insolite sur un marché d'apparence hétéroclite? Parce que le patron, qui est le premier à devoir montrer l'exemple dans une entreprise, est un vrai personnage, attachant, humain, qui place le bien-être de ses employés en priorité. La preuve, il ne m'a pas fait barrage quand j'ai demandé à partir plus tôt le soir pour mes soins infirmiers indispensables. Et ce patron, je l'ai vu deux fois en entretien, les deux fois j'ai eu un coup de cœur pour le personnage. J'ai même signé mon CDD en me disant "je ne signe pas pour l'entreprise, je signe pour travailler avec ce gars, car je sens qu'avec lui, je ne vais pas m'ennuyer". Et ça ne rate pas.
Alors bien sûr, je l'ai dit et répété, je sais que je suis dans une entreprise d'exception, pour laquelle je suis prêt à m'investir pour les 25 à 30 prochaines d'années si tout continue de bien se passer au travail. Mais ce qui m'attriste, c'est justement de me dire que nous constituons l'exception qui confirme la règle comme quoi c'est rasoir de bosser. Et ça s'est d'autant plus vu dans toutes les manifs début 2023 après le 49-3 des retraites où, avant de vomir sur l'exécutif (bon, ça, je maintiens que c'est bien fait), les gens vomissaient sur tous les aspects négatifs que le travail représente à leurs yeux.
Sans parler qu'il y a des secteurs qui sont vraiment sinistrés (la médecine et l'éducation en premier lieu), mais ce n'est pas en formant la relève comme on fait de la manutention que l'on va résoudre les problèmes. Filer un tiers de SMIC à un interne en hopital en lui filant la charge de boulot d'un titulaire généraliste, désolé mais c'est non. Ou recruter des profs en leur imposant des secteurs d'exercice professionnel et une rémunération et une considération sociale identique à celle des sanitaires de lycée, là aussi désolé mais c'est non. On ne redressera JAMAIS de ces manières misérables ces secteurs primordiaux, prioritaires et indispensables pour notre société.
Voilà, désolé, j'ai fait un peu beaucoup de mylife, mais je trouvais que j'étais un exemple pas si terrible que ça pour pouvoir mettre en avant quelques arguments bien sentis, notamment pour l'importance à accorder à ce que certains considèrent comme des détails, détails qui pour d'autres font une différence énorme.
Sur ce, je souhaite à ceux qui m'ont lu de vivre une vie professionnelle comme celle que je vis depuis le début de l'année (les arrêts maladie en moins, évidemment)