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Végarisme, végétalisme et autres végémachins
Neyrin.:
Donc, @D_Y , selon ta logique :
— Si on cache la violence de l’élevage et de l’abattage aux gens, ils ne peuvent pas se rendre compte de cette même violence. Elle est donc banalisée ; les animaux sont condamnés aux mêmes traitements.
— Si on montre cette violence, les gens y sont exposés et sont désensibilisés. Elle est aussi banalisée ; les animaux sont perdants dans les deux hypothèses.
Tu es très pessimiste. Pourtant, tu dis toi-même favoriser une viande « de qualité » en circuit court pour éviter de consommer ces bêtes issues d’élevages intensifs. Tu as donc été sensibilisé, d’une manière ou d’une autre, par des images ou des discours, à la condition de ces animaux que tu consommes. Qu’importe la raison pour laquelle tu t’en es préoccupé — pour une raison uniquement liée à ta santé, ou principalement liée à des considérations morales —, l’important est le résultat de tes choix. Ton choix de consommer mieux pour toi en achetant « meilleur » que la moyenne promeut et valorise des élevages plus respectueux de l’animal. Il y a donc de l’espoir, non ?
Sachant que c’est un fait avéré scientifiquement que les animaux sont des êtres intelligents, sentients et sensibles. Preuve en est, les animaux sont désormais protégés par des lois en France (dont l’article 515-14 du Code civil : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens » ; loi relativement récente, datant de 2015 mais qui démontre l’impact des discours exigeant le respect de l’animal en tant qu’individu). Il est donc interdit et puni pénalement d’abandonner ton chien, de torturer ton lapin, de mettre ton chat dans un mixeur, ou d’acheter un mouton pour le tuer artisanalement chez toi ; ces lois n’existaient pas à l’époque, et elles n’ont jamais existé auparavant en France, tout du moins. A l’époque, n’importe qui pouvait faire subir cela à son animal sans aucune conséquence judiciaire. C’est bien une preuve de l’évolution des mœurs et de l’empathie à l’égard des autres espèces animales, ce qui est nouveau dans l’histoire de l’humanité. Du moins, à cette échelle. Nous sommes parvenus à étendre notre empathie, et nous pouvons aller plus loin. Ce n’est donc pas comparable avec l’époque où nos ancêtres pouvaient abattre un animal sur la place publique sans que ça n'émeuve personne ; les choses sont différentes aujourd’hui, et nos mœurs ont évolué, notre morale s’est étendue et davantage développée (et ça ne concerne pas que la cause animale, d’ailleurs). Cette violence choque dans notre société française actuelle.
Il existe aussi, d’ailleurs, des lois protégeant les animaux d’élevage. Bon, je trouve que c’est encore rudimentaire (les définitions laissent une interprétation large) mais ce sont des progrès qui se feront pas à pas.
Par ailleurs, si les gens étaient si désensibilisés que ça à la vue des images de mises à mort dans les abattoirs, alors des associations comme L214, Peta et consorts, ainsi que des mouvements comme le welfarisme, le végétarisme ou le véganisme n’auraient jamais vu le jour, et ne seraient pas aussi populaires. Aucune action n’aurait été mise en place pour permettre l’amélioration de la vie animale en élevage et si tentative il y avait eu, ça n’aurait pas été concluant. Toi-même (et d’autres personnes ici), d’ailleurs, n’aurais pas l’avis suivant : « Nous sommes tous d’accord ici pour dire que nous ne voulons pas que les animaux subissent des souffrances évitables ».
Dans le même registre, avec les associations de protection animale (type S.P.A., Fondation 30 millions d'amis, Fondation Brigitte-Bardot, Association Protection Animale, etc.), si l’exposition à la violence à l’égard d’animaux domestiques tendait à la banaliser, alors ces associations n’existeraient pas, ne seraient pas populaires et les gens ne s’engageraient pas, indignés, pour lutter contre les maltraitances perpétrées sur les animaux sauvages et de compagnie.
Le fait est que les images qui montrent la cruauté et la violence choquent, et ont un impact. Je fais partie de ces personnes (comme tant d’autres) qui ont été impactées, qui ont été choquées et qui ont pu verser des larmes devant la violence inouïe infligée à ces animaux. Montrer une violence volontairement dissimulée ne la banalise pas. Ceux qui banalisent une telle violence sont soit dans le déni, soit ont un déficit pathologique d’empathie.
D_Y:
--- Citer ---Donc, @D_Y , selon ta logique [...] Tu es très pessimiste.
--- Fin de citation ---
Je ne suis ni optimiste ni pessimiste, je n'ai pas la réponse à ta question, la possibilité de sa vérification n'existant même pas.
Non je ne pense pas que cela soit possible de faire arrêter la viande complètement à une société "juste" en montrant la souffrance. Peut être un peu mais relativement marginalement. C'est pas aussi binaire, il n'y a pas que des gens qui vont pleurer ou devenir végétalien face aux images de L214 (ce serait trop simple sinon).
Face à la violence il y a toujours tension entre sensibilisation et désensibilisation. C'est pas 100% l'un ou 100% l'autre. Personnellement je n'ai pas de raison de douter de la psychologie sociale quand elle dit que l'exposition prolongée à la violence peut entrainer une perte d'empathie, ce qui dans le cas des animaux se vérifie historiquement ou concrètement aujourd'hui : les humains les premiers impliqués dans l'abattage ne le font pas par plaisir, ce ne sont pas des psychopathes, au contraire ils développent une distance émotionnelle qu'ils n'avaient pas de base parce que sans ça ils ne supporteraient pas leur travail.
Les exemples des effets de saturation à l'exposition à la violence sont trop nombreux pour être cités de manière exhaustive, donc pour n'en citer qu'une poignée : banalisation de la guerre en temps de guerre qui rend le meurtre "normal" voire enviable, la violence médiatique qui créer des appréciations atténuées de la violence réelle, même dans les hôpitaux l'accès à la mort et aux blessures graves ne créer pas de l'empathie mais développent des distances émotionnelles chez ceux qui y sont confrontés tous les jours. Ou pour reprendre un autre exemple qui t'irrite, le travail à la chaîne et dans le monde du travail en général est une violence totalement banalisée. Il y a fort à parier que d'une manière ou d'une autre, cet effet de saturation ait émoussé tes sentiments à toi-même sur certains sujets.
L214 marche par le choc et l'effroi ponctuel, si c'était quotidien ça n'aurait peut être (j'insiste sur le "peut être") pas le même impact. Comme un quidam n'ayant jamais vu la mort passant à côté d'un accident sur l'autoroute serait tellement choqué par l'état du cadavre qu'il deviendrait peut être le plus farouche défenseur de la sécurité routière et ne roulerait désormais qu'en vélo, alors que pour le pompier qui ramasse ce serait juste un mardi matin.
--- Citer ---A l’époque, n’importe qui pouvait faire subir cela à son animal sans aucune conséquence judiciaire. C’est bien une preuve de l’évolution des mœurs et de l’empathie à l’égard des autres espèces animales, ce qui est nouveau dans l’histoire de l’humanité.
--- Fin de citation ---
L'entrée en vigueur d'une loi à une époque donnée ne présume en rien des comportements sociaux avant cette loi. Croire qu'avant notre époque on torturait souvent nos animaux domestiques est très galvaudé.
Concernant la législation, c'est aussi faux de penser que nous sommes les premiers à y avoir pensé. Je te réfère au Martin's Act de 1822 ou à la loi Grammont de 1850.
L'évolution générale des mœurs s'est peut être adoucie mais c'est vraiment contextuel, non ? Oui les humains ont plus d'empathie sans doute, et cette croissance empathique s'est justement produite parallèlement au fait de cacher la souffrance et la mort débridée en coulisses, pas l'inverse. Et c'est dans cette période de "grande" empathie, que tu considères être une "première dans l'histoire", que le vivant (au sens large, inclus certains humains et beaucoup de spécimens du monde végétal) a le plus souffert. Est-ce que ce paradoxe est solvable juste en montrant ? Peut être, honnêtement je n'ai aucun commencement d'ombre de certitude sur le sujet : je peux tout aussi bien imaginer des arguments allant dans un sens comme dans l'autre.
La seule chose que je sais, c'est que le sujet paraît au premier coup d’œil quelque chose de trivial et qui se comprend de soi-même. Il me semble au contraire que c’est une chose très complexe, pleine de subtilités philosophique (cf. ta vidéo) et d’arguties mettant en lumière certains paradoxes. Par exemple je peux tout à fait envisager un univers où la maximisation du bien-être animal liée à la sensibilisation et une plus grande empathie humaine ralentissent plutôt qu'ils n’accélèrent un monde végétarien/lien. Pour la simple raison que si le public, jugeant que les conditions d'abattage sont suffisamment "douces" et "éthiques" et s'imaginant avoir bonne conscience, loin d'arrêter de consommer tout court, consommeront "éthique". En somme, les méthodes de Temple Grandin peuvent légitimer l'élevage et l'industrie plutôt que l'inverse.
Pour autant est-ce que je suis favorable à plus de bien-être animal, moins de consommation et moins d'élevage intensif ? Absolument.
Kurkumai:
edits : fautes et ajout de loi relevée par Neyrin.
(offre et demande)
--- Citation de: D_Y le lundi 17 mars 2025, 23:57:24 ---C'est exactement la même assertion que ce que tu cites.
--- Fin de citation ---
Non, tu construis une généralisation,
donc une déformation du propos.
(engrais verts)
Les engrais verts sont viables.
Ils sont à adapter selon les besoins
(ex : ajout de compost ou BRF).
Mais il sont viables.
FIN DU HORS-SUJET
"PETITES MAINS"
--- Citer ---C'est à dire ? Ces travailleurs vivraient au chômage ou au RSA ?
--- Fin de citation ---
Se limiter à ces droits,
ça serait minimiser.
Nos travailleurs peuvent être aidés
par différents organismes afin d'obtenir :
- des allocations chômage
- des indemnités de départ
- des accompagnements personnalisés
- des formations
- des financements de reprise.
Les "petites mains" pour les jeux vidéo
– le hors-sujet persistant de départ,
n'ont pas accès à tout ça.
Donc la comparaison est caduque.
Ainsi, avoir répondu à un autre hors-sujet
de Guiiil a été pour moi une nouvelle leçon.
En effet, en dépit de ma bonne volonté
de partage à propos d'un hors-sujet,
ce hors-sujet a spécifiquement été utilisé
pour bâtir des faux raccourcis contre moi :
(compilation)
--- Citer ---• tu es littéralement en train de justifier l'exploitation humaine capitaliste
• Je ne vois nul part où tu aurais été contre le système d'exploitation humain
• pourquoi la cause humaine ne t'affecte pas ?
• tu défends le capitalisme pour on ne sait quelle raison précise
• notre ami qui soutient qu'on ne peut rien faire contre l'exploitation humaine au risque d'aggraver la situation des travailleurs.
--- Fin de citation ---
Voilà donc où peut mener un simple hors-sujet.
Il peut donner de la matière pour faire dire
n'importe quoi et favoriser la pollution du débat.
BANALISATION
DE LA CRUAUTÉ
--- Citer ---La cruauté n'est pas banalisée. Sinon personne ne serait choqué par les vidéos L214 et ces dernières n'auraient strictement aucune utilité. Autre preuve : nous n'aurions aucun problème à tuer des animaux de nos propres mains comme nos grand-parents, or la plupart des gens en seraient totalement incapables.
--- Fin de citation ---
Sont conditionnés par la banalisation de la cruauté :
- un supporter de la corrida
- un traditionnaliste de l'Aïd
- un consommateur de foie gras
- un consommateur de viande
Être choqué devant une vidéo de corrida ou de L214,
ou ne pas se sentir capable de torturer ou d'abattre
soi-même un animal d'élevage, cela ne signifie pas
une absence de banalisation de la cruauté.
Car ici, la cruauté et sa banalisation sont systémiques,
propagées par conditionnement culturel et protégées
par les lois en vigueur.
Effectivement, la majorité critique déjà l'élevage intensif.
Or, la majorité continue de financer cet élevage intensif.
Et 3/4 des français continuent à consommer du foie gras
pendant les fêtes.
Pourquoi ?
Réponse : parce qu'au fond,
la majorité s'en fout, préfère le conformisme social (statu quo),
et dispose d'une pioche de 50 fausses excuses (déni de cruauté).
Ce qui met fin à la cruauté,
ce sont les interdictions récentes :
2013 : interdiction de vente de cosmétique testée sur les animaux (transition depuis 2004).
2015 : interdiction de l'élevage de visons pour la fourrure.
2015 : interdiction de considérer les animaux comme des biens meubles.
2018 : interdiction de la vente de fourrure de chat et de chien.
2021 : interdiction de la chasse à la glu.
2022 : interdiction des spectacles de dauphins et d'orques.
2022 : interdiction du broyage des poussins mâles.
2024 : interdiction – totale – des combats de coqs en France.
2024 : interdiction de la vente de chiens et de chats en animalerie (transition depuis 2014).
2025 : interdiction de l'élevage d'animaux pour la fourrure (transition depuis 2021).
2028 : interdiction de l'exploitation d'animaux sauvages dans les cirques itinérants (transition depuis 2020).
Ces interdictions ont été faites à raison,
en dépit des faux prétextes en opposition.
En attendant les nouvelle interdictions futures,
dans l'intérêt du sort des victimes,
et pour tendre à débanaliser la cruauté
et la dissonance cognitive des consommateurs,
il est constructif d'encourager la cause animale
plutôt que d'encourager le conservatisme
de la cruauté et la ridiculisation des défenseurs.
Neyrin.:
@D_Y
--- Citation de: D_Y le mardi 18 mars 2025, 09:12:37 ---Face à la violence il y a toujours tension entre sensibilisation et désensibilisation. C'est pas 100% l'un ou 100% l'autre.
Les exemples des effets de saturation à l'exposition à la violence sont trop nombreux pour être cités de manière exhaustive, donc pour n'en citer qu'une poignée : banalisation de la guerre en temps de guerre qui rend le meurtre "normal" voire enviable.
--- Fin de citation ---
Par rapport à cette tension entre sensibilisation et désensibilisation, il faut tenir compte des contextes où ces deux phénomènes se traduisent. Le comparatif entre un contexte de guerre et un contexte de paix avec des luttes éthiques au sein du pays ne peut pas être avancé, et ne tient pas.
En temps de guerre, la violence et la cruauté envers « l’ennemi » sont banalisées, normalisées voire encouragées par des discours de propagande. Le gouvernement cherche à embrigader la population en lui faisant peur, en mettant en jeu sa survie et en désignant « l’ennemi » à abattre pour se protéger ; le but est clairement ici, dans un contexte de guerre, d’éliminer l’empathie au profit d’un engagement belliciste et meurtrier du peuple face à l’adversaire diabolisé. L’éthique n’a donc pas sa place.
Concernant la sensibilisation à la maltraitance infligées aux animaux — dont ceux dits d'élevage —, ce n’est pas comparable. La morale, l’éthique et l’empathie sont les principaux arguments mobilisés dans les discours.
En France (et ailleurs), les associations dénonçant ces pratiques ne cherchent pas à diaboliser l’animal mais bien à « l’humaniser » auprès de nous afin qu’on exacerbe notre empathie. Elles ne cherchent pas à placer l’animal en opposition avec l’humain, mais en complémentarité avec ce dernier, et ce dans le but de le protéger.
Les images diffusées au public sur les méthodes d’abattage sont jointes de discours indignés, destinés à ne pas encourager la banalisation de la violence (contrairement à des discours de propagande en temps de guerre). A aucun moment, l’animal est placé en ennemi mettant en jeu la survie de la population, la poussant donc à abandonner toute forme d’empathie pour garantir sa prospérité. Par ailleurs, l’État lui-même — institution ayant une plus haute autorité sur la population que des associations — ne s'oppose pas à la culture de l’empathie vis-à-vis des animaux, et dissuade pénalement les individus maltraitants avec la promulgation de textes législatifs.
De ce fait, il n’y a pas de bonne raison de penser que l’exposition à des images violentes de mises à mort d’animaux — et même de ceux dits d’élevage — banalise la cruauté pour la population. Bien au contraire, elle encourage l’indignation et la remise en question du rapport entre les humains et les animaux. Il peut y avoir, par contre, un effet de « ras-le-bol », mais ça ne signifie pas que l’empathie a été supprimée chez la personne qui le ressent. Autrement, cela ne lui ferait ni chaud ni froid d’être exposée à cette violence. La dissonance cognitive renforce le sentiment d’exacerbation, et pousse l’individu dans ses retranchements moraux qui peuvent l’amener au déni de la situation (déni ≠ banalisation).
De plus, si cette exposition avait réellement un tel effet, alors les militants qui s’infiltrent dans les abattoirs pour filmer la réalité seraient complètement désensibilisés. Hors, il est évident que ce n’est pas le cas. Ils peuvent développer une forme de désespoir plutôt qu’une acceptation et une banalisation de la cruauté. Ils se font violence pour apporter des preuves et sont, à chaque fois, touchés par cette horreur. Une horreur qui dépasse parfois celle qu’ils s’attendaient à voir, et qui les force à s’extraire de la distance émotionnelle nécessaire à la réalisation de leurs actions.
--- Citation de: D_Y le mardi 18 mars 2025, 09:12:37 ---même dans les hôpitaux l'accès à la mort et aux blessures graves ne créer pas de l'empathie mais développent des distances émotionnelles chez ceux qui y sont confrontés tous les jours.
--- Fin de citation ---
Ma phrase précédente m’amène donc sur le sujet de la distance émotionnelle. La distance émotionnelle (ou dissociation) n’est pas un mécanisme durable de banalisation de la violence, mais une façon de supporter un traumatisme psychique ; les personnes qui dissocient éprouvent toujours de l’empathie. C’est justement parce que les événements vécus heurtent l’empathie et la sensibilité que, pour les préserver, ils sont contraints de se déconnecter de la réalité. Intrinsèquement, ils ne sont pas en phase avec la situation qu’ils sont en train de vivre, ou qu’ils sont en train de faire subir.
Avant d’enchaîner sur les employés des usines d’abattage, j’aimerais parler de mon arrière-grand-mère qui, à la ferme, devait tuer elle-même ses lapins pour s’en nourrir. Pour autant, vers la fin de son activité agricole, elle n’arrivait plus psychologiquement à tuer ses bêtes et a choisi d’arrêter, usée de devoir séparer ses émotions de ses actes. C’est une preuve que la banalisation de la cruauté n’est pas un processus individuel mais structurel ; c’est le regard que l’on porte qui est essentiel, et non la fréquence d’exposition à la violence.
J’en veux aussi pour preuve les modérateurs de chez Meta qui sont exposés à une violence quotidienne via des images de pédopornographie, d’exécution et autres atrocités. S’ils avaient banalisé ces contenus, ils ne seraient pas autant à être en burn-out, à quitter l’entreprise au bout de quelques mois voire semaines, ou à développer des troubles mentaux comme des dépressions aggravées ou des TSPT. L’exposition à la cruauté, dans une société qui la criminalise, use psychologiquement l’individu mais ne l’y désensibilise pas.
Concernant les employés dans les usines d’abattage, ils ne perdent pas leur empathie. Comme dit précédemment, c’est justement parce que cette empathie existe qu’ils sont contraints de dissocier pour limiter les impacts psychologiques de la violence qu’ils infligent.
« C’est le regard que l’on porte qui est essentiel, et non la fréquence d’exposition à la violence. » ⬇️
--- Citer ---Mon premier jour, on m’a fait faire le tour des lieux, on m’a expliqué comment les choses fonctionnaient et, surtout, on m’a demandé à plusieurs reprises avec insistance si je tenais le coup. On m’a expliqué qu’il était assez habituel que des gens s’évanouissent pendant ces visites et que la sécurité des visiteurs et des nouveaux venus était très importante. Je tenais le coup, je crois. J’avais la nausée, mais j’ai pensé que j’allais m’habituer. Très vite, pourtant, je me suis rendu compte que ça ne servait à rien de prétendre que c’était un travail comme les autres.
--- Fin de citation ---
(extrait de l’article en lien)
→ Actes en contraste avec la morale commune instaurée → dissonance cognitive → tentative interne de rationalisation → échec → troubles mentaux pouvant conduire au suicide (comme ça a été le cas pour des collègues de cette personne qui témoigne).
Mais la dissociation a ses limites, et une simple variation peut faire sortir l’individu de son état de déconnexion. Dans ce témoignage, pour les employés, ce fut (entres autres, je t'invite vivement à lire l'article) le fait d’abattre des veaux plutôt que les habituels bœufs. L’empathie toujours présente, mais enfouie, a ressurgi et la cruauté les a percutés de plein fouet :
--- Citer ---Après coup, en regardant les [veaux] morts sur le sol, les ouvriers étaient clairement bouleversés. Je les ai rarement vus aussi vulnérables. À l’abattoir, on avait tendance à refouler ses émotions.
--- Fin de citation ---
J’ai aussi lu d’autres témoignages où la sortie de la dissociation était due à des abattages de chevaux : ce n’est donc pas forcément lié à l’âge de l’animal (le fait que ce soit un bébé). Cet article montre bien, d’ailleurs, qu’il y a un paradoxe dans le rapport moderne humains/animaux, occasionnant des souffrances psychologiques à l’être humain. Ce rapport tueur et tué — plus que consommateur et consommé, car le consommateur n’inflige pas la souffrance à l’animal — met à mal le principe structurel acquis de la condamnation de la violence et de la cruauté, renforcé par la science moderne affirmant que l’animal n’est pas une machine, mais un être intelligent, émotionnel et sensible.
--- Citation de: D_Y le mardi 18 mars 2025, 09:12:37 ---Par exemple je peux tout à fait envisager un univers où la maximisation du bien-être animal liée à la sensibilisation et une plus grande empathie humaine ralentissent plutôt qu'ils n’accélèrent un monde végétarien/lien. Pour la simple raison que si le public, jugeant que les conditions d'abattage sont suffisamment "douces" et "éthiques" et s'imaginant avoir bonne conscience, loin d'arrêter de consommer tout court, consommeront "éthique".
--- Fin de citation ---
(Petite précision sur le fait que je ne pense pas que la France soit précurseur, et encore moins depuis 2015, dans le domaine de la protection animale. Mon précédent message prêtait à confusion, effectivement.)
Tout à fait, on peut imaginer que la lutte éthique sur la question animale puisse s’arrêter lorsque les conditions d’élevage et d’abattage seront considérées « suffisamment "douces" et "éthiques" » pour les animaux. Cependant, le progrès éthique et moral ne semble pas avoir de fin, d’aboutissement, de perfection; il existerait toujours, même dans cette hypothèse, des esprits qui continueraient à lutter pour une abolition totale de l’exploitation et de « l’esclavage » animal. Peut-être que, à terme, la personne moyenne aurait un régime végétarien (ou végétalien, soyons fous) conforme aux acquis moraux de son époque, et que la consommation de viande serait devenue illicite, comme peut l’être la consommation de certaines drogues aujourd’hui.
Mais ce ne sont ici que des projections et des hypothèses, donc il est compliqué de débattre là-dessus et d’estimer qu’une position est plus fondée que l’autre.
@Kurkumai
Les animaux sont toujours considérés comme des biens meubles dans la loi française. Ils sont juste devenus des biens meubles « spéciaux » avec l’apposition de la sensibilité, et ont des lois spéciales qui les protègent.
EDIT :
--- Citer ---Catherine Rémy, sociologue au CNRS, relève une différence significative de perception des animaux à l’extérieur de l’abattoir et à l’intérieur de l’abattoir. Elle distingue donc exo-définition et endo-définition ; deux façons de percevoir les animaux destinés à être abattus !
— L’exo-définition est celle des personnes extérieures à l’abattoir : celles qui établissent les règlements et contrôlent leur bonne application. Les animaux sont présentés, dans ce cadre, comme des êtres sensibles qui doivent être traités de façon « humaine », entre guillemets. On parle de « bien-être », de législation, de réglementation.
— L’endo-définition est, quant à elle, celle des personnes qui travaillent à l’intérieur de l’abattoir et qui sont en contact avec les animaux vivants. Deux phénomènes se produisent dans ce cadre :
- L’objectivation, d’une part, qui est la transformation de l’animal en objet, phénomène nécessaire pour pouvoir accomplir le « sale boulot » ;
- Et la « subjectivation négative », d’autre part, qui intervient lorsque l’animal sort de son rôle d’objet en tentant de fuir, en se débattant, en résistant ; et qu’il devient alors un adversaire, un danger, un encombrement, un problème à régler.
On le voit, le décalage de perception des animaux est systématique : il correspond aux tâches à accomplir. La chose est bien documentée : on a tendance à adapter notre pensée à nos actes.
--- Fin de citation ---
J’ai trouvé cet article, dont l’extrait ci-dessus confirme ce que j’affirmais plus haut. La subjectivation négative peut être néanmoins reliée à mon paragraphe sur le contexte de guerre (où l’animal devient « un adversaire » et « un danger »). Cependant, elle n’entraîne pas de perte d’empathie durable (grâce à l'exo-définition), mais seulement temporaire et uniquement liée à la tâche spécifique à accomplir.
Il ne semble donc pas y avoir changement de perception durable de l’animal en objet dans la vie quotidienne, hors du contexte du travail. Les personnes ne semblent pas désensibilisées à la souffrance animale, et certaines souffrent même d’un TSPT avec des cauchemars où humains et animaux se confondent : « “On a auditionné des gens qui faisaient des cauchemars la nuit et voyaient des êtres humains pendus à des crochets.” »
Inévitablement, pour des personnes ayant grandi dans les acquis moraux de sa société et de son époque, l’animal est rapproché de l’humain. D’ailleurs, d’anciens employés d’abattoirs ou d’autres professions dans l’élevage, ont pu choisir, pour certains, de devenir végétariens, vegans ou de s’engager auprès de la cause animale suite à ce type d’expérience. Entre autres, autant d’éléments qui tendent vers la conclusion suivante : l’exposition à la violence et à la cruauté animale ne désensibilise pas, et n’entraîne pas une perte d’empathie ; elle peut même l'exacerber chez certains individus.
Article Cairn complémentaire : le « paradoxe de la viande » chez ses consommateurs, et la minorisation de la souffrance animale par les omnivores.
Guiiil:
--- Citer ---Ainsi, avoir répondu à un autre hors-sujet de Guiiil
--- Fin de citation ---
Quel hors sujet ? Nous restons depuis le début dans le cadre de Déni de cruauté.
Ce que tu vois comme un hors sujet n'est juste que la conséquence de ta catégorisation des cruautés, entre celles "inévitables, voire nécessaires", et celles "évitables" selon ta vision personnelle subjective propre.
Je ne faisais que démontrer, pas détourner.
Et je rejoins D_Y sur ce qu'il dit, et que je dis depuis le début de ce débat avec toi : Ce que tu vois, de manière purement personnelle et catégorisée selon tes intérêts personnels propres, comme cruauté, n'est pour moi, qui ait vécu dans une ferme, qu'un mercredi de plus. Et comme je l'ai dit et redit, sur moi, l'argument écologique marchera bien plus, et m'a déjà motivé à limiter ma consommation de viande.
--- Citer ---Pour autant, vers la fin de son activité agricole, elle n’arrivait plus psychologiquement à tuer ses bêtes et a choisi d’arrêter, usée de devoir séparer ses émotions de ses actes
--- Fin de citation ---
Il y a aussi ce genre de témoignage chez les gens pratiquant l'avortement. Est-ce que l'avortement est pour autant une violence ? Un meurtre ? Ma grand-mère, elle, a tué sans sourciller ses lapins jusqu'à la fin de ses jours.
Ce qu'on place comme vivant dans une société n'est pas forcément le résultat de l'évolution de cette société. Il y aura toujours des affects différents, indépendamment du regard de la société sur ce sujet, comme il y avait déjà des gens qui avortaient dans les époques les plus puritaines.
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