La Chasse est la fiction que j'ai du rédiger pour le Secret Santas de Fenomal. Je pense que j'ai suffisamment laissé passer de temps pour pouvoir maintenant la rendre publique et permettre à tout le monde de pouvoir en profiter
La Chasse
-Allez Wolfgang, il est temps d’aller chasser ! déclara Fenrir à son enfant, un jeune louveteau qui venait d’atteindre sa première année d’existence.
-Chouette, qu’est-ce qu’on va attraper aujourd’hui ? demanda le petit, agitant sa queue de plaisir.
-Comme d’habitude, ce qu’on trouvera en chemin. Tout est une question de chance… et un peu de talent ! Allez, viens, c’est l’heure.
Fenrir frotta sa joue contre celle de Raïssa, sa louve qui lui demanda d’être prudent et il quitta sa tanière pour s’enfoncer dans la nuit, son fils bondissant derrière lui. La forêt était une vaste étendue regroupant de nombreux types d’arbres, allant du bouleau au pin, en passant par les châtaigniers, les saules et les hêtres. Le sol était recouvert de nombreuses branches de ces monuments naturels ainsi que de leurs feuilles. De nombreux buissons prospéraient entre leurs racines de telle sorte que les endroits dépourvus de végétations étaient rares. Les deux loups traversèrent les épineux et bondissaient dans les flaques de boue puis, sans prévenir, Fenrir se plaqua au sol. Il jeta un œil à son fils qui l’imita dans la seconde et lui sourit. Le petit retenait manifestement ses leçons sans aucun problème. Il rampa jusqu’à son père et lui demanda en murmurant ce qu’il avait trouvé.
-Regarde derrière ce buisson, lui répondit à voix basse son père, c’est le fils Cerfblanc.
Un peu plus loin, un jeune faon gambadait dans les buissons, insouciant de la menace qui pesait sur lui. Il fit fuir un groupe de musaraignes qui filèrent sur les feuilles mortes à une vitesse impressionnante.
-Ses parents ne doivent pas être très loin, commenta le grand loup argenté, il va falloir frapper vite et avec précision. On n’aura qu’une seule chance, petit.
Wolfgang ne quitta pas la proie des yeux une seule seconde. Ses oreilles dressées indiquèrent à son père qu’il écoutait ce qu’il lui disait. Il s’approcha de l’une d’elle et lui souffla dedans un « Regarde et apprends. » Puis, il bondit hors du buisson, d’un bond majestueux, son pelage reflétant les lueurs argentées de la lune et atterrit sur le jeune cervidé, le jeta au sol et lui brisa la nuque d’un puissant coup de mâchoire. Il se mit à courir vers son fils en trainant la carcasse derrière lui, le dépassa et continua sa course sans s’arrêter. Son enfant comprit qu’il devait le suivre et lui emboita le pas à toute vitesse, naviguant entre les arbres à un rythme effréné. Ils coururent ainsi pendant quelques minutes avant que le chasseur ne commence à ralentir le rythme et à trottiner.
-Ouah, papa, tu as été génial ! déclara son fils, impressionné. Tu l’as eu d’un seul coup !
Son père dressa la queue, fier comme un coq et bomba le torse. Un Clang métallique se fit entendre, suivit par le hurlement de douleur de son rejeton : un piège à loup s’était refermé sur sa patte avant, les dents d’acier pénétrant dans sa peau. Fenrir laissa tomber le corps du jeune faon au sol et vola au secours de son fils, il tenta de mordre l’engin diabolique, d’écarter ses crocs avec son museau ou en grattant inutilement entre les deux morceaux. Sans succès. Il frotta sa joue contre celle de son enfant en lui disant rapidement « Ne t’inquiète pas, mon fils ! Je vais chercher Brunhault, il saura te libérer ! Je reviens tout de suite ! » Et il partit. Il n’avait pas d’autre choix que de laisser le petit Wolfgang seul et il le savait. Il ne voulait pas perdre son dernier enfant, ça non, il ne laissera jamais une telle chose arriver ! Trois enfants morts, dont deux emportés par une étrange maladie, c’était déjà une épreuve terrible. Ce qui lui avait permis d’aller de l’avant, c’était le bien-être de son dernier descendant et il n’allait certainement pas le laisser mourir, piégé dans cette horreur venue d’un autre monde. Il passa tout le trajet à ruminer le passé et ses inquiétudes et fut surpris d’être déjà devant la grotte de Brunhault. Il entra et l’appela plusieurs fois par son nom. L’écho résonna quelques secondes, puis un grognement lourd lui répondit. Le loup gris vit une énorme masse sombre s’agiter dans l’ombre puis sortir lentement de sa tanière. L’ours brun s’étira et bailla.
-Et moi qui dormais si bien. Pourquoi me réveilles-tu, Fenrir ? demanda-t-il d’une voix encore endormie.
-Brunhault, il faut que tu m’aides ! Mon fils est tombé dans un piège d’homme ! Aide-moi par pitié !
-Ola, ça sent les embêtements, ça ! Mais bon, on peut pas laisser ce petit bout aux griffes de ces abominations. Montre-moi où c’est !
Et l’imposant animal emboita le pas au canidé. Il brisa les branches d’arbre les plus basses sur son passage et écrasa quelques buissons avant d’arriver à destination et pour constater la disparition de Wolfgang
-Non ! On arrive trop tard ! s’exclama son père, horrifié, l’homme l’a emporté ! Brunhault, il faut aller le chercher !
-Heu… C’est triste, ce qui t’arrive, mon gars. Mais, attaquer un homme. Il risque de me tuer sans me toucher. J’ai trop peur pour l’affronter.
-Tu oserais abandonner mon fils à ce monstre ? Riposta le tueur de faon en grognant. Tu n’es qu’un lâche !
Et il bondit sur l’ours, voulant le mordre à la gorge. Mais ce dernier le frappa avec l’une de ses puissantes pattes et le jeta contre un arbre. Le loup resta couché, sonné, brisé.
-Je suis désolé, Fenrir. Il faut te faire une raison. Wolfgang est déjà mort.
Et Brunhault s’en alla tristement, les oreilles basses et avec lui, tout espoir pour Fenrir de revoir son dernier descendant. Le chasseur nocturne resta allongé un long moment, gémissant de chagrin, son museau enfoui entre ses pattes. Au beau d’une durée qui lui sembla infinie, comme figée dans le temps, l’animal entendit un craquement près de lui. La pensée insensée que Brunhault soit revenu sur sa décision lui fit redresser la tête pour se retrouver nez à nez avec un magnifique cerf à la robe foncée, la gorge recouverte d’un pelage épais de couleur blanche et ses branches se divisant en ramification qui pointaient vers le ciel. Cerfblanc, droit et fier, regarda le misérable carnassier allongé par terre et un peu plus loin, le corps sans vie de son fils.
-Voilà donc le responsable de la mort de mon enfant, commença-t-il d’une voix froide, dénuée d’émotion.
-Cerfblanc, il faut m’aider ! L’homme a attrapé mon fils et…
-Silence ! Voilà donc le comportement d’un des derniers chasseurs de la forêt ? Oser tuer mon fils et me demander de l’aide ? Puisses-tu souffrir autant que je souffre en ce moment-même !
Il baissa la tête, pointant ses cornes vers le loup, qui sentant le danger, bondit sur ses pattes, mais l’herbivore fût plus rapide et le frappa de plein fouet, le faisant valdinguer dans les buissons. Puis il se releva, jeta un regard de dédain à l’endroit ou disparut le meurtrier de sa progéniture et s’en alla, fier comme le seigneur de la forêt qu’il était. Le canidé se releva péniblement, tout le corps le faisant souffrir et retourna péniblement chez lui pour annoncer la terrible nouvelle à sa conjointe, la queue et les oreilles baissées. Rejoindre sa tanière lui paru durer une éternité. Il réfléchit à la façon d’annoncer l’horreur à Raïssa mais aucune ne lui vint et lorsqu’il surgit des fourrés, il se contenta de fixer une louve inquiète de son état qui se leva et alla à sa rencontre.
-Que s’est-il passé, mon amour ? Où est Wolfgang ? demanda-t-elle.
Et il lui expliqua comment le jeune louveteau avait été pris dans le piège, comment il avait été cherché Brunhault pour découvrir sa disparition et la réaction de l’ours et de Cerfblanc. Une fois son récit terminé, il se laissa tomber sur le sol, les oreilles basses et ne bougea plus. Sa conjointe, ravagée par le chagrin, hurla à la mort. Un long cri qui fit fuir les oiseaux endormis dans les arbres. Aucun des deux animaux ne fit attention à ce qui les observa un moment, caché dans l’ombre des arbres, avant de faire demi-tour.
-Je vais le chercher, déclara Raïssa après un moment de silence.
Fenrir paru surpris par cette déclaration soudaine. Il tenta de l’en dissuader un moment mais la détermination de sa compagne était telle que tous ses efforts se révélèrent vains. Il décida alors de l’accompagner mais elle refusa en lui disant « Tu es blessé, tu as besoin de te reposer. J’irai seule. Je ne veux pas prendre le risque de te perdre toi aussi. » Puis elle lui donna un petit coup de truffe dans le cou avant de se diriger vers la sombre forêt. Elle galopa, sautant par-dessus les fourrés, zigzaguant entre les arbres avec une grâce inégalée mêlée à une rapidité furtive. Elle passa un dernier groupe d’arbrisseaux et se retrouva à la lisière de la forêt, quelques minutes à peine après son départ. Là se trouvait une petite maison d’homme, aux murs de pierre grossiers et au toit recouvert de tuiles sombres. Il y avait deux fenêtres sur la façade arrière qui étaient illuminées par la lumière tremblotante d’un feu de cheminée. La maisonnette était entourée par une clôture qui englobait aussi un autre bâtiment, plus grand mais construit uniquement en bois : c’était une grange. Elle était située en face de la maison, à l’opposé de la forêt. Et entre les deux, se trouvait une niche dans laquelle dormaient Brutus et Barok, les deux chiens de gardes de l’humain : deux labradors retrievers dressés à défendre le domaine de toute intrusion sauvage et à traquer leurs proies. Lorsqu’elle les vit, Raïssa se coucha et se concentra. L’infiltration allait se jouer avec eux. Elle devait faire attention au sens du vent pour éviter qu’il ne leur apporte son odeur naturelle qui trahirait sa présence. De plus, leur ouïe était très développée, elle devait donc aussi veiller à avancer le plus silencieusement possible. Enfin, un dernier problème ce posait : où était Wolfgang ?
-Pas dans la tanière de l’homme, pensa-t-elle, il ne la partagerait même pas avec ses esclaves. Peut-être l’autre tanière ?
Et elle attendit que le vent souffle dans sa direction pour commencer à s’approcher silencieusement de la construction en bois. Elle resta à l’extérieur des barrières et passa derrière la niche des deux animaux domestiques. Son cœur battait la chamade. Elle se rapprochait lentement mais sûrement de son objectif. Puis, elle entendit un chien grogner et se plaqua au sol. Barok regardait dans sa direction. Elle n’osa plus bouger jusqu’à ce qu’il détourne à nouveau son regard. Mais cela prit plusieurs longues minutes avant qu’il ne daigne enfin retourner à sa conversation avec son compère. De ce que la louve put entendre, les deux compagnons de l’homme s’impatientaient de participer à leur prochaine chasse au lapin mais elle se s’attarda pas pour en savoir plus et, après avoir vérifié qu’aucun des deux ne regardent dans sa direction, elle se glissa jusqu’à la porte du bâtiment et se retrouva devant un sérieux problème : le panneau était lourdement fermé. Raïssa n’avait pas le temps de chercher un moyen de l’ouvrir. Les deux gardiens pouvaient la voir à tout moment. Elle se contenta de glisser son nez entre les battants, à ras du sol et de sentir les odeurs qui s’y trouvaient. Parmi les odeurs d’ustensiles rouillés et de paille, elle reconnut celle de son fils. Il était bel et bien là. Il lui fallait trouver un moyen d’entrer maintenant. Elle reprit sa route et entreprit silencieusement de faire le tour de la grange. Les chiens ne l’avaient pas encore détectée. Elle longea le mur puis découvrit plusieurs caisses et tonnelles entreposées sous un évent. Elle commença à grimper cet escalier de fortune et arriva devant l’aération et tenta tant bien que mal de s’y engouffrer. C’était très étroit et elle du se faire violence pour parvenir à entrer à l’intérieur de la tanière secondaire de l’homme pour tomber dans le tas de paille. Elle entendit son fils pousser un cri de surprise et se dépêcha d’émerger de l’herbe sèche pour le rassurer.
-Maman ! fit Wolfgang en agitant la queue de joie.
Sa mère l’imita et vint lui lécher la figure avec toute l’affection maternelle qu’elle pouvait lui donner. Puis elle l’examina : il semblait aller bien, si ce n’était sa patte avant ensanglantée et cette chaîne qu’il avait autour du cou et dont l’autre extrémité était plantée dans la terre, l’empêchant de s’enfuir. Elle marmonna des paroles de réconfort à son rejeton puis attrapa le piton entre ses mâchoires et entreprit de tirer dessus. C’était dur mais elle n’abandonna pas. Elle sentit le pieu d’acier glisser petit à petit puis, sans crier gare, il céda. La louve fût emportée par sa propre force et retomba en arrière tandis que l’entrave retomba dans un seau de fer, provoquant un tintamarre de tous les diables. La réaction des chiens de garde ne se fit pas attendre : ils se mirent à hurler à l’intrus et tentèrent de se diriger vers l’origine du bruit. Mais leurs chaînes les empêchaient de trop s’éloigner de leur niche. Raïssa regarda autour d’elle à la recherche d’une autre sortie : l’évent par lequel elle était passée était beaucoup trop haut pour qu’ils puissent ressortir par là. A part quelques bidons et une étagère contenant des outils, il n’y avait rien d’autre dans la grange. Ils étaient pris au piège !
-Qui est là ? fit une voix inconnue, une voix forte, celle de l’homme. Je vous préviens, je suis armé !
Un plan germa dans la tête de la mère du captif. Elle se plaqua au sol et murmura à son fils « Dés que la porte s’ouvre, cours vers la forêt aussi vite que tu le peux ! » La double-porte s’ouvrit lentement en grinçant légèrement. Puis le visage de l’homme, recouvert de poils au menton et aux joues, apparut pour la première fois aux yeux de Raïssa qui ne se laissa pas abattre et bondit directement sur lui, le jetant à terre, l’étrange bâton qu’il tenait lui échappant des mains. Elle le mordit au visage, il hurla de douleur, puis lorsqu’elle vit Wolfgang passer à côté d’elle en galopant, elle le suivit. Les deux animaux prirent soin de garder leurs distances avec les chiens de gardes avant de disparaitre dans la forêt. Mais l’humain se releva et jurant, se dirigea vers ses chiens qu’il libéra de leurs chaînes.
-Trouvez-les et tuez-les ! leur hurla-t-il avant qu’ils ne partent à leur trousse.
Brutus et Barok étaient deux excellents chasseurs de gibier, aucune proie ne leur échappait. Leur pelage noir les rendait de plus pratiquement invisible dans l’obscurité. Ils savaient sentir leurs proies tout en courant, leur permettant de gagner facilement du terrain. Les deux loups s’approchèrent de leurs tanières mais Raïssa n’était pas stupide, elle savait que mener les deux labradors à sa tanière signifierait un massacre sans nom.
-Wolfgang, continue jusqu’à la tanière ! Je vais les mener sur une fausse piste ! ordonna-t-elle.
-Mais maman ?
-Fait ce que je te dis !
Et elle obliqua sur la gauche tandis que son fils continua à se frayer un chemin dans les fourrés, galopant sur ses trois pattes valides, la chaîne trainant derrière lui. Sa mère ralenti le rythme et s’arrêta de manière à être vue par les deux acolytes de l’humain. Ces derniers dressèrent la tête en la voyant et se mirent à grogner avant de lui bondir dessus. Elle repartit donc de plus belle dans une toute autre direction, les deux molosses à ses trousses. La poursuite continua de longues minutes avant que Raïssa n’arrive devant un groupe de rocher qui lui bloqua la route. Elle commença à les escalader avec difficulté : elle était épuisée par cette course effrénée. Brutus arriva sur elle, l’attrapa par la queue et la fit tomber en bas des rochers. Avant qu’elle ne puisse se relever, Barok lui sauta dessus et referma ses crocs sur sa gorge. La louve se débattit comme elle le pouvait mais elle était maitrisée et ne semblait plus rien faire d’autre qu’attendre la mort. Soudain, ce fût au tour de Fenrir d’entrer en action en bondissant depuis un fourré pour refermé ses crocs dans la nuque de Barok, le forçant à lâcher prise. Mais il était trop faible pour rivaliser avec l’animal en pleine forme, lui qui était si blessé. Le molosse le repoussa sans peine et lui fit face. La chasseresse forestière se releva elle aussi et fit face à Brutus.
-Laissez-vous faire et je vous promets une mort rapide, commença Barok en retroussant ses babines.
-Ça c’est ce qu’on va voir… répondit calmement Fenrir, concentré, prêt à frapper au moment critique.
Les animaux restèrent quelques secondes immobiles à se jauger. Soudain, Fenrir et Brutus sautèrent sur leurs adversaires respectifs. Barok repoussa Fenrir d’un coup de patte dans le museau tandis que les crocs de son compère se plantèrent dans la nuque de la compagne du loup blessé. Mais cette dernière parvint à se redresser suffisamment pour lui faire lâcher prise. Elle contre-attaqua peu après en plantant ses crocs à la naissance du cou. Les deux adversaires se redressèrent et se retrouvèrent en équilibre, chacun sur deux pattes avant de tomber sur le côté. Raïssa roula sur elle-même puis rebondit à nouveau sur le retriever et planta une nouvelle fois ses crocs dans sa gorge. Pendant qu’elle le maintenait en son pouvoir, son frère parvient à prendre le dessus sur le compagnon de la louve, le mettant sur le dos et le maintenant au sol avec ses mâchoires. Aucun des deux ne bougeait. Ils savaient tous les deux que le premier qui lâcherait signerait l’arrêt de mort de son compagnon. Ce qu’ils ignoraient, c’était qu’un troisième élément allait faire balancer le cours de la bataille.
-Parfait, surtout ne bouge plus… murmura l’humain, son fusil pointé sur Raïssa.
Il s’était caché derrière des buissons, faisant glisser le canon de son arme entre les branchages. Il visait soigneusement la louve qui, absorbée par son combat, ne devina pas sa présence comme elle le ferait d’habitude. Son visage dégoulinait du sang consécutif aux morsures de la bête sauvage mais il ne sembla pas gêner outre-mesure. Bientôt, une nouvelle peau de loup viendra compléter sa collection. Ou peut-être qu’il la vendra au marché du village du coin. Après tout, cela se vend à bon prix en ce moment. Il sourit à cette perspective de richesse et arma son fusil. Puis il appuya sur la détente. La balle fendit les cieux pour aller se figer dans une branche d’hêtre qui surplombait la scène. Le chasseur avait été tiré en arrière par une force monstrueuse et se retrouva nez à nez avec Brunhault, l’ours qui rugit avant de lui décocher un redoutable coup de patte dans le visage, le jetant à terre. Puis il se redressa de toute sa hauteur en rugissant avant de se laisser tomber en plantant les griffes de ses pattes avant dans la poitrine de l’homme et de refermer ses puissantes mâchoires sur sa gorge. Dans un même temps, Cerfblanc surgit de la forêt et frappa Barok avec ses bois, le faisant valdinguer à l’autre bout de la forêt. Fenrir se redressa et se tint à ses côtés, cernant le chien de chasse. Brutus avait profité du sursaut de Raïssa pour aussi se libérer de son emprise mais au lieu de contre-attaquer, il recula pour rejoindre son frère. Puis l’imposant camarade du loup surgit derrière eux, la gueule dégoulinante de sang et se mit à rugir. Ils étaient pris au piège. Le seigneur de la forêt s’avança vers les deux animaux et leur parla d’un ton calme et glacial.
-Partez… Quittez cette forêt et ne revenez jamais…
Les deux chiens réfléchirent un moment. Leur maitre venait probablement de se faire tuer par l’ours. Ils étaient deux contre quatre. Le rapport de force n’était clairement pas de leur côté. Ils n’eurent donc pas d’autre choix que d’obéir et de partir la queue entre les jambes. Le cervidé se retourna vers Fenrir et le transperça de son regard empli de rancoeur. Il se contenta de le regarder longuement, le carnassier n’osant pas bouger d’un iota. Puis Cerfblanc disparut sous les arbres, sans dire un mot, fier comme le seigneur qu’il était. Brunhault s’avança lentement vers les deux loups.
-Désolé d’avoir fui tout à l’heure, commença-il doucement. J’avais trop peur. Mais j’étais pas bien de savoir que ton fils était dans les griffes de ce monstre. Je vous ai vu pleurer chez vous. J’étais vraiment pas bien du tout.
-Brunhault… fit Fenrir, ne sachant quoi ajouter.
-Alors j’ai été demandé à Cerfblanc de venir t’aider. Il a refusé parce que t’as tué son fils. Puis il a fini par accepter même s’il a pas dit pourquoi.
-Je n’aurai jamais cru qu’il viendrait nous aider non plus, avoua le loup.
-En tout cas, merci d’être venu à notre secours et ce malgré ce qu’a fait mon compagnon, fit Raïssa. Pense à dire à Cerfblanc qu’il aura toute notre gratitude éternelle. Et jamais plus, nous ne nous attaquerons à l’un des siens !
Elle regarda son époux avec insistance, ne lui laissant pas d’autre choix que d’accepter. L’ours promit de lui passer le message quand il le reverra et prit congé des deux loups. Ces deux derniers retournèrent à leur tanière et retrouvèrent le petit Wolfgang inquiet qui bondit de joie en les voyants. Les loups étaient enfin réunis après cette nuit de chasse particulièrement agitée. Ils étaient tellement fourbus qu’ils se forcèrent à passer le restant de la nuit à dormir. Cerfblanc continua de marcher à travers les arbres. Il rumina les raisons qui le poussèrent à agir. C’était assurément une bonne occasion de se débarrasser de cet humain qui tuait les habitants de son domaine mais peut-être que ce qui l’a poussé à agir, c’était le souhait de ne plus jamais voir personne subir à nouveau la douleur de perdre un enfant …