Dans la catégorie "tout peut arriver" j'ai désormais une nouvelle entrée.
J'ai acheté
Prosélytisme et Morts-Vivants, le troisième tome des
Nouvelles Aventures de Lapinot, écrit et dessiné par Lewis Trondheim et, chose inconcevable de sa part... il m'a déçu.
Avant d'en parler plus en détails, je sais que certaines personnes ont du mal avec le second degré, l'ironie, le sarcasme et par-dessus tout l'autodérision, aussi ces traits d'esprit seront suivis du smiley
les propos à prendre au premier degré, en revanche, seront suivis d'un
Donc, ce tome, de quoi parle-t-il, eh bien, d'un sujet qui avait tout pour me plaire.
Lapinot et Richard cherchent des idées pour une série de zombies qui soit originale, conventionnelle et déjantée à la fois, genre que j'affectionne au plus haut point.
Enfin, ça, c'est le départ. Ils vont être embarqués malgré eux comme "témoins de moralité" dans une mission gouvernementale d'un genre nouveau.
En compagnie de Brieg Verlat, ils vont chercher à établir un "temple athée" dans les campagnes. Et forcément, ils vont rencontrer pas mal de mauvaise volonté de la part des locaux, mais si l'agent Verlat a toutes les ressources nécessaires pour y faire face, les deux témoins de moralité vont devoir en essuyer les plâtres.
Inutile de cacher ce qui m'a attiré là-dedans : je suis un anti-théiste convaincu, c'est pas un secret.
Et par ailleurs, dans notre réalité, on peut tout à fait professer que les textes soi-disant sacrés sont des tissus de conneries, c'est pas un crime.
Par contre, dire que les gens qui y croient sont des débiles qui méritent d'être parqués et brûlés en est un.
Voilà, ça, c'est dit.
Si on me dit que l'un des auteurs de BD les plus cyniquement géniaux d'absurdité que je connaisse s'empare du sujet, je suis au giga-taquet. Mais, malheureusement... encore faut-il avoir les coudes assez libres pour bien s'en servir, et s'il réussit à passer deux ou trois messages bien sentis, ce tome échoue au principal.
Là où il réussit, déjà, c'est dans le personnage de Verlat. Car, derrière son assurance sans borne, son répondant verbal et physique indéfectible, sa connaissance des lois et son éventail de citations, il se cache ce qui se cache derrière beaucoup trop d'athées ou d'anti-théistes un peu trop assumés.
Pour être précis, dans le langage courant, Mr Verlat est ce qu'on appelle un gros con.
Grossier, invasif, manipulateur, intolérant, amoral, ce mec se sent pousser des couilles à adopter une position non-croyante et à prendre de haut ceux qui ne le font pas.
Si vous voulez avoir un échantillon du personnage, allez sur n'importe quel groupe anti-religion des réseaux sociaux et dites sur n'importe quelle publi que c'est quand même pas très courtois, vous allez le sentir passer.
Une autre réussite du tome, d'ailleurs, c'est d'indiquer qu'on exige beaucoup plus que l'incroyant fasse des concessions au croyant, que l'inverse, ce qui n'est quand même sacrément pas faux en pratique.
Mais voilà, on a fait le tour des réussites du tome, sachant que je n'ai pas tout abordé pour vous en garder la surprise.
Car, peut-être avait-il peur de devoir changer de domicile dans l'heure s'il était trop méchant, ou qu'on menace de mettre une balle dans la tête à chacun de ses enfants s'il ne l'était pas assez, Trondheim n'attaque aucune religion frontalement et s'en tient à des lapalissades.
Verlat fait concrètement du prosélytisme, mais il ne développe guère le propos de l'athéisme, ni de l'extrémisme. Je suppose que c'est cohérent : l'incroyant doit concéder au croyant le droit d'être inattaquable dans ses propos.
Au mieux, il développe en dernier lieu le risque de chercher l'éveil ou le réconfort dans des propos pris au pied de la lettre, ce que ne feront que les gens pourvus d'intelligence, ça ne fait aucun doute.
Y avait un potentiel incroyable dans ce scénario et entre les mains de cet auteur, mais enchaîné au roc de la discorde, il n'a pas pu s'exprimer. On se retrouve donc avec un tome "mineur" de Lapinot, qui n'a ni l'intérêt artistique de
Walter ou de
Blacktown, ni l'identification d'un
Slaloms ou de
La Couleur de l'Enfer, ni les textes ô combien plus engagés des
Formidables Aventures sans Lapinot ou du dernier tome,
Un Peu d'Amour, qui relève décidément bien plus le niveau que je ne m'en doutais.