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K. ~ Partir et autres expériences.

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Suijirest:
Pour des raisons diverses et variées je me devais de lire cet écrit que tu nous promets depuis longtemps.

J'ai parfois du mal avec tes écrits un peu (beaucoup ?) surréalistes, mais j'ai trouvé ce Prologue très lisible, bien plus que Thanatos mon ami.

Les thèmes qu'il aborde font partie de mes convictions, ça pique ma curiosité. J'y relis même ma devise fondamentale à un passage :


--- Citer ---La terre est créée, la terre est détruite, peu importe quand, peu importe la mesure, peu importe quelle bête l’a voulu ; c’est une réalité que les Déesses savaient, qu’elles savent et qu’elles sauront.
--- Fin de citation ---

"L'humanité est issue de rien et elle y retournera", à peu de choses près.

J'attends le prochain chapitre, résolument !

HamsterNihiliste:
Voici le premier chapitre de Memento Mori, Memento Vivere, par la même la première partie. Je divise en effet le texte intégral en trois parties, qui chacune se dérouleront dans un temps différent selon une évolution. Je suis fier de ce travail et je pense que je vais prendre un grand plaisir à écrire la suite, même si, ce mois-ci, le temps va probablement me manquer ; je me tiens tout de même à un rythme régulier. Dans ce premier chapitre, sobrement intitulé comme beaucoup d'autres, on trouvera un léger fond issu du dernier Zelda, on y lira de l'éphémère, du présent, de la logique, et de la chaleur humaine marquée par des dialogues. Ça changera ; j'avoue que j'ai moins l'habitude donc j'ai joué sur les sens et sur une accentuation des détails, le contexte de la musique devrait aider.

C'est là que, justement, je précise : la musique n'est pas directement censée s'écouter en même temps, ce qui des fois, si je place une chanson de Brel par-dessus un poème, s'avèrera par exemple impossible. Voyez-là plutôt comme une référence, une influence qui présente le chapitre généralement, donne un ton, bien que je ne travaille pas sur le rythme, plutôt sur le thème et la forme. Vous êtes bien sûr libre de l'écouter en même temps, mais je place une musique en simple mélomane comme j'introduirai un texte par une citation ou une dédicace ? Vous n'irez pas baser tout un livre sur la dédicace qui se trouve en introduction, n'est-ce pas ? v.v

Sur ce, n'hésitez pas à partager, à commenter, à réfléchir, à entrer dedans, à aimer ou à haïr, et sans plus tarder, j'ouvre le temps !

*
Première partie : Le temps des dagues
I : Éros

Russell Brower - Taverns - World of Warcraft: The Burning Crusade
— Tu penses à l’avenir ?
Accoudé à mon livre relié en cuir orné du nom Les cultures divines, cette interpellation le ferma brusquement. La poussière recouvrant ses mots s’envola dans la salle, puis se coucha sur la table en bois clair, neuf, et lavé. Je n’y pensai plus.
— Quel avenir ? lui répondis-je.
— Celui que tu verras, si tu en vois un. Je sais que tu en as peur.
— Comme tout le monde, non ?
Il m’adressa un clin d’œil. Il n’avait ni l’œil, ni le nez, ni la bouche à avoir peur.
— Je sais que toi aussi, tu as des peurs à écorcher sur le bureau, à brûler dans les livres, à perdre dans la bibliothèque que tu aimes investir par la nuit et le froid. Tu as peur comme tout le monde, et même plus, mais tout le monde n’a pas les mêmes peurs que toi, me rassura-t-il.
— La bibliothèque a une bonne odeur, et même plus.

Kiko se leva alors ; je le suivis du regard tandis qu’au sein de la bibliothèque, vivant dans l’espace que je voyais rester, il sentit la bonne odeur d’un livre non choisi. Nous riions du fond de la salle de cours.
— Je ne t’ai pas perdu, Link ?
— Non ! Où que tu ailles, je te suivrai, tu le sais !
— Même si je vais tendre ma main dans la rubrique des Perspectives historiques probables ?
— Aie peur pour ta part ! Ce n’est pas moi qui ai choisi de travailler la chevauchée céleste au détriment de ces ouvrages !
Debout, il posa le livre spontanément sur le bureau près de moi, le retournant, regardant en arrière, tandis que mon envie respirait son parfum.
— Et bien il n’a pas d’odeur et ce que tu deviendras pour l’avenir est aussi arbitraire que ce choix, continua-t-il en claquant calmement sa lourde couverture. Tu le sais et tu en as peur.
— C’est normal, non ?
— Bien sûr que c’est normal, toutes les choses du monde sont normales mon ami.
Je m’étonnai en libérant mon rire. Je lui répondis à l’instar de l’avenir :
— Quel monde ?
— Celui que tu vois. Est-ce que tu peux savoir quelque chose que tu ne peux que croire ?
— Bien sûr que non.
— Alors qui tu deviendras, où tu le deviendras, pourquoi et comment ; n’en aie pas peur, n’aie pas peur de ce qui est normal, tant que tu es devenu.

J’hésitai de nouveau à lire l’ouvrage scientifique que je travaillais, mais Kiko continua en m’apportant sa chaleur humaine. Je pouvais le croire. Kiko était honnête et travailleur, tout ce qu’il disait et entendait était vrai. Il n’avait pas peur mais ne se flattait pas d’en profiter, il avait choisi l’éducation pour les besoins de son humble famille, il était enfin un homme et un ami.
— Tu penses à la jeunesse ? lui demandai-je en suspendant la lecture.
— La jeunesse, elle deviendra comme l’avenir, elle n’existe pas, me répondit-il en souriant et poursuivant la sienne. Les livres, ils restent. Qu’est-ce qui existe d’autre ? Nous sommes là, toi Link et moi Kiko, nous lisons, nous volons, nous aimons de belles filles, par quoi voudrais-tu qu’on soit bouffés ?
Je levai les yeux face à lui, nous ne les fermions pas. Nous souriions ensemble et nous avions raison. Surtout lui lorsqu’il me répondait.
— Par quoi voudrais-tu que je continue ?
— Par ce que tu voudras. Mais tu sauras quand tu deviendras.
— Je ne deviendrai rien.

— Si ! éclata-t-il en arrachant des pages. Tu deviendras, dans le cas le plus triste, rien, mais même ceux qui sont rien ont un avenir. Rien, ça s’envolera, je ne souhaite à personne de devenir rien d’autre, mais ce n’est pas toi qui crèveras la gueule rompue dans les friches devenues marécages, non ce n’est pas toi, Link, je te le garantis. C’est ce qu’il y a en bas sur une terre ! Sur la terre ! Leur terre, c’est là que tu veux t’écraser ? finit-il par crier.
— Si ce n’est pas moi ce sera mon fils.
— Link, cette salle de cours grande et libre, ce tableau sur lequel je viens de griffonner, ces senteurs  de craie, ces chants de l’air, ces bureaux en bois brut qui ne blessent pas nos mains, ils sont à nous. Ils ont été investis, ils le seront peut-être, mais tu n’as pas de raisons, pas de raisons d’avoir peur. Le ciel restera et tu aimeras ton fils.

Je regardai le ciel et entendis Kiko fermer les yeux. Je soupirai en même temps.
— Je suis désolé, Link, nous rassura-t-il.
— Ce n’est rien, nous avons tous le droit d’avoir peur. Tu as peur, toi ?
— Tu me vois humain ?
— Hélas, oui.
Il sourit humainement.
— Tu penses que le monde n’est pas grand-chose ? m’affirma Kiko.
— Par rapport aux déesses ?
Il rit humainement.
— As-tu déjà vu une déesse, sinon par les statues, à travers les livres, ou par les bouches des hommes ?
— Et toi, as-tu déjà vu l’avenir ?
Il me regarda, lié par le fond des yeux, ressentant mon savoir, puis décida de lire la suite, coupant le dialogue mais n’attendant que moi.
— Dans l’avenir je serai un héros, j’aurai un fils, et je le nommerai pour te rendre hommage. Je sais ta confiance. Kiko est un beau nom, il est un très beau nom, mais tes lettres ne te flattent pas.
— Je le sais, je n’ai pas choisi mon nom. Mon nom est trop violent pour un enfant, beaucoup trop pour le tien. Ne lui fais pas porter ce fardeau, pas à un enfant, je sais ta conscience. Garde un souvenir de ton ami pour que je lui explique, quand je serai son oncle par le cœur, ou son ami.
— Mon fils, je le nommerai par une lettre K, pour ta violence, celle de la terre, celle de la guerre, le tragique de la lettre qu’il brandira pour ou contre l’honneur. Il l’adoucira, il la cachera dans trois autres, trois comme les trois triangles des Déesses qui existeront ou n’existeront pas dans l’avenir, entre deux dernières qui les feront languir, et entre une première qui bloquera son vrai nom. Mon fils, ou une descendance, si elle n’est pas crevée par la guerre, sera gaucher comme moi. Peu importe l’avenir, Ikau en aura un. C’est cela le plus triste, je pense.
— Ikau, c’est un nom d’homme. Un nom d’homme de dagues, sourit-il pour nous deux.
— Ce ne sera à aucun homme de devenir un héros.
— Pas encore. Pas encore, mais au présent, attend. Attend, c’est le plus triste que je puisse te souhaiter. Mais c’est avec le cœur empli d’espoir que je souhaiterai ton voyage vécu par aucun homme, ta liberté céleste et ton vent d’avenir, ta quête héroïque digne de l’honneur des livres historiques.

Je me demande enfin pourquoi je n’ai pas cru. Il venait de suivre, me rassurant avec l’art d’un seul ami, véritable, et humain.
— Il suffit d’y croire ! me dit-il. Dis-moi, dis-toi, dis-nous enfin, que tu es trop jeune et trop âgé pour ne pas croire !
Je me rappelle ne pas avoir pu répondre.
— Link, écoute-moi, je me lasse de te parler en maître. Ce que nous connaissons, ce sont les Déesses, le bien et le mal qu’elles laisseront incarner, peut-être toi, et le monde, ou le ciel, qu’elles ont laissé sous elles. Ce sont les fragments de civilisations, les savoirs qui s’envoleraient sur terre, les croyances qui chuteraient du ciel. Ce sont peut-être les héros passés, ou les héros futurs. Mais rien d’autre que les livres, ou les hommes, ne l’écrivent ou le disent. Bien maigre savoir ; bien maigre peuple. Alors il ne nous importe peu que l’Histoire vive son dernier commencement lorsqu’elle le voudra, finit-il par mépriser.
Je lui flattai l’épaule pour calmer l’inquiétude.
— Tu sais finalement que le monde n’est rien, lui fis-je remarquer. Mais tel que ton cœur me connaît, alors tu n’as pas de raisons de me dire que j’ai peur.
— Oui, Link, bien sûr, je pense comme toi. Je pense, je crois, je sais que la terre est si basse, que l’on attend sans faire un héros qui attendra autant, que les Déesses ne lui viendront même jamais, et pourtant. Je sais qu’on oubliera la civilisation, que la culture, le passé, le présent et l’avenir, et notre pauvre fric sera envolé dans le but d’en créer un pire, je sais même qu’il n’y a pas d’avenir, je sais que je ne sais pas.
— Ikau, ne…
— Kiko, me corrigea-t-il avec un sourire.
Je pris peur face à ma langue.
— Ikau sera-t-il ainsi ?
— Ne t’en inquiète pas et pense à nos pensées. Mais je t’ai dit que te parler en maître me lassait.
— Ne t’inquiète pas non plus. Tu n’as pas de raisons, lui rappelais-je.
— Bien sûr. Je n’ai pas de raisons d’avoir peur de l’avenir si je vis au présent.
 
Sa conclusion ouverte, je m’en souviendrai à vie. Je me demande encore pourquoi j’avais peur.
— Tu as peur de la nuit ? me sourit-il après avoir senti nos livres et carnets.
— Pas plus que du jour, logiquement.
— Alors volons vite au bar de la Citrouille, réchauffons-nous auprès de la patronne de taverne,  regardons la scène et écoutons sa voix, buvant ses soupes, sentant la chaleur et le bois, et nous flattant, tous, de ce présent qu’on aura !
— Et si on veut parler, si c’est autour de nous et autour d’un bon verre, on a jamais fini ! continuai-je.
C’est là que nous nous sommes levés ; il me dit :
— Alors ne te demande pas pourquoi ; tu as un présent, tu as de belles amours, et peu importe. Quand nous aurons fini pars dans ton lit, fais l’amour à Zelda ; quand le jour se lèvera tu le verras, l’avenir.
 
Je me demande toujours pourquoi.

Premiers carnets : Les douceurs jeunes - Link, Célesbourg, datés probablement d’avant Termina.
*

Prince du Crépuscule:
Bon, je finis ma petite tournée ici.

Par contre, désolé, mais ça va être court, parce qu'en fait... j'ai à peu près rien compris. :|

Le prologue ça allait, et puis c'était logique que des écrits non destinés aux humains paraissent sibyllins, pour leur donner un aspect intemporel, un peu sentencieux, tout ça. Mais hélas, le premier chapitre n'est pas passé non plus, et je n'en vois pas trop la raison. J'ai pas compris où tu voulais en venir dans ce dialogue. En plus ils se parlent très bizarrement, avec des formulations pas évidentes. Du coup j'ai eu beau m'accrocher, j'ai eu un peu l'impression de me retrouver face à un texte rédigé dans une langue que je maîtriserais trop mal pour l'appréhender sans dictionnaire. Et autant dire que je suis pas trop fan de cette sensation en tant que traducteur en herbe.

Voilà, désolé, j'ai peut-être un pet au cerveau, mais pour moi ça reste trop obscur pour que je m'y plonge avec plaisir. C'est sûrement le fruit d'une intention, d'une réflexion, tout ça, mais... sans explication, je suis perdu. Cela dit, je t'invite bien entendu à continuer, d'autant que tu sembles très enthousiaste à l'idée de poursuivre ce projet. Je voulais pas jouer les rabat-joie, hein. :o

Bon, ben... pardon pour ce commentaire inutile et bonne continuation ! :niak:

HamsterNihiliste:
Bonsoir !

En cette date fatidique symbolique, s'il me faut la choisir, voici le Chapitre II que j'ai écrit durant ce mois dernier, en parallèle de ma nouvelle pour le PJE, Mehr Licht!. On ne sait pas qui parle, on se sait pas vraiment à qui il parle, c'est pour cela que j'ai tenté de rendre un fond, une trame à suivre qui peut être plaisante et plus intéressante que d'autres chapitres où la forme prime sur le fond. Il a donc été assez rapide à rédiger et va présenter le contexte de cette première partie par différentes " séquences " de ce texte relaté. Le texte est toujours accompagné d'un thème musical, cette fois-ci sur des paroles d'un auteur à paroles accompagnées d'un fond qui se veut angoissant, qui correspondra – avec un peu d'anticipation – au fond politisé, descriptif et critique, mais qui tranchera avec la forme plus théorique et claire, pour cause.

Comme toujours n'ayez pas peur, accueillez ce chapitre, n'hésitez surtout pas à formuler vos critiques et à poser vos questions avant les prochains, que j'écrirai malgré l'été. Sur ce, pour éviter de vous pendre tout au long de mes écrits, je vais dormir ; bonne nuit !

*
II : Vox Dei

Renaud - Lolito Lolita - À la belle de Mai
Quand le peuple se mit à douter de ce qui était bien et ce qui était mal, j’étais là.
Si j’avais eu le choix, j’aurais fait les éloges du peuple libre, de notre belle utopie. Mais c’est en terminant mes glorieuses études que le peuple finit son autarcie. Au commencement étaient les sociétés primitives, qui, d’après les sources connues, ne maîtrisaient pas le langage ; les ouvrages examinés de la première étude anthropologique référée en annexes mentionnent qu’ils communiquaient par des sons non-voisés, des gestes, mais, dans les principaux cas courants, n’hésitaient pas à faire usage d’armes. La majorité conserve des bâtons et ossements servant d’armes de mêlée, qui, frappant au flanc ou aux jambes, causaient déjà une mort brutale et sans  longue agonie.
Nous avons hérité de ces porteurs de mort honorable et discrète, mais les armes à distance ont pour certains eu raison de notre courage.

Revenons à l’autarcie. Pour subvenir à ses besoins, utilisant alors ses dagues et, pour les plus abjects et lâches, ses arcs, le peuple se questionna, peu à peu, face à la mort. Connaissant pour certains ma personne et mon succès, on m’envoyait des lettres ; « Qui a le droit ? » ; « Que faire si un camarade s’est jeté à la mer en nous criant adieu ? » ; « Est-ce bien d’élever un cheval pour le cuire et le manger ? Ou est-ce mal d’abattre un homme qui menace de voler mes richesses et brûler ma demeure en forêt ? » me révoltaient. Mais, faisant fi de mon cœur, je pris le monde en main. Porté par une massive foule d’hommes libres et égaux, je montais, choisi en l’âme et conscience du peuple, à la tête du pays. Je ne démens pas, bien au contraire, que mes études longues successivement en Stratégie puis en Art logique, avant de m’orienter en dernière science en Magie, ont approfondi ma maîtrise d’un pouvoir politique, auquel je pourrais associer l’art, puis, en dernier recours si le destin m’oblige, la force.
Cependant la force me paraissait – et pour cause, je confirmai peu de temps ensuite qu’elle l’était – non légitime en terme de liberté du peuple. Je me contentai donc d’expliquer des lois afin de commencer à les voir nous régir. Nous, moi, le gouverneur, comme eux, le peuple ; cette autorité imposée par ma seule personne était trop radicale. Nous devions agir.

-
Quand le peuple a approuvé qu’un seul homme ne pouvait être humain pour les soumettre aux lois, j’étais là.
Certes, il m’appréciait et appréciait mes lois ; en tant qu’artiste et passionné, la logique des arts fut ma priorité ; je rendais la lecture possible pour tout le monde, ainsi que la peinture pour offrir de la vie à nos décorations et notre patrimoine ; voir la maison de chacun des hommes libres était une preuve que notre pays était le berceau de l’art littéraire et pictural. La musique également prit une importance dans ma volonté, même dans mon pouvoir ; les moyens pour jouer, écouter, et partager des sons fleurissent dans les cultures, ne demandant qu’à être fêtés, qu’à offrir leur pouvoir, même à changer le monde ; qu’ils le puissent. Mais s’il y en a un qui soit assez vil, fourbe, et infamement faux, pour se faufiler sur la folle vérité de notre société, sa seule récompense n’est que son exclusion. Une si belle société ne saurait tolérer un art aussi caché, aussi clandestin, qui n’a pour vivre que masques et décors illusoires ; je parle du théâtre. Je parle du théâtre d’Ikau, ce fou qui souhaite encore exercer en marge de nous tous, cet assassin qui revendique son rôle d’acteur, d’homme, dit-il, cet ingrat qui ose n’accepter pour seul honneur que l’honneur de la fausseté. Et si l’art n’était pas un prétexte pour rallier à sa cause des peuples révoltés contre la liberté, ce rat aurait peut-être la grâce et m’aurait honoré de ne pas être tué de ma propre lame.

Mais en grand homme, je fus le premier à mesurer ce que l’on nomme le bien et ce que l’on nomme le mal. Je n’omis cependant pas de nuancer ; comme restent en vigueur les lois originelles, la mort est le crime le plus mauvais et blâmable si elle n’est jamais légitimée ; dans le cas de la défense, de la haine, du rapport de force stérile et vain, elle est une solution entendue s’il n’existe pas d’autre choix. C’est pourquoi nous tentons d’éviter tant que possible la guerre que nous subissons, et que nous avons provoquée.
La guerre force à ne pas punir les crimes les plus odieux, car même le plus unique des hommes sombre dans l’anonymat ; l’anonymat, la masse, le peuple rend tout possible et régner seul n’offre pas d’autre solution que de le rendre monstre.

-
Quand le pays fut pillé par un enfant sans rien d’autre que sa troupe, ses jouets, et ses masques, j’étais là.
Vous vous en souvenez. Vous vous souvenez des raisons pour lesquelles j’ai fondé cette Élite. Tous, absolument tous approuvaient mon projet ; gouverner seul étant, pour eux comme pour moi, autant illégitime, je composai neuf membres pour siéger, dont moi-même. Les intellectuels ayant formé mon esprit, ainsi que mes plus brillants camarades, joignirent la partie et l’approbation. Nous étions libres, nous savions discourir et faire aimer un peuple. Vous étiez tout, avant, nous étions raisonnés à l’unisson, en jouant sur le fond, en jouant sur la forme ; parmi les neuf que nous étions, les régimes de chacun alliaient des idées libres jusqu’à dictatoriales, ornées par des discours de dictatoriaux jusqu’à libres. Bien sûr le plus lâche fut le plus apprécié ; c’est ainsi que le fond équilibré sur la forme modérée de notre chef Ridley régna par leur hégémonie. Parce qu’il s’est lié avec notre acteur ? Parce qu’avec Ikau ils étaient comme frères, même si le chef ne cessait de le dissuader ? Voici ce qu’on en fait, des stratégies, voilà où nous mènent les passion. Mais, sans ma gouvernance, être lâche a toujours été leur lot. Leur destin, s’ils l’ont voulu.

Vos lois s’en sont trouvées bien arrêtées lorsque le bref et vil pillage du pays fut agencé. D’aucuns avancèrent que je me trouvais moi-même sous ce masque ; que de calomnies. Jamais je n’agirai pour le mal par la fausseté, jamais je ne serai lâche au point de me dérober aux yeux de la société par le simple biais d’un simple manteau d’affabulation. Ce complot n’a pas lieu d’être, pas plus que le constat dans lequel nous nous trouvons. Alors notre pays étant plus dévasté par vous que par les troupes originelles, nous ayant envahis à l’aube et étant reparties au coucher du soleil, pour le prétexte d’une guerre de religion, pour chercher une unique ressource, l’heure est à assumer votre peur. Le mal ne nous a rien fait.

-
Quand la paranoïa nous a envahis, nous a obligés tous à vivre dans la peur, nous a embrigadés pour que l’on abatte nos semblables sous une guerre civile, sous le seul prétexte de la défense et de la méfiance, j’étais là. 
Si nous avons voulu durcir nos lois, je ne demandais pas à ce que le peuple en veuille nous renverser. Nous avons décidé des lois plus dures, des vraies lois, pour que le peuple les subisse plus que ne les vive. Nous régnions enfin. Mais qui régnait ? Vous ? Ainsi, c’était facile d’avoir peur ; c’était plus difficile de ne pas assumer en face les débris de nos actes. Pourquoi ne pas prendre de risque ? Pourquoi ne pas rester ? Et nous voici. Et nous voici ainsi, sans roi, sans peuple, avec une Élite qui a fui sans raison, pour aller laisser crever ses enfants. Contre une politique à laquelle on ne se confronte même pas, en reculant, à petits pas, avec l’arc ou la lance aux plus courageux. Pour une Élite exilée que j’ai moi-même créée.

Maintenant que je suis seul être informé, je refuse d’être le messager entre vous et notre peuple. Qui avait habitué notre si bel état à vivre dans l’utopie ? Qui voulait être libéral en imposant sa parole ? Dites que c’est moi ; rendez-moi coupable ! Et je changerai d’opinions ! Je changerai de lois, je serai dictateur, le fond de ma pensée sera démesuré et je serai cruel ! Plus rien ne sera libre et je serai haï ! Mais je ne vivrai pas plus chez une autorité qui perd son propre contrôle, qui écrase par ses lois un peuple idéal, sans autre choix que, entraînés à la guerre, de se révolter, que de mettre à nu sa fureur et sa haine, voulant juste rester libre, brûlant ses réserves, massacrant ses frères et brûlant ses armures. Les voici, vos lois. C’est notre destin.

-
Et quand vous avez fui, j’étais là.
Puisque je suis tout seul, je m’en retournerai. J’en reviendrai à ma dictature natale, et j’irai jusqu’au bout de mon unique exil. Je me chercherai jusqu’aux neiges sauvages, jusqu’aux marais anciens, jusqu’aux déserts perdus. Mais j’irai pour la vérité. Jamais je ne vivrai dans une politique lâche, jamais je ne provoquerai de guerre, jamais je ne vous pardonnerai, et jamais plus je ne délivrerai un art digne d’Ikau. Jamais je ne serai faux même si je dois tuer. Jamais je ne serai nous même si je dois mourir.

Alors c’est ainsi que je prendrai le risque de gouverner seul, vrai. Pour conclure, moi, Ganondorf, je m’exilerai et je serai un monstre. Pour la vérité.

Réquisitoire de Stratégie, Art logique, et Magie : De la liberté à la dictature — Idéaux et limites d’une Élite - Ganondorf Dragmire, Termina, datés probablement d’avant le Temps.
*

Suijirest:
Je ne sais pas si c'est le fait qu'il soit deux heures du matin ou la journée bien chargée que j'ai eu, mais je pense avoir pas mal compris le sens de ton texte.

Mais on ne peut pas le résumer en quelques phrases, ça va assez loin et ça peut se mettre en parallèle avec pas mal de choses. J'tiens juste à dire que le twist final m'a bien retourné, je ne m'y attendais pas.

Bref, j'ai aimé, dans mon état actuel (totalement lessivé) ; il faudra voir ce que ça donne dans un état plus "éveillé", juste par curiosité.

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