Surpris d'avoir déclenché autant de réactions, tant que les débats restent calmes et que ça ne s'emporte pas en étant infondé, il y a des choses à dire. Gerbant ou pas, je crois que ce n'est pas l'essentiel (et puis, depuis une certaine pique l'été dernier, le sujet interrogant les sentiments, la sexualité et les désirs personnels — qui sont un sujet très déplacé surtout en ce moment —, j'ai tendance à voir dans l'adjectif " gerbant " une insinuation très perverse et méprisante).
L'action ne concerne pas directement les personnes dont je prends les photos, il y a souvent une seule photo de profil à laquelle les gens croient, et s'il y en a d'autres, c'est des images d'un vidéo d'une fille qui fait un strip-tease, donc dans tout les cas on ne peut jamais reconstituer une personne réelle dans son entièreté (sauf dans l'esprit de l'interlocuteur, qui s'imagine avoir affaire à une fille sexy). Je serai conscient de la gravité de l'acte, et je ne le fais pas, si j'utilisais plein de photos qui appartiennent à la même personne que je connais intimement, auquel cas il y aurait vraiment usurpation d'identité, en tout cas d'images. Mais là, ce sont des extraits de photos, des bouts pas toujours reconnaissables, qui s'offrent publiquement sur Internet ; je crois que la responsabilité revient à ceux qui mettent ces photos en ligne, avec tout ce qu'on apprend au début aux enfants ; attention à ce qu'on met sur Internet, c'est public, tout le monde peut voir, donc les gens en sont conscient d'office, c'est inhérent à l'utilisation d'Internet (et donc à la responsabilité des utilisateurs). Je n'utilise pas une personne, je crée un personnage. Il n'y a rien d'intime dans ces photos, je ne connais même pas son nom. Dans ce cas-là, on crée n'importe quelle polémique dès que quelqu'un crée un univers fictif avec des influences qui viennent de sa vie, autant porter plainte dès qu'on se reconnaît un tant soit peu dans un film, un livre, ou une pièce.
Tout, dans le cadre d'une recherche, est une atteinte à la vie privée : une fille met sa photo en ligne sur n'importe quel site de rencontre, je la retrouve en ligne en ayant tapé une recherche qui ne correspond peut-être pas littéralement à la description de sa photo sur ce site. Dans ce cas-là tous les gens qui recherchent une photo avec ces mots et qui tombent sur une photo, même s'ils ne " l'utilisent " pas, sont dans l'illégalité ?
La question principale de cette action, c'est l'anonymat, et effectivement, j'ai poussé les limites de l'anonymat. Mais extrapoler ça c'est remettre en question l'utilisation d'Internet, et c'est simplement pour ça que ça va plus loin qu'un délire personnel. Pour les personnes en face, se sont des personnes qui ne se doutent pas de la mise en scène derrière, qui prennent du plaisir solitaire puisque c'est un besoin naturel, et que ce n'est pas difficile d'en avoir conscience. Je préfère savoir que des hommes se satisfont face à une discussion en direct, avec un fille (dans leur imagination, mais qu'importe, si cela marche) qui leur donne du désir sexuel et une sorte d'affection, plutôt que devant des vidéos déjà prêtes à consommer et sans communication avec le demandeur. C'est tout, une fois que c'est fini, c'est fini, et c'est instauré au début de la discussion ; je n'ai jamais donné rendez-vous à quelqu'un dans un bar, jamais appelé quelqu'un, et le compte sur Skype n'a pas abouti. C'est éphémère, il n'y a pas d'utilisation d'une personne sur le long terme. Le but, ce n'est pas de se foutre de la gueule de quelqu'un, ce qui constituerait effectivement un bête délire de lycéen ; on laisse l'histoire exister jusqu'au bout, on ne finit par pas par se montrer comme les deux mecs que nous sommes face à la webcam (ce qui, si j'étais l'interlocuteur, me détruirait). Au contraire, c'est une sorte de prostitution peut-être, qui a aussi un certain effet sur l'utilisateur que je suis (on s'identifie au personnage, le désir monte), et qui au final a peut de différences avec un simple scénario qu'on imaginerait dans sa tête et dans ses draps.
Après, avec de la bonne foi, je rejoins Synopz et nos quelques verres de Get à trois heures du matin ont sûrement joué d'un côté ou d'un autre. Mais ça joue tout de même sur une relation entre deux personnes ; on peut toujours associer ça à une sorte de sadisme ou de masochisme. Sade considérait qu'il existait entre deux membres d'une relation, qu'elle qu'elle soit, une " loi " de bourreau à condamné, et chez Sacher-Masoch (dont on a dérivé le terme " masochisme "), c'est un " contrat ". C'est un contrat qui est inhérent au jeu, qui est posé dès le début, comme une relation acteur-spectateur, en tout cas, au début de l'existence de cinéma peut-être, où les spectateurs croyaient vraiment à l'histoire représentée. C'est peut-être une démarche anachronique et c'est pour ça qu'elle semble étrange, mais quoi qu'il en soit, quand on la vit, elle fonctionne.
(sinon, un MacBook Pro n'est peut-être pas une machine de guerre, mais il fait tourner des trucs mieux qu'avant, c'est pas comme si on passait le weekend sous Windows XP je voulais signifier)