Bon, je le dis tout de suite, je suis un fan incondi de
Daft Punk. J'ai grandi avec et pourtant je ne suis pas spécialement calé point de vue electro. J'ai absolument tous leurs albums chez moi, y compris les Alive 1997 et 2007, la bande originale de
Tron: Legacy et aussi quelques albums de remixes. Pour moi, Daft Punk est ce qui est arrivé de mieux en ce qui concerne la musique en France. Et qu'on aime ou qu'on déteste, on ne peut malgré tout qu'être fier d'avoir un groupe comme ça dans nos contrées. Car outre un son précurseur dans le domaine de la musique éléctronique, c'est surtout le mythe qu'ils ont construit autour d'eux au biais d'une image ultra soignée qui fait que ce groupe est reconnu internationalement parlant. Et si vous demandez à n'importe qui dans le monde s'il connait Daft Punk, dans le meilleur des cas il vous répondra très certainement par l'affirmative.
Néanmoins, on peut parfaitement être accro à quelque chose/quelqu'un et en parallèle être complètement passé à côté d'un truc en rapport avec ce dont on est fan... C'est précisément mon cas.
Je savais que Daft Punk avait fait une incursion dans le cinéma (notamment en tant que contribution musicale sur
Interstella 5555 en 2003, et
Tron dernièrement) mais je n'avais encore jamais prêté attention au fait qu'ils s'étaient également mis à la réalisation... jusqu'à aujourd'hui.
Écrite et réalisée en 2006, cette toute première oeuvre signée du célèbre duo frenchy est un véritable OVNI dans le paysage cinématographique.
Son nom : Daft Punk's Electroma.
Dans un monde terrestre qui ressemble au désert californien de nos jours,
deux robots aux vestes "Daft Punk" sont en quête d'un rêve : devenir humains. Avant toute chose, il est bon de préciser que ce film n'a absolument rien de commun avec ce que l'on peut voir habituellement au cinéma. Le traitement est lent, le film est court (1h10), il n'y aucune parole, et il y a pas mal de plans-séquences (certains durent même presque 10 minutes). C'est en ce sens qu'il convient d'avertir qu'il faut posséder une grande ouverture d'esprit pour apprécier pleinement la chose. Car en realité il s'agit ni plus ni moins que d'un film purement expérimental et à volonté philosophique. Pour cela, je crois qu'il ne serait pas prétentieux de ma part de le comparer avec un certain
2001, l'Odyssée de l'Espace qui possède à peu de choses près les même notions
Human After All
Il ne faudra pas non plus compter sur un scénario très important car celui-ci n'existe tout simplement pas. Le postulat de départ est en effet ultra simple, presque ridicule : c'est l'histoire de deux robots qui n'ont qu'un seul et unique but, celui de devenir humains. Commence alors une longue traversée du désert afin d'entamer cette recherche d'identité qui est, en réalité, la véritable thématique de ce film.
C’est dans une voiture noire immatriculée en Californie et qui porte le nom prédestiné de "
Human" que les deux robots débutent leur quête d’humanité. L’histoire commence comme un road-movie, avec le magnifique désert californien en toile de fond. La caméra suit, précède, survole le véhicule lancé à toute vitesse, s’attardant parfois sur ses occupants ou encore sa carrosserie...
Quand ils débarquent en ville, le spectateur note tout de suite un contraste avec les autres robots qui, s’ils portent eux aussi tous des casques, sont par contre habillés normalement alors que les deux héros sont tout de noir vêtus. Peut-être faut-il être un peu marginal pour souhaiter devenir humain ? De plus, ces autres robots ont une attitude quasi léthargique.
Une fois arrivés dans une espèce de laboratoire scientifico-futuriste, changement de décor : le monde devient noir et blanc et saturé, les deux robots reçoivent leur visage et après une courte euphorie, leur existence humaine va prendre un tournent tragique. Il ne reste plus aux deux qu’à aller panser leurs plaies dans le désert...
Le film multiplie les références au cinéma sf. Ici, l'esthétique rappelle clairement THX-1138 de George Lucas...
Thèmes et Influences
Le film est ponctué d'idées intéressantes qui ne doivent finalement rien aux autres, surgies d'on ne sait où, à la fois de partout et de nulle part. Déjà, un parti-pris, celui de diviser le film en autant de chapitre en mettant des inserts de fragments de flammes. Ensuite, de peupler tous les êtres quasiment de masques à leur effigie afin de créer une population entièrement mécanique. Le contraste avec leurs masques à têtes d'humains qu'on jurerait issus des
Guignols de l'info ne fait que prolonger la stupeur et le sourire bienvenus (je soupçonne ces têtes d'être celles, à peine caricaturées, des véritables Daft : Bangalter et Homem-Christo xD).
Et puis, plus le film avance, plus il débouche sur une sorte d'
errance touchante des personnages. Pas de paroles, que des non-dits, des plans étirés, des jeux d'angles et de flou... À ce stade, le manque affectif se fait confondre avec le désert qui devient, à travers de nombreux plans contemplatifs, un personnage à part entière.
Le désert, symbole d'une autre thématique : l'errance. Filmé avec une sensualité incroyable sur fond de Linda Perhacs. Si le film n'est clairement pas destiné à être un pur objet commercial et est même carrément inaccessible de part son traitement philosophique, il est par contre traversé à la fois par le respect des road-movies pré-existants (scène d'explosion revue 3 fois sous différents angles qui évoque un peu le
Zabriskie Point d'Antonioni), des références cinéphiliques en vrac (principalement le
Gerry de Gus van Sant -- plans dans la voiture sur lesquels on pourrait mettre du Arvo Pärt, plans-séquences sur la marche des personnages dans le désert étirés à mort afin de faire ressentir la temporalité au spectateur -- ainsi que le
2001 de Kubrick et le
THX-1138 de George Lucas -- contraste noir et blanc clinique et extrême à faire pâlir d'envie un Roberto Rodriguez sur fond de symétrie quasi-parfaite dans la scène du laboratoire...), mais également par une vraie touche personnelle sensible, n'appartenant au fond qu'à lui.
Au final, il en ressort une sorte d'étrange trip visuel et sonore (sans la psychédélie d'un
2001 cependant). Un film que l'on ne peut pas expliquer et qui, une fois visionné, reste autant détestable que fascinant, car pas du tout accessible. Comme je le disais plus haut, il faut avoir un esprit très ouvert pour ne pas décrocher au bout de deux minutes...
Si vous acceptez de faire le voyage dans un film au rythme lent, que vous aimez la musique 70's (pas de morceaux des Daft) et être surpris par une certaine esthétique, ou encore que vous préférez les robots et la science-fiction utopiste à la musique électronique qui fait trembler le plancher et l'animation japonaise (
Interstella 5555), vous ne le regretterez pas.
Mais si vous aimez tout simplement ce que j'ai cité auparavant, alors matez-le aussi !
Le film est visible facilement sur Internet
Enjoy ! /o/
(ou pas)