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La Tour du Rouge : [Random | Très court] Sans titre #1

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raphael14:
Une fois de plus malmené, pauvre Samyël.
Que les autres élèves sont cruels.
Lowyn a comme un faux air de Malfoy, c'est dire.
Cette scène de cruauté montre tout de même à quel point le monde est hostile à ton petit mage. Chassé de Solanéa, malmené et ces mésaventures font naître un désir de vengeance destructeur...Ca promet.

Great Magician Samyël:
Et encore, tu n'as rien vu. Les choses sérieuses ne vont plus trop tarder à débuter! Merci pour ton commentaire ^^


Sans transition, voici le chapitre 21, qui clôt le livre III du Cycle. A bientôt!

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Par soucis de netteté et de facilité, je glisse ici la liste des 7 Arts, avec leur place, leur couleur respectif et leur Maître ainsi que la façon d'appeler un pratiquant.

Place - Couleur : Dénomination - Maîtres - Dénomination des initiés

1er - Gris: Invocation - Dagon - Invocateur
2e - Pourpre: Altération - Sörel - Altérant
3e - Bleu: Enchantement - Az - Enchanteur
4e - Orange: Méta-magie - Bronze - Méta-magicien/Méta-mage
5e - Blanc: Magie divine - Gedon - Prélat
6e - Noir: Rhétorique des runes - Darius Quint - Rhéteur runique/des runes
7e - Rouge: Tellurisme - Joed - Telluriste


Chapitre 21 : Maître Sorël.


   
Rassemblés dans un vaste salon, quelque part dans un recoin secret de la Citadelle, les maîtres échangeaient quiètement sur l'avancée de leurs élèves respectifs, une tasse de thé fumante à la main. Au nombre de six, ils attendaient patiemment la venue de l'Archimage, ainsi que celle, non assurée, du maître Sorël. Ils portaient les mêmes robes que les étudiants, cependant elles étaient plus riches, brodées d'or et d'argent, avec des runes en filigranes.
Il n'était guère surprenant que le sujet de conversation qui les animait portât sur le jeune Samyël. En effet, conformément au souhait de l'Archimage, chacun d'eux avait testé le jeune homme dans la matinée.
-C'est dommage, disait Dagon, le maître Invocateur. Il a pourtant l'air d'un bon garçon.
-Je ne sais pas, répondit Az, le filiforme Enchanteur. Il y a quelque chose chez lui qui me déplait.
Gedon, le Prélat, et Joed, le Telluriste, acquiescèrent de concert en silence. Darius Quint, le petit Rhéteur, gardait ses pensées pour lui et les mains dans ses amples manches. Il avait encore en tête l'altercation violente dont il avait été témoin entre le jeune Samyël et son élève Lowyn. S'il n'était pas intervenu, il ne doutait pas que c'eût été d'un cadavre dont on eut parlé.
Le Maître Bronze aussi gardait le silence. Mais c'était tout simplement parce qu'il ne pouvait pas parler. Ses lèvres de bronze étaient scellées. Son don de télépathe ne pouvait toucher qu'une personne à la fois, et il n'aimait pas s'immiscer dans les esprits. Il réservait ses paroles pour le seul Archimage et ses propres élèves.
-Qu'en pensez vous, Darius?, reprit Az en buvant une gorgée de thé.
Le Maître Quint était un personnage atypique. Il était vraiment petit, arrivant à peine à l'épaule de Taenry, mais n'avait pas la carrure de celui-ci. Chétif, il cachait son corps dans son ample robe noire. Sa tête paraissait disproportionnée par rapport au reste de son anatomie. Ses cheveux, gris et bouclés, formaient un arc de cercle sur son crâne, laissant le sommet dégarni. Son nez était assez imposant, suffisamment pour supporter une paire impressionnante de lunettes bleues, qui agrandissaient ses yeux déjà globuleux. Cependant, sous ses airs ridicules et comiques, personne n'aurait remis en cause le fait qu'il était, et de loin, l'être le plus puissant vivant sous les toits de la Citadelle. Cela dit, il y avait de cela quelques années, lorsque les couloirs étaient encore encombrés de dizaines d'étudiants bavards, une rumeur circulait, disant qu'à la vérité, le Maître Sorël surclassait Darius. Les duels étant interdits entre les Maîtres, personne n'avait jamais pu trancher une fois pour toute.
Quint secoua doucement la tête, l'air peiné.
-Je ne sais pas. Certains événements extérieurs à ma volonté m'ont empêché de me faire une opinion valable. Cependant, une chose est claire : On nous fait perdre notre temps. Il est évident que ce garçon n'a aucun pouvoir.
Mis à part le maître Bronze, tous acquiescèrent.
-Bronze?, demanda Az.
-Il dit que Sorël ne l'a pas encore testé. Ce qui est vrai, au demeurant.
Les maîtres se tournèrent comme un seul homme et saluèrent l'entrée de l'Archimage. Celui-ci leur répondit d'un sourire bienveillant. Taenry Blanc'Barbe se tenait à ses côté, sa pipe dans la bouche. Gedon présenta à Nemerle une coupe de thé, que celui-ci accepta volontiers.
-Je vois que vous étiez entrain de débattre.
-Oui, Archimage. J'allais dire, reprit Quint, avec un geste fataliste, qu'il serait peut être bon de vérifier les sorts d'accès à la Citadelle.
-Rassurez vous. Taenry s'en est occupé sitôt qu'il eût fait visiter la Citadelle au jeune Samyël. Tout est en ordre. Qu'ont donné les tests?
Les Maîtres secouèrent la tête, contrits.
-Comme vous vous en doutez, répondit Dagon, ils sont nuls. Ce garçon n'a aucun pouvoir.
-Et pourtant, la barrière de sorts l'a laissé passer, fit Joed pensivement.
-Le garçon était-il en possession d'un objet, ou d'un talisman capable de brouiller temporairement les sortilèges de défense?, proposa Darius.
Taenry secoua la tête, et sa barbe suivit le mouvement.
-Rien du tout. Juste un volume original des "Sensordus Demonicas". Le troisième, il me semble.
-Un original?, s'exclamèrent de concert Az et Dagon.
-Oui. Si mes souvenirs sont bons, il appartenait à Rirjk.
-Rirjk?, fit Gedon, surpris d'entendre le nom de son ancien élève.
-Rirjk a été le maître de Samyël, expliqua Nemerle avec un sourire malicieux.
Cette révélation provoqua un certain émoi au sein de l'assemblée.
-Que devient-il?, voulut savoir Gedon.
L'Archimage leva les mains en poussant un soupir.
-Les souvenirs de Samyël m'ont appris que lui et sa femme sont tombés entre les griffes du Commandeur.
-Pauvre homme..., commenta Az en secouant doucement la tête.
-Cela dit, nous ne sommes pas ici pour discuter sur cet énergumène de Rirjk, mais bien sur le cas de Samyël. Au delà de son absence de pouvoir, que vous inspire-t-il?
-Je ne peux pas parler au nom de tous, commença Dagon, car j'ai eu la chance de le tester en premier. Il m'a fait l'effet d'être un bon garçon, attentif à défaut de doué.
-C'est aussi l'avis de Bronze, traduisit Nemerle en jetant un coup d'oeil à l'homme de métal.
-Personnellement, je ne sais pas trop, dit Az. Il y a quelque chose chez lui qui... Comment dire? Qui me met mal à l'aise.
-C'est exactement ce que j'allais dire, approuva Joed et Gedon acquiesça également.
-Darius?
Le petit homme secoua à nouveau la tête, les yeux clos et les bras croisés. Il semblait embarrassé.
-Je ne sais vraiment pas. Mon test s'est mal passé.
-Comment cela?, s'étonna Az.
-Une fois qu'il a été mis en évidence qu'il n'avait aucune aptitude pour la Rhétorique Runique, il a cédé aux sarcasmes de Lowyn d'Hott. Ils en sont venus aux mains, et...
Il se tut.
-Et Lowyn l'aurait tué si tu ne l'en avais pas empêché, finit pour lui Nemerle en se frottant le menton.
-Voilà...
-Samyël et le jeune Hott ont déjà eu un différent, expliqua L'Archimage. Lui et les autres élèves ont essayé de pendre Samyël après l'avoir humilié.
La nouvelle laissa l'assistance sans voix.
-C'est donc lui qui est responsable de l'état de Kelly?, commenta Jeod.
-Oui, lui répondit Taenry. Même pendu, il a su trouvé la force de décocher un magnifique coup de pied. Bien qu'il ne soit pas fait pour être mage, au moins il ne manque pas de ressource.
-Maître, fit Darius. Vous avez lu dans son esprit, et vous avez vu l'ensemble de son existence.
-C'est exact.
-Y a-t-il des choses que nous devrions savoir?
Nemerle resta un moment pensif, comme jaugeant ce qu'il pouvait dire, et ce qu'il ne pouvait pas.
-Et bien, comme vous le savez maintenant, Rirjk fut son maître. Cependant, Henricus de Bror semble être son grand père. Attendez, je n'ai pas fini. Je ne sais pas grand chose de ce côté là. Je ne sais pas s'il est grand père du côté de la mère ou du père. Je ne sais d'ailleurs même pas s'il est effectivement le grand père naturel. Il l'a élevé six ans, puis il s'est délibérément fait prendre par Eratius, pour sauver la vie de Rirjk.  
-Le Commandeur possède une bien sombre importance dans la vie de Samyël, commenta lugubrement Gedon.
-Oui. Je ne vous cacherai pas que le jeune Samyël nourrit des désirs de vengeance sanglante.
-Cela me paraît normal.
-Y a-t-il autre chose, Archimage?
-Rien de significatif, mentit Nemerle.
Il pensait que les autres maîtres n'avaient pas besoin de savoir que Samyël était un assassin, doublé d'un être violent et destiné à la folie, sous ses abords de bon garçon. Il ne l'avait dévoilé qu'à Taenry, en qui il avait une pleine confiance, et le dirait à Sorël, si à l'avenir il en devenait le maître. Taenry n'avait rien voulu savoir. D'une certaine façon, il s'était déjà attaché à Samyël, d'une manière que Nemerle lui avait rarement vu. Ce simple fait lui redonnait confiance. Le petit homme avait le don de jauger les gens, après toutes ces années passées à faire le portier.
-Bien, reprit l'Archimage. Si le garçon ne montre aucune aptitude pour l'Altération également, je vais l'envoyer vers la famille royale avec une recommandation. Je crois qu'il est apte à devenir au moins chevalier. Approuvez-vous?
-Cela me paraît être une sage décision, acquiesça Dagon.
Tous les autres furent de son avis.
-Sur ces entrefaites, je vais prendre congé, dit Nemerle en faisant mine de se lever.
Tout à coup, la lourde double porte s'ouvrit à la volée en claquant violement. Une rafale de vent digne d'une tempête s'engouffra dans la pièce, renversant les tasses, faisant voler les robes et les cheveux, éteignant les bougies. Une boule d'air compacte et parcourue de rotations fulgurantes se matérialisa sur le seuil, restant suspendue pendant quelques secondes. Puis le vent cessa, le calme revint, et la sphère se changea en un homme de grande stature, vêtu d'une élégante robe pourpre ornée avec goût.
L'Archimage et les autres Maîtres n'avaient pas bougé, habitués aux excentricités du nouveau venu.
-Bonjour, Sorël, l'accueillit Nemerle avec son sourire habituel.
Le Maître Altérant parcourut l'assemblée des yeux, son visage androgyne à la beauté surnaturelle renvoyant un masque de mépris hautain, d'arrogance et d'agacement. Gedon ne put s'empêcher de détourner les yeux, mal à l'aise. Darius soutint son regard sans broncher, nullement intimidé, quant à Bronze, il se contenta de le saluer mentalement. Les autres ne firent rien de particulier.
-Bonjour, Archimage, finit-il par dire.
Sa voix étant un ravissement, à la fois chantante, claire, profonde et lyrique.
-Maître, salua-t-il ensuite Taenry en se penchant révérencieusement.
Les mages ne se formalisèrent pas de ces inconvenances protocolaires. Il fallait déjà s'estimer heureux que Sorël se soit montré, et encore plus qu'il ait adressé la parole de son propre gré.
-On m'a demandé. Aussi, me voici, reprit l'Altérant en sortant d'un repli de sa robe un parchemin encore scellé du sceau de l'Archimage.
-Oui, et je te remercie de t'être déplacé.
-Le sceau est rouge... L'affaire est d'importance?
Sans attendre la réponse, Sorël marcha jusqu'au plus proche fauteuil libre et s'y laissa choir sans un bruit. Il tendit le bras derrière lui, et Gedon s'empressa de lui servir une tasse de thé.
-Tu as pris du poids, Az, commenta-t-il avec morgue.
-Je te remercie pour ta sollicitude.
L'Altérant eut un rictus ironique qui tordit joliment ses charmantes lèvres plus rouges que la moyenne.
-Et toi Darius. Toujours aussi ridicule, à ce que je vois.
Quint laissa couler l'insulte. Il savait que la meilleure façon de répondre à Sorël était de l'ignorer. Cependant, l'exercice était souvent difficile, car la verve de l'Altérant était aussi précise qu'une arbalète.  
-Sorël, appela Nemerle. Sais-tu pourquoi je t'ai fait mander?
-Non. Mais j'espère que c'est pour une bonne raison.
D'un geste flegmatique, il jeta négligemment le scellé de l'Archimage dans l'âtre où il se consuma rapidement.


Les pas vifs de Sorël raisonnaient dans les couloirs bordés des cellules des élèves. Quelques uns d'entre eux jetèrent un furtif coup d'oeil, mais se hâtèrent de refermer leur porte en apercevant la haute silhouette.
-C'est ici, indiqua Taenry en sortant son trousseau de clés.
Sorël attendit patiemment que le petit homme ouvre la cellule de Samyël puis s'y engouffra à vive allure. Il découvrit le jeune homme allongé sur sa paillasse, visiblement endormi - Ce qui à cette heure avancée de la nuit n'avait en soi rien de surprenant. Cependant, le garçon semblait délirer. Il était agité, marmonnait des choses inaudibles, et son visage était tordu par un rictus que le Maître Altérant n'aurait su définir, entre rage ardente et peur viscérale. Les traits de Sorël s'adoucirent subitement, et il s'agenouilla auprès du garçon. Il lui prit la main et approcha ses lèvres à ses oreilles.
Taenry n'entendit pas ce qu'il lui susurra, mais l'effet fut presque immédiat. Samyël se calma, sembla un moment apaisé... Puis soudain il se réveilla en criant :
-Eratius!
Perdu dans ses délires cauchemardesques, il crut avoir à faire à une apparition. Une incarnation de la Lumière telle qu'il la concevait. Il plongea sans retenu dans le mauve du regard de Sorël, hypnotisé par la beauté de cet être. Les longs cheveux, fins, soyeux et blonds, du Maître retombaient doucement sur son visage, comme un douce caresse. Les lèvres carmins, sensuelles et terriblement attirantes s'ouvrirent légèrement sous l'effet de surpris.
Sorël souffrait de la même emprise hypnotique. La mauvaise lumière avait faussé les traits du jeune homme initialement, mais à présent qu'il était éveillé, et que la lampe de Taenry éclairait son visage, il ne pouvait s'empêcher d'admirer le vert profonds de ses yeux, ses traits volontaires et virils à la limite de la maturité, et la magnificence de sa chevelure, étrangement rouges et sombres, d'une rare beauté.
Ils restèrent ainsi un moment, se charmant mutuellement. Puis leurs visages se rapprochèrent lentement...
-Sorël, appela Taenry d'une voix bourrue.
L'enchantement rompu, ils clignèrent tout deux des yeux, et Samyël se redressa en s'éloignant un peu, confus.
-Pardon, je...
-Non, ne dis rien. C'est ma faute, le coupa Sorël avec un sourire qui fit une drôle d'impression au jeune homme.
Ce dernier sentait son coeur battre à se rompre. Ses émotions dansaient la farandole, il était perdu. Qu'est-ce qui venait de se passer, là à l'instant? Il remarqua que Sorël ne lui avait pas encore lâché la main. Se surprenant lui même, il ne fit rien pour se dégager. Il trouvait ce contact... agréable. Il rougit involontairement de ces pensées, et fut heureux que la pénombre masquât sa réaction.
-Je... Qui êtes vous?, demanda-t-il d'une petite voix.
-Je suis le Maître Sorël, répondit l'intéressé. On m'a demandé, enfin, l'Archimage m'a demandé, de te tester. Je ne veux pas passer plus de temps ici que nécessaire. C'est pourquoi j'ai pris la liberté de te déranger en pleine nuit.
-Bien, je heu... Que dois-je faire?
-Nemerle m'a dit que tu avais quelques dispositions, ainsi que quelques connaissances pour l'altération. Montre moi.
Sorël lâcha la main de Samyël afin qu'il puisse correctement lancer ses sorts, mais cela peina étrangement le jeune homme. Il se releva en même temps que le maître. Sa cellule était tellement petite qu'ils étaient à peine à quelques centimètres l'un de l'autre. Sorël dégageait une agréable odeur de fleur. Le jeune homme se concentra sur sa tâche. Après son humiliation prolongée de la journée, successivement avec chacun des maîtres, il n'avait pas le droit à l'erreur. Surtout qu'il comprenait que si Sorël le refusait, il serait mis à la porte, et il n'aurait plus qu'à oublier la magie...
Il fit le vide dans son esprit, comme Rirjk, en son temps, le lui avait appris. Il se souvenait encore très bien des heures qu'il avait passé sur ce maudit rocher, face à la mer à essayer de faire abstraction du monde autour de lui. Maintenant, cela lui était aussi naturel que de respirer. A l'aide de deux mots de pouvoirs, il matérialisa une petit sphère de lumière, à quelques millimètres au dessus de sa paume ouverte. En exécutant des séries de signes avec son autre main, il la changea en une balle de feu qui crépita joyeusement. La boule s'agrandit, s'aplanit, et un visage grimaçant s'y dessina, émettant un rire spectral. Puis son sourire disparut, laissant place à une mimique de stupeur, avant de se désagréger dans un relent de fumée.
Quand Samyël reprit conscience du monde autour de lui, Sorël tapait doucement dans ses mains, un sourire ravi sur le visage.


-Je ne sais pas ce qu'il en est des autres écoles, mais le garçon a des aptitudes pour l'Altération. Je le formerai.
Nemerle acquiesça distraitement, le regard fixé sur le lac "Nul-part". Il était à la fois heureux pour le garçon, et inquiet de l'influence que pourrait avoir sur lui l'excentrique Sorël. Et vu comme le Maître pianotait impatiemment sur l'accoudoir, il doutait que l'excitation de Sorël fût purement professionnelle. Même s'il était vrai que l'Altérant n'avait plus enseigné depuis au moins sept ans - ses qualités de professeur n'étaient pas en cause, mais il n'y avait simplement plus d'élèves intéressés par le 2e Art. L'Archimage se demanda un moment avec sérieux si finalement c'était une bonne idée de laisser ces deux là ensembles. Mais d'un autre côté, il était curieux de connaître l'étendu des capacités de Samyël. Sa condition était peu courante, voire même rarissime. Il ne se souvenait pas avoir déjà rencontré un mage réceptif qu'à une seule école.
Il haussa les épaules. Après tout, la magie était imprévisible.  
-Bien, finit-il par dire en se retournant.
Sorël le fixait de ses yeux mauves, qui bien que magnifiques, mettaient l'Archimage toujours mal à l'aise.
-Quelque chose ne va pas, Nemerle?
L'Archimage prit une inspiration et raconta à Sorël ce qu'il avait déjà raconté à Taenry au sujet du garçon. Lorsqu'il eut fini, l'expression de l'Altérant n'avait pas changé.
-Cela ne te dérange pas?, demanda Nemerle, même s'il connaissait déjà plus ou moins la réponse.
Le Maître secoua doucement la tête, et sa fine chevelure suivit le mouvement avec grâce.
-Pourquoi cela le devrait-il? Nous savons tous les deux que j'ai fait des choses bien pires... Tout comme toi, ajouta-t-il.
-Oui, acquiesça l'Archimage.
La familiarité avec laquelle s'adressait Sorël à Nemerle aurait choqué n'importe quel Maître. Cependant, le vieil homme était heureux que l'Altérant continuât de le respecter encore un peu, en dépit de son impuissance magique. Il songea avec une certaine nostalgie à l'époque où l'impétueux Sorël s'inclinait devant lui et le traitait avec déférence, tout comme il le faisait encore avec Taenry. Il s'en était toujours secrètement enorgueilli. Il avait été profondément marqué par le changement d'attitude du Maître, lorsqu'il était revenu de ses propres aventures, vieilli et sans une goutte de magie. Il s'y était habitué.  
-Tu demanderas à Taenry la clé de la salle d'Altération.
-Non.
-Comment?
-Je ne compte pas rester ici. Il fait froid et ça sent mauvais, répondit Sorël en plissant élégamment le nez. Nous étudierons chez moi, dans ma tour.
-Bien, fais à ta guise. J'exige cependant un rapport régulier, disons, un par mois.
-Comme tu veux.
L'Altérant se leva de son fauteuil.
-Sorël!
Le Maître se retourna, agacé.
-Ne fait rien de... déplacé.
Un sourire malicieux répondit à l'Archimage, puis la porte de son bureau claqua, le laissant seul. Il se laissa choir sur son siège en soupirant. Il s'accorda quelques minutes avant d'emprunter la porte secrète qui menait aux appartements de Daltharion.
Pendant ce temps, Sorël retrouva Samyël dans le parc intérieur, assis sur le banc près du tertre, ses maigres possessions sur les genoux. Lorsqu'il aperçut son maître, Samyël se releva prestement.
-C'est réglé, annonça Sorël. Suis moi.
Sans attendre, il prit la direction de la bibliothèque. Samyël lui emboîta le pas sans rien dire. Mille choses s'entrechoquaient dans sa tête. Il peinait à réaliser qu'il avait finalement réussi à devenir apprenti, il se demandait comment le Maître enseignait, combien de temps cela lui prendrait-il pour devenir un mage accompli... Il préféra se focaliser sur des problèmes plus immédiats, comme de ne pas perdre de vue Sorël dans le labyrinthe de la bibliothèque.
-Attend moi ici, lui intima l'Altérant. Je dois voir Grimh, tu auras besoin de certains livres.
Samyël acquiesça tandis que Sorël disparaissait dans les étages. Pour éviter de sombrer dans ses pensées, le jeune homme se mit à arpenter les rayonnages, s'étonnant de la très grande diversité des sujets traités. Un tome en particulier retint son attention. C'était un gros manuscrit à la couverture de cuir verte. Il prenait la poussière et nul titre n'était lisible sur sa tranche. Il s'en saisit et peina à le transporter jusqu'au pupitre de lecture le plus proche tant il était lourd. Le livre claqua avec force en soulevant un nuage de particules. Samyël souffla sur la couverture pour faire apparaître le titre, frappé en lettre d'or terni.
-"Le Chevalier Argoth", lut-il à haute voix.
Sous le titre, il y avait l'image d'un personnage insolite : on aurait dit un chevalier en armure, mais il arborait une queue de reptile et des cornes. Le jeune homme s'apprêtait à l'ouvrir lorsque la main de Sorël se posa délicatement sur son épaule.
-Allons-y, dit-il. Laisse le livre là, Grimh le rangera.
Ils traversèrent rapidement la bibliothèque puis le pont anonyme qui enjambait le fleuve Mana. La nuit rendait le terrain d'entraînement effrayant, les silhouettes solitaires des nombreuses statues faisant penser à des monstres prêts à bondir.  
-Nous avons un peu de route, annonça Sorël. Nous serons chez moi à l'aube.

raphael14:
Alors comment vais-je pouvoir exprimer l'étrange impression que m'a fait Sorël. Sa réaction quand il a rencontré Samyël m'a plongé dans l'incertitude. Cette scène est pour le moins...ambiguë. Mais maintenant Samyël va enfin commencer sa vraie formation d'Altérant. Ça promet. En tout cas je n'oublie rien et je continue à laisser mijoter mes remarques dans mon cerveau, ça pourrait être utile pour la compréhension.

silver:
Magnifique, j'aime le déroulement de l'histoire. Vivement la suite, j'apprécie Sorël et on voit que Samyël a mal vécu la disparition de ses proches.

Prince du Crépuscule:
Bonjour bonjour, eh oui c'est moi, l'el... le Prince! Tu y as a cru hein, avoue? Ou plutôt tu n'y croyais plus, à ma venue. Oui, désolé, blabla tout ça tu connais la chanson. Bref, je suis là, ce n'est plus la peine d'avoir peur. Les oiseaux chantent, l'eau ruisselle gaîment, le vent caresse le feuillage crêpu des sapins et le soleil rayonne à nouveau (mais pas pour très longtemps, je voudrais pas perdre ma principauté quand même...). Si c'est pas beau ça... Oh, ce que j'ai fumé? Mais rien, rien du tout je vous assure! C'est heu... l'humidité, oui parfaitement, ça me requinque. *toussote et écrase discrètement la substance illicite empaquetée derrière lui*

Bon, moi qui avais prié pour un retour du Cycle, je crois que mon voeu a été exaucé. Un an tout de même pour boucler le 20ème chapitre, fallait le faire! Mais comme je te connais, rien de très étonnant en fin de compte... L'important, c'est qu'il soit bel et bien achevé et qu'on puisse le savourer!
Alors, pour commencer, je ne commenterai que tes derniers posts, soit la fin du chapitre 20 et le chapitre 21, puisque je t'avais déjà fait part de mes impressions concernant les suites précédentes il y a assez longtemps de ça.

Comme mise en bouche à mon commentaire, j'ai envie de dire que je suis heureux de retrouver le Cycle, non seulement parce que j'avais envie que tu continues, mais aussi parce que la qualité est toujours au rendez-vous. Je dois dire que ces deux suites m'ont surpris, je ne m'attendais pas du tout à ce que notre pauvre Samyël se fasse ainsi rejeter par les autres élèves! Mais t'es vraiment un auteur sans coeur ma parole! (et je ne le sais que trop bien... *chouine*) Hm, c'est intéressant cet ordonnement par disciplines magiques et tout, on voit clairement qu'elles sont séparées. L'altération a vraiment perdu ses lettres de noblesse comme tu dis, j'aime bien l'explication en tout cas. Et le petit mage vermeil qui se retrouve tout seul et mal à l'aise dès le départ! C'est un peu ce que j'avais subodoré dès le départ: Samyël est un être solitaire qui a du mal avec les autres à cause de toutes les cruelles épreuves qu'il a dû endurer. Cette nouvelle solitude, quoique contre son gré cette fois, illustre très bien ce fait et servira sûrement par la suite à contribuer à la graine de folie qui a été ensemencée dans son esprit. C'est bien pensé et bien amené, un point d'appui narratif en gros. :p
Et en matière de cruauté, notre Altérant en herbe est plutôt bien servi! On voit directement qu'il suscite la haine des autres parce qu'il est spécial et aussi parce qu'on attend trop de lui; de quoi rendre certains vaniteux jaloux. Et c'est ce qui se passe avec ce Lowyn noble et pédant, qui me rappelle Malefoy comme Raph. A peine arrivé et il se fait déjà un rival sérieux, son opposé en quelque sorte, en plus d'être tarabusté de coeur joie par la suite. Je note la violence et la rage dont fait preuve Samyël, qui se défend tant bien que mal face au nombre. C'est un peu le côté chevaleresque de notre "héros" national, qui se dispute sans cesse avec son côté magicien pour le moment bien malmené. Car la désillusion est grande, tu nous l'as bien décrit!
Pour conclure sur ce chapitre, l'intervention de Taenry est appréciable, je l'aime bien ce bougre. La révélation quant à la faiblesse de l'Archi-mage (à laquelle je ne m'attendais pas du tout °°) est également intéressante en soi, car elle symbolise parfaitement l'état de décrépitude dans lequel se trouve plongée la magie. La surprise est grande pour Samyël tout comme pour le lecteur, un effet percutant. Le chef est amoindri, et cela rebondit comme par ricochets sur toute la communauté qu'il dirige, avec des élèves hargneux et pleins de morgue, du mépris, des querelles internes... C'est un thème à exploiter si tu veux mon avis, mais je te fais amplement confiance sur ce genre de sujet. ;)

Concernant le chapitre 21 maintenant, tu me vois heureux de pénétrer dans le cercle des professeurs car j'étais impatient de les connaître. Je vois avec plaisir que tu leur as tous donné un trait de caractère propre, même si nous ne les connaissons pas encore. D'ailleurs, je m'interroge... Ce Maître Bronze là, c'est qui? Je crois que je n'ai pas bien compris sa fonction, c'est une sorte de "sous-maître" de la télépathie? Merci au passage de nous avoir fourni la liste des disciplines magiques, je m'y perdais un peu. ^^;
Ce qu'on peut dire dès l'abord, c'est que Samyël fait un drôle d'effet à ces professeurs, et leur avis est mitigé. Enfin je suppose que c'est normal quand on a affaire à un cas aussi exceptionnel, qui s'est déjà battu à mort à deux reprises avec l'élève le plus talentueux du moment au sein de l'école.
Je m'intéresse plus particulièrement à la personnalité de Darius Quint, qui me semble être un drôle de bonhomme. (rien que par son physique déjà...) Son lien avec Lowyn laisse à penser qu'il dressera des barrières sur le chemin de Samyël, mais sait-on jamais ce que tu nous réserves, sale fourbe... :3
Ah, et l'événement de ce chapitre bien sûr, j'ai nommé Sorël! Ah, quel personnage celui-là! J'ai tout de suite accroché à son côté marginal et excentrique, rien que son entrée déjà, et la réaction des autres professeurs... c'était comique. ='D Un drôle d'oiseau quand même ce maître Altérant, même si je l'adore. Tu sais combien je porte les personnages ambigus dans mon coeur, et celui-là n'est pas en reste, bien au contraire. Un homme à la beauté envoûtante, féminin par l'apparence, mystérieux, plein de verve, et capricieux...

Bref, je me calme. Ah non, je ne me calme pas, puisqu'il faut à présent parler de sa rencontre avec Samyël! *-* En voici une première rencontre qu'elle est équivoque! Une scène très bien amenée par ailleurs, je me dois de le souligner. L'effet hypnotique est si bien rendu qu'on s'y croirait, et puis cette ambiguïté quoi! Mais c'est quoi cette relation, hein?! (oui, mes cachets, tout de suite...)  Ce sont deux opposés, comme deux aimants qui s'attirent l'un l'autre malgré leur différence d'âge et le fait qu'ils soient tous deux de sexe masculin. Je remarque que notre brave Samyël est lui aussi plus que réceptif à la beauté grâcieuse de Sorël... Une scène envoûtante, vraiment, et pleine de mystère comme je les aime, qui produit une forte impression. Ils manquent même de s'embrasser! Avoue que tu l'as piquée à Fufu, allez avoue! è_é *crève*
Les paroles de Sorël m'interpellent par contre, quand il affirme que cet "incident" est de sa faute. L'a-t-il hypnotisé sciemment pour parvenir à ses fins, ou au moyen d'une illusion peut-être involontaire? (il est sans gêne d'ailleurs, il fait ça devant Taenry) Quoiqu'il en soit, cette rencontre perturbe notre petit mage, et le lecteur tout pareil. On se demande d'ores et déjà ce qu'il va en ressortir, d'autant que les dires de l'Archimage confirment que le maître Altérant a quelques petits précédents quelque peu... déplacés. Comme le test de Samyël s'est conclu sur une réussite, on n'a plus qu'à attendre la suite des événements, et fébrilement s'il te plaît! On trépigne, on n'en peut plus, on se mord les doigts, on arrache le papier peint, on...! Comment ça j'en fait trop? °° *sort piteusement* Cette étrange relation maître/élève m'en rappelle une que je connais bien d'ailleurs, si tu vois ce à quoi je fais allusion. :p

Hmm... pour terminer sur ces remarques, la relation entre Sorël et l'Archimage "déchu" m'intéresse vivement. Il s'en dégage une sorte de mélancolie qui me fascine. J'aurais bien aimé connaître le véritable lien qui les a unis par le passé, tout comme les exactions qu'ils ont tout deux commises. Et comme j'apprécie ce genre de choses, mention spéciale aux petites références qui se sont glissées dans ce chapitre, comme le nom du bibliothécaire Grimh qui fait penser aux frères Grimm (d'ailleurs c'est marrant ça veut dire colère en Allemand :P) ou à un diminutif de grimoire. Oui bon là je divague peut-être, mais j'avais envie de le dire, la prochaine fois achète-moi une muselière si t'es pas content. :roll:
Et puis bien sûr il y a le vieux livre bien fourni du Chevalier Argoth, belle référence que j'apprécie! Espérons que l'oeuvre véritable sera aussi lourde que celle-ci. ^^

Bon, pour clore le commentaire, passons aux défauts récurrents. Je parle bien sûr des fautes, qui entachent ton récit par-ci par-là. "Fait" à la place de "Fais" à l'impératif, etc. Elles ne sont pas nombreuses certes, mais fais attention quand même. Le relâchement n'est pas toléré ici bas. Tu as par exemple oublié le -e final à "étendue" et à un autre mot qui se finit pareillement en -ue, entre autres fautes d'accord que j'ai pu relever. Solution? Une relecture assidue et précise. Autre faute que tu commets systématiquement et que j'avais déjà soulignée par le passé, au niveau de la ponctuation cette fois-ci: Après un point d'interrogation, un point d'exclamation ou même des points de suspension dans un dialoque, il n'y a pas besoin de mettre de virgule avant d'insérer un "dit-il" ou autres incises du genre. Par exemple tu ne dois pas écrire "-Je... Qui êtes vous?, demanda-t-il d'une petite voix." mais "- Je... Qui êtes-vous? demanda-t-il d'une petite voix."
Voilà, sinon je trouve que la fin du chapitre 21 (Evite de mettre chapitre 20 pour le chapitre précédent et chapitre 7 pour celui-ci, c'est assez dérangeant >_>) n'est pas vraiment pertinente, à tout le moins pas assez percutante, pour faire état d'une fin de Livre. On s'attend vraiment à une suite directe derrière je trouve. C'est peut-être plus une affaire de goût qu'autre chose mais enfin... on verra bien.

Sur ce, je te souhaite une bonne continuation, en espérant que ce commentaire t'ait été un minimum utile. Tu es sur la bonne voie pour nous faire vivre de (très) bons moments de lecture, et j'attends la suite avec une impatience non dissimulée et non dissimulable! Bonne inspiration à toi, vil écrivationneur. ;)

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