Les trois compagnons ne prirent pas le temps de manger. Après des jours à essayer de retrouver un but, à défaut de retrouver Krystal, ils n’eurent pas le cœur à cuisiner. Au lieu de ça, ils scrutaient le ciel en espérant apercevoir Chompir avec sa mystérieuse invitée. Ils ne savaient pas qui elle était, mais elle portait les informations qui leur permettraient de comprendre ce qu’il se passait. Yorick avait la désagréable impression de faire partie d’un plan cosmique qui le dépassait. Il voulait simplement faire un restaurant convivial où tout le monde pourrait manger un petit plat avec un petit élixir pétillant. Mais rien ne se passait comme prévu. Il s’était attaché à de nouveaux compagnons. Un Bokoblin et un Piaf. Il avait retrouvé Jielash. Krystal les avait quittés. La retrouveraient-ils ?
La recherche de Chompir s’était vite transformée en compétition entre les trois camarades. Et ce fut finalement Bokoblin qui vit pointer le premier point dans le ciel. Dans un cri de joie qui fit sursauter les deux autres, il s’exclama :
ꟷ Linkondo : Les voilà ! Ils sont là !
ꟷ Jielash : C’est bizarre. Ce n’est pas du tout par là Akkala. Ils ont du faire un détour.
ꟷ Yorick : Et ils vont super vite. Je ne le pensais pas capable d’une telle vitesse.
En effet, ce qui n’était au départ qu’un point commençait à prendre forme. Yorick avait une drôle d’impression. Il avait déjà vu Chompir s’envoler et cela ne ressemblait pas trop à ça. Les ailes qui devaient être gracieuses se retrouvaient échancrées comme des ailes de chauve-souris ou de saigneurs comme il avait l’habitude de les appeler. Et puis il devait ramener quelqu’un dans ses serres. Il n’avait qu’un vague souvenir de son voyage dans les cieux, mais il semblait bien que ça se passait comme ça. Peut-être était-ce tout simplement l’obscurité de la nuit qui donnait cette impression. Alors qu’il tentait vainement de se rassurer, un frisson le parcourut depuis le bas de la colonne jusqu’en haut de sa nuque. Ne pouvait-il pas se contenter de ces bonnes nouvelles et ne pas envisager le pire ? Après tout ils rejoignaient Chompir, mais les paroles de cette certaine Stefbad avait tout fichu en l’air. Les paroles « La vie de Linkondo est en jeu. » résonnaient dans sa tête. Qu’elle était cette histoire de Verantwo ? En quoi les Yigas et Linkondo étaient-ils liés ? Krystal lui manquait. Son esprit qui frôlait la psychopathie verrait peut-être une logique dans toute cette histoire. D’autant que …
ꟷ Jielash, Linkondo et Yorick : MAIS QU'EST-CE QUE C'EST QUE ÇA ?!
Une étrange créature se posa devant eux. Sous la lumière de leur collier nox, ils ne distinguèrent que les contours effrayants d’une créature qui n’avait rien à voir avec Chompir. Ils n’auraient pas pu en demander beaucoup plus car ils furent interrompus par un autre bruissement d’ailes qui cette fois venait de derrière eux. Yorick se retourna, Chompir venait de poser Stefbad sur le sol et atterrissait à son tour.
ꟷ Chompir : Alors c'est à ça que tu ressembles, Verantwo !
ꟷ Verantwo : Chompir ! Quelle coïncidence, je ne pensais pas que tu rejoindrais tes compagnons si vite ! Oh, mais tu es accompagné apparemment ! Oh pas la peine de me présenter... Stefbad, d'autres choses que tu pourras mettre dans ton carnet : je peux lire le passé, le présent et les pensées de qui je veux. Je n'ai de lien avec Veran que celui qu'elle est mon ancêtre spirituelle, et je suis masculin. Au reste, félicitation pour tes déductions, mais il est trop tard. Maintenant si vous le permettez, j'ai une mission à accomplir, je dois punir le traître… qui se trouve juste ici !!!!
La créature se mit à montrer Linkondo avec un sourire sardonique qui déformait les traits de son visage. C’était foutu, il ne comprenait rien. Il sentait la menace arriver et pourtant il était paralysé. Ses jambes étaient en coton. Le temps lui parut comme distendu. Il n’écouta pas la suite, cela faisait trop à intégrer d’un coup. Il ne réagit que lorsqu’il entendit vaguement son nom prononcé par Linkondo. Cela avait beau être un appel au secours, la voix lui paraissait lointaine comme étouffée. Seul Chompir sembla réagir à ce qu’il se passait, mais malgré toute la volonté du monde, il ne put rien faire. D’un simple regard, le Piaf tomba raide sur le sol et Vérantwo en profita pour s’envoler. Ce fut Jielash qui recouvrit en premier ses esprits. Dès que le monstre s’était éloigné, elle se précipita sur Chompir, plaça une main dans le creux de son aile. D’une voix monocorde, elle annonça :
ꟷ Jielash : Il est vivant. Je sens son pouls. Je pense qu’il est tout simplement évanoui.
ꟷ Yorick : Il lui faut du repos. Et nous aussi. On a besoin de se poser et de réfléchir calmement à ce qu’il vient de se passer. Nous ne pourrons pas le rattraper de toute façon. Le plus sage est de s’arrêter au premier relais que l’on trouve, de faire le point sur ce qu’on sait, de louer des chevaux et de partir en direction du désert le plus rapidement possible.
ꟷ Jielash : Le désert Gerudo. On n’est pas sûr que ce soit là qu’il est parti. Et même si c’est vraiment le cas, je te rappelle qu’il est immense. On se perdra à coup sûr.
ꟷ Yorick : Je te rappelle que nous avons une Gerudo avec nous qui pourra nous servir de guide.
La paire de regards se fixa sur la Gerudo en question. Sentant la pression exercée par les yeux des deux Hyliens, Stefbad leva la tête de son carnet dans lequel elle finissait de marquer les informations qu’elle avait récolter.
ꟷ Stefbad : Pardon. Je notais avant d’oublier.
Yorick perçut une certaine gêne dans la manière de s’excuser. Peu à l’aise avec leur présence, elle avait dû se réfugier dans la rédaction de ce carnet plutôt que d’essayer de gérer la situation. Même si le moindre détail pouvait se rendre utile par la suite, Yorick ne put s’empêcher de penser que cette Gerudo inactive allait être un point pour le groupe. Aussitôt cette pensée avait-elle été imaginée que le jeune hylien se sentit coupable. Après tout, quelques minutes plutôt n’était-il pas lui aussi paralysé par la peur alors qu’il s’agit de son camarade qui venait d’être enlevé ? En quoi se permettait-il d’être exigeant envers cette femme dont il ne connaissait rien ? Il n’avait pas de quoi la juger. Chacun pouvait réagir différemment et aucune réaction n’était moins acceptable que l’autre. Ne sachant que dire, les deux Hyliens restèrent muets. Devant ce silence pesant, Stefbad préféra reprendre la parole.
ꟷ Stefbad : Je vous dois des explications, je crois. C’est assez soudain à vrai dire. Je ne pensais pas être engluée dans cette situation si rapidement. Il y a encore quelques temps je prenais des notes seules et sans avoir de compte à rendre. Puis j’ai dû voler pour vous expliquer ce que je savais. Et je vois qu’il est un peu trop tard. Je suis désolé.
ꟷ Jielash : Ne t’excuse pas. Nous savons que tu n’as rien demandé de tout ça. Comme nous, tu te retrouves au mauvais endroit, au mauvais moment. Si ça ne te dérange pas de faire encore un bout de route avec nous, je te propose que tu nous expliques tout ça en chemin.
ꟷ Yorick : On n’ira pas bien loin avec un Piaf dans les vapes. Faisons une halte au Relais le plus proche. On en voit les lumières pas loin, ce doit être celui des Marécages en toute logique. On s’arrête là-bas. On porte Chompir jusqu’à un lit. On en profite pour se reposer aussi et après on part à la chasse à la chauvesouris.
ꟷ Jielash : Tu comptes vraiment dormir avec Chompir inconscient à cause de je ne sais quel sort et avec Linkondo entre les griffes de ce Verantwo ?
Suite à l’évocation du nom de leur ami Bokoblin, les trois colliers et la bague nox se mirent à luire d’une teinte verdâtre. Tous se turent pour écouter ce que pourrait dire le Bokoblin. Surtout Chompir qui n’avait pas conscience de qu’il se passait autour de lui. Il ne prononçait pas un mot, néanmoins, ils l’entendirent grelotter. Yorick pensa d’abord qu’il devait être encore en plein vol, mais aucun bruit habituel engendré par la vitesse et le vent ne sortait des gemmes nox. Lorsque la pierre reprit sa couleur initiale, signifiant que la communication avait été coupée, le jeune Hylien reprit la parole.
ꟷ Yorick : S’il est dans le désert et qu’il a froid, c’est que soit il est dans les hauteurs, soit dans le désert lui-même. D’après ce qu’on m’a dit, il y fait une chaleur étouffante en journée, mais qu’on pouvait y mourir de froid la nuit. Confirmes-tu Stefbad ?
ꟷ Stefbad : C’est exact.
ꟷ Yorick : Dans ce cas, si on le contacte lorsqu’il fera jour, on pourra ainsi délimiter une zone de recherche non ?
ꟷ Jielash : Ne devrait-on pas éviter de prononcer son nom, en attendant ? Si ce Verantwo découvre qu’on peut communiquer avec lui, il lui arrachera sûrement le collier. Il faut juste espérer que Li… notre ami le Bokoblin ait la même idée. De garder en réserve le collier en cas d’urgence.
Avant de répondre, tout le groupe s’arrêta pour regarder la réaction des gemmes. Aucun changement malgré l’évocation claire de Linkondo. Les pierres réagissaient au nom du destinataire, cela semblait indéniable. Quant à espérer que la créature ne prenne pas en compte cette possibilité de communiquer, cela tenait du miracle. D’après ses dires, elle pouvait, en plus de connaître le passé, lire dans les pensées. Deux méthodes qui pourraient lui indiquer le danger que représenter pour elle ce collier. Néanmoins, Linkondo pourrait toujours crier leur nom si Vérantwo tentait de s’emparer du bijou afin de leur fournir de précieux indices.
ꟷ Yorick : Ça a l’air de marcher. Faisons comme ça. Utilisons les chevaux pour amener Chompir jusqu’au Relais. Stefbad tu monteras avec Jielash tant que je soutiendrais Chompir sur ma monture. Il faut juste que vous m’aidiez à le monter.
ꟷ Stefbad : Je préfère marcher. Si cela ne vous dérange pas. Je tiendrais l’allure.
A l’aide de la Gerudo, qui ne manquait pas à sa réputation et présentait une incroyable force physique, ils installèrent le Piaf sur Revali. Le cheval reconnaissant son ancien maître fouaillait avec énergie sa queue. Puis Yorick s’installa derrière lui alors que les deux femmes le maintenaient en équilibre. Une fois correctement positionné, il laissa le temps à Jielash de monter sa propre monture avant de prendre la route pour le Relais.
ꟷ Yorick : Je vous propose qu’on se partage ce qu’il reste de nuit en trois pour surveiller Chompir lorsqu’on sera arrivé. Ainsi les autres pourront dormir plus tranquillement et dès qu’il est réveillé on pourra alors partir.
ꟷ Jielash : Si cela ne te dérange pas, j’aimerai prendre le premier tiers. Je ne pense pas pouvoir m’endormir après de tels évènements.
Arrivés au Relais, ils s’installèrent assez rapidement. Ils échangèrent les pierres précieuses qu’ils avaient récupéré auparavant contre quatre lits, la location de deux chevaux supplémentaires pour le lendemain et quelques ingrédients dont une bouteille de lait frais, un boisseau de blé et une motte de beurre que Jielash utilisa tout de suite, avec un morceau de viande fine qu’ils avaient récolté plus tôt, pour réaliser un ragoût de viande fine. Les trois nouveaux compagnons se partagèrent le repas et essayèrent d’en faire avaler quelques cuillerées au Piaf, mais l’absence de réaction de Chompir découragea Jielash qui tenait à prendre soin de lui. Alors que leur propre repas était terminé depuis le temps et que le ragoût était presque devenu froid, elle tentait encore de le gaver sans y parvenir. Stefbad s’était rapidement installée dans un des lits et avait tiré les rideaux pour s’isoler. Malgré cela, Yorick pouvait entendre qu’elle ne dormait pas encore et qu’elle avait repris ses travaux d’écriture sur son carnet. Le crissement du stylo sur le papier était caractéristique. Yorick, lui n’était pas encore couché et regardait Jielash prendre soin du Piaf sans savoir quoi faire. Malgré son impuissance, ce n’est que lorsque Jielash lui dit dans un soupir d’aller se coucher pour prendre sa relève plus tard qu’il accepta de prendre place dans un lit. Une fois sous les draps, il se sentit coupable. Il était confortablement installé alors que son ami était en danger et qu’Hyrule était peut-être menacé. Etait-il un héros ? Non. Certainement pas. Mais il ne pouvait pas laisser le Bokoblin seul et sans défense. Il devait au moins essayer. Tant pis pour le restaurant. Tant pour Krystal. Ils n’étaient sûrement pas une grande menace sinon Vérantwo les aurait sûrement tués sur le champ. Tout comme il n’arrivait pas à s’endormir, il n’arriverait pas à vivre avec le sentiment de n’avoir rien fait, ni même tenté quoi que ce soit. Cependant, malgré les nombreuses questions laissées sans réponse et la peur de ce que lui réservait le lendemain, il ferma les yeux et fit des rêves qui s’apparentaient plus à des cauchemars dans lesquels il s’évertuait à repousser une poupée en forme de Bokoblin d’une nuée de chauvesouris qui l’avait pris en grippe.