Bien, entamons la rédaction d'un avis sur le fraîchement fini :
Suikoden : Tierkreis Si vous avez une culture de base en RPG, il est fort probable que le titre
Suikoden vous évoque quelque chose. Cette série créée par Konami est connue pour reprendre le très, très célèbre roman chinois
Au Bord de l'Eau (
Genso Suikoden en japonais, je ne connais pas le titre chinois). Cette histoire retrace le destin de 108 personnes, issues de toutes les classes sociales, allant du vagabond au prince en passant par un marchand et un cuisinier, 108 personnes unies par un seul et même élément : avoir été témoins de toute l'horreur de leur gouvernement et avoir perdu toute foi en leur dirigeant.
La série compte cinq opus principaux, deux spin-offs de genre tactical et enfin, le petit dernier sorti sur DS en 2009, celui dont je vais à présent vous parler.
Tout commence dans un petit village appelé Citro. On découvre un garçon qui va fêter son quinzième anniversaire, le héros. Ce dernier fait partie du Corps Défensif du village en compagnie de quatre de ses compagnons, l'impassible Jale, la râleuse Marica, le paternaliste Dirk et l'intrigant Liu. Le quotidien réglé comme du papier à musiques des adolescents sera bouleversé quand, dans une ruine mystérieuse, ils découvriront un livre étrange. En le touchant, une vision leur apparaîtra. A partir de cet instant, ils découvrent qu'ils peuvent utiliser des pouvoirs spéciaux et surtout... Ils se souviennent que la forêt qui surplombe leur village n'avait auparavant jamais existé.
Pour découvrir la vérité sur ce livre mystique, sur l'apparition de la forêt et sur leurs nouveaux pouvoirs, le groupe part en direction de Cynas, la ville la plus avancée du monde, ignorant qu'il y dort une terrible menace : l'Ordre de la Voie Unique...
Cette nouvelle religion à la mode se résume ainsi : tout est prédéterminé. Il existe une personne, Valfred, qui peut tout prévoir à l'avance sans jamais se tromper : qui épousera qui, qui mourra et comment, et même où tombera la foudre. Dans le lot, il a aussi prévu que l'Ordre dominerait le monde et que tout le monde devra accepter le destin tracé d'avance qui lui est alloué...
Au terme de multiples péripéties, le quatuor du héros s'opposera à l'Ordre et fondera une compagnie (dans ma partie ça a donné le héros Iragi de la compagnie Zionga du château Streywenn) ayant pour but de faire ouvrir les yeux aux gens et empêcher l'avènement de cette philosophie inhumaine.
L'histoire de Tierkreis est assez colossale à relater, rien que vous donner les éléments que l'on découvre en deux heures me demandera deux pages et je suis sûr que je vous perdrai en cours de route. Mais si je fais le compte, entre les mondes parallèles de l'Infinité, l'Ordre de la Voie Unique à cerner puis à combattre (il m'évoque pas mal l'alignement Loi des
SMT mais ça c'est un truc que seuls ceux qui achètent tous les jeux Atlus peuvent comprendre >__> ), les Chroniques et les 108 étoiles du Destin à récupérer, le passé des personnages et les apparitions de chaque nouveau monde à découvrir, sachez-le, il s'en passe des choses, on n'a pas le temps de s'ennuyer !
Évidemment, on pourrait craindre que le tout soit extrêmement confus, et rassurez-vous, ce n'est pas le cas. Comme chaque cinématique aborde un point différent du scénario sans jamais faire un gros mélange d'infos, le tout est très facile à suivre, très facile à comprendre. En plus, le héros est très compétent comme leader, alors qu'il apparaît comme un pur fonceur, il est très perspicace et spontané. Découvrir cette histoire à ses côtés est très agréable car elle arrive à ne jamais s'essouffler comme un
Valkyrie Profile 2, ni à traîner gravement en longueur comme un
Final Fantasy XII. Je n'ai pas ressenti non plus de rupture, de chute subite de tension comme dans
Digital Devil Saga 2, bref, et même si la comparaison fera pousser des haros à certains d'entre vous, ce jeu est aussi prenant et rythmé qu'un
Golden Sun ou un
Tales of Symphonia (moi j'avais trouvé qu'il ne s'essoufflait pas, ce jeu...).
Sachant qu'il s'étale sur environ soixante heures, on en a pour son argent. Seule la dernière heure de jeu est un peu décevante, l'épilogue arrachant un bon gros "… Et c'est tout ?". Mais cela n'entame pas les cinquante-neuf heures de qualité qui ont précédé.
Le jeu affiche un style graphique assez particulier. Aux environnements ultra-réalistes et détaillés s'ajoutent des personnages en Super Deformed parfois un peu brouillons qui ne sont pas sans rappeler un certain
Final Fantasy VII. Au début du jeu, l'ambiance étant plutôt bon enfant et sans prétention, ce n'est pas gênant, mais quand les choses s'étoffent, s'assombrissent et donnent dans le tragique, ça finit par tomber un peu à côté de la plaque. Un rendu plus proche de la version DS de
Final Fantasy III n'aurait pas été de refus, encore que, renseignements pris,
Suikoden a toujours été connu pour avoir un train de retard graphiquement ; en témoignent les premiers opus ayant rejeté la 3D naissante pour rester à la plus belle des 2D.
Trêve de digressions, il faut tout de même dire que le jeu n'est pas moche pour autant. Les animations ne souffrent pratiquement d'aucun ralentissement, sauf si beaucoup d'éléments se retrouvent comme sur le toit du château ou si trop de personnages attaquent en même temps. Pendant les rixes, les combattants ont des mouvements parfois un peu expansifs et exagérés, mais là encore, ça colle au rendu global. Ajoutons que les décors s'avèrent plutôt bien réalisés, même s'ils sont généralement un peu vides, et on aura fait le tour du visuel pur. Le chara design mérite un paragraphe entier qui lui sera dédié par la suite !
L'OST du jeu est somptueuse, d'une part car les musiques sont très bien réalisées, et d'autre part car le ton choisi s'adapte très bien aux moments et aux lieux visités. Par exemple,
le choix des alliés avant une bataille : on ressent clairement le côté "on reste calme pour le moment, mais on sait que dans dix minutes, ça va chier dans le ventilo !" ou encore le
volcan de Svatgol, plus épique tu meurs, sans parler du thème de la Tour de la Voie qui reflète bien ce côté protecteur, calme, posé et mesuré qu'affiche l'Ordre mais aussi son aspect un peu "dérangeant", un peu "trop beau pour être vrai", même si des écouteurs sont pratiquement indispensables pour bien s'en rendre compte.
Le doublage anglais est de très bonne facture, les voix correspondent généralement bien aux personnages et leur jeu d'acteur est très juste... Tant que le calme règne. Dès que les choses deviennent un peu agitées, les doubleurs ont une nette tendance à sous-jouer au possible, et ça casse un peu l'ambiance. Mais quand on voit le nombre de personnages à camper, la quantité de textes à réciter, qu'on se souvient du niveau moyen d'un doubleur US et qu'on entend le résultat, un seul commentaire peut venir : bravo, c'est une excellente prestation au vu du challenge.
Car oui, c'était bien un challenge, et pas un petit, que de donner vie à tous ces personnages, en commençant par leur donner un aspect propre et en leur attachant une histoire ou du moins une personnalité. Chacun a son caractère, parfois bien trempé ; même s'ils apparaissent très peu, aucun n'est clairement à moitié fait. Il y en a que j'ai trouvé très attachant de par leur côté "mais il/elle est complètement cinglé lui/elle !" en particulier Icas et Ramin. 108 personnages, vous allez me dire : mais dans le lot, y en aura obligatoirement des surdéveloppés et d'autres parfaitement inexploités ? Eh bien oui, il faut reconnaître que certains personnages affichent une richesse remarquable comme Liu, Chrodechild ou Diadora au détriment d'autres qui auraient clairement gagné à apparaître davantage comme Jale, Chein ou Semias.
En termes de chara design, on trouvera de nombreux styles, de nombreux looks, dans un ensemble un peu (beaucoup ?) cliché mais globalement assez plaisant à regarder. Du péquenot de base avec le héros et ses amis au samourai avec Yula et Yomi, en passant par les orientaux comme Asad et Shams, les chevaliers occidentaux avec Fredegund et Nova, sans oublier les non-humains : les robots comme Yod, les hommes-bêtes tel Cougar ou les hommes-poissons avec Nimni, on trouve de tout, de tout, et dans le lot, on dénichera probablement son petit chouchou qu'on aime dévorer des yeux. Moi, j'ai un faible, côté garçons, pour
Tsaubern, il a une prestance que c'est pas possible, et Icas le séducteur ; côté filles, je préfère Lathilda qui me rappelle vaguement quelqu'un et
Minen. Pour un aperçu exhaustif, je vous renvoie à
cette page.
A présent qu'on a fait le tour du background qui regroupe quasi 80% de positif du jeu, on va aborder la différence fondamentale entre un RPG et un film ou un manga : le gameplay.
Ce dernier se partage en deux parties d'inégale importance : l'exploration-gestion et... les combats. Pour démarrer par le premier, c'est un aspect qui évolue comme le scénario : il gagne peu à peu en profondeur, en possibilités. Je ne citerai que ceux qui vous retiendront le plus longtemps, la recherche des 108 Étoiles, les quêtes de Moana et la gestion de l'argent.
Outre les personnages scénaristiques qui doivent regrouper une bonne quarantaine de têtes, vous devez chercher tous les autres alliés potentiels. Ils se trouvent à des endroits plus ou moins précis et seront disponibles pendant une certaine fourchette de temps (entre deux événements du scénario en fait). Certains vous rejoindront rien que si vous les trouvez et que vous leur parlez, d'autres ne vous rejoindront que si vous leur parlez avec des personnages précis dans votre groupe, et enfin il y en a qui seront débloqués pendant des quêtes de Moana. Par effet de domino, si vous en manquez un, vous pouvez en avoir manqué trois, d'où la nécessité de bien explorer le monde entre deux missions du scénario.
En plus du scénario principal, l'entremetteuse Moana vous propose des side-quest selon votre avancement, mais aussi si vous avez tel ou tel personnage ou si vous pouvez constituer une équipe dotée de stats précises. Elles vous débloqueront parfois un nouveau personnage, parfois des objets rares, parfois des infos supplémentaires sur les personnages qui vous ont déjà rejoint. Pas toujours fondamentalement indispensable, mais du moment qu'on est un peu curieux, on s'y met toujours avec entrain.
En ce qui concerne vos finances, l'argent ne se gagne pas à chaque combat. Non, vous ramassez des butins ou achetez des marchandises à vendre comme dans un
FF XII, mais là où ce jeu innove, c'est que chaque ville ou village vous proposera un prix différent pour chaque marchandise. A vous de chercher où acheter pour moins cher et vendre plein pot (l'écart va parfois du simple au double) surtout si vous profitez des Infos, des offres privilèges limitées dans le temps qui consistent en des prix d'achats très bas ou au contraire des ventes très lucratives. Il faut les guetter et en profiter !
Bon, tôt ou tard, il faut bien que j'en parle... Les combats. Eh oui, c'est triste à dire, mais c'est bien THE enormous black point of the game. Ils combinent un gameplay ultra-rudimentaire, style
Golden Sun sans les Djinns ou
Final Fantasy V sans les jobs, avec des apparitions aléatoires d'une fréquence ahurissante. Je ne suis pas sûr de lancer autant de blagues moisies en une heure sur le chan et sur le forum réunis au mieux de ma forme qu'on ne voit de combats en cinq minutes de
Tierkreis, c'est dire !
Tous les trois pas ou presque, un ennemi apparaît, et là, on a le choix entre attaquer physiquement, utiliser une marque des Etoiles (un skill, quoi, vous en récupérez au fil du scénario et vous en choisissez entre un et quatre par personnage), se défendre, utiliser un objet, tenter de fuir ou faire attaquer tout le monde en même temps. Ah oui, de temps en temps on a des attaques groupées si vous avez des persos qui s'entendent dans votre team. Ouaaaah il est suuuuper riche ce système de combat ! Milliardaire, et en dollars siouplaît ! Et comme les ennemis ont TOUJOURS le temps d'en placer au moins une avant de se faire latter, petit à petit, on finit par avoir la vie dans le rouge plus ou moins vite. Il y a des passages comme la Grotte Côtière qui sont fameusement décourageants. Au fil du jeu, on finit par clairement saturer de ce système sous-développé et répétitif au possible.
Et notre armada dans tout ça ? Elle ne vous aidera pas, vous n'avez que quatre persos en même temps au maximum, et puis les seules différences entre eux restent les armes et les Marques des Etoiles qu'ils peuvent manier. A la fin, on en a méchamment ras le cul de ces joutes ultra-redondantes.
En outre, les tableaux à traverser ont souvent un agencement de style "un seul bon chemin mais avec des ramifications qui mènent à des coffres ou à des culs-de-sac" eh ben le temps qu'on réalise qu'on a pris le mauvais chemin et qu'on fasse demi-tour, on aura fait entre dix et vingt combats aléatoires. On ne peut pas toujours se faciliter la vie en passant en Auto car les personnages attaquent un ennemi choisi au hasard et les laissent donc parfois tous moribonds au lieu d'en achever un, ce qui s'avère parfois plus gênant qu'autre chose. Il y a des moments où la DS va passer très très près du mur... Le scénario garde la pêche, garde le rythme, mais alors les affrontements, planquez les cordes ! Plus rébarbatif, on fait pas, ou alors
Final Fantasy III.
Contrairement aux
Suikoden "officiels" qui proposent les joutes tactiques et les duels pour diversifier, ici, des combats, il n'y a que ça, que ça, pas de mini-jeu ni rien dans le lot. Le tout est globalement très facile, boss compris. Les Game Over sont rarissimes, ou alors il faut le vouloir. Et ça ne fait que rajouter au lot de soupirs de fatigue qu'arracheront les phases d'exploration. Des combats moins fréquent et plus pêchus auraient été moins démoralisants.
Même si
Suikoden Tierkreis s'avère un titre plutôt bien réalisé, il ne trouve toute sa valeur qu'à travers un univers incroyablement riche, prenant, captivant et un panel de personnages très intéressant servi par un chara design remarquable ; en jeu pour le jeu, il manque cruellement de fignolage. Trop de combats aléatoires, pas assez de challenge, il se joue avec un doigt et il met les patiences à l'épreuve ; si on n'est pas à fond dans le trip, on aura vite fait de décrocher. Il me rappelle
Shin Megami Tensei à bien des égards, mais ce n'est pas trop le sujet. Je lui mets la note de 15/20 en ventilant 4,5/5 pour le background, 4/5 pour les graphismes (surtout le chara design), 4/5 pour la musique et 2,5/5 pour le gameplay.