Fumito Ueda est unique en son genre. On peut autant aimer que détester ses projets pour bien des raisons mais on ne peut pas ne pas être fasciné par ses œuvres. Avec The Last Guardian, nous sommes clairement face à une continuité pure de ses jeux précédents que sont ICO et Shadow of the Colossus et c'est ce qui lui fera autant de défauts que de qualités. Mais nous allons voir ensemble que tous les défauts du jeu sont littéralement gommés par l'incroyable aventure qui nous est offerte. Une histoire raconté à travers l'innocence d'un enfant et la sensibilité d'une créature extraordinaire.
Opacité
Tout comme ICO en son temps, The Last Guardian est un projet ayant débuté sur une génération de console pour arriver sur la génération suivante. La différence, c'est qu'après deux monuments sortis, Ueda était plus qu'attendu.
Au fil des années, au fil des informations, beaucoup ont décidé de passer à autre chose. Je suis de ceux-là.
Je me suis clairement positionné comme la personne qui regarderait le jeu de loin et y jouerait à la sortie sans en attendre beaucoup.
Il se trouve qu'entre-temps est passé une autre arlésienne (dont le nom ne mérite pas de figurer dans cette critique) et, au vu de son état, je me suis clairement posé la question de savoir comment Fumito Ueda arriverait à rester fidèle à son idée d'origine : le conte d'un enfant et d'une créature chimérique.
Ueda a les défauts d'Ueda
La première rencontre avec le jeu a été chaotique. En fait, je n'ai pas senti une sensation pareille depuis 2005 et Shadow of the Colossus.
Le jeu, clairement, est difficile à prendre en main, à maîtriser. Rajoutez à cela une caméra indomptable et vous avez le cocktail parfait pour n'avoir qu'une envie : casser votre manette et partir pleurer dans votre coin.
Mais il faut s'accrocher. C'est d'ailleurs l'un des thèmes de Ueda dans tous ces jeux : accrochez-vous et élevez-vous !
Si vous obéissez à cette règle, alors vous allez être largement récompensé et, à l'image des défauts que j'évoque à peine tellement ils sont insignifiant face au reste.
Vous ne garderez de ces derniers que le sentiment de frustration et d'impuissance qu'ils ont provoqué et combien, finalement, ils ont participé aussi à vous impliquer émotionnellement d'autant plus dans les épreuves traversées avec les protagonistes.
Une fenêtre s'ouvre sur une aube inconnue
Voici l'histoire de deux êtres.
L'un est un jeune garçon, vulnérable dans son physique mais fort dans sa volonté de vivre, trébuchant facilement car encore instable.
L'autre est Trico, un de ces fameux "aigles mangeur d'homme" qui terrifie tant.
Ils s'éveillent ensemble au fond d'une grotte et décident de s'entre-aider. De s'apprivoiser mutuellement avec objectif clair : trouver comment s'échapper de cette geôle mi-naturelle, mi-construite.
Tout de suite, la crédibilité de la situation est palpable. Les décors sont sublimes, autant grandiloquent qu'étroit et sources de mystères. Mais, surtout, la bête... Trico !
Un jeu donnait l'illusion parfaite de la réaction "naturel" du protagoniste : Journey. La différence, c'est que notre compagnon dans Journey, en fait, c'était un autre joueur derrière son écran.
Ici, l'illusion est aussi réelle mais, surtout, elle est complètement autonome ! Trico bénéficie d'une Intelligence Artificielle absolument unique et ses réactions sont juste incroyable.
Il est impossible à quiconque aime les animaux de ne pas sentir la détresse autant que la compassion du regard, la peur autant que l'amusement dans les gestes, les cris de douleur autant que les cris de joie.
Tandis qu'au départ, il est difficile de cerner la manière "d'utiliser" Trico comme on le veut pour nous permettre de sortir, au fil de l'aventure, au fil de votre compréhension mutuelle, la bête obéira et comprendra plus aisément nos demandes. Une symbiose va s'installer au fur et à mesure en plus de la dépendance qui est immédiate
Toujours plus haut, toujours plus fort
Notre prison n'a qu'une seule échappatoire et celle-ci se trouve toujours plus haut dessus de nous. Il nous faut donc monter. Toujours plus.
Mais cette ascension n'est pas sans difficulté. De nombreuses épreuves vont autant nous faire redescendre, nous abattre que finalement nous rendre plus fort. Très vite, le jeu va nous malmener. L'implication émotionnelle est alors plus forte qu'elle ne l'a jamais été ces dix dernières années dans un jeu vidéo.
Une des interrogations est écarté d'emblée : ce conte nous est raconté par un vieil homme et on comprend qu'il s'agit bien sûr du petit bonhomme. Alors tout le long du jeu, nous ne nous posons que cette question : quid de Trico ?
Et c'est bien autour de Trico que les événements majeurs se déroulent.
Chaque blessure, chaque pieux plantés dans sa chair et que nous décidons de lui arracher est un acte difficile. Nous sommes aussi blessé que lui.
Mais, à l'image de ses cornes, nous grandissons et devenons, une fois encore, plus fort.
L'histoire va alors encore bien plus haut : comment Trico et le petit garçon (nous) sont arrivés ici ? Que sont ces mystérieuses armures qui veulent nous emmener ? Qui est responsable de cette prison ?
Plus direct dans son propos que jamais, Fumito Ueda conclut cette aventure avec brio. Là encore, vous devez sentir mes mains tremblantes sur mon clavier. Au fil de cette critique, au fil de la réminiscence de cette aventure, toute la logique et la construction claire que je voulais insuffler s'est envolée pour finalement laisser place aux émotions. Aux vraies.
Maintenant, vous êtes seul maître de vos choix : concrètement, le jeu a des défauts techniques et de gameplay et on remarque de la répétition dans les actions. Mais, sincèrement, le jeu vous emmène au-delà de ces considérations finalement "purement jeux vidéo" pour aller tellement plus haut, tellement plus fort.
Un jeu attendu pendant presque une décennie, une expérience de quelques heures et des marques qui resteront très certainement à vie. Comme l'a clairement remarqué un bel homme, The Last Guardian, ce n'est pas le jeu de l'année, c'est le jeu de la décennie.
Note : 9/10.