Ça y'est, la "semaine prochaine" est passée depuis longtemps, et toujours pas de texte en vue... Manque de motivation ou manque d'idée ? Un peu des deux, peut être.
Quoi qu'il en soit j'ai quand même fini la deuxième partie, qui est assez différente de comment je m'imaginais la fin de l'histoire il y a quelques mois. Je préviens tout de suite que certains élements du premier texte sont passés à la trappe, et même l'histoire, rattachée à coup de bouts de ficelle est sans doute incohérente entre la première et la deuxième partie (mais pas trop j'espère). On s'en fout au final (enfin moi je m'en fous en tout cas), parce que les idées me sont venus presque spontanément, et que de toute façon, cela représente plus un exercice pour moi qu'une volonté de faire une véritable "fic" cohérente et crédible.
Désolé s'il reste quelques fautes, je suis franchement pas un grammairien de talent... Et aux quelques courageux qui traînent ici et qui lieront mon texte (deux choses qui, l'une et l'autre, sont totalement hypothétiques

), je serais content de lire vos avis
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Jamais tempête ne fut plus violente et impétueuse que celle que Simurgh souleva de la majestueuse puissance de ses ailes démesurées. L’Univers lui-même semblait se déchirer, des plus hautes orbes étoilées jusqu’aux entrailles brûlantes du monde. A qui était témoin de la terrible commotion, le bruit étourdissant était semblable aux plaintes de nuées d’esprits, fantômes d’un passé lointain, lorsque le monde était encore jeune, enfermés dans les profondes cavernes par les fées créatrices, alors craintives des maux que pourrait engendrer la maudite progéniture. Imaginez ! Cavernes profondes, grandes comme des mondes, perpétuellement léchées par les flammes brûlantes et les vapeurs bouillantes de profondeurs plus immenses encore. La tristesse de ces essaims maudits est mêlée à la colère d’une injustice pesant sur leur cœur, telle une montagne posée sur les épaules d’une jeune lavandière.
Ainsi s’ouvrirent les crevasses et les gouffres, autrefois plaine verdoyante ou lac d’un bleu azuré, lorsque les vents déchaînes ouvrirent un passage vers la prison de ces esprits aveuglés par la vengeance. Tous les insectes de l’existence, unis par le mouvement, formant un monstrueux nuage au vrombissement déchirant l’air de ses milliards d’ailes, ne suffiraient pas à décrire l’essaim des démons qui se déversèrent ce jour dans l’air. Ils restent pourtant cachés des yeux des mortels, seul don d’une Nature elle-même effrayée par les terreurs du monde d’en-dessous. Ils sont pourtant là, murmurant aux oreilles des êtres les choses qui mènent à la désolation et à la mort, car pour la Mort ce sont les alliés les plus fidèles qu'il soit. Rongés par une existence infinie de souffrances et de douleur, ils obéiront toujours à Celle qui, enfin, pourra leur apporter la fin des misères, leur dissolution dans le Néant.
Cependant, au-delà des gouffres noirs de l’Ether, des fées, qui sont à nous ce que nous sommes au bêtes rampantes, des intellects vastes au-delà de tout entendement mortel, dressaient lentement et sûrement des plans pour la reconquête de notre monde. Les plaintes de Nova, la plus grande des leurs, les transperçaient comme des flèches. Elles ne trouvaient ni réconfort dans les douceurs des cieux éthérés, ni en plongeant, pleines de douleurs, dans les océans du Chaos, où tout sentiment se perd dans la confusion et le désordre de tous les éléments de l’Univers s’entrechoquant.
Car elles avaient créées le Monde, dans une union qui n’aura plus jamais lieu, tant elles avaient mis de pouvoir dans ce qui était leur perfection, et ne pouvaient se résoudre à abandonner une telle œuvre. Mais elles portaient davantage leur courroux envers leur sœur la Mort, pas seulement pour ses méfaits sur la Terre, mais parce qu'elle avait amené la discorde entre elles.
Lorsque la Terre était encore nue, que les premières pousses germèrent à la lumière du Soleil et de la fraîche rosée naissante, la Mort, encore appelée Merrigane par ses semblables en ces temps reculés, quitta le groupe alors formé pour s’aventurer dans les contrées inexplorées. Son cœur ne penchait pas encore vers de mauvaises intentions, car nul esprit n’est mauvais de nature, mais le devient lorsque le désir jette son ombre sur la raison. Elle erra pendant plusieurs âges, bien que ce temps parût éphémère aux fées, pour qui le temps suit son cours autrement que pour les mortels. Elle fit le tour de la sphère, du septentrion au midi, de l’orient à l’occident, explorant les grottes et la surface des eaux stériles. Dans sa curiosité naïve et insouciante, elle forma des notes de sa harpe, alors consciente que sa propre volonté lui faisait elle-même créer. Elle commença à dédaigner ses semblables, elles qui jouaient de concert, chacune noyant sa personnalité propre dans la création impersonnelle. Elle était sa seule maîtresse.
Elle ne vit pas, du moins ne compris pas tout de suite, les ravages que son esprit solitaire fit au départ. Elle passa dans certaines régions, sa mélodie fut une symphonie de notes graves, et elle créa les vents arides, qui desséchèrent le monde et firent les déserts brûlants. A d’autres endroits, elle joua une note plus aiguë, et sous ses pieds légers se forma la glace mordante, création dont elle est la plus fière, tant elle prend plaisir à danser dans la neige éphémère, à l’éclat lunaire, et à errer dans les grottes glacées et pures. Elle planta de même des plantes fabuleuses aux couleurs chatoyantes, mais au toucher piquantes et empoisonnées. Elle fit sortir des bêtes au pelage soyeux et à la majesté inégalée parmi les êtres vivants, mais aux dents et aux griffes acérées, aux instincts gorgés de l’odeur du sang versé. Elle voulut contempler ses innocentes créations du haut du firmament, et pour qu’elle puisse voler, elle libéra les puissants zéphyrs. De la plus douce brise, ils se changèrent vite en puissants ouragans et en tornades, lacérant les plaines fraîchement fleuries et les forêts plantées par Nova.
Elle revint parmi les fées éprise de la fierté que connait tout créateur dont l’esprit a jeté sur une toile vierge la beauté d'une peinture immortelle. Mais, lorsqu’elle se posa enfin, elle vit le paradis autour d’elle. Tout ce qu’elle avait elle-même engendrée lui parut gris, fade et laid, en comparaison de ce qu’elle contemplait. Elle voyait de larges oiseaux de toutes les couleurs chanter du haut des cimes d’arbres d’un vert éclatant, qui tendaient leurs branches vers la lumière dorée de l'astre solaire. A ses pieds s’écoulaient les eaux remplies de poissons majestueux, nageant dans les ondes lapis-lazuli.
Les fées étaient sur une plaine verdoyante, se reposant de leur labeur, dansant au milieu des herbes hautes. Certaines goûtaient les fruits savoureux qu’elles venaient de planter, d’autres chantaient de leurs douces voix, tandis que certaines nageaient dans les lacs miroitants, trouvant le repos et le calme dans le silence des abysses, alors douces, et non peuplées de créatures malfaisantes.
« Merrigane », dit Nova, « La nuit va bientôt faire tomber son voile sur le monde, et la lune nouvellement créée nous éclairera de sa douce lumière argentée. Joins toi donc à nous, regarde la douce ondée de cet étang au loin, va y plonger, il a été fait pour que tous les maux s’évanouissent des esprits fatigués. Ou bien grimpe en haut de ce chêne, de son sommet tu pourras contempler le monde s’endormant tandis que la Nuit ferme les yeux de tous les petits êtres nouvellement créés. »
Cependant, tandis que les yeux de Merrigane se remplissent de larmes, qu’elle se désole de n’être pas restée parmi elles, ses propres créations se joignent au tableau ainsi peint. Il y eut d’abord les cris des bêtes affamées, qui résonnèrent dans les songes des fées endormies, obscurcissant alors leurs doux rêves idylliques. Puis la grêle, mêlée aux vents violents, glacèrent les entrailles de celles qui, peu de temps auparavant, laissaient libre cours à la magnificence de leur chant et de leur danse. Enfin, les typhons soulevèrent les étendues marines, asséchant les coraux et les algues, arrachant de leur repos sacré les nymphes endormies.
Toutes étaient prises d’un violent courroux, tant le désordre nouveau jetait le monde dans un chaos inattendu. Ce fut le désordre qui s’immisça dans leur cœur qui mena à la Discorde. Chacune se mit en marche pour stopper et détruire les belles œuvres de Merrigane. La puissance ainsi déployée pour les contenir déchira les airs, détruisant, du moins pervertissant les belles choses conjointement faites par les fées. Il y avait Nova, maîtresse des forêts, mais aussi Lae, chevauchant son cerf doré, Idaline, reine des étoiles, puis Uranie, qui souffle aux oreilles des oiseaux leurs chants mélodieux. Mais encore Edmé, Calixte, Jacinta, Panayotis, Sosha, qui, dans leur détresse, voulant protéger ce que chacune avait insufflé à cette création féerique, négligeaient celles des autres, de sorte que tout fut corrompu. Au milieu de la tempête, Merrigane, sentant sur elle le poids d’une colère qu’elle n’avait pas voulue, courbée par la honte, se tenait les oreilles devant le vacarme, les larmes coulant comme la sève d’un arbre au cœur fendu.
Lorsque la Création Originelle ne fut plus qu’un champ de ruine, ombre de ce qu’elle fut jadis, les fées se tinrent au-dessus d’elle. Les fées colériques peuvent prendre les formes les plus effrayantes, qu’aucun poète mélancolique, à l'esprit macabre, ne peut imaginer dans son esprit. Elles sont comme le sombre pic qui se détache d’un blizzard mortel. Quiconque reçoit la sentence de ces juges divines est déchiré, comme un fin voile de lin dans l’ouragan.
Elle fut bannie dans les limbes, dans les Ténèbres Lointaines. Elle était unie avec la Mort elle-même, car la première elle en sema les graines, et le fruit qui en sorti lui revint de droit. Bannie, elle vola vers les lointaines ténèbres, vers la Tour de la Nuit. Le cœur plein d’une colère brûlante, elle commença à tapisser sa demeure de fresques sinistres, tenant entre ses doigts désormais livides et fins comme des pattes d’araignée le destin de toute chose. Du sommet de sa tour, elle chantait des complaintes propres aux cauchemars et à toute chose diabolique. Elle se revoyait, dans la jeunesse éternelle de sa beauté féerique, parcourir les champs éclatants de la Terre neuve. Alors, submergée par la douleur de ce passé perdu, elle bandait son puissant arc, et tirait de noirs dards dans les cœurs des créatures vivantes du monde. Ainsi devenait-elle moins solitaire dans les profondeurs de la Nuit, lorsqu'elle accueillait les âmes déchirées par la douleur et la damnation.
Cependant, le monde ne redevint jamais comme il le fut lors de la grande Création. Les choses mauvaises créées par Merrigane subsistèrent, mais les fées y ajoutèrent, autant qu’elles le purent, quelque chose de leur propre esprit commun, nuançant le froid mordant et les chaleurs infernales. Mais jamais les forêts ne devinrent aussi luxuriantes, les lacs et les fleuves aussi beaux, que lors de l’Aube du Monde.
Ce faisant, soignant la Terre comme elles le purent, Nova leur dit :
« Séchez vos larmes, mes sœurs. Mon cœur me dicte que le cataclysme et la perte de notre semblable étaient inévitables. Peut-être sommes toutes marionnettes de quelque puissance plus forte encore que la nôtre. Même les fées ne connaissent pas tous les secrets de l’Univers qui nous entoure. Il est plus vieux que nous. »
« Mais souvenez-vous toutes », répondit Jacinta, « Comment était beau le paradis que nous avions formé sur cette sphère déserte. Et maintenant les êtres qui la fouleront sont tous condamnés à errer dans la noire demeure de Merrigane la traîtresse ! Notre impuissance face au destin des races mortelles me remplit d’une colère que je n’aurais jamais imaginé éprouver. A quoi bon être fée si nous sommes condamnés à observer une telle injustice sans pouvoir y faire ingérence ? »
« Ne la nomme pas traîtresse ! », cria Edmé, « Souvenez-vous lorsque, toutes, nous nous éveillâmes dans l’Asphodèle, au milieu des explosions célestes. Je vis Merrigane s’éveiller en même temps que moi, ne sachant ce qu’elle était, où elle était, ni ce pourquoi elle existait. Nous partagions les mêmes sentiments mélancoliques. Nous avons parcourues le Firmament telles deux étoiles filantes, entraînées dans un merveilleux ballet cosmique, tant nous étions joyeuses d’Être. Souvenez-vous des chants harmonieux, faisant vibrer les voûtes étoilées, quand elle faisait glisser ses beaux doigts sur les cordes de sa harpe, et que toutes nous dansions sous les accords, suivant sa douce voix mélodieuse. »
« Edmé, Jacinta, toutes les autres, écoutez-moi. », dit Nova d’une voix emplie de tristesse. « Les choses sont car elles étaient destinées à l’être. Ce destin nous ne l’avons pas choisi, notre volonté est pliée par quelque chose de plus grand que nous, de même que nous même plierons les volontés et choisiront les destins d’êtres futurs. Je sais maintenant, du moins je le pense, que la condition mortelle n’est pas une finalité, et qu’elle est nécessaire dans l’existence d’un être. Où vont les esprits, lorsqu’ils quittent leur corps de chair, je l’ignore, et il me parait que Merrigane elle-même ne le sait point. Allons ! La Terre est désormais faite. Toutes nous voyons les choses qui l’habiteront, choses bonnes ou mauvaises. Nous avons été naïves, pensant que nous créerons un havre de paix inaltérable. Mais les épreuves existent désormais, formées dans le tumulte qui s’est joué dans ces plaines terrestres, dans la commotion qui a fait trembler les étoiles. Mon rôle maintenant est de demeurer ici, de panser les plaies et d’attendre que l’orage s’abatte sur ce monde. Il viendra un jour, car Merrigane ne restera pas inactive. Toutes, vous m’aiderez dans cette tâche, car vous êtes mes plus fidèles compagnes. Lorsque les minces fils de la paix terrestre glisseront de mes doigts fatigués, vous serez à mes côtés, me soutenant afin que ne vacille pas la beauté intérieure de ce monde. Tel est notre destin déjà fait. »
Ainsi donc, alors que les hommes apparurent, crachés par le désert, Merrigane, contrôlant subtilement les minces fils de leurs volontés, plongea le monde dans le déclin. Les haches et les forges dévastèrent les forêts, dénudant la surface de la Terre. Il y eut des guerres, et de tels maux que les cavernes de la Mort se remplirent, et vomirent les âmes damnées qui se mêlaient aux essaims d’esprits démoniaques qui emplissaient d’un bourdonnement sinistre la voûte du Ciel.
Des générations entières se succédèrent dans cette atmosphère de mort, qui parût aux hommes aux sens corrompus tel un doux parfum. Cependant Simurgh déchirait les nuages comme une flèche à travers la douce ondée d’un étang. Il dominait les volontés affaiblies et meurtries de cette race maudite, engendrée pour apporter la misère. Lui-même créait de tels cataclysmes, que des paysages entiers étaient décimés comme des feuilles mortes emportées par le vent.
Les fées contemplaient le sinistre spectacle, prêtes à partir en guerre dans une terrible fureur. Les arcs étaient bandés, les boucliers parés, les armures brillantes étaient telles des constellations dans les ténèbres de l’Espace. Pourtant, pendant longtemps, elles restèrent immobiles, calmes avant la tempête furieuse, car Nova, leur reine, leur avait donné l’ordre de ne pas agir.
La forêt avait reculée jusqu’à ne former qu’un petit bois, entourant le chêne qui était sa demeure. Les oiseaux, les bêtes et les sylvains étaient tous partis, annonciateurs de la fin d’une ère de paix au sein de la nature luxuriante. Seule était restée Nova, îlot au milieu de l’orage annoncé il y a bien des âges. Elle voyait les cités fumantes, alimentées par le brasier de bois et de feuilles. Elle voyait de puissantes armées, recouvrant les champs et les plaines grises comme une maladie. Les dragons et les trolls, libérés de leurs entraves, décimaient les peuples. Les marécages s’avançaient dans les paysages jadis fertiles, et les grands cracheurs de feu carbonisaient tout ce qui était vivant, dans leur fureur inextinguible. L’aigle noir Simurgh, jetait son ombre sur ce spectacle désolé, annonciateur de fin du monde.
Nova pleurait à n'en plus finir, car toute douleur éprouvée par la terre était tel un poignard brûlant planté en son cœur. Mais elle avait la conviction qu’elle devait rester jusqu’à la fin. Car elle avait l’intention de rejoindre Merrigane, de trouver une mort qu’elle savait avoir provoquée lorsque, jadis, elle avait jeté un courroux immérité. Cela était son destin.
Le premier écho qu’elle en eut fut le tremblement des fondations de la terre, et la tempête provoquée par le battement des grandes ailes de l’Aigle. Autour d’elle, tout était feu dévorant. Le chêne de la forêt était tel un phare au milieu d’un océan déchaîné, vestige d’une époque révolue. Simurgh se posa lourdement sur ces plaines infernales, indifférent aux flammes léchant ses flancs surnaturels.
« Ô Fée des Forêts, la Mort te salue ! », dit-il de sa lourde voix d’outre-tombe, chargée des plaintes des âmes de ses victimes innombrables. « Regarde autour de toi, faible divinité, esclave de la destinée ! On te vante parmi les cieux, dit-on, comme la plus grande de ta féerique lignée. Contemple donc ton échec, et voit comme la Mort ma maîtresse domine l’Univers. »
« Ô toi, Oiseau de Malheur, destrier de l’Enfer », répondit Nova d'une voix ferme, « ce que tu contemple en même temps que moi, ce chaos dont tu n’es toi-même, non l’instigateur, mais l’esclave d’une volonté plus puissante que la tienne, n'est pas une fin ! Le monde n’est pas perdu, il n’est qu’une poussière parmi les grandes créations de l’Univers. L’orgueil te fait croire que ta puissance fait de toi un roi, mais tu as l'insignifiance d’une brise.
Sache donc que les fées, et non moi seule, sont les gardiennes de cette terre maltraitée. Même lorsque je serai déchirée par ton bec, que les derniers vestiges de ma création auront quittés l’atmosphère rendue impure par les cendres et les noires fumées, toi et les tiens seront pourfendus. Mais, tandis que ton esprit mauvais sera puni par ta reine, dans ses geôles désolées, le mien s’élèvera là où ni toi ni aucun vivant ne peux l’imaginer. De là, les fées parcourront les cieux, soufflant à ceux qui resteront, droit et honnêtes, à la surface des cendres refroidies, leurs bonnes volontés. Le monde renaîtra, sa beauté s’élèvera davantage encore que lorsque, en des temps reculés, nous avions jetés ses fondations, lorsque Merrigane, qui ne t’avait pas encore arraché des caveaux de l’inexistence, était à nos côtés. Quant à moi je serai morte. Ne te réjouis pas vite à l’idée ! Car lorsque je serai amenée par des mains invisibles vers la Tour de la Nuit, ta reine aux cheveux noirs comme l’abime ne sera pas heureuse de me voir. Tu ne resteras pas à nos côtés lorsque ce moment arrivera, car la bataille sera terrible, les cieux seront déchirés, les débris s’éparpilleront dans l’Ether comme une armée de comètes flamboyantes, les confins même de l’Univers trembleront face à la puissance du choc. Et même toi, tu auras peur. Enfin, lorsque les cieux embrasés redeviendront ténèbres, elle et moi nous nous tiendront au sommet des pics de l’Asphodèle, environnées par le Chaos. Ce ne sera pas un combat inutile, Simurgh Aigle Noir, car Merrigane ne sera plus la Mort punitive, mais la Mort libératrice, comme l’Univers lui-même, tirant les fils de la destinée, l’aura souhaité depuis si longtemps. Alors moi qui suit la Vie, et elle qui est la Mort, joueront de nos instruments à l’unisson, la joie jaillira comme une grande explosion, utilisant la tristesse accumulée depuis si longtemps comme combustible, illuminant les pavés du grand chemin de l’existence ! Toi-même, Simurgh, tu fouleras ce chemin bienheureux, car tu es né d’une volonté méchante, qui se repentira lorsque l’heure viendra. Ainsi Merrigane fera de même pour toutes les âmes qu’elle a condamnées, brisant les barreaux de la prison dont elle est si farouche gardienne. »
Ainsi la prophétie sortie de la bouche de Nova, depuis si longtemps muette. Mais Simurgh crut en son cœur que ces paroles avaient toute la fausseté d’une âme désespérée, désireuse d’échapper à la mort douloureuse. Ce fut lui qui, dans un grand élan de colère et de fureur, faucha la reine fée comme un épi de blé. Le chêne fut déraciné dans sa majestueuse puissance, mettant à bas ce qui était désormais un vestige de la grande Création passée.
Ce fut au moment où l’Aigle pris son envol vers les hauteurs glacials, que Lae la chasseresse détendit la corde de son arc. Le dard fit flamboyer tout le Ciel, la lumière engendrée fut telle, que le Soleil en comparaison parût une ombre fantomatique. Il vint se planter dans le cœur de Simurgh, qui dans son dernier éclair de vie connut, enfin, la peur prédite par Nova. Le choc de sa chute fit s’écrouler les puissantes montagnes, et souleva les océans bouillants. Les dragons eux même tremblèrent du haut de leurs sommets calcinés, et partirent se réfugier au cœur des montagnes. Toutes les civilisations humaines, élevées dans le culte de la Mort, virent les vagues nouvelles s’abattre sur les continents. Alors Merrigane, dans sa subtile cruauté, coupa les liens qui la liaient à sa volonté, et ils virent alors comment elle s’était joué d’eux, comment ils étaient les outils d’un pouvoir de destruction, tandis que la peur, qu’ils ignoraient alors, serrait puissamment leur cœur, devant la perte inévitable de leur corps et la damnation de leur âme. Stupides esclaves !
Cependant, tandis que Merrigane tissait sa toile maîtresse, narrant ce qu’elle pensait être la fin des temps, le début de son règne sur les âmes perdues, il resta quelques vivants à la surface du monde. Les premières choses qu’ils virent ne fut pas la désolation causée par le cataclysme céleste. Car devant eux se tenaient Lae, Uranie, Idaline, et toutes les autres fées du Firmament, exceptée Nova.
« Soyez heureux, hommes, d’êtres debout devant nous, car cela signifie que vous avez le cœur bon, et vous méritez d’être les premiers d’une digne race. », leur dit Sosha. « Contemplez le fruit d’une confiance mal accordée, vos pères l’ont payés en ce jour mauvais. Mais séchez vos larmes, car tant que nous serons à vos côtés, les rivières et les fleuves s’écouleront de nouveau, frais et purs comme jadis. Les bois et les forêts repousseront, chargés des senteurs et des fruits qui feront votre survie.
Lorsque votre vie finira, que votre âme chancellera sous le poids de nombreux printemps, vous mourrez. Ne tremblez pas ! Vous ne vous noierez pas dans les ténèbres, mais vous serez libérés des chaines charnelles, votre esprit s’élèvera vers les champs des étoiles, là où les fées joyeuses chanteront et danseront pour accueillir votre esprit reposé. »
Les fées leur confièrent d’innombrables pousses d’arbres et de fleurs, et leur enseigna la fragile symbiose qu’il existait entre les hommes, les animaux et la nature elle-même. Les générations d’hommes qui suivirent louèrent ces nymphes rédemptrices, et le monde redevint beau, comme l’imaginèrent Nova et ses sœurs il y a bien longtemps.
Ô Muse, laisse imaginer aux simples mortels quelle lutte il y eut entre la Vie et la Mort, dans les ténèbres glacées du gouffre de l’espace. Je vois en songe les fées tomber vers les étoiles brûlantes, mêlant leurs ailes. Dans les nébuleuses aux couleurs infinies, leurs épées argentées s’entrechoquant dans une explosion de lumière aveuglante.
Que dirions-nous, si nous étions témoins du combat ? Nos sens limités nous préservent d’un tel spectacle, ils sont un don de la nature protectrice, un bouclier protégeant notre raison fragile. Peut-être, lorsque mon âme libérée parcourra le chemin au milieu des champs étoilés, je contemplerai au loin les monts d’Asphodèle, là où siégeront la Vie et la Mort, lorsque les fondations de l’Univers ne seront plus ébranlées par la bataille, et que je verrai, côte à côte, les fées réconciliées.