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Yuan:
On a parfaitement le droit de trouver iel ou celleux moches, tout comme beaucoup d'anglophones détestent le mot moist, ce n'est pas pour autant un argument suffisant pour invalider leur usage. C'est ce que je voulais dire quand je disais trouver ça dommage que le débat s'arrête trop souvent là.
Ensuite, je n'ai vu personne étant en faveur de l'écriture inclusive mais contre la création d'un genre neutre ; si vous avez des témoignages, ça peut toujours être intéressant à lire. Mais si un genre neutre était créé, je suis persuadé que la critique « c'est moche » reviendrait autant que pour l'écriture inclusive, et comme pour chaque changement apporté à la langue en général, par question de manque d'habitude principalement. (Je ne suis pas convaincu que l'on aurait posé un tel jugement de valeur sur l'écriture inclusive si on l'avait apprise en étant enfants.) C'est un fait, les individu.e.s intersexes et non-binaires doivent toujours faire des concessions à l'oral, malgré l'écriture inclusive ; d'où le fait que je disais qu'elle n'est pas parfaite et sera sans doute vouée à évoluer. Mais il est indéniable que c'est déjà mieux que de n'avoir aucun neutre, là où iel/celleux/toustes proposent des alternatives.
Mais comme je l'ai déjà dit, contrairement à la création d'un neutre, l'écriture inclusive a l'avantage d'être bien plus facile à prendre en main que de nouvelles terminaisons. Ce n'est pas la solution idéale, mais je préfère cette solution à ce qu'on a déjà, c'est à dire peu ou pas d'inclusivité. Si cela peut permettre à certaines personnes de se sentir revalorisées et mieux mises au centre de la société, je pense que ce n'est pas à prendre à la légère. Je suis bien trop sensible aux témoignages de sexisme, de discrimination, d'invisibilisation que subissent de nombreuses femmes et personnes non-genrées pour y faire la sourde oreille, pour ma part.

Je ne retrouve plus le lien vers l'article qui revisitait la fable de La Fontaine mais voilà pourquoi je ne l'ai pas trouvé pertinent :
- Il surfait sur le bad buzz de l'écriture inclusive. De nombreux médias se sont amusés à parodier l'écriture inclusive et cette revisite de La Fontaine en faisait partie. Ça va dans le sens de ces articles tels que « L'écriture inclusive, la novlangue féministe », on y trouve cet arrière-goût réac' de « les féminazis détruisent notre belle langue et sa littérature ». Donc déjà, l'angle d'attaque me faisait suer, mais passons.
- Ce n'est pas impertinent de vouloir revisiter de vieux textes avec l'écriture inclusive, je pense même que l'exercice pourrait être intéressant. Mais ce n'est pas la première vocation de l'écriture inclusive. Cette écriture concerne notre époque, nos réalités, nos enjeux. Pas besoin de repasser au peigne fin tous nos livres de littérature pour les republier (tant qu'ils restent compréhensibles). Et l'exemple choisi l'est fait très précisément pour choquer, puisqu'il s'agit de poésie, et que nombreux diront que ça détruit la métrique, la musicalité, etc. Mais encore une fois, personne n'a demandé à éditer tous les poèmes déjà écrits pour les mettre inclusif, ou d'écrire tous les prochains poèmes à paraître en inclusif !
- Et en plus dans mes souvenirs, c'était truffé d'erreurs sur l'usage de l'écriture inclusive, histoire de rajouter des points de crédibilité.

Soit dit au passage, je trouve iel assez joli à l'oreille, même si c'est encore un peu dur pour moi de prendre l'habitude de l'utiliser systématiquement à l'oral.

Je trouve la digression sur la musicalité pas totalement pertinente. Tout d'abord sur l'exemple du latin dans les chants grégoriens, qui ne fonctionne pas vraiment : c'était un latin qui s'est très vite déconnecté de son époque, et il est particulièrement complexe à déchiffrer précisément parce qu'il s'est octroyé énormément de libertés (à commencer par celle de ne peu ou pas évoluer) ; c'était donc quelque chose qui était dédié aux chants, et pas en usage par le peuple. Et depuis longtemps, on retrouve beaucoup de musicien.ne.s et chanteur.se.s affirmer qu'iels chantent volontairement de façon inintelligible ou presque, malgré le fait de bien écrire des paroles, par volonté d'accorder une plus grande importance à la musicalité qu'à la signification (aujourd'hui encore des musicien.ne.s font ce choix, comme Thom Yorke, Zach Condon, ...). Personnellement, j'ai rarement compris les chants lyriques ou d'opéra sans le libretto, même dans des langues que je parlais, et ce n'est pas faute d'écouter ça depuis toujours. Ce n'est donc pas compatible avec la langue parlée, où la compréhension est vraiment la première priorité.
On peut comparer ça à tous les néologismes qu'a créé Shakespeare et qui ont intégré la langue anglaise par la suite : son anglais n'est pas représentatif de son époque (il est plus représentatif de l'anglais d'aujourd'hui au niveau du vocabulaire, c'est dire).
Ensuite, comme je le disais plus haut, ce que l'on trouve beau ou qui se rapproche du divin, ça dépend d'une culture à une autre. Dans la musique du Moyen-Orient, on utilise des demi-tons, et en Asie de l'est, la musique est basée sur des gammes pentatoniques... ce qui était inconcevable pour le clergé occidental, au point de considérer ça comme de la musique démoniaque et de la rejeter totalement (une forme de censure assez impressionnante). Ça n'a jamais empêché ces autres cultures de développer leur propre musique et leurs propres chants religieux, radicalement différents de ceux des occidentaux. Donc je trouve ça déplacé de parler d'« objectivité » quand il s'agit de tout ça.
Tout simplement parce que j'ai dit qu'une langue n'est pas faite pour être belle ne veut pas dire que je la trouve laide par essence, tout n'est pas aussi noir ou blanc. Par contre, je suis convaincu que le beau s'apprend, qu'il est défini par des critères culturels, qui varient d'une localité à une autre, par nos habitudes de vie et nos expériences (qui seront plus similaires avec des gens dont nous sommes semblables - et souvent, dont nous partageons la langue). C'est à nous de redéfinir le beau et d'apprendre à en apprécier les variantes qui ne sont pas forcément celles de notre culture. Et s'il est indéniable que beaucoup de la musique d'une culture est voisine avec sa langue, et que les deux peuvent s'influencer, je ne pense pas que cela exclue les évolutions qui peuvent être faites. Si la réalité de notre époque, qui demande plus d'inclusivité et une place dans la société pour toustes celleux qui sortent du genre binaire, je suis persuadé que l'art saura s'adapter, et que ce n'est pas ça qui nous empêchera de continuer à apprécier notre langue. C'est justement le contraire qui serait bien triste.

Et enfin, je te rejoins totalement @Alice Lee lorsque tu dis que l'écriture inclusive devrait être reconnue et autorisée. Au final, l'utiliser pour le moment reste quand même un acte militant. Pour le moment, je pense que le débat ne trouve pas de réel consensus : d'un côté, cette année marque le premier manuel scolaire en écriture inclusive, de l'autre, ce ne sont pas des déclarations comme celles de notre cher Édouard Philippe sur le sujet qui sont encourageantes. De mon côté, je l'utilise et pense continuer de le faire jusqu'à ce qu'on ait mieux.

D_Y:

--- Citer ---On peut comparer ça à tous les néologismes qu'a créé Shakespeare et qui ont intégré la langue anglaise par la suite : son anglais n'est pas représentatif de son époque
--- Fin de citation ---

J'ai franchement rien compris, tu me parle d'abord de Shakespeare, puis de musiciens qui chantent dans leurs barbes, puis de la "beauté" qui n'est que subjective.
C'est marrant parce que je pensais à Shakespeare en pensant à l'évolution d'une langue ; tout chez lui tend à rendre l'anglais extrêmement poétique, et franchement la différence entre les néologismes d'un mec comme Shakespeare et des féministes qui sont (je me permets de te paraphraser, tu as bien résumé l'esprit je trouve) "sensibles aux témoignages de sexisme, de discrimination, d'invisibilisation que subissent de nombreuses femmes et personnes non-genrées" est assez évidente.

En passant, si la langue anglaise actuelle s'est construite sur des poètes, c'est vraiment si fou de dire que la langue est consciemment faite pour être belle ? 

(tout ça, c'est si j'ai bien compris la logique de ta comparaison, là encore c'est assez flou, je l'avoue)

Sinon, si j'ai parlé uniquement des chants grégoriens et pas de tous les chants religieux du monde c'est précieusement pour ne pas dire une chose évidente comme "en Egypte ou en Chine, un chant grégorien serait pas perçu pareil". Sauf que même un chinois serait capable de dire qu'un chant grégorien en latin est prévu pour évoquer la divinité (ou la religion), que c'était dans l'intention des compositeurs de cette époque. Si le dit chinois, en composant sa propre musique religieuse, a cherché à faire quelqu'un chose de tout sauf "laid", peu de chance que le chrétien ait fait différemment.

Après, qu'on trouve personnellement un chant grégorien aussi divin qu'une musique d'Ariana Grande ça change pas grand chose à l'affaire, d'où ma notion d'objectivité.


--- Citer ---C'est à nous de redéfinir le beau
--- Fin de citation ---

Tout à fait, dans ce cas on n'impose pas le "beau" à tout le monde sous prétexte que, peut être, par chance, avec l'usage et l'habitude, ça deviendra "beau".
D'ailleurs je ne suis pas sur du tout que la beauté du français soit réellement liée à une notion d'habitude.


--- Citer ---Mais si un genre neutre était créé, je suis persuadé que la critique « c'est moche » reviendrait autant que pour l'écriture inclusive, et comme pour chaque changement apporté à la langue en général, par question de manque d'habitude principalement.
--- Fin de citation ---

Un tel genre neutre ne serait pas proposé du jour au lendemain mais serait inculqué petit à petit à l'usage.
Après je trouve facile de dire que c'est le manque d'habitude qui nous fait ne pas aimer l'écriture inclusive, ça peut marcher pour absolument tout cet argument, par conséquent on peut dire que ça ne marche pour rien.

Pour La Fontaine j'ai bien compris l'esprit bad buzz de la chose, je pense que ça reflétait bien une question que tout le monde se posait : si La Fontaine avait vécu aujourd'hui, comment aurait-il fait ?
En gros ça sous-entend que tous les poètes modernes seraient pas mal dans la merde, mais s'ils ont le choix d'utiliser l'inclusif ou non, la question ne se pose plus, en effet (mais en soulève une autre, pourquoi se compliquer la vie si on nous laisse le choix ?)

Et moist est prévu pour ne pas être joli, c'est pas comme si le mot décrivait des fleurs ou des étoiles non plus.

Alice Lee:

--- Citation de: Guiiil le jeudi 30 novembre 2017, 09:48:39 ---
--- Citation de: Alice Lee le jeudi 30 novembre 2017, 09:38:59 ---c'est vrai que cela me "choquait" un peu au début de voir des "Trezhault & TrezPuiffante Princeffe" ou des "ladicte Affemblé" mais maintenant, j'ai l'habitude et cela ne me pose plus de problèmes.  :miou: Donc en soit, multiplions l'utilisation de l'écriture inclusive pour que cela soit d'autant plus acceptée ! :miou:

--- Fin de citation ---

Personnellement, je ne mets pas ces concepts sur le même plan. L'évolution d'une lettre (ici le S long, comme le double s allemand qui visiblement devait être emmené à disparaître, mais en fait non) n'est pas, pour ma part, comparable à un ajout de signes et de lettres supplémentaires. Preuve en est justement avec le cas des aveugles que je sourçais plus haut, si c'était juste une histoire de signe, un simple changement d'une ligne de code aurait résolu le problème. Ici, on dépasse le cadre de l'orthographe, ou même de l'alphabet !

--- Fin de citation ---

Par rapport à ce que tu as cité, je voulais surtout inciter sur la perception visuelle de l'écriture inclusive. Par certains égards, ça me rappelle un peu l'effet de surprise qu'on peut avoir quand on découvre des manières d'écrire dont on a peu l'habitude de voir. Après, j'ai évoqué les deux termes là car ce sont ceux que je vois le plus dans certains types de textes en ce moment mais j'aurais très bien pu en citer d'autres comme par exemple l'utilisation des chiffres romains pour écrire une date (ex : XXX novembre 20XVII pour aujourd'hui). Mais je suis d'accord avec toi sur le fait qu'il ne faut pas négliger l'accessibilité pour tous des documents quelqu'un il soit ! :miou:

Yorick26:
Je rajoute un petit avis qui sert pas à grand chose, mais quand même :

Je trouve que pour un texte écrit en inclusif (je parle du post de Yuan), contrairement à ce que j'ai pu lire sur les réseaux sociaux, ben c'est pas dégueu à lire. Bien au contraire. Vous allez pas me dire que vous allez préférer des grosses photes d'ortografes par exemple car ça serait le comble de la mauvaise foi. J'ai vu sur les réseaux sociaux des remaniements de poèmes qui frisaient le ridicule comme celui de l'Albatros qu'ils avaient renommé Albastros·e·s. C'est complètement débile, cela ne respecte pas les règles que j'ai compris de l'écriture inclusive et c'était juste fait pour lyncher. J'ai encore du mal à le mettre en pratique, mais c'est une question d'habitude. Si le celleux me dérange, ben je n'ai qu'à dire "celles et ceux", expression qui font dans la bouche.

Guiiil:
Alice, justement, de mon point de vue, ce n'est pas non plus comparable, parce qu'il s'agit de deux systèmes d'écritures fondamentalement différents (romain et arabe), et si l'un a été abandonné au profil de l'autre, c'était principalement, de ce que j'en sais (je me trompe possiblement), par simplification et uniformisation, en allant au plus simple et au plus court. Pour faciliter la lecture en la rendant plus fluide, si j'ose dire.

Même s'ils restent utilisés pour certains concepts, de fait (genre pour indiquer les siècles), où ils ne sont pas utilisés pour leur aspect à rallonge (sauf peut être au cinéma :astro: ). 

Et pour l'écriture en écoles et universités... Tant qu'il y aura une idéologie derrière le point médian, et qu'il y aura des profs pour enlever ou mettre des points selon l'écriture utilisée (surtout qu'il y a plusieurs types de séparations, le point médian, le tiret, la parenthèse (traditionnellement)...), je pense que certains seront lésés, et je ne parle pas uniquement de ceux qui ont physiquement des difficultés à la lire ... Un jour, il y aura peut-être un gouvernement pour le rendre obligatoire pour toutes et tous, cela dit, du coup, plus de consensus. :oui:

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