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La politique française
Rodrigo:
J'étais tombé sur cette image il y a deux mois :
Et je suis à la fois satisfait de voir que ça ne s'est pas déroulé totalement comme ça, mais triste de me dire que l'échéance n'est que reportée à dans un mois ou deux. Ca restera une tâche dans le bilan de Hollande, mais ce sera quand même passé et ça finira par être accepté. Comme pas mal de lois controversées d'il y a dix ans, qui me semblent, d'un point de vue extérieur, totalement banalisées aujourd'hui. (j'étais retombé sur la fameuse loi CPE qui avait à l'époque suscité beaucoup d'indignation si je me rappelle bien)
Bref, la méthode n'est pas nouvelle, et est employée dans d'autres pays, comme l'Italie qui vient d'accepter l'union civile sous une certaine forme pour les homosexuels (alors que le pays n'est pas aussi progressiste que ne le sont les pays plus nordiques de l'Europe), le gouvernement ayant accéléré la procédure en engageant la responsabilité du gouvernement. Pourtant, en France, je ne vois personne s'insurger de cela, parce que dans l'inconscient collectif, on se dit que c'est bien que l'Italie, dernier pays "occidental" sans union civile pour les homosexuels, ait enfin passé le cap. Mais ça s'est fait aussi d'une manière relativement peu démocratique.
Le point commun entre ce cas et celui de la loi El Khomry, c'est que les gouvernements me semblent bien paternalistes, et prétendent savoir mieux que le peuple ce qui est vraiment bon pour le pays. Et dans certains cas, ça me semble totalement vrai, l'opinion publique étant extrêmement facile à manipuler. Est-ce que l'austérité était décriée au début de la crise, à part par les mouvements politiques les plus à gauche sur l'échiquier politique ? Avant le succès de Syriza en Grèce, c'était en tout cas très peu remis en question dans les médias, et maintenant on se moque sans trop de détours de l'austérité et des mesures préconisées par le FMI, parce qu'on s'est rendu compte que ce n'était pas la solution miracle. Je vais aussi prendre l'exemple de Bild, un journal allemand de type tabloïd (populiste, axé sur les faits divers et le sport en grossissant le trait), qui pendant un an a fait des unes incitant ouvertement les Allemands à reprocher aux Grecs leur insolvabilité, leur paresse, leur coût pour l'Union Européenne (et pour les foyers allemands), et dans la même période, le pourcentage d'Allemands souhaitant le Grexit a augmenté jusqu'à devenir supérieur à 50%. Ce n'était pas le seul journal à le faire, mais ce que font les journaux, c'est orienter les discussions publiques sur certains points. Tout le monde a un avis sur le conflit israélo-palestinien, peu de gens en ont sur le conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie (pourtant considérée comme "pays européen").
Et donc, il suffit que les journaux parlent peu d'un problème pour que les gens n'aient pas d'avis sur la question, et ne s'en offusquent donc pas. Ca fonctionne de la même manière au niveau européen : à part quelques décisions polémiques comme le TTIP, très peu de citoyens européens sont au courant des lois votées au sein du Parlement Européen, alors qu'elles affectent directement (après ratification auprès des parlements nationaux) tout citoyen européen. Encore une fois, le problème, c'est la communication.
Du coup, le peuple souverain, je n'y crois pas trop. Parce que son opinion est trop volatile, parce que dans certains domaines il n'a pas les connaissances requises pour prendre des décisions (typiquement, l'économie), et se cantonne du coup à des clivages simplistes qui ne reflètent pas la complexité des choix à prendre en tant que politicien, mais ça fonctionne aussi dans l'autre sens, et parfois il est impossible pour un politicien de prendre conscience de ce que signifie son choix pour le reste de la population, cette loi El Khomry me semble pertinente en la matière. En gros, il y a souci entre les gens représentés, et ceux qui sont censés les représenter, et ça ne date pas d'hier.
Bon, j'ai pas trop la foi de faire un propos structuré et extrêmement argumenté, parce que le sujet est vaste, et que d'autres en ont parlé bien mieux que moi. :niak: A titre personnel, je te recommande cet ouvrage, qui propose une très belle réflexion sur l'évolution de la démocratie dans nos sociétés occidentales depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et sur les facteurs qui ont permis l'émergence de notre système actuel.
D_Y:
@Rodrigo
L'argument du peuple trop facilement manipulable c'est un grand classique, sans doute déjà utilisé sur ce topic d'ailleurs (il me semble bien en avoir parlé avec toi, mais bref osef). Je pensais pareil à une époque, que le peuple était trop con pour prendre de bonnes décisions (qui ne sont bonnes parce que, bien souvent, une minorité qui se pense plus éclairée que les autres les jugent bonnes). Aujourd'hui je nuance parce que je pense que c'est pointer du doigt le mauvais problème, et le problème, ce n'est pas le niveau intellectuel des foules, c'est le système d'éducation, la curiosité (que beaucoup n'ont pas, malheureusement), le système d'information en général qui est là pour induire en erreur et formater les opinions, plutôt que de réellement informer (Dieu merci on a les outils pour les trouver, les bonnes infos, mais il y a encore du progrès à faire). En bref, la faute à la société en globalité, qui non seulement est suffisamment mal branlée pour que le peuple soit considéré par les hautes sphères comme des bovins trop bêtes pour penser, mais qui est mal branlée justement parce qu'elle est gérée par un pouvoir qui se pense suffisamment intelligent pour être à l'abri des mauvaises décisions (par expérience, je dirais que la plupart des "élites" sont paradoxalement celles qui ne comprennent rien au monde, ni à ce qui se joue autour d'elles, ni à ce qu'elles lisent, ni à ce qu'elles écoutent, etc...), et qui ne prend plus en compte l'avis du peuple, du moins a compris comment le manipuler et essaye de jouer là dessus tous les cinq ans (en profitant, par la même, pour cracher un petit peu plus à chaque fois sur les libertés fondamentales).
En bref, c'est le système global qui est à changer, pas le système politique qui en théorie est suffisamment bien huilé pour fonctionner parfaitement, même s'il y a fatalement des dérives possibles.
Ensuite, sur la théorie du "peuple souverain", ce n'est pas tellement une théorie, c'est ce qui étymologiquement définit la démocratie. Il n'y a pas de demi-mesure là dedans, soit tu acceptes que le peuple soit souverain, soit tu n'acceptes pas et tu laisse le pouvoir à quelques personnes "éclairées", ce qui dans certains cas paraît être une bonne idée, mais bon dans ce cas ça sert à rien de diaboliser le fascisme depuis les années 30 et de nous marteler à l'école que la démocratie, c'est trop de la balle humanitaire et libertaire, et dire que la révolution française c'était super cool, quand implicitement, ceux qui pensent comme toi se rendent complices des dérives comme on voit en ce moment en France. Ben oui, dans cette théorie du peuple-con, la limite entre démocratie et totalitarisme est de plus en plus flou (en nuançant quand même, pas de place ici pour un Godwin).
Parce que bon, le Premier Ministre qui se rend en Israël pour promouvoir la paix, d'un conflit qui dure depuis des décennies (et dont les occidentaux commencent peu à peu à voir la puanteur), et qui en même temps laisse son pays s'enflammer à petit feu, je vois pas trop où il est l'homme politique éclairé qui arrive à prendre les bonnes décisions, au lieu de la populace bête et manipulée (qu'il dirige).
Soit dit en passant, ce n'est pas parce que tu as fait l'ENA que t'es un génie qui est plus clairvoyant que d'autres. La "manipulation" ça ne touche pas que la plèbe pas instruite, c'est quelque chose de très complexe dans la nature humaine et nos civilisations sont comme elles sont parce que les pensées des souverains ont été manipulées plus ou moins subtilement, et dans certains cas plus ou moins involontairement. Les hommes parfaitement libres de leurs idées c'est extrêmement rare, ni toi ni moi ne sommes réellement indépendants à ce niveau. Enfin bref, ça sert à rien de philosopher là dessus, on pourrait y passer trois heures.
Rodrigo:
Ce qui est dommage c'est que tu ne peux t'empêcher de placer de l'ad hominem discret dans un texte, ni de déformer ou d'exagérer ma pensée, parce que dans le fond, on est pas loin d'être d'accord.
Du coup je réponds vite fait :
La démocratie, dans la typologie d'Aristote, c'est une forme corrompue de pouvoir par le peuple, parce que celui-ci serait "sous l'impulsion des démagogues". L'étymologie, ce n'est pas juste décomposer un mot et le traduire littéralement, dans ce cas-ci, c'est un mot qui a un poids et une connotation historique. Et en l'occurence, les Grecs voyaient déjà la version "pervertie" du pouvoir par le peuple (tout en n'excluant pas une forme vertueuse de pouvoir par le peuple).
Enfin, je ne suis pas sûr qu'on puisse vraiment dire que nous vivons dans des démocraties (pures), parce qu'il y a plein de facteurs qui empêchent le système d'être égalitaire, et c'est une condition évidente d'un système démocratique. Bref, oui, il y a des paliers entre la démocratie et le despotisme éclairé. (que tu m'accuses de soutenir si je comprends bien)
D_Y:
Si tu veux tout savoir j'ai tout fait pour essayer de pas paraitre agressif et d'enchaîner les attaques personnelles, avec plus ou moins de succès il semble (mais bon, on ne change pas une nature humaine).
La philosophie d'Aristote a déjà été démontée par de nombreux penseurs plus brillants que lui (et tant mieux, faire stagner les idées c'est la mort de l'intelligence), donc je suis pas spécialement convaincu, surtout qu'on parle d'un contexte fondamentalement différent de plusieurs millénaires quand même. Quoi qu'il en soit j'ai explicitement dit que le peuple était réellement influençable/manipulable/pouvait se nuire lui même, donc pas besoin d'essayer de me convaincre là dessus, on est plus que pas loin d'être d'accord.
Pour la démocratie en elle-même, comme je ne suis pas spécialement connu pour vivre dans une utopie de bisounours, je pense qu'il est clair que je ne verse pas dans la "démocratie caricaturale" (càd le gentil peuple éclairé qui peut diriger un pays tout seul).
Cela dit je ne pense pas que ces deux faits contredisent l'équilibre qui, dans un tel système, doit se faire entre le peuple et les dirigeants (qui ne sont pas souverains, comme je l'ai dit dans mon premier post), et qui idéalement ne devrait faire pencher la balance ni vers l'un, ni vers l'autre. Comme toi j'aime bien voir le monde en gris, et comme tu ne crois pas au peuple souverain, je ne crois pas moi-même aux élites éclairées (surtout pas celles qui me dirigent actuellement et qui foirent absolument tout ce qu'ils entreprennent).
Ce qui était plus ou moins la base du débat que j'avais essayé de lancer, puisqu'il est assez clair que l'équilibre penche dangereusement depuis quelques mois déjà (et dont tous les français ici ont l'air de se foutre complètement, donc à la limite osef :oups:).
Guiiil:
La première partie des primaires vient de se terminer, et, contre vaguement toute attente, Fillon a explosé le score d'un ex-condamné et d'un futur condamné. Il est moins corrompu publiquement, mais avec lui, ce sera pas la joie (ultra-libéralisation, 39h, éducation partisane, épilation des sourcils interdite...).
M'enfin, ça reste quand même intéressant de voir ce qu'il se passe quand le peuple prend de plus en plus la parole. C'est nawak, c'est souvent extrémiste, ça fait passer un milliardaire probablement corrompu raciste, sexiste et homophobe à la maison blanche (au lieu d'une élitiste corrompue va-t-en-guerre qui se moquait de tous ceux qui votaient son adversaire, c'est toujours ça de pris pour eux).
Mais bon, entre Mélanchon qui s'est imposé, le futur candidat du PC (parti qui était limite prêt à suivre Hollande), le futur candidat du PS, Bayrou, Macron (Bank power vieux avant l'heure), Fillon, NDP et Lepen, le paysage politique est vraiment pas jeune et foufou !
Perso, je verrai selon le programme de Yannick Jadot (les verts), sinon, ce sera probablement blanc !
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