Pas très envie de parler du FN et en général des élections, c'est pas un sujet sur lequel je suis très éloquent (bien que ça ne m'empêche pas du tout d'avoir mon avis sur la question).
Mais pour continuer sur le débat Dr.Dre/Beethov, je pense qu'il est important de faire la différence entre la musique populaire et la musique dite « savante »... Et d'ailleurs, rien que par l’appellation de cette dernière, on voit tout de suite le problème. Les gens n'ont pas envie de se « prendre la tête » (pour reprendre des mots qu'on entend souvent) avec des œuvres complexes. En effet, là où Dre suit le schéma de beat/fioritures par-dessus/rap, Beethoven use d'harmonie complexe, de contrepoint, de superpositions d'accords, de mélodies décomposées, etc. (Et pour autant, je suis pas en train de cracher sur Dr. Dre, j'ai un de ses albums, tout en étant un fanboy accompli de Beethoven.)
Mais il y a un truc que par pitié j'aimerais que plus de gens comprennent : de son temps, Beethoven n'était pas la coqueluche de la jeunesse. Déjà à son époque, il ne faisait pas de musique populaire. La distinction entre les deux a toujours existé. Est-ce que la musique populaire d'alors était plus riche que celle d'aujourd'hui ? J'ai envie de dire que non, que ça dépend à quelle échelle on juge les choses (parce que si vous voulez des artistes qui apportent vraiment de la matière artistique nouvelle en musique électronique, en rock, en jazz, etc., qui sont aussi des genres « populaires », je peux vous rédiger une liste assez longue) et que le débat est extrêmement complexe et pourrait prendre des pages à traiter, sans pour autant que ce soit productif.
Avec des médias comme la radio, la télé, internet... il est évident que la production d'œuvres culturelles soit plus abondante qu'à l'époque. Et je suis d'accord pour dire qu'il y a un phénomène de « poubellisation », i.e. une masse d'œuvres modélisées quasi-intégralement en suivant des codes précis de marketing, et c'est à se demander si elles ne sont pas davantage influencées par de rigoureuses études sociologiques que par une réelle vocation artistique de la part de leurs créateurs. Mais ce n'est pas un phénomène nouveau, c'est juste qu'il prend beaucoup plus de place qu'à l'époque. (Je tiens à rappeler que pendant longtemps, les peintres n'exécutaient presque que des commandes et réalisaient leurs œuvres d'après les canons de leur époque (je prends l'exemple de peintres mais ça fonctionne pour tout en fait) ; c'est toujours le cas. Est-ce qu'il y a eu des exceptions ? Oui, et dieu merci, et il y en a encore.)
Est-ce qu'apprécier Dr. Dre est une preuve qu'on est manipulé par la société de consommation ? Est-ce que la société de consommation s'échine à abrutir les foules en lui resservant en boucle la même sauce dans une assiette différente ? Vous avez 4 heures.
D'après Machiavel, oui, elle aurait intérêt à le faire (pour des raisons somme toute évidentes, comme celles qu'a cité D_Y). Mais bon. Personnellement je ne pense pas que ce soit une idée réellement profitable, même pour des figures d'autorité, mais j'ai conscience que je ne risque pas de voir ça changer au cours de ma génération.
Je ne pense pas que la question est à porter sur l'art ou la culture à eux-seuls, mais plutôt sur le goût de la complexité. « C'est trop compliqué », « ça me prend la tête », « je veux juste me détendre », et toutes ces phrases du genre, c'est bien ça qui pousse les gens à se tourner vers du divertissement simplet. Au final, c'est le même syndrome qui fait que certains gamins se foutent de la gueule des premiers de la classe. On en revient à l'éducation. Mais comment éduquer la génération future si la précédente était elle-même mal éduquée ? Ourobouros blablabla pessimisme.
Il faut aussi bien sûr comprendre qu'on ne peut pas s'amuser à éduquer tout le monde, et qu'on a littéralement besoin de gens « qui ne se prennent pas la tête » pour que la société fonctionne, ne serait-ce que pour exercer des fonctions que des gens avec un plus haut niveau d'ambitions ne voudraient pas toucher. C'est la vie.
Vous pouvez en revenir au FN, je me casse.
