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Fable et jeu de l'Oie
Yorick26:
Raph ~ Merci pour ton commentaire. Après avoir écrit ce chapitre et relu ton commentaire, je me suis dit que je changeais souvent d'ambiance. Là on retrouve un peu d'espoir, même si c'est très bref et je l'espère illusoire. Néanmoins, je n'écris pas assez régulièrement pour être à chaque fois dans le même état d'esprit pour écrire. Bon d'accord j'ai un peu eu l'impression de me répéter pour Artémis qui découvre encore une fois un paysage splendide, mais bon c'est pas ma faute (ello-elli-téa) si j'aime les beaux paysages mêlant restes d'histoire et nature.
J'espère que ce chapitre te plaira quand j'aurai tout relu. Je suis assez content du fait que je ne vais pas trop vite. C'est une de mes peurs, la peur de tout précipité et de ne pas prendre le temps de savourer. Pourtant je n'ai pas envie d'être trop lent, je risquerai d'être ennuyeux et d'avoir une histoire à rallonge et sans fin.
Merci encore et bonne lecture.
LES FLAMMES BLEUES
Chapitre XI : L'artéfact rouge et l'arbre de Judée
Frederik tira discrètement les rideaux. La ville d’Estold était en vue et de loin on aurait dit un tout petit village de pêcheur installé près des côtes profitant du bon air halin apporté par la mer. Le jeune homme savait très bien que c’était bien plus que cela. C’était une grande ville. Pas autant que Mnémé, la capitale, mais cela restait une grande ville par rapport à son village natal : c'était un lieu plein de mystères que toute une vie ne réussirait pas à tous les découvrir. La grande ville, beaucoup de personnes en parlaient chez lui. C’était le sanctuaire de l’ambition et des libertés. Ne pouvait-on pas espérer mieux pour échapper à tout ce contrôle social qui sévissait dans les villages ? Pour Frederik, c’était quelque chose d’assez étrange, toute cette liberté. Dès les premiers jours il s’était vite senti perdu dans toute cette foule, dans toute cette populace de maisons et de bâtiments. Quelque chose lui manquait. Il lui manquait quelque chose un peu comme l’horizon, un peu comme le regard que l’on peut jeter au loin sans limite et sans fin. Dans la capitale, rares étaient les endroits où l’on pouvait admirer la longue plaine ou même l’océan. Et cette sensation d’étouffement avait vite suivie. Tout comme dans cette calèche d’ailleurs. Enfermés dans une sorte de minuscule pièce, serrés les uns contre les autres, en route vers une autre ville, à moitié contraints d’échapper à une menace inconnue et à moitié en quête d’un lieu encore plus mystérieux, le tout sous un silence pesant, le jeune homme n’en pouvait plus. Dehors la pluie ne battait plus contre la porte. Il avait envie de sortir, mais il n’avait pas besoin de regarder son oncle pour savoir qu’il l’en défendrait sans avoir à dire un seul mot. Il fallait s’armer de patience, patience que Frederik n’avait pas. Bientôt il serait à Estold et il pourrait sortir de cette boîte sur roues.
Artémis lâcha de surprise son sac. Après avoir parcouru plusieurs centaines de mètres dans des couloirs sombres et humides, elle se trouvait à nouveau à l’air libre sous la lumière sélénienne. Et quel paysage magnifique ! Il était tout autant sublime que l’entrée du château. Pourtant elle était à nouveau bouche bée et totalement stupéfaite devant ce qui se présentait à ses yeux. Elle se trouvait là où se dressait autrefois une sorte de tour, peut-être pas bien haute.. La forme circulaire des ruines et les amas de pierres mousseuses témoignaient de cet ancien héritage. Plus surprenant que les ruines, un arbre de Judée s’élevait au milieu de cette pièce délabrée. Il était en fleur et son tronc torsadé lui donnait un air vénérable et solennel. Il était tout simplement magnifique.
Artémis tomba à genoux. Elle pleura. Comment ? Quel hasard pouvait être à l’origine d’un tel miracle. Cet arbre sûrement centenaire jaillissait du sol soulevant au passage les pierres grises de l’ancien château. Il était presque seul dans cette pièce, majestueux, trônant sur quelques touffes d’herbes qui avaient réussi à trouver un bout de terre pour survivre et sur d’autres mousses. Une brise légère vint essuyer les larmes de la jeune fille, emportant avec lui une dizaine de pétales roses qui dansèrent autour de l’arbre et elles brillaient sous l’éclat de la lune d’argent.
L’herboriste l’attendait, assis sur une racine qui dépassait du sol. Décidément Artémis, pensa-t-il, serait se montrer à la hauteur de ses espérances.
« Artémis, tu devrais regarder au pied de cet arbre. » La jeune fille s’exécuta. Entre les racines se dessinait une zone d’ombre. D’abord quelque chose de flou, puis de plus en plus nette, Artémis pu distinguer une sorte de construction qui s’enfonçait dans le sol. Poussée par une curiosité non dissimulée, elle s’avança vers cet étrange endroit que cachait les racines de l’arbre tout en saisissant au passage son sac. Celles-ci en s’enfonçant dans le sol masquaient l’entrée d’un escalier souterrain. Une fois qu’elle fut assez proche, elle s’agenouilla et caressa les racines. Elles étaient épaisses et rugueuse et elles occupaient assez d'espace pour rendre l'accès aux marches de pierre difficile.
Artémis tourna la tête vers l’herboriste dégageant en même temps une mèche qui lui barrait la vue. Celui-ci souriait comme satisfait de l’air enthousiasmé de sa jeune amie. Alors qu’Artémis allait se redresser, le vieil homme saisit la torche qui n’avait pas cessé de brûler depuis qu’ils s’étaient aventurés dans les couloirs du château et la tendit à la jeune fille qui s’en saisit. Alors avec une voix réconfortante et chaleureuse, il lui dit :
« Faufile-toi à l’intérieur de ces ruines et va donc voir ce qu’elles recèlent ?
- Vous ne venez pas ?
- Oh non, ma chère. Je suis bien trop vieux et bien trop fatigué. C’est pour ça que j’ai souhaité te montrer cet endroit. Je savais que cela te plairait… J’avoue être, moi aussi, totalement désarmé devant ce cadre. Malheureusement mes avancées s’arrêtent là. Si je n’avais pas tant d’embonpoint peut-être que j’aurais pu t’accompagner, dit-il en riant les mains sur son ventre qui n'était pas si gros que ça, mais je n’ai jamais su avoir une taille aussi svelte que la tienne.
- Nous devrions peut-être attendre qu’il fasse jour…
- Je doute que la lumière du soleil ne soit d’une quelconque utilité là-bas. Alors pourquoi attendre ? Ne t’inquiètes pas, je reste là à t’attendre. Vas-y et ne te soucies pas de moi. » Sur ces dernières paroles réconfortantes, Artémis se faufila entre deux racines assez espacées. De toute façon elle avait envie d’aller voir ce qu’il y avait là-dessous. Elle n’était pas rassurée, mais quels dangers pouvaient bien se cacher sous un aussi bel arbre ? Elle admira une dernière fois cet arbre de Judée, elle pouvait y aller sans crainte.
Le jeune homme descendit de la calèche. Ils étaient arrivés par la porte Nord d’Estold et ils devaient la laisser à l’entrée de la ville. Le jour commençait à peine à se lever : le soleil ne dépassait pas encore les montagnes de Menh de l’autre côté de la mer qui bordait la ville, mais le ciel commençait déjà à s’éclaircir. L’aube ne se faisait plus attendre et les citadins le savaient. Déjà quelques uns sortaient de leur maison.
Dans les ruelles à peine éclairées, Frederik suivit son oncle et son acolyte. Ils étaient partis pour chercher une auberge et Gabriel savait déjà où ils allaient logeaient. Une de ses relations habitait dans cette ville et il se trouvait qu’elle avait une dette envers lui. C’était alors l’occasion de se faire rembourser. Ce n’était pas un problème d’argent – il n’en manquait pas –, mais c’était surtout pour un souci de discrétion. Son oncle était connu à travers tout Iolys et cela ne jouait donc pas en leur faveur. Les capuches que chacun portait ne suffiraient pas à assurer l’anonymat dont ils avaient besoin si les choses se gâtaient. Elles n’étaient déjà pas faciles comme ça.
Après quelques détours à travers des ruelles toutes aussi différentes les unes que les autres, Frederik suivit son oncle et Gregory à l’intérieur d’une auberge appelée « L’Artéfact rouge ». Au-dessus de la porte une planche de bois vacillait sous l’effet du vent encore froid de ce début de matinée. Sur cet écriteau le nom de la bâtisse avait été gravé, ainsi qu’un étrange symbole représentant trois boucles se rejoignant au centre à la manière d'un triskel. Frederik resta à regarder ce drôle de dessin avant d’être rappelé à l’ordre par ces deux « tortionnaires ».
A l’intérieur, l’auberge était surprenante. Même si les locataires étaient encore endormis et que la pièce se retrouvait pratiquement vide, il y régnait une atmosphère chaude et accueillante. Les murs avaient été peints en rouge et en orange et les pierres étaient encore apparentes. Dans un coin, le feu d'une cheminée projetait des reflets or et blanc sur les murs donnant à la pièce une chaleur qui allait au-delà d'une simple impression. Des tables rondes en bois parsemaient la pièce. Quelques hommes et une femme prenaient un petit déjeuner sur l'une d'elles. Un autre homme barbu assis à même le sol ronflait fortement et semblait se remettre dans son sommeil d’une soirée bien alcoolisée. Au bar se tenait une charmante femme, les cheveux bruns et bouclés. Aussi surprenant que cela puisse l'être pour Frederik, elle semblait être la gérante de cet établissement. Le visage fin, elle préparait déjà quelques œufs pour ses futurs clients. Alors que Frederik fermait la porte, cette jeune femme vint à leur rencontre. Elle portait une robe longue et noire et autour du cou pendait un pendentif en forme de trèfle-portefortune accroché à une chaîne d’argent. Le jeune homme ne put s’empêcher de la trouver séduisante et en rougit aussitôt. La gérante ne le remarqua - à son grand soulagement - ou tout du moins elle n’en laissa rien paraître. Celle-ci se rapprocha de son oncle qui s’empressa de lui prendre la main pour la baiser. Frederik fut un peu surpris de ce témoignage de douceur venant de cet homme qui quelques heures plus tôt venait de tuer plusieurs hommes... tout comme lui.
« Que me vaut votre visite, cher Gabriel ?
- Tamara, nous aimerions te parler seul à seul.
- Je vois. Dans ce cas, je vous propose de prendre chacun une chambre. Je vous prépare en attendant quelque chose à manger. Vous devez avoir faim, surtout le jeune homme qui est avec vous. » dit-elle en souriant. La jeune femme pris trois clefs épaisses et les posa sur le comptoir. Chacun en pris une, Frederik en dernier. Alors que les hommes monter à l’étage pour s’installer dans leur chambre, Frederik resta un moment pour regarder cette auberge en parfait contraste avec le temps maussade qu’il faisait dehors quelques temps plus tôt.
« L’auberge te plaît ? Demanda la gérante.
- Oui, ma dame. Je trouve que c’est très accueillant comme endroit. J’aimerai bien y rester plus de temps que possible.
- J’en suis ravie, mais ... appelle-moi Tamara.
- Très bien dame Tamara.
- Allez va rejoindre tes compagnons. Je te prépare un petit déjeuner qui sera à la hauteur de mon auberge. » La jeune femme lui fit un clin d’œil et retourna à ses occupations. Frederik, lui, monta les marches pour aller dans sa chambre.
Relectures, commentaires et tout demain ou à un moment où j'aurai le temps.
Juste j'ai trouvé une superbe image pour l'arbre de Judée. Pour ce qui est de l'inspiration physique de Tamara, je pense que la référence est facile.
EDIT : Apparition des lignes pour séparer l'histoire des personnages.
Remise à niveau des liens de la première page qui ont mal supporté le changement de version (juste un petit "forums" à déplacer dans l'url... je le signal pour ceux qui font un sommaire en première page)
J'ai mis à jour le sommaire ainsi que le titre du topic. Je me suis relu une fois pour le premier paragraphe. Je sais c'est peu, mais j'ai peu de temps.
Bonne lecture !
raphael14:
Ah, ça m'a manqué de ne plus lire ta fiction et ça fait donc beaucoup de bien de retrouver Frederik et Arthémis.
J'aime assez la plongée dans les pensées de ton héros au début de ton chapitre, sa sensation d'enfermement.
Mais tu sais c'est pas grave si tu te répètes avec la description du château, j'aime bien les descriptions, moi, donc du coup ça te fait un bon point de plus. La perspective de découvertes dans des souterrain me plait assez je dois dire, donc j'attends la suite pour savoir ce que tu vas faire d'Arthémis.
Pour ce qui est de Tamara, étant donné qu'elle connaît bien Gabriel, je crains qu'elle ne soit pas très nette ele aussi.
Enfin, je vais pas m'étaler, ce n'est pas ma spécialité. Que du bon. J'attends la suite avec impatience.
Yorick26:
Raph ~ Tu sais tu peux t'étaler. Ce n'est peut-être pas ta spécialité, mais ça fait toujours plaisir. Puisque tu aimes les descriptions, en voilà une autre dans le prochain chapitre. Apparemment elle t'a plu. Pour ce qui est de Tamara, je ne sais pas si je vais lui donner un rôle. J'aimerai bien. En tout cas je suis content que le chapitre t'ait plu (ainsi que le suivant, mais ça on verra après)
Petite remarque : Artémis sans h ^^
Voilà le nouveau chapitre. Je fournis image florale de la mauve des bois et pour une fois la musique qui a accompagné l'écriture.
--- Code: ---http://www.youtube.com/watch?v=Dod4nENU7kM&feature=related
--- Fin du code ---
Commentaires et relectures à venir ^^
Néanmoins je mets le chapitre pour les impatients (peu nombreux, je n'en doute pas)
LES FLAMMES BLEUES
Chapitre XII : Salomon et Archibald
L’herboriste n’entendait dans la nuit noire que les battements de son cœur et le souffle du vent qui sifflait à travers les feuilles des arbres. Il attendait le retour de sa petite protégée. Il avait mené à bien sa quête. Bientôt l’ère nouvelle pourrait commencer. Il savait que ce jour viendrait, il savait qu’il viendrait, mais il ne savait pas quand. Il fallait tout simplement qu’il vienne et cela allait bien au-delà d’une nécessité. C’était une fatalité tout comme le beau temps remplaçant la pluie. La nouvelle ère était prête à commencer, et il était de son devoir de faire en sorte qu’elle soit sous le signe du respect de la nature. La nature, il l’avait toujours servi, depuis sa tendre enfance.
Il avait toujours considéré que c’était la Nature qui était venu à lui et non pas lui à la nature. Il aurait pu se perdre et la rencontrer par hasard, il aurait pu aussi lors d’une promenade avec ces parents au détour d’une rivière ou d’un rocher tomber sur la Nature. Elle était venue plus simplement à lui, elle l’avait choisi pour qu’il la représente et pour qu'il devienne le gardien des forêts et des montagnes, le protecteur des plaines et des rivières. A son âge, il n’avait pas compris tous les enjeux qui s’en déduisaient, mais déjà il avait trouvé l’idée belle et noble. Une sainte mission à laquelle il consacrerait corps et âme. Elle l’avait rencontré de la plus belle manière qui soit à son goût : elle était venue à lui dans un rêve. C’était une nuit de printemps, il avait eu ses quinze ans quelques mois auparavant, lorsqu’il rencontra Dame Nature pour la première fois. Elle lui était apparue comme une révélation. Dès les premiers instants de ce rêve fantastique il l’avait aimé. Il l’avait aimé comme un enfant aime sa mère et la Nature le lui rendrait : il en était sûr. Sa beauté n’avait point d’égale lui semblait-il. Elle avait la peau d'un rose pâle, comme le teint de certaines fleurs à peine éclose sous les rais d’un soleil matinal. Quelque chose dans cette nuance lui était étrangement familière. Quelque part au creux de sa mémoire, un souvenir y faisait écho : il avait déjà vu cette couleur alors qu’il était plus jeune. C'était dans le jardin d’une vieille femme que la vie n’avait pas épargné et qui pourtant éprouvé un certain plaisir à façonner un jardin splendide couverts de roses. Il passait devant chez elle quelques fois alors qu'il revenait de la ville voisine pour rentrer chez lui. A chaque fois, le jeune garçon se disait que cela avait du lui prendre des heures, des mois et des années pour arriver à un tel résultat et on pouvait voir en regardant tout simplement l’éclat des pétales tout l’amour avec lequel ce jardin avait été entretenu. Ce rose était si pur, si doux au regard, Salomon ne put se retenir de tendre une main vers ce visage qui le fascinait. Suspendue dans le vide, comme n’osant pas s’approcher un peu plus par peur de souiller une si parfaite peau, elle tremblait. Ce teint ensorcelant avait l'air irréel. Il était trop doux, trop beau, il était tout simplement trop parfait. Était-ce une illusion ? Non, il rêvait. Alors le jeune garçon eut peur : peur de ne plus revoir ce visage qu’il avait aimé depuis les premiers instants, peur de vivre dans l’absence de cette femme si belle et pourtant si inaccessible. Ce n’était qu’un rêve, il avait peur de cette réalité et il tremblait. Salomon voulait se mentir à lui-même. Ne lui avait-on pas dit que les sorts d’illusions prenaient fin lorsque l’on se rendait compte du subterfuge ? Le rêve prendrait fin dès qu’il aurait compris que ce n’était qu’un rêve. Il voulait se mentir et croire encore et encore à cette fraicheur et à ce rose qui n’existe que dans les songes les plus merveilleux. Jamais il ne toucherait une peau aussi claire et harmonieuse que celle de la Nature. Il serait à jamais contraint de vivre dans l’éternel regret de ne pas avoir tendu le bras assez loin, de ne pas avoir osé effleurer le visage de cette femme qui pourtant l’attirait tellement. Il tremblait, son regard se fixa sur ses doigts qui ne voulaient pas avancer un peu plus. Il n’était qu’un lâche qui n’osait pas prendre les risques alors qu'il était si tenté. Il le savait et pourtant le jeune Salomon n’essayait même pas de vaincre sa crainte d’être désabusé. Que se passerait-il si jamais sa main en dépassant une barrière invisible glissait le long d’une joue ? Traverserait-elle la chair comme si la Nature n’était qu’une illusion dans une autre ? Quelle serait sa déception ! Immobile, il pouvait toujours espérer que tout ceci soit vrai. Il ne rêvait pas, la femme de sa vie était venue à lui, l’avait trouvé et l’avait bercé de tant de beauté. Hélas, il n’en aurait jamais la certitude.
Le lendemain matin, Salomon resta triste et morose. La Nature n’était plus là. Chaque geste qu’il faisait semblait refléter une désillusion tragique et la journée fut longue et morne. Quand le soir vint, les parents du jeune garçon purent enfin voir une lueur d’espoir réapparaitre dans ses yeux. Il désirait la revoir. Il savait que ce ne serait qu’un rêve, il y était résigné, mais il souhaitait du plus profond de son cœur la revoir ne serait-ce qu’un instant pour à nouveau admirer la pureté de la couleur de ses bras dénudés, de son visage et de sa peau. Quand la nuit vint, il ne rêva pas. Salomon était tellement enthousiasmé à l’idée de la revoir qu’il n’en trouva pas le repos. Il avait pourtant essayé d’imaginer leurs retrouvailles, mais comme bien souvent c’est en cherchant le sommeil que l’on n’arrive pas à le trouver.
Ce n’est que plusieurs nuits après, l’esprit mélancolique, mais apaisé, qu’il retrouva sa promise. Elle était resté la même, mais lui avait changé. Il voulait toujours pouvoir la toucher, mais il voulait que ce rêve dure le plus longtemps possible pour que cette sensation de bonheur et d’amour reste jusqu’au dernier instant. Il s’était promis ne quelques jours de ne plus hésiter. Au lieu de douter, il ne prendrait plus que le plaisir de la regarder, de contempler sa peau et se rose qui avaient ravi son cœur dès la première fois. Quelle terrible sorcellerie que l’amour, il s’en rendait compte, mais il cédait et luttait contre cette envie de connaître la vérité. Il ne voulait plus de cette vérité que tout le monde cherchait et qui pourtant pouvait se révéler être si cruelle. Les mains à terre, il respira son odeur. Elle sentait les marronniers d’Adynamia. Quel parfum enivrant et envoutant.
Salomon sentit ses mains se soulever. Il n’avait pas voulu et pourtant ses bras se levaient inexorablement sans qu’il puisse y faire quelque chose. Il sentait cette douceur, cette caresse qui parcourait sa peau. Sur le plat de sa main il ressentait une chaleur calme et rassurante. La Nature le regardait avec son visage souriant et si beau. Ils étaient assis tous les deux, à même le sol recouvert de mauves, les mains dans les mains.
Il ne songeait plus à rien. Il en était certain : ce n’était pas un rêve. Tout ceci était vrai, depuis le début. Il l’aimait comme il savait qu’il n’aimerait jamais personne d’autre. Il en était sûr, cette odeur, ce touché, cette sensation que l’on ne peut pas percevoir dans une illusion étaient bien là. Il se rappellerait ces marronniers, la douceur de ses paumes lorsque celles-ci caressaient le visage de Salomon et des derniers mots qu’elle lui avait dit cette nuit-là : « Aimez-moi ».
Le vieil herboriste se souvint du moment où la Nature baisa son front avec affection. Il lui jura loyauté et fidélité et depuis il avait tenu sa promesse. Malgré les ans, son amour ne fut jamais affaibli et resta toujours aussi vivace dans le cœur de l’herboriste et la Nature lui rendait tendrement sa passion.
Une lueur approchait. Le vieil homme ne le remarqua pas tout de suite et ce ne fut que lorsque les premiers bruits de pas se firent entendre que Salomon ouvrit les yeux pour voir qui venait à sa rencontre. La lumière qu’apportaient les flammes de la lampe à huile n’était pas nécessaire pour distinguer les traits d’Archibald.
A son approche, Salomon ne put s’empêcher de craindre le pire. Il n’avait rien à faire là : même si sa visite ne le surprenait pas, il ne fallait pas qu’il soit ici.
« Cher Archibald … quelle magnifique nuit pour se promener dans la forêt, n’est-ce pas ?
- Ne m’appelle plus comme ça, je t’en prie. Cela fait bien longtemps que j’ai changé de passé. Ma nouvelle vie se fait sous le nom d’Antonin Fiez.
- Je sais, mais j’ai encore un peu de mal. Surtout que nous ne pouvons pas couper complètement avec notre passé. Tu as aussi une mission je te rappelle.
- Tu fais bien de me rappeler. Pourtant, c’est bien toi qui a suggérer au père de Frederik de l’emmener avec lui chez son oncle. Il aurait du rester près de moi.
- Tu n’es pas son père.
- Comme tu n’es pas le père d’Artémis.
- J’aurai pu l’être. Elle m’appréciait.
- Mais Frederik aussi m’appréciait. Il n’aurait jamais du quitter le village. C’est de ta faute. Ma mission est vouée à l’échec à présent.
- Ne te mens pas. Tu peux toujours aller le rejoindre au-delà des montagnes de Menh. Il est au près de son oncle. Si tu ne l’as pas suivi c’est par pur égoïsme. Tu as préféré rester vivre avec ta famille plutôt que de faire ce que tu devais faire. Tu avais perdu la foi qui nous animait autrefois. Nous devions le faire et nous étions tous d’accord. Aucun de nous n’a faillit à part toi.
- C’est de ta faute. Je pouvais le protéger, mais tu l’as envoyé loin de moi. Si je ne l’ai pas accompagné c’est parce que j’ai une famille que j’aime, mais ça tu es incapable de comprendre. Tu n’as jamais aimé que toi et tes plantes. Tu me traites d’égoïste, mais je trouve que tu es le plus mal placé pour m’injurié de la sorte. Si je ne pars pas, c’est car je ne veux pas faire souffrir mes enfants et ma femme. Comment penses-tu les consoler de mon départ ? Ils ne pourront pas me suivre si je me lance dans la quête qui m’est prédestinée. Tout ça est de ta faute. Tu pensais peut-être bien faire, mais au fond de toi tu es vil. Tu ne souhaites que ta réussite et l’échec des autres. Alors tu as saisi l’occasion. La mort de la pauvre mère de Frederik t’a servi d’excuse. Tu l’as éloigné de moi, tu l’as mis hors de ma portée pour que je ne puisse pas faire ce qui doit être fait.
- De toute façon, tu aurais du quitter ta famille pour l’amener au temple. Tu n’aurais jamais accompli ta mission.
- Nous comptions nous installer près du temple à Estold d’ici l’année prochaine. Il nous fallait du temps et tu as précipité les choses par pur orgueil. Tu t’es cru plus fort, plus passionné, plus dévoué, mais tu n’es que le plus fourbe d’entre nous.
Puisque tu m’obliges maintenant à quitter ma famille, je me dois de te punir pour la souffrance que tu m’infliges.
Artémis loin de toi, nous étions quitte, mais puisqu’elle est revenue et que tu as commencé son initiation, il te faut une vengeance à la hauteur de la douleur que je vais sentir loin de mon foyer. » Sans prévenir le forgeron lança sa lampe à huile au pied du tronc de l’arbre de Judée duquel partaient les innombrables racines épaisses et entremêlées. Les flammes attaquèrent le bois difficilement, mais l’huile qui se répandait aidant et les racines à l’air libre étant sèches, le feu prit petit à petit plus d’ampleur, assez pour affoler Salomon. Il hurla et un hurlement retentit à l’intérieur du souterrain. Un cri énorme et effroyable. Les flammes avaient réveillées la bête.
raphael14:
Bon sang qu'il est bon ce chapitre ! On commence enfin à entrevoir la vraie personnalité de l'herboriste. Obsédé par une apparition qui hante ses rêves, il semble prêt à tout pour la protéger. J'aime beaucoup la description de ton allégorie de la nature avec son teint de rose, c'est très bien réussi, on sent presque le velouté de la peau sous les doigts : admirable.
On apprend surtout beaucoup du dialogue entre Salomon et Archibald. Quel est donc la mission dont Archibald est chargée et qui semble compromise par Salomon. À quoi Artémis est-elle donc initiée ? Que de mystères autour de Frederik.
Mais un des points essentiel de ce chapitre, c'est tout de même qu'Artémis est bloquée dans un souterrain, prise entre les flammes et une mystérieuses créature.
En tout cas bon travail, Yorick Deucroivébaton.
sakuranbo:
J'ai lu tes deux premiers chapitres des Flammes bleues! Oui je suis encore en retard je sais ><'
J'ai beaucoup aimé ce début, la façon dont tu mets en place ton scénario et tes personnages. Pour le moment Frederik reste très mysterieux. On a l'impression qu'il ne prends pas trop mal l'idée de ces flammes bleues dans ses mains. Il a l'air d'être d'un tempérament assez posé, mais peut être que je me trompe, je n'ai lu que deux chapitres, il a encore le temps de se dévoiler^^'
Artémis a l'air plus fougueuse en revanche avec un caractère bien trempé. Elle n'a pas froid aux yeux on dirait!
Je ne peux pas encore dire lequel de ces deux perso j'apprécie le plus, on verra bien par la suite^^
Concernant ton style d'écriture, c'est très fluide donc plaisant à lire, tout va bien pour moi^^
Je continuerai à lire très bientôt!
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