Histoire de changer de mes J-RPG de niche j'ai décidé de laisser une seconde dernière chance à une licence, alors que j'avais déjà juré en 2016 qu'entre elle et moi, c'était fini à tout jamais.
Sans trop entrer dans les détails, la version
Noire 2 (que ce soit votre préférée ou non, c'est pas le sujet) avait assassiné ma patience avec des dialogues tout en clichés de banlieues écrits par un comité de boomer, un scénario qui pissait allègrement sur les efforts de son prédécesseur, un bestiaire et des lieux que je connaissais déjà, des pérégrinations ennuyeuses à mourir et un challenge pas assez relevé.
J'avais, à tout le mieux, bien aimé le PokéStudio.
Certes, un "jeu pour le jeu" même sans aucun effort, j'aurais pu accepter, mais s'il prend son public pour d'ignorants bambins qui se rengorgent du moindre phrasé de racaille, non merci, j'ai passé l'âge.
Et vu que la licence trempait là-dedans depuis plus longtemps que je ne pourrais m'en souvenir, je n'avais nulle raison de croire en leur rédemption prochaine.
Voilà pour mes raisons d'avoir dit adieu à Pokémon en 2016.
Mais voilà, à force d'enchaîner les J-RPG de niche qui fédèrent 300 hipsters dans le monde avec leurs 3000$ de budget, j'ai voulu un peu revoir mes standards et faire du mainstream.
J'ai donc lancé le
Pokémon Épée de ma copine.
Je partais avec le sentiment fort partagé que, quelque soit mon opinion finale, je ne me sentirai pas seul : j'ai rarement vu un tel consensus négatif dans une série qui ne garde son public depuis des décennies qu'à la seule force de l'effet doudou et du syndrome de Stockholm.
Non mais, sérieux, osez me soutenir le contraire.
Osez me soutenir, que je rigole, qu'on a déjà vu des
Pokémon aussi unanimement conspués par la vieille garde que ceux de la 8G
(oui je trouve ce diminutif plus sexy que S&S qui me rappelle trop les plus sombres heures de l'histoire de Zelda).
Mais je maintenais que, mon opinion finale fût-elle positive, je ne me sentirai pas seul pour autant : les nouveaux venus et les gens capables d'un peu de compassion loueront ma tolérance. C'est dire si la barre est basse... :'(
Est-il utile de préciser mon rapport et mon parcours vis-à-vis de la série ? Non, ça ne l'est pas.
Car il serait complètement hors de propos de brandir tous les discours de vieux con aigri "c'était mieux avant" qui pullulent à chaque fois qu'un épisode d'une série réputée pointe le bout de sa jaquette.
Que j'ai été fan à un moment de ma vie ou non, ça ne change rien : j'ai toujours jugé de ce qui était disponible à l'époque, par rapport à ce que j'avais connu jusque-là.
Si on devait traîner mon "moi de 11 ans" en 2022, il y a deux choses qui sont à peu près aussi couillues à dire que l'eau ça mouille ou que le scénario de P5 ça pue la merde.
La première, c'est qu'il crèverait comme un chien dans les 3 mois à venir, en raison de tous les pathogènes dans l'atmosphère, l'eau et la bouffe contre lesquels son système immunitaire est impuissant. :^^':
La seconde, c'est que quitte à n'avoir que 3 mois à vivre, s'il avait le choix, il préférerait mille fois s'enjailler sur
Pokémon Épée que sur
Pokémon Rouge. Mon "moi de 11 ans" est-il donc moins grosservo que mon moi du présent ? Serais-je né avec une déficience culturelle et un mauvais goût caramélisé, qui se sont légèrement résorbés avec le temps et l'expérience ?
Ou bien, ai-je été un enfant qui s'émerveillait facilement de tout ce qui sortait de son maigre bagage, qui n'avait pas encore testé trop de contenus similaires vainement cachés derrière pléthore de noms, et qui n'avait jamais étudié, pas même en dilettante, la science raffinée du game design ?!
Tout ça pour dire, laissons de côté les débats de merde "telle G était meilleure parce que blabla" qui sont aussi utiles que du Viagra à un évêque dans une école primaire, et restons concentrés sur le jeu, rien que sur le jeu auquel je joue à ce jour.
Même si on ne coupera pas à quelques comparaisons avec mes précédentes expériences.
Pour ce qui est du scénario, il est évidemment d'une nullité abyssale dans les événements et dans son message, mais étonnamment, je n'ai pas détesté les dialogues autant que j'aurais pu.
Ils se sont vachement calmés sur le verlan et le wesh-blédard sortis du JT de 20H, tout en restant plutôt jeune dans l'esprit.
Pour ce qui est de l'aventure, on est sur du méga-linéaire, un rival qui poppe à l'entrée et/ou à la sortie de chaque route ou chaque lieu (eh, on sait jamais, c'est qu'on pourrait se perdre dans un couloir de 50 mètres) et de la plâtrée de dialogues "gouzi-gouzi les Pokémon sont nos amis" à chaque ville.
Pour ce qui est de la réalisation, ben, c'est sûr que la Switch en a plus dans les tripes que ça, mais eh, c'est regardable, ça respecte l'idée globale que je me fais de Pokémon et tout et tout...
Musicalement, je dirais que c'est oubliable, sauf dans les Arènes où on a un minimum d'ambiance.
Jusque-là, on dirait plutôt un jeu "pas fifou mais pas dégueu pour autant" et si on s'en tenait là, on s'en donnerait raison.
Mais on ne va pas s'en tenir là.
Car la rumeur le dit, la pratique le confirme,
Pokémon, ça reste destiné aux enfants, ou a minima, à celleux qui n'ont jamais touché à un J-RPG de leur vie.
Sur le papier, ce n'est pas forcément un mal.
Super Mario Odyssey aussi, c'est un platformer 3D pas trop vachard qui s'adresse aux enfants, et pourtant, c'est apprécié par énormément de tranches d'âge.
Animal Crossing aussi, c'est joué par masse d'adultes, y a pas de contradiction.
Mais alors, me demanderont les derniers qui me lisent encore au lieu de jouer à
Dark Souls, à quel moment ça devient un mal pour
Pokémon Épée ?
Tout simplement au moment où le jeu confond "être un enfant" ou "être un débutant" avec "avoir un encéphale de gallinacée".
Le jeu a une obsession pour l'assistanat qui frôle l'indécence.
Sans aimer manger ma race à chaque instant, j'estime tout de même avoir un encéphale un poil plus développé que quelque gallinacée, pas besoin de trop me mâcher la besogne.
On démarre l'aventure avec 30 000 Pokédollars, ce qui est plutôt confortable comme galette de départ, et 20 Pokéballs gratuites.
On ne peut pas faire deux bouts de chemin, sans croiser un soin gratuit au milieu.
Le Multi-Exp est actif par défaut, ce qui a ses avantages mais conforte l'idée générale de "on veut surtout pas vous faire chier". Ben oui mais laisser l'option ça coûtait pas cher.
Il suffit (comme presque toujours me dira-t-on) d'avoir une attaque stabbée pour rouler sur tout ce qui n'y résiste pas. Ironiquement, ça rend la capture de Pokémon faible très délicate, ils tombent comme des mouches.
Les Champions sont des formalités, et à titre personnel, je n'aime pas, mais alors pas du tout le côté "footballeur professionnel" même si je comprends qu'il corresponde aux attentes du public moderne, entre les influenceurs, la célébrité facile et tout le reste.
Et je terminerai cette diatribe en disant : si on a pu accuser les 5 et 6G de tromper la panne d'inspiration en fouillant dans ses poches (un trousseau de clés, un cornet de glace, un lustre à chandelles) ben la 8G ne vole pas plus haut en regardant par la fenêtre.
Un Welsh corgi, un lapin, un ours en peluche, un renard, un hamster, une mésange, une tortue, ils se sont
carrément pas foulés, de ce que j'ai vu jusque-là.
Jusque-là, on est donc face à un jeu "pas fifou mais qui
pourrait être pas dégueu s'il le voulait, sauf qu'il le veut pas".
J'ajouterai donc un dernier élément avant d'en finir : les Terres Sauvages.
Vous les connaissez sûrement par la profusion de memes à leur égard où l'on voit Gloria (l'avatar féminin) poursuivie par un ours en peluche géant, le nightmare fuel salue la rule 34, ou par les tweets taclant la texture des arbres comme si on jugeait tout un jeu là-dessus.
Ben vous me croyez si vous voulez je m'en fous, mais c'est le seul contenu qui m'a convaincu de ne pas lâcher l'affaire pour l'instant. :^^':
Parce que là, on touche enfin à l'image qu'on pouvait se faire de
Pokémon depuis sa genèse, la traque en milieu hostile, la solitude au milieu de bêtes prêtes à bondir, la gestion des ressources et j'en passe, le tout avec un game design pas trop stressant, qui puisse rester à la portée des enfants tout en délivrant l'expérience visée.
Ce n'est pas encore la perfection à bien des égards, mais ça reste suffisamment pertinent et bien exécuté pour m'inspirer une forme d'intérêt.
Je sortirai très certainement de mon aventure plus convaincu que jamais que
Pokémon, c'est pas pour moi, mais j'aurai la satisfaction de raccrocher les gants sur une note nettement moins amère qu'en 2016.