Merci pour le commentaire Raphael =)
Content que ça te plaise.
Sans plus tarder, la suite, à la semaine prochaine!
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Un jour s'était écoulé depuis notre opération.
Je m'étais échiné sur les 15 kilomètres du retour à inventer un bobard quelconque pour ne pas donner la cassette au capitaine. Avec plus ou moins de succès. On avait réussi par un miracle démentiel à coincer 4 chevaux rescapés de l'embuscade. Fourbus comme on était, on en a profité. J'ai chevauché en tête, avec Rose. En d'autres circonstances, j'en aurais profité pour laisser traîner mes mains, mais elle avait vraiment pas le moral, et je me sentais mal de faire ça. Elle a quand même serré la main que j'avais placée sur son ventre pour la maintenir tout le long de la route. Araignée montait avec Tapinois, et leur cheval tirait une civière transportant Ken, toujours dans les vapes. Zed et Manchot partageaient un autre canasson, et enfin Ciguë faisait cavalier seul. Bière avait une répugnance extrême pour les chevaux. Je ne sais pas pourquoi, et ça ne m'intéresse pas plus que ça de le savoir. Ca lui a permis, après quelques années avec nous, de développer son endurance de façon exponentielle. Il court à côté tout le long du chemin, même au galop.
Une fois arrivés au camp, un peu avant l'aube, on a filé droit dans nos couvertures et écrasé comme des masses pendant des heures. Dans l'organisation du 6e, et même des 7, nous n'existons pas officiellement, mis à part moi, le Porte-Étendard. Nous n'avons donc aucune tâche formelle, et pouvons dispenser notre temps comme nous l'entendons en dehors des missions. Par contre, nous sommes quand même sujets aux mesures disciplinaires. Hélas.
J'ai été le dernier à me réveiller. Hé! Je dois régénérer deux fois plus d'énergie qu'un homme normal, moi. Mais, chose surprenante, je n'ai pas été réveillé par une estafette, ou un soldat. Non, tout seul. J'ai tablé sur le fait que le capitaine était retenu ailleurs par d'importantes affaires. Ca m'arrangeait bien. Araignée m'a placé un bol d'un truc pâteux et peu engageant dans les mains. Au moins c'était chaud et ça se mangeait. Je crevais de faim. On lui avait bandé le torse pour qu'il guérisse plus vite. Il avait l'air de se porter déjà mieux. Ken s'examinait le torse avec dégoût. Il avait tout sauf la tête du type qui avait failli pouvoir faire de la corde à sauter avec ses boyaux. Ce gars est pire qu'un cafard. Rose s'entraînait contre les mannequins de bois.
"Comment vous sentez vous, ce matin, Chef?, m'a fait Araignée.
-Assez en forme pour émasculer une armée d'Orks. Dis, c'est quoi ce truc infâme?
-Goulache d'Orks sur sa jardinière de légumes frais.
-Ha, je me disais aussi."
Les fastueux repas qu'on me servait dans des couverts d'argent à Aethor n'étaient plus que de très très pâles réminiscences dans mon palais.
"Où sont les autres?
-Zed et Manchot sont partis chercher de quoi faire une fausse main à Manchot. Bière est parti faucher des céréales dans un champ qu'il a vu sur la route, pour brasser un peu de bière. Ciguë est allé trouver des herbes je sais pas où. Et Tapinois..."
Il a haussé les épaules de façon assez éloquente.
"Je suis là, a fait l'horrible petit gros barbu."
J'ai mimé une attaque cardiaque quand j'ai vu sa sale bobine.
"Des nouvelles?, lui ai-je demandé en reprenant un peu de cette immondice.
-Non. J'avais besoin de repos moi aussi."
J'ai hoché la tête. Il en fait toujours plus que nous.
"Des nouvelles de notre capitaine adoré?
-Il est là. Mais il a pas l'air de se rappeler de nous.
-Tant mieux. Espérons qu'ils nous oublient définitivement. Tapinois, tu ferais quelque chose pour moi?"
Il a pas répondu, attendant patiemment ma demande. Bon, d'accord, mon ordre. Mais les apparences sont importantes.
"Va fureter à droite à gauche, je veux savoir ce qui se dit à propos d'hier."
Il a acquiescé et s'est fondu dans la masse.
Il est revenu quelques heures plus tard, pendant que je noircissais des pages et des pages de ces carnets.
"C'est le chaos.
-Ha ouais?
-Ouais."
Il a rien dit pendant quelques minutes, mâchonnant un morceau de pain. Je le force jamais à parler. On a le temps.
"Notre stratagème a marché. Les survivants ont bien dit à Kertag que c'est le 4e qui a fait le coup.
-Combien de survivant d'ailleurs?
-Je ne sais pas exactement. Environ une dizaine."
Je me suis arrêté d'écrire un moment pour le regarder.
"Si peu?
-Faut croire que la nouvelle pestilence de Ciguë fait des miracles.
-Ouais. Vive nous.
-Kertag est allée elle même voir Ombre de Mort, avec une poignée d'hommes. Elle était furax de ce que j'ai pu entendre. Mais Ombre de Mort a été le premier étonné. Il a juré qu'il n'y était pour rien. Par contre, il a été très intéressé par la raison de notre embuscade. Kertag n'a pas été très fine sur ce coup là. Maintenant, on sait qu'il y a au moins 4 lieutenants sur le coup, dont le capitaine.
-Et donc, virtuellement ça peut être n'importe qui..."
Il a hoché la tête. Tout ceci était excellent. Pour nous bien sûr. Si il y avait eu un seul soupçon sur l'implication du 6e, le capitaine aurait fait un exemple de notre cas devant tout le monde, en disant que son régiment devait être exemplaire.
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Le chaos.
Les explosions, les tremblements de terre, les cris. Cris de souffrance, d'agonie, de surprise, de rage, de surprise. C'est tout ce merdier qui m'a réveillé la nuit suivante. J'avais encore dans le cerveau les dizaines de pintes de la bière excellente brassée par l'homme du même nom. Soûl. Rond. Bref, dans la merde. J'ai repoussé Araignée qui me ronflait dans les oreilles. Beurrés, on l'était tous.
J'ai ouvert grand mes yeux ensommeillés, mais quand j'ai reçu une flèche perdue dans l'épaule j'ai vite retrouvé un semblant de lucidité. Heureusement, l'alcool abrutit les sens. J'ai pas crié. Enfin, pas trop fort. Juste assez pour réveiller mes hommes.
"Bougez vous le cul!, j'ai hurlé en les frappant avec mes bottes. On est attaqué!"
Putain, mais qui? En pleine nuit qui plus est, c'est pas fair-play. Mis à part Tapinois, qui déjà s'activait à rappeler aux autres leurs devoirs de soldat, tout le monde grognait de mécontentement. Il a fallu qu'un boulet de canon explose à dix mètre de notre position, nous envoyant terre, sable et morceaux de cadavre pour qu'ils prennent conscience de la situation. Je me suis relevé en crachant, momentanément désorienté. Mon monde tanguait dangereusement. J'ai vomi.
"Chef, qu'est-ce qu'on fait?, m'a hurlé Araignée dans les oreilles."
Autour de nous, le campement était à feu et à sang. On subissait un tir nourri d'artillerie et des pluies de flèches nous tombaient dessus.
Un sifflement strident survenu des enfers a filé vers nous.
"Au sol!, a crié Bière."
L'explosion suivante nous a envoyé des éclats d'obus assez gros pour décapiter un taureau. Ils nous ont survolé et sont allés décimer nos collègues. Assez lucide maintenant pour imaginer un début de plan, j'ai créé un bouclier réflecteur, juste assez grand pour nous protéger tous. J'ai observé la situation pendant qu'ils se foutaient des baffes pour reprendre leurs esprits. On entendait les trompes Wellmarchiennes. Mais aussi certaines des nôtres. Celle du 6e sonnait le rassemblement. D'où on était, en plein milieu du camp, la visibilité était nulle, surtout avec la fumée et le feu. Sur notre gauche, à plus de cinq cent mètres, une énorme explosion a éclairé la nuit, engendrant une immense colonne de fumée noire qui s'est élevée dans la nuit. Ils avaient du touché un magasin de poudre.
"On se tire, j'ai fait. Collez moi au cul et vous avisez pas de vous écarter si vous voulez pas crever!"
La seconde suivante ils s'agrippaient tous à moi comme des sangsues. Malgré mon état avancé d'ébriété, j'ai réussi à me repérer plus ou moins. On a filé vers la tente du capitaine, là où devait se trouver l'étendard. Des soldats paniqués se rappelaient subitement que j'étais mage, et que la bulle verte/dorée qui m'englobait devait avoir quelques propriétés de protection. Ils ont voulu pénétré dans le cercle, on les a tué nous même. Nous d'abord, les mecs. Après une éternité, on a enfin gravi la petite colline sur laquelle reposait la tente-palais du capitaine. Etant donné que ladite colline, la tente et l'environnement immédiat était encore totalement intact, j'en ai déduit que l'étendard était toujours performant. J'ai mis fin à mon bouclier.
"C'est bon, leur ai-je dit. On est en sécurité ici."
Je les ai laissés sur place et me suis engouffré dans le repaire du capitaine. A peine étais-je entré que Keringhton, le second, me fourrait l'étendard dans les mains.
"Enfin te voilà, Porte-Etendard. Le capitaine t'attend.
-Désolé d'être en retard, j'ai eu un léger empêchement, ai-je rétorqué, méchant."
Tous les gradés du 6e me haïssent, tout comme moi je les hais tout pareil. Ils sont jaloux que le capitaine me confient plus de mission qu'à eux. S'ils savaient...
Avoir la hampe de lance du drapeau entre les mains me rassure toujours énormément. Sur le champ de bataille, on vise principalement ce qui est le plus visible. Donc en général l'étendard, qui sert aussi de signe de ralliement à l'armée. Conscient du danger que représente ma fonction, j'ai tissé une toile de sortilèges profonde et super-puissante dans chaque fibre de bois et chaque microfibre de tissus. Un vrai travail d'orfèvre. Tout ce qui se trouve à cinquante mètres à la ronde est immunisé contre les flèches, le feu, l'acide, le tonnerre, les boulets de canon, les explosions, la pluie, la glace, la neige, les projectiles en tous genres (du tournevis à la petite cuillère, en passant par les châtaignes et les glands), les défections animales, l'huile bouillante, la roche, la magie, les trucs anti-magie, et j'en oublie. Malheureusement, ces protection ne sont valides que contre des choses qui arrivent de l'extérieur. Pour parer à certaines situations, j'ai ajouté une seconde couche des mêmes protections, mais pour un rayon de vingt mètres. Et enfin, si malgré tout des choses me sont balancées a moins de vingt mètre, l'étendard protège intégralement son porteur des blessures, des maladies, des brûlures, des contusions, des éclairs, des projectiles contondants et perforants, des douleurs mentales, des possessions psychiques et des sorts d'état. (Même si jusqu'à présent ces protections courte portée n'ont jamais eu l'occasion de prouver leur efficacité.) Il me semble même qu'aux premiers temps de ma fonction j'y avais mis des sortilèges offensifs. Il faudrait que je vérifie cela à l'occasion.
Seuls moi et les vétérans de Tempête du Chaos sommes au courant. Alors ils s'arrangent toujours durant la bataille pour rester près de moi tant que la charge n'a pas été sonnée. Comme vous vous en doutez, c'est mon chef-d'oeuvre, mon bébé, mon bijou. Je l'optimise chaque fois que je le peux. Le capitaine ne s'est jamais rendu compte de ce qu'il avait sous les yeux à portée de main.
Avec ça, j'avais encore pas mal de jours heureux devant moi. Hmm.
Le capitaine avait réuni sont état-major autour d'une table de campagne sur laquelle trônaient des cartes du secteur, avec de petits pions pour symboliser les forces en présence.
"Qu'est-ce qu'il se passe?, j'ai fait, nonchalant."
Tous les officiers m'ont jeté un regard mauvais. Il était clair qu'ils étaient tous extrêmement nerveux. Après tout, ils ne savaient pas que grâce à mon génie naturel leurs petits culs étaient les mieux lotis du lot. Seul le capitaine était totalement détendu. D'un autre côté, je ne l'ai jamais vu nerveux ou paniqué.
"Nous sommes attaqués, m'a répondu Moustachu, un des sergents.
-Sérieusement? Bah merde! Je croyais que... Bah je croyais que c'était le début du carnaval local quoi."
Il s'est empourpré de rage. Hu. Pas jouasses les mecs.
"Barad nous a tous bernés. En prétendant faire le mort, il a profité de notre inertie pour manigancer dans notre dos. D'après les rapports, le général Kerry mène actuellement une armée d'un peu plus de sept mille hommes contre nous, avec un contingent important d'artillerie légère et lourde, deux régiments d'archerie, de la cavalerie lourde et une cohorte de fantassin."
Je me suis mordu la lèvre. C'était pas bon.
"Barad a également profité de la confusion pour faire une sortie. Je viens de recevoir un rapport de Beryl. Il me demande des renforts."
Là, c'était carrément moche. Si Béryl, lieutenant du 7e, demandait des renforts, c'est qu'il était au bord de l'anéantissement.
"Qu'est-ce je suis censé faire là-dedans, j'ai demandé."
Quand j'ai vu tous les lèches bottes me faire de grands sourires ravis, j'ai compris que c'était pas bon pour moi.
"Prend tes hommes et va renforcer Béryl.
-OK. Combien d'hommes dois-je prendre?
-Les tiens, pas un de plus."
Mauvaise réponse. J'en ai plus que huit, mon pote.
"Tu peux disposer."
Je me suis incliné et fait mine de sortir.
"Laisse l'étendard ici. Tu n'en auras pas besoin."
J'aurais voulu pleurer.