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La Tour du Rouge : [Random | Très court] Sans titre #1

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Great Magician Samyël:
Wow, des gens, ça me fait super plaisir. :^^:

Boobstalinette ==> Merci d'être passée, ça me fait bien plaisir. :) Si tu souhaites te plonger dans les entrailles de la Tour, je ne peux que te conseiller de commencer par Triangle de Pouvoir, c'est, je pense, ce que j'ai produit de plus abouti, tant sur la forme que sur le fond, et il a l'avantage d'être achevé. En sus c'est aussi ce qu'il y a de plus récent, donc de plus "actuel" j'ai envie de dire. Bref, en espérant te revoir, et encore merci!

Raph ==> Ha! Je suis très heureux de te revoir dans le coin! :) Je suis bien content en tout cas que ce prologue t'ait plu, et j'espère que la suite ne te décevra pas. J'ai de bons espoirs quant à l’achèvement de ce projet, puisque l'histoire sera relativement courte, et que je sais déjà où je vais et comment. Bref, au plaisir de te revoir dans le coin, et merci pour ton passage.  :^^:

Sur ce, le début du premier chapitre. J'ai décidé, contrairement à mes précédentes publications, de morceler les chapitres, d'une part pour proposer des textes assez courts donc plus agréables à lire, je crois, et d'autre part pour ne pas grignoter mes réserves trop vite. (Puisque j'ai tendance à publier plus vite que je n'écris.)

Voilà, je n'en dis pas plus, et vous souhaite une bonne lecture!

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La Carte de la Route

Chapitre premier :
La potence.
-1ère Partie-



   Des cris tirèrent Vizamir de sa somnolence. Des exclamations exaltées, en provenance de la minuscule place du village, faisaient vibrer les vitres crasseuses à côté de lui. A l’intérieur de l’auberge, les rares clients se précipitèrent dehors, avec l’aubergiste, qui ne jeta pas même un coup d’œil méfiant à l’étranger.
   Intrigué, Vizamir finit sa bière de houblon insipide et, passant son long arc en bandoulière, sortit à son tour, resserrant sa pelisse en fourrure de loup sur ses épaules maigres. Le ciel n’était qu’un amas confus de teintes de gris et de blanc, où des flocons épais et tenaces virevoltaient paresseusement, transformant petit à petit le sol en boue épaisse et salissante. Vizamir ignorait le nom de la bourgade, mais elle comportait une vingtaine de bâtisses, dont deux en pierres de construction -l’auberge et le temple- dans le style impérial le plus pur. Ces bâtiments abritaient une centaine d’âmes humbles, des fermiers pour la plupart ainsi qu’un forgeron à moitié aveugle et trois miliciens gras et épuisés qui n’avaient certainement jamais dû user de leurs glaives.
   Le village rappelait à Vizamir la centaine d’autres, similaires, qu’il avait déjà eu la « chance » de visiter en parcourant la campagne impériale. Morne, gris, froid et pouilleux. En temps ordinaires, les autochtones essayaient de lui faire la peau pour le détrousser, mais depuis que la famine et la guerre ravageaient conjointement le sud d’Ikerias, la simple vue de ses longues dagues et de son arc bien huilé suffisait à décourager les plus vindicatifs. Alors ils se contentaient d’accepter son or sans rechigner, non sans lui jeter des regards effarouchés -mais ça, il en avait l’habitude.
   Tous les habitants s’étaient rassemblés, vieux, femmes, enfants, travailleurs, autour d’un simulacre d’estrade où l’on avait installé une potence grossière. Deux miliciens tiraient un jeune enfant, terrorisé et en pleurs, par les bras, tandis que le capitaine observait la foule depuis l’estrade, remontant régulièrement ses braies que son ceinturon défraîchi ne parvenait plus à maintenir. Ses petits yeux chafouins s’arrêtèrent sur le garçon, et sa langue baveuse pourlécha ses lèvres bleuies par le froid. Ses moustaches luisaient de crasse, de part et d’autre de sa bouche molle.
   Des cris déchirants firent écho à l’excitation de la foule. Une femme en pleurs fendit la cohue et se jeta au pied du capitaine. Elle était plutôt avenante, pour le trou perdu dans lequel elle vivait, mais les bleus sur son visage et ses bras indiquaient assez que cela devait plus être un fardeau qu’un avantage.
   -Julius, je vous en conjure!, sanglotait-elle en lui baisant les pieds. Ne faites pas ça, il n’a rien fait, rien fait de mal!
   -Le citoyen Acromius l’a vu revenir de la forêt, les mains pleines de sang frais.
   -Vrai que je l’ai vu, ce sale petit démon, s’époumona l’intéressé. Aussi vrai que je vous vois maintenant. Ses yeux brillaient et il souriait comme un coquin satisfait d’son méfait.
   Le capitaine se tourna vers le garçon, qui avait déjà la corde au cou. Il tremblait, et ce n’était pas à cause du froid. Il lançait des regards suppliant à sa mère.
   -Qu’as-tu à dire pour ta défense, mon garçon?
   -C’est un mensonge!, gémit-il. Je peux expliquer!
   -Alors fais vite.
   -Je suis parti chasser dans la forêt, ça c’est vrai. Mais y avait une femme en bas de la colline Palantin. Elle était nue, et son visage saignait. C’est pour ça, le sang, je le jure, pitié!
   -Mensonge, cria quelqu’un dans la foule. Moi je dis que c’était un démon qu’il a vu, et qu’il commerce avec. Tout le monde sait que c’était un sorcier, son père au gamin. Il a ça dans le sang.
   Le reste du village approuva avec force cris, sans porter la moindre attention aux pleurs de la mère. Le capitaine Julius se caressait distraitement les moustaches, comme si tout ceci l’ennuyait profondément et que ce n’était pas son problème.
   -Je suis désolé, Shandra, finit-il par déclarer après un temps de réflexion. Mais les faits sont accablants. Messieurs.
   Les deux miliciens commencèrent à tirer sur la corde, et après un à-coup, celle-ci se serra étroitement autour du cou du garçon et il fut soulevé de terre, cherchant avidement de l’air, les yeux exorbités. La foule cria son assentiment, certains allant jusqu’à jeter des poignées de boue à moitié solide. Le supplice dura quelques interminables secondes, avant qu’une nouvelle voix, forte et claire, ne s’élève.
   -Attendez, capitaine Julius.
   Un vieil homme souriant se matérialisa devant l’estrade. Il claudiquait et s’aidait d’une canne mais son riche vêtement pourpre le désignait comme un prêtre du Temple. Les deux miliciens lâchèrent la corde et l’enfant s’écrasa face contre le bois, se recroquevillant en cherchant goulument son souffle.
   -Mon père, s’inclina Julius en lui baisant le dos de la main, c’est un honneur de vous avoir parmi nous.
   -Ce n’est rien, mon fils. Il est de mon devoir d’aider les valeureux qui combattent le Mal… quelles que soient les formes qu’il prend.
   Il jeta un regard sévère au supplicié.
   -La pendaison, c’est le sort réservé aux criminels. Il existe d’autres châtiments, pour ceux qui commercent avec les démons. Des châtiments qui plaisent au Panthéon, et éloignent le Mal.
   -Nous sommes Ses serviteurs, s’inclina à nouveau le capitaine, visiblement mal à l’aise. Que préconisez-vous, mon père?
   -La lapidation face aux murs du temple lavera son âme de sa souillure, prophétisa le prêtre.
   Il n’en fallait pas plus à la foule pour devenir hystérique. Comme une vague, elle s’abattit sur le garçon et l’emmena en direction du haut bâtiment de pierre, à l’extrémité du village. Julius les suivit peu après, avec un soupir. Seul s’attarda le prêtre, un sourire sur le visage. Vizamir se passa une main dans les cheveux, un arrière-goût amer dans la bouche. Il ne s’habituerait sans doute jamais à la stupidité des paysans, leur cruauté, et la bassesse d’âme dont étaient capable les humains. Et que dire de leurs religions, songea-t-il en voyant le prêtre claudiquer vers lui.


Merci d'avoir lu!

raphael14:
Ravi de voir que tu y mets autant d'enthousiasme. En plus le format est idéal, ça se lit rapidement mais il se passe tout de même des choses.
On suit donc Vizarim, un personnage bien énigmatique, et à travers son regard on voit à quel point le nouveau monde dans lequel tu nous plonges est aussi pourri que le royaume de Danemark, comme d'hab', j'ai envie de dire. Quoique tu fais assez fort cette fois-ci.
Je suis toujours épaté par ta capacité à t'enfoncer toujours plus loin dans le glauque : des miliciens ventripotents, un chef de la garde qui a les mains aussi propre que celles de Ponce Pilate, une femme sur lequel tout le village doit être passé (bravo l'image de la femme) et un pauvre gamin que l'on pend haut et court. Bon, je te concède que les maltraitances sur des gosses, tu avais déjà expérimenté avec le Cycle du Rouge, mais le pire reste à venir.
Quand le prêtre arrive, lumière d'espoir : un peu de sagesse dans ce monde d'obscurantisme. Je me dis que le mouflet est sauvé. J'aurais sûrement me douter de la suite, on est dans du GMS, tout de même : le prêtre enfonce encore plus le pauvre gosse, et c'est parti pour une lapidation. Quelle raclure ce prêtre. On se croirait aux heures les plus sombres de l'Inquisition.
C'est comme Orange mécanique : ce que l'on voit est juste insupportable mais on ne peut pas en détourner les yeux.
Et tu peux être sûr que je suivrais la Route du Nord (ça a l'air plus fun que Pékin Express). Peut-être avec le fol espoir d'un happy-end même si ça a l'air un peu râpé.

Great Magician Samyël:
Diantre, désolé de poster aussi tard mais j'avais complètement oublié de poster la prochaine partie.  :R

Merci d'être fidèle au post Raph! Et si je puis me permettre, ce n'est pas du glauque, juste une (la?) réalité froide et lucide d'un monde impitoyable. :ange: Le parallèle que tu fais avec l'Inquisition est intéressant, en effet étant assez (énormément?) hostile envers la Religion (que je distingue de la Foi), j'ai souvent tendance à conférer aux ordres religieux que je conçois les attributs de l'Inquisition, à savoir une foi aveugle et idiote, une grande violence et un mépris total de la vie humaine. Quant à un happy-end, et bien, je ne sais même pas ce que signifie cette expression. :R M'heu j'déconne, au fond, l'écrin de noirceur dans lequel je drape mes récits et mes personnages ne sert qu'à faire briller plus encore les quelques élans de bravoure et de bonté qui transparaissent ici et là sur le gris du ciel, et étant un grand romantique dans l'âme, au final c'est un message d'espoir qu'il faut y chercher. Car tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir! Merci de ton commentaire en tout cas, en espérant que cette fin de chapitre te plaise!

Et moi je vous dis à bientôt pour le début du chapitre 2, en essayant de ne pas oublier cette fois. :astro:

Allez, bonne lecture!


_________________________

La Carte de la Route

Chapitre premier :
La potence.
-2ère Partie-


-Messire! J’ai entendu parler de vous. Je suis… peiné, de vous accueillir avec un si triste spectacle, je le crains.
   -Epargnez moi votre hypocrisie, vieil homme. Vous et moi savons parfaitement que ce gosse n’est coupable de rien.
   -Tient donc?
   -Il faut plus qu’un beau sourire et un peu de sang pour invoquer un démon. Tout ce que vous avez fait, c’est rendre son supplice plus douloureux qu’il ne l’aurait été.
   La face ridée du vieil homme adopta une expression déçue.
   -Je ne m’attends pas à ce qu’un étranger comprenne nos coutumes, fit-il d’une voix sèche.
   -Ho, rassurez-vous, je les comprends parfaitement. J’ai suffisamment étudié vos cultures, dans les livres et sur le terrain.
   -Ho, alors cela vous permet de nous juger?
   -Et vous, votre robe vous permet-elle de juger l’âme de ce pauvre gosse?
   -Oui, rétorqua le prêtre. C’est un pouvoir que me confère le Panthéon.
   Vizamir secoua la tête. Il n’avait plus envie d’entendre parler le vieil homme.
   -Je n’ai plus rien à vous dire. Adieu.
   Il fit mine de s’en aller, mais le vieil homme l’attrapa par le coude avec une force étonnante.
   -Allons, allons. Je ne voulais pas vous chagriner, messire Caelach.
   Vizamir plissa les yeux et étudia plus attentivement le visage du prêtre, qui lui souriait avec un soupçon de malice.
   -Comment m’avez-vous appelé?
   -Ha! Cela vous intrigue, n’est-ce pas? Je sais ce que vous cherchez. Je peux peut-être vous aider.
   -Parlez.
   -Ho, ho! Allons, ne précipitons pas les choses. Suivez moi au Temple, je vous ferai une… proposition, qui nous sera à tous les deux profitables, croyez moi.
   Ils échangèrent un long regard. La neige avait cessé de tomber, et l’air comme le paysage était parfaitement immobile.
   -Je vous suis.
   Ils prirent la direction qu’avait empruntée la foule. Les hauts murs de pierre froide du temple apparurent bientôt à la vue de Vizamir, et les hurlements de douleur du supplicié agressèrent ses tympans. Le garçon, dénudé, avait été attaché par les poignets et les chevilles à la façade est du bâtiment, et les villageois sifflant et jurant lui crachaient dessus en lui jetant des pierres. Du sang coulait déjà entre les jointures des moellons, et certaines parties du corps avaient pris des courbes contre-natures. Personne ne remarquait, ou du moins faisait semblant de ne pas remarquer, le bon capitaine Julius qui besognait la mère à même la boue, la face rubiconde et emperlée de sueur, tandis que ses fidèles acolytes la maintenaient par les épaules, attendant certainement leur tour.
   La femme jeta un regard implorant à Vizamir qui passait près d’elle à la suite du prêtre. Il détourna les yeux et poursuivit son chemin sans un mot. Aussi triste que fusse sa condition, ce n’était pas son problème. L’intérieur du temple était plutôt spacieux, dénué du moindre ornement ostentatoire comme on en voyait souvent. Une dizaine de longs bancs remplissaient presque tout l’espace, devant une chaire en bois. Le prêtre lui fit signe de le suivre, tandis qu’il s’arc-boutait pour soulever une lourde dalle de pierre, qui aurait dû être bien trop lourde pour sa frêle carcasse. Un étroit et suintant escalier s’enfonçait dans les entrailles du bâtiment, charriant un air vicié de moisi. Vizamir fit signe à l’ecclésiastique de passer en premier et lui emboîta le pas. Il compta mentalement cent vingt trois marches avant d’atteindre le fond, une salle carrée creusée dans la terre. Des torches brûlaient sur les murs, éclairant l’endroit d’une lumière chaude et rouge.
   Trois jeunes filles, nues, étaient enchainées à des appliques métalliques vissées dans les murs. Elles paraissaient indolentes, mais lorsque Vizamir pénétra dans la pièce, elles tirèrent sur leurs chaines et tendirent leurs corps vers lui, les seins pointant, dans des gémissements lascifs. Elles étaient jolies, si on exceptait les multiples plaies qui zébraient leurs corps, signes de fouet, de scarifications et autres tortures. Toutes cependant partageaient un même air campagnard. Elles étaient probablement droguées, maintenues captives et serviles pour le bon plaisir du prêtre. Vizamir se demanda brièvement si leurs familles les attendaient, quelque part.
   Le vieil homme s’approcha de la plus proche, une brune au teint halée, et lui empauma violemment un sein. La fille réagit instantanément, tremblante de plaisir.
   -Je t’écoute, prêtre, gronda Vizamir.
   -Droit au but, hein?
   -Tu as parlé d’une offre.
   -Tout à fait.
   La fille brune s’agenouilla, et ses mains disparurent sous les robes du prêtre. Ce dernier lui caressait la tête d’un geste possessif.
   -Je peux répondre à toutes tes questions, Caelach. Je peux mettre un terme à ta quête.
   -Vous ne cessez de m’appeler Caelach. Qu’est-ce que cela signifie?
   -Cela veut dire Sang noir, dans la langue des anciens.
   -Qu’est-ce? Un titre, un nom?
   -J’ai promis de répondre à tes questions, mais un marché implique une contrepartie.
   -Parle, ordonna Vizamir.
   Le prêtre savait quelque chose, il le sentait. Il le voyait dans ses yeux, l’entendait sans sa voix. Il frémit malgré lui d’excitation, Son odorat développé captait l’odeur de la fumée des torches, les puissants relents sexuels qui émanaient des trois femmes. Il se sentit légèrement euphorique, et son sexe se durcir dans ses chausses. Il se laissa aller contre le mur, et ne bougea pas lorsque la fille la plus proche colla sa bouche contre son entre-jambe.
   L’ecclésiastique sourit.
   -Je ne désire pas grand-chose, non. Juste un peu de ton sang. Juste assez pour remplir un petit calice.
   L’excitation de Vizamir retomba instantanément, et il s’écarta d’un bond. Il retrouva ses esprits et comprit qu’il avait failli tomber dans un piège. Il percevait une nouvelle odeur dans la fumée des torches. Un narcotique que l’on faisait brûler dans les lupanars de Chizell, pour désinhiber les clients les plus retissant. 
   -C’eut été trop beau, soupira-t-il. J’aurais du me méfier.
   -Plait-il?
   -Je sais ce que vous êtes. Mais vous ne m’aurez pas. Je préfère continuer ma quête, que de m’abandonner à un démon.
   -C’est donc un refus?
   -Cela en a tout l’air.
   Les traits du vieil homme se tordirent, la peau de son visage sembla se tendre sur ses os.
   -C’est bien dommage, fit-il d’une voix caverneuse. Je t’aurais bien traité, Caelach. Je t’aurais révélé tout ce que tu veux savoir, et même plus. Je t’aurais également donné l’une des mes petites chéries. Mais puisque tu ne veux pas me donner ton précieux sang… Je vais devoir le prendre par moi-même.
   Vizamir se jeta sur le côté, sauvé par un réflexe. Une pair de pinces chitineuses claquèrent là où il se trouvait quelques instants plutôt. La fille s’était transformée en une monstruosité innommable. Ses bras avaient éclaté pour révéler des appendices acérés et crochus, sa langue pendait, longue, fine et pointue, ses jambes s’étaient couvertes d’un chaume rêche et ses pieds n’étaient plus que des sabots d’âne. Son front s’ornait d’une paire de cornes rougeâtres, et ses yeux uniformément blancs braquaient sur lui un regard d’où exsudait un appétit insatiable. Malgré son apparence repoussante, il émanait de la chose un puissant musc sexuel qui brouillait les sens. Heureusement, elle était toujours enchainée au mur. Ses pinces claquaient dans le vide, à quelques centimètres de Vizamir qui se releva en dégainant ses deux longues dagues. Il y eut un froissement d’ailes, et une silhouette massive bondit sur lui. Il roula en dessous, en profitant pour redresser ses armes. Les lames rencontrèrent une résistance et un ichor verdâtre et fumant se répandit sur le sol tandis que la chose hurlait de douleur et de colère.
   Le prêtre, reconnaissable aux lambeaux de robe pourpre qui pendaient encore sur son corps boursouflé se tassa sur lui-même, deux plaies suintantes lui barrant le torse.
   -Tu vas payer pour ça, Caelach, cracha le démon.
   Ses mains comme des marteaux s’élancèrent à sa rencontre, presque trop rapides. Vizamir leva une dague, mais les griffes de la créatures ripèrent sur la lame et continuèrent leur route jusqu’à entailler l’avant bras de Vizamir qui grogna de douleur en effectuant un désengagement. Celui-ci profita de l’élan du démon pour placer une botte haute avec son autre dague. Dans un éclair argenté, l’acier s’enfonça profondément dans l’œil gauche de la créature, aspergeant Vizamir d’humeur noirâtre et écœurante. Sans autre effet dramatique, ce qui avait été un prêtre s’effondra sur le sol, masse informe de chair boursoufflée et difforme. Vizamir dégagea son arme, avec un haut-le-cœur. Il inspecta la plaie sur son bras, mais elle se révéla peu profonde et probablement bénigne. Il se confectionna tout de même un rapide bandage pour éponger le sang avec un morceau de la robe pourpre.
   Pour éviter tout risque, il découpa proprement la tête du démon et la lâcha sur le sol où elle rebondit dans un bruit mat et visqueux. Il prit soin d’éviter tout contact avec le sang démoniaque. Un cri derrière lui le fit se retourner. La jeune fille brune, qui avait gardé un aspect humain, se tenait la bouche, le visage crispé d’horreur en fixant la carcasse du démon, et les deux démones qui gémissaient, inertes, privées de la volonté de leur maître.
   -Dieux, protégez moi, implora-t-elle en sanglotant.
   -Tes dieux t’ont déjà abandonnée, fit remarquer Vizamir d’une voix calme.
   Elle sembla alors se rendre compte de sa présence.
   -Aidez moi, je vous en supplie. Faites moi sortir d’ici, ô dieux, c’est un cauchemar! Pitié, je ferais tout ce que vous voudrez.
   Vizamir la détailla. Maintenant que les émanations sexuelles des démones s’étaient taries, et que la puanteur du démon recouvrait le narcotique, il constata qu’elle était moins belle qu’il ne l’avait cru. Il se demanda si elle avait été transformée, elle aussi.
   -Désolé, fit-il froidement. Je ne veux pas prendre ce risque.
   Elle n’eut pas le temps de crier. Il lui trancha la gorge d’un coup brusque. Elle mourut rapidement, les yeux grands ouverts. Il s’était trompé. Elle était encore humaine. Il voulut ensuite s’occuper des démones qui gisaient au bout de leurs chaines, comme frappées de stupeur, mais il se ravisa.   En venant s’enquérir de leur prêtre, les villageois pourraient ainsi voir la toute puissance de leur religion.
   L’idée lui plut et lui arracha un de ses rares sourires. Lorsqu’il ressortit du temple, le corps sans vie et difforme du garçon pendait toujours sur le mur éclaboussé de sang. Sa mère gisait non loin. Dénudée, les cuisses et les seins striées de griffures, la peau bleuie, elle ne respirait plus et devait déjà être aussi dure que du bois.
   Vizamir se passa une main dans les cheveux, en se demandant si l’hystérie dont il avait été témoin n’était pas l’œuvre du démon. Il n’était pas un expert en démonologie mais il en avait appris assez au cours de ses nombreux voyages pour savoir que le sang d’un mortel offert librement donnait tout pouvoir sur celui-ci. Il frissonna en songeant à ce qui aurait pu arriver si les drogues, naturelles et magiques, avaient été plus efficaces sur lui.
   Cette journée s’était avérée au final assez intéressante. Outre une plaie au bras, il avait récolté un précieux indice dans sa quête. Caelach. Un mot, un nom, un titre… Au moins de quoi orienter un peu ses recherches. Il lui faudrait gagner la Tour du Savoir en Ponth’Hyliän, maintenant que les bibliothèques d’Uru-Ban lui étaient interdites. Mais pour l’heure, il avait autre chose en tête.
   Le garçon avait parlé d’une femme, dans la forêt.


Merci d'avoir lu!

raphael14:
Eh bien on peut dire que tu t'es encore une fois fais plaisir.
Pour commencer parlons bondieuserie. Effectivement, dans le Cycle du Rouge, la religion revêtait déjà un caractère excessif allant jusqu'au fanatisme. La religion engendre toujours des ignominies quand elle n'est plus guidée par la raison. Et tu as bien raison de distinguer la religion de la foi : la foi est une confiance aveugle proche de l'engagement et du don de soi. Le tout est de savoir en quoi on a foi.
Maintenant penchons-nous sur le nouveau texte que tu nous présentes.

Un prêtre démoniaque, une pièce secrète pleine de succubes, un gosse lapidée et une femme violée et tuée. On a bien l'écrin de noirceur nauséabonde, par contre niveau noblesse d'âme et bravoure Vizarim peut repasser. Son jemenfoutisme est sans doute normal à juger par le monde joyeux que tu présentes ; à moins qu'il ne soit blasé, tu vois ça ne m'étonnerait même pas. Quand on voit des gens se faire trucider ou subir les plus horribles sévices, ou bout d'un moment on doit finir par être vacciné. D'une certaine façon Vizarim me fait de la peine parce que devenir insensible à ce genre de spectacle c'est vraiment triste ; on a presque l'impression qu'il a renoncé à son humanité pour pas péter les plombs.
Je trouve aussi follement ironique, voire cynique, que le prêtre soit au final un démon. Ses ouailles qui ont tant de respect pour lui vont tirer une drôle de touche quand il se rendront compte qu'il était en fait un de ces démons qu'ils craignent et détestent tant.
Sinon, je ne je ne m'étendrai pas tout de suite sur le scénario étant donné le peu de données que nous avons pour le moment.
En tout cas il ne lui reste plus qu'à aller ramasser à la petite cuillère Skelda qui doit baigner dans la boue et son propre sang. Tout un programme.

À bientôt donc pour de nouvelles et folles aventures à GMSland, le pays où le soleil brille sur des prairies de fleurs des champs où volettent des papillons...ou pas.

Krystal:
Laisse-moi deviner, tu adores foutre des gens à poils dans tes textes, n'est-ce pas ? :astro:

Enfin bon, ce premier chapitre est aussi bon que le prologue. Et oui, je n'ai pas commenté ta première partie parce que je préfère attendre d'avoir le chapitre en entier. Commenter partie par partie, ça encombrerait vite je pense. Et puis, je n'ai pas pour habitude de détailler les choses, d'étoffer mes posts, c'est pour ça qu'ils sont assez courts, t'étonnes donc pas.

Alors, que dire ? Un chapitre de "transition", qui fait suite au prologue You don't say ? d'une manière très réussie. Ce que je veux dire, c'est que ça ne va pas trop vite, tu as introduit un deuxième personnage et tu n'as pas directement continuer l'histoire de Skelda, faisant une sorte de transition. Tu as fait allusion à cette femme avec une unique phrase dans ta première partie, qui s'est perdue dans la lecture, et c'était amplement suffisant. J'ai encore beaucoup aimé, ce prêtre était un gros connard, tu tournes tellement bien tes phrases que j'ai envie de te frapper à mort pour boire ton sang afin d'acquérir ta faculté et ton vocabulaire, et j'ai aussi envie que tu postes ta suite très vite.

Ce post était court, mais il exprime très bien ce que je pense et j'espère que cela t'inciteras à ne pas poster trop tard.

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