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Je bouquine !

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D_Y:

--- Citer ---Il me semble que c'était l'une des premières dans le genre ?
--- Fin de citation ---

C'est même plus que ça, Dupin et ses capacités d'analyse hors du commun a très largement inspiré Conan Doyle pour son Sherlock Holmes, et Christie pour son Hercule Poirot. Ce n'est pas un mince héritage !

Les "Nouvelles Histoires Extraordinaires" sont plus surnaturelles et beaucoup plus morbides et lugubres. Le thème de la mort est prédominant, et Poe a même réussi à y personnifier la peste. C'est pas une lecture joyeuse mais assez passionnante tout de même. Les Histoires Extraordinaires sont plus "terre à terre" (entre guillemets parce que t'as quand même la nouvelle d'un mec qui part en ballon sur la Lune, ce qui n'est pas sans rappeler un certain auteur français...), plus accès sur les cartes au trésor, le codage (que tu as pu voir dans le Scarabée d'Or), les ballons, &c.

Je c/c ici le poème "Le Corbeau" qui symbolise plutôt bien le ton du deuxième recueil, tu te feras une petite idée :


--- Citer ---« Une fois, sur le minuit lugubre, pendant que je méditais, faible et fatigué, sur maint précieux et curieux volume d’une doctrine oubliée, pendant que je donnais de la tête, presque assoupi, soudain il se fit un tapotement, comme de quelqu’un frappant doucement, frappant à la porte de ma chambre. « C’est quelque visiteur, — murmurai-je, — qui frappe à la porte de ma chambre ; ce n’est que cela, et rien de plus. »

Ah ! distinctement je me souviens que c’était dans le glacial décembre, et chaque tison brodait à son tour le plancher du reflet de son agonie. Ardemment je désirais le matin ; en vain m’étais-je efforcé de tirer de mes livres un sursis à ma tristesse, ma tristesse pour ma Lénore perdue, pour la précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore, — et qu’ici on ne nommera jamais plus.

Et le soyeux, triste et vague bruissement des rideaux pourprés me pénétrait, me remplissait de terreurs fantastiques, inconnues pour moi jusqu’à ce jour ; si bien qu’enfin, pour apaiser le battement de mon cœur, je me dressai, répétant : « C’est quelque visiteur qui sollicite l’entrée à la porte de ma chambre, quelque visiteur attardé sollicitant l’entrée à la porte de ma chambre ; — c’est cela même, et rien de plus. »

Mon âme en ce moment se sentit plus forte. N’hésitant donc pas plus longtemps : « Monsieur, — dis-je, — ou madame, en vérité j’implore votre pardon ; mais le fait est que je sommeillais, et vous êtes venu frapper si doucement, si faiblement vous êtes venu taper à la porte de ma chambre, qu’à peine étais-je certain de vous avoir entendu. » Et alors j’ouvris la porte toute grande ; — les ténèbres, et rien de plus !

Scrutant profondément ces ténèbres, je me tins longtemps plein d’étonnement, de crainte, de doute, rêvant des rêves qu’aucun mortel n’a jamais osé rêver ; mais le silence ne fut pas troublé, et l’immobilité ne donna aucun signe, et le seul mot proféré fut un nom chuchoté : « Lénore ! » — C’était moi qui le chuchotais, et un écho à son tour murmura ce mot : « Lénore ! » — Purement cela, et rien de plus.

Rentrant dans ma chambre, et sentant en moi toute mon âme incendiée, j’entendis bientôt un coup un peu plus fort que le premier. « Sûrement, — dis-je, — sûrement, il y a quelque chose aux jalousies de ma fenêtre ; voyons donc ce que c’est, et explorons ce mystère. Laissons mon cœur se calmer un instant, et explorons ce mystère ; — c’est le vent, et rien de plus. »

Je poussai alors le volet, et, avec un tumultueux battement d’ailes, entra un majestueux corbeau digne des anciens jours. Il ne fit pas la moindre révérence, il ne s’arrêta pas, il n’hésita pas une minute ; mais, avec la mine d’un lord ou d’une lady, il se percha au-dessus de la porte de ma chambre ; il se percha sur un buste de Pallas juste au-dessus de la porte de ma chambre ; — il se percha, s’installa, et rien de plus.

Alors cet oiseau d’ébène, par la gravité de son maintien et la sévérité de sa physionomie, induisant ma triste imagination à sourire : « Bien que ta tête, — lui dis-je, — soit sans huppe et sans cimier, tu n’es certes pas un poltron, lugubre et ancien corbeau, voyageur parti des rivages de la nuit. Dis-moi quel est ton nom seigneurial aux rivages de la Nuit plutonienne ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

Je fus émerveillé que ce disgracieux volatile entendît si facilement la parole, bien que sa réponse n’eût pas un bien grand sens et ne me fût pas d’un grand secours ; car nous devons convenir que jamais il ne fut donné à un homme vivant de voir un oiseau au-dessus de la porte de sa chambre, un oiseau ou une bête sur un buste sculpté au-dessus de la porte de sa chambre, se nommant d’un nom tel que Jamais plus !

Mais le corbeau, perché solitairement sur le buste placide, ne proféra que ce mot unique, comme si dans ce mot unique il répandait toute son âme. Il ne prononça rien de plus ; il ne remua pas une plume, — jusqu’à ce que je me prisse à murmurer faiblement : « D’autres amis se sont déjà envolés loin de moi ; vers le matin, lui aussi, il me quittera comme mes anciennes espérances déjà envolées. » L’oiseau dit alors : « Jamais plus ! »

Tressaillant au bruit de cette réponse jetée avec tant d’à-propos : « Sans doute, — dis-je, — ce qu’il prononce est tout son bagage de savoir, qu’il a pris chez quelque maître infortuné que le Malheur impitoyable a poursuivi ardemment, sans répit, jusqu’à ce que ses chansons n’eussent plus qu’un seul refrain, jusqu’à ce que le De profundis de son Espérance eût pris ce mélancolique refrain : Jamais, jamais plus !

Mais, le corbeau induisant encore toute ma triste âme à sourire, je roulai tout de suite un siège à coussins en face de l’oiseau et du buste et de la porte ; alors, m’enfonçant dans le velours, je m’appliquai à enchaîner les idées aux idées, cherchant ce que cet augural oiseau des anciens jours, ce que ce triste, disgracieux, sinistre, maigre et augural oiseau des anciens jours voulait faire entendre en croassant son Jamais plus !

Je me tenais ainsi, rêvant, conjecturant, mais n’adressant plus une syllabe à l’oiseau, dont les yeux ardents me brûlaient maintenant jusqu’au fond du cœur ; je cherchais à deviner cela, et plus encore, ma tête reposant à l’aise sur le velours du coussin que caressait la lumière de la lampe, ce velours violet caressé par la lumière de la lampe que sa tête, à Elle, ne pressera plus, — ah ! jamais plus !

Alors il me sembla que l’air s’épaississait, parfumé par un encensoir invisible que balançaient des séraphins dont les pas frôlaient le tapis de la chambre. « Infortuné ! — m’écriai-je, — ton Dieu t’a donné par ses anges, il t’a envoyé du répit, du répit et du népenthès dans tes ressouvenirs de Lénore ! Bois, oh ! bois ce bon népenthès, et oublie cette Lénore perdue ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Prophète ! — dis-je, — être de malheur ! oiseau ou démon, mais toujours prophète ! que tu sois un envoyé du Tentateur, ou que la tempête t’ait simplement échoué, naufragé, mais encore intrépide, sur cette terre déserte, ensorcelée, dans ce logis par l’Horreur hanté, — dis-moi sincèrement, je t’en supplie, existe-t-il, existe-t-il ici un baume de Judée ? Dis, dis, je t’en supplie ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Prophète ! — dis-je, — être de malheur ! oiseau ou démon ! toujours prophète ! par ce Ciel tendu sur nos têtes, par ce Dieu que tous deux nous adorons, dis à cette âme chargée de douleur si, dans le Paradis lointain, elle pourra embrasser une fille sainte que les anges nomment Lénore, embrasser une précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore. » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Que cette parole soit le signal de notre séparation, oiseau ou démon ! — hurlai-je en me redressant. — Rentre dans la tempête, retourne au rivage de la Nuit plutonienne ; ne laisse pas ici une seule plume noire comme souvenir du mensonge que ton âme a proféré ; laisse ma solitude inviolée ; quitte ce buste au-dessus de ma porte ; arrache ton bec de mon cœur et précipite ton spectre loin de ma porte ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

Et le corbeau, immuable, est toujours installé, toujours installé sur le buste pâle de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre ; et ses yeux ont toute la semblance des yeux d’un démon qui rêve ; et la lumière de la lampe, en ruisselant sur lui, projette son ombre sur le plancher ; et mon âme, hors du cercle de cette ombre qui gît flottante sur le plancher, ne pourra plus s’élever, — jamais plus !
--- Fin de citation ---

Sentinelle:
Ooh, j'adore ce poème. En effet j'pense que des histoires dans ce registre me plairont davantage, tu m'as donné envie tiens !
Ce style mon dieu  *o*

Et merci pour l'info, faut admettre que Dupin m'a fascinée dès le début, c'est super intéressant de lire une des premières nouvelles qui a eu tant d'influence alors, je suis contente !
Bon après c'est pas évident parce que je lis le soir et j'aime pas lire des trucs morbides le soir... Mais j'avais déjà lu du Poe au collège et j'avais vachement accroché, je pense que j'ai pas lu ses nouvelles qui me parlent le plus, faudra donc que je vois ça plus en profondeur, parce que c'est très sympa. (Plus singulier aussi, je dirais. Pour le Scarabée d'Or j'avais l'impression de lire un conte, c'était bien mais pas transcendant non plus.)

Sentinelle:
Sur les bons conseils de ce cher @D_Y, j'ai lu ce matin les 4 premières nouvelles des Nouvelles Histoires Extraordinaires, d'Edgar Poe encore une fois. Ainsi, j'énumère :
- Le Chat Noir : Probablement ma nouvelle préférée parmi ces lectures du matin, l'atmosphère est très prenante, on rentre facilement dans l'histoire, le tout en conservant le ton habituel de Poe, un peu glauque comme souvent, mais très appréciable et intéressant. J'ai adoré !
-William Wilson : Là par contre j'ai vraiment dû me forcer à finir. C'était assez long et même si le concept n'est pas mauvais en soi, je ne l'ai pas trouvé vraiment bien mis en forme. Bien que cet avis soit très subjectif.
-L'Homme des Foules : J'ai adoré celle là aussi ! L'intrigue, courte, certes, et super immersive et.. Intrigante :8):. C'est  vraiment sympa à lire, elle était assez courte dans mes souvenirs, et ce n'est pas plus mal comme ça.
Le Coeur Révélateur : Je suis assez neutre pour le coup, je ne l'ai pas trouvée fantastique, mais pas non plus mauvaise... J'ai pas trop d'avis. :oups:

En clair, le style de Poe est assez sanglant souvent, toujours propre et soigné, enfin, ça c'est peut-être plutôt grâce à Baudelaire, je vais essayer de lire quelques nouvelles en version originale pour me faire un avis plus objectif et certain. Une fois que j'aurai fini les Nouvelles Histoires Extraordinaires. En tout cas, je conseille à tous d'en faire l'expérience, ces nouvelles ne me paraissent pas d'une complexité incroyable (Pour avoir lu du J. Luis Borges et avoir dû chercher tous les mots sur un dico avant de comprendre une seule phrase...), mais toujours super intéressants.

Merci beaucoup à toi DiY de m'avoir incitée à tenter les Nouvelles Histoires Extraordinaires, je me serais probablement arrêtée là pour Poe si je m'étais contentée des Histoires Extraordinaires... Comme quoi, faut toujours aller un peu plus loin pour s'faire un avis. Le registre est bien plus "fantastique", moins "austère" comme tu le disais plus haut, et je dois admettre que j'adhère beaucoup plus. :hihi:

Je reposterai peut-être pour parler des autres nouvelles quand j'aurai fini, si j'y pense !

Duplucky:
@D_Y Je vais pouvoir exaucer ton souhait : A la croisée des mondes fait partie de ces bouquins que j'ai franchement adoré.  ;D

Bon, globalement, les Royaumes du nord, j'avais eu un peu de mal à accrocher, justement car je trouvais que le livre trainait en longueur. C'est vraiment sa fin qui a capté mon attention et m'a incité à lire la suite. (Cette fin honteusement supprimée du film, wtf ? )

Pour moi, c'est vraiment à partir de cette fin que l'histoire de la trilogie commence véritablement : je trouve le rythme bien meilleur dans les tomes suivants, les évènements s'enchainent et le scénario se complexifie de façon assez originale. Après j'évite d'en dire plus pour ne pas spoiler mais clairement, les deux tomes suivants sont largement meilleurs que les Royaumes du Nord de mon point de vue. (même si le tome 3, il y a tout un pan de l'histoire que j'ai trouvé... inutile.)

Et en ce qui concerne La Belle Sauvage que je viens justement de finir, ben, je l'ai trouvé très sympathique à lire aussi.

Globalement, j'ai préféré la première partie à la deuxième, qui était plus centré sur des intrigues et il était amusant de voir comment tout se goupillait autour du héros, de voir la situation évoluer, etc.

La deuxième partie était plus répétitive et pendant un certain temps, j'ai eu l'impression que l'auteur était en panne d'inspiration et a rajouté des chapitres à rallonges qui n'ont à priori aucune incidence sur le scénario (peut-être dans sa suite ?), ce qui était un peu dommage puisque du coup, l'aspect chaotique de la situation n'était ressentie que durant quelques chapitres. J'ai de plus trouvé la fin incroyablement abrupte et qui nous laissait incroyablement sur notre faim (alors que paradoxalement, (Cliquez pour afficher/cacher)elle ne semble pas vraiment inciter de suite, bien que le terme "trilogie" écrit sur la couverture du bouquin laisse à croire le contraire.)
Reste qu'une fois encore, j'ai trouvé les personnages attachants et l'aventure vraiment plaisante à suivre, même si j'ai trouvé les antagonistes un peu trop... plats ? Dénués de profondeurs ? Sans compter Malcolm qui est censé être un gamin de 11 ans mais quand on voit ses faits et gestes, on n'en a absolument pas l'impression, ce qui est assez.... dérangeant, si je puis dire.

Enfin bref, c'était une histoire vraiment sympatoche à suivre mais ça me semble évident que bien plus de travail avait été fourni en son temps sur la trilogie originale : ici, l'intrigue se montre quand même beaucoup plus simpliste à suivre, surtout dans sa deuxième moitié.

Jielash:
Tiens je croyais qu'il y avait un sujet Annales du Disque-Monde mais apparemment non.

Ça faisait un bail que je n'avais pas lu de tome alors qu'il m'en reste quand même encore quelques uns à découvrir, du coup en mars j'ai sorti le très renommé Ronde de Nuit de mon étagère. Je savais déjà quel était les thèmes de ce tome là et que j'allais probablement bien l'apprécier du coup et en effet j'ai pris beaucoup de plaisir à y plonger et à voir Ankh-Morpork et quelques uns de ses personnages phares "sous un autre jour" :hap:

Et puis j'ai enchainé quelques temps plus tard avec Les chtis hommes libres, le premier roman des aventures de Tiphaine Patraque, qui est à destination des enfants mais ne perd nullement en richesse d'écriture. J'ai adoré le caractère bien trempé de Tiphaine et toute sa relation avec Mémé Patraque, les descriptions de paysages de campagne et de rêves, les tours des Mac Feegles évidemment et puis comme d'habitude avec les histoires de Pratchett sur les sorcières, j'aime énormément la manière dont il traite du sujet, de ce que sont les sorcières et en quoi consiste leur magie. Ça me donne même sacrément envie de relire d'anciens tomes pour me les remettre en mémoire... mais je vais peut-être d'abord continuer avec le second volume sur Tiphaine.

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