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Je bouquine !
D_Y:
Bon ce topic se meurt et y'en a marre des trucs One Piece ou Attaque des Titans là, du coup comme j'ai pas mal de temps à tuer ces temps-ci, j'ai pu lire des livres, sans images et tout (on ne s'y habitue pas). Depuis le 1er janvier, au nombre de cinq, ça va de la belle daube au chef d'oeuvre, du chef d'oeuvre qui a failli me faire vomir en voiture à la daube qui m'a littéralement endormi.
* La trilogie de Thomas Harris avec Hannibal Lecter : Dragon Rouge, le Silence des Agneaux, Hannibal. Déjà pour la petite remise en contexte, je suis un gros fan des adaptations ciné des deux premiers, le Silence des Agneaux c'est le premier film que j'ai eu en DVD et je l'ai tellement vu que ça l'a rayé de partout. Une sacrée perle ce machin là.
Mais bref, je pourrais en faire un sujet rien que pour ce petit miracle.
J'ai bien aimé les deux premiers, sans surprise aucune (ce sont aussi les deux seuls films que j'aime dans la saga). Sans être du Proust, Harris arrive à distiller son intrigue d'une telle façon que les pages se tournent toutes seules. Tout ceci fait un peu roman de gare, mais au milieu du glauque permanent, du destin qui s'effrite autour de tous les personnages, parfois avec des conséquences fatales, on se retrouve happé au milieu d'une enquête qu'on a beau connaître par cœur, le format littéraire fait qu'on s'y plonge et qu'on s'imprègne davantage des détails.
Dans "Dragon Rouge" par exemple, une large partie se perd dans l'enfance du tueur. Si on peut y voir une volonté de trouver une explication à l'inexplicable (dommageable au récit ou non, ça dépend de chacun), ces passages rajoutent du malaise à une histoire déjà pas bien rose et à la fin amère. Une manière de souligner les points de vue, autant protagonistes qu'antagonistes, dans une plongée dans l'enfer de la pensée humaine.
Au final, les adaptations ciné sont fidèles, mais les livres rajoutent des détails peu ragoûtants, des personnalités plus développées, en bref un plein approfondissement de l'intrigue. Une belle façon de se rendre compte que toute la sauce servie depuis des décennies à propos de cette mythologie (encore récemment dans la série) était présente dans des livres des années 80.
Gros bémol par contre pour le troisième, Hannibal, qui est très moyen. Le livre est complètement caricatural, Lecter devient un dandy chic qui tue les méchants et les corrompus, les antagonistes paraissent sortir de l'esprit d'un enfant qui s'imagine des psychopathes, et bon, globalement, il ne se passe pas rien, mais vraiment peu de chose...
La fin (donc la conclusion de la série) est très déroutante mais également glaçante. Je l'aime bien (en ce sens je fais partie d'une minorité) parce qu'elle est glauque et extrêmement pessimiste.
* Voyage au bout de la Nuit de Celine. Une véritable tuerie, et je pèse mes mots. Quoi qu'on pense de l'auteur, je pense que tout le monde devrait lire ce livre tant il dépeint avec justesse les mauvais côtés de l'humain (tout en oubliant les bons, en tout cas les éffleurant à peine). A travers le bourbier de la Première Guerre Mondiale, l'Afrique coloniale, l'Amérique en plein fordisme (qui rappelle "Les Temps Modernes" dans une certaine mesure), suivi de l'après-guerre en France, Celine brasse large, parfois par rapport à ses propres expériences.
La question, c'est comment ce livre peut encore être d'actualité, puisque la vie de Ferdinand Bardamu dépeinte dans le livre est fortement romancée, exagérément ratée même ? Alors qu'aujourd'hui tout va infiniment mieux qu'à l'époque décrite, que personne ou presque n'a une aussi mauvaise vie ? Oui mais voilà, l'auteur s'attarde pas mal sur les penchants pervers et méchants de l'homme, caractères universels et intemporels, ceux là. Puis cette critique du patriotisme, du capitalisme (industriel), toutes ces phrases et paragraphes qui font mouche et trouvent un écho dans notre société actuelle.
Enfin, c'est le style le plus incroyable que j'ai jamais lu dans ma vie. C'est un livre vraiment irréaliste, tellement l'auteur est talentueux dans son écriture.
* Tragédies Complètes de Sophocle. Comme tout le monde j'ai lu Antigone au collège/lycée, j'avais vu la pièce "Philoctète" et je connaissais les grandes lignes de Œdipe Roi (exclusivement à cause de Freud, faut pas se mentir).
Alors là je découvre Ajax, Electre, les Trachiniennes (qui raconte la mort poignante d’Héraclès), et Œdipe Roi donc et c'est terrible ! C'est pas du tout pompeux et même extrêmement facile à lire (à ce titre je soupçonne que la traduction soit aux fraises, ça manque de fracas un peu), mais les thèmes abordés prennent au ventre, les individus mythiques sont ramenés à leur petite échelle humaine sur fond d'éternité (la guerre de Troie, Thèbes...). Qui dit "tragédie" dit "mort", et dans tous les cas de manière cruelle. Perte de l'être cher, oracles mal interprétés, destin qui nous échappe, ou dieux qui se jouent de nous ? Autant de fonds de réflexion qui surprennent puisque ce sont tous des textes assez courts. Ils ne bouleversent pas à la lecture mais on ne peut s'empêcher d'y penser et de creuser davantage, et là se découvre leur puissance.
Je comparerais quand même avec Eschyle et Euripide. Même s'il est impossible de se rendre compte de la réelle puissance de ces pièces sur scène (dans Sophocle il y a pas mal d'instrumentalisation et de chants ; je ne suis pas capable de retranscrire ça dans ma tête...), je ferais bien un tour d'horizon des principaux tragédiens grecs.
Je sais pas trop quoi lire ensuite. En parallèle de tout ça je suis pas mal sur la Bible même si l'ancien testament me fatigue pas mal. J'ai essayé de lire dans l'ordre mais le Pentateuque est vraiment une purge, du coup je lis un peu dans le désordre les livres qui m’intéressent le plus (certains ne sont pas désagréables au demeurant).
Sinon à Milan je me suis acheté un Taschen sur Caravage, c'est assez intéressant mais faut aimer la peinture un peu (surprenant non ?).
La semaine pro je vais sans doute commencer Harry Potter and the Deathly Hallows (le seul qui me manque en VO) et je me lancerais bien sur L'Enquête d'Hérodote qu'on m'a beaucoup conseillé (mais bon 1200 pages le bousin, faut s'accrocher).
D_Y:
Je sors des Royaumes du Nord de Pullman. 520 pages défoncées en 3 jours, j'ai rarement lu un truc aussi long aussi vite, dans ce livre les pages se tournent toutes seules, toutes les phrases sont hyper fluides, aucune n'a de construction véritablement complexe, et comme tout s'enchaine hyper vite et qu'il y a peu de temps mort, on arrive à le dernière page très rapidement.
Ça, c'est un tour de force, mais ça ne veut pas dire que c'est bien écrit. Au contraire même, je trouve que c'est un défaut du livre. Mal écrit ne serait pas le bon terme mais ça manque grandement d'aura poétique à mon sens, et ça se sent surtout dans les dialogues ; aucun dialogue n'a fait mouche chez moi, je les aient trouvés extrêmement peu naturels et forcés, ce qui donne une caractérisation des personnages très bizarre. Comme dans ces films ou des personnages dialoguent à l'intention du spectateur. A ce titre le roi gitan John Faa n'a pas de dialogues qui montrent l'ampleur de son importance dans son peuple. La sorcière Serafina Pekkala vient faire un petit coucou l'espace de deux (courts) chapitres pour donner des infos sur le background et elle repart tout aussitôt. La petite Lyra (l'héroïne), est loin d'être une cruche mais elle a aussi ses pensées d'enfants, naïves avec pas mal de bêtise. Les perpétuelles oscillations entre son état d'esprit fort, indépendant, mature et franchement débrouillard, avec d'autres moments de pleurnicherie pure (et tout simplement enfantins) m'ont paru plus que bizarres (mais j'ai peut être pas trop accroché à la manière dont elle était écrite). Bref tout ça est maladroit et mal amené, trouvé-je.
Cela dit, le background. J'ai dit qu'il n'y avait aucune aura poétique dans l'écriture et c'est d'autant plus dommage parce que l'univers développé par Pullman l'est indéniablement. C'est pas Tolkien (en même temps c'est pas le but) dans l'élaboration d'univers mais c'est suffisamment enchanteur pour que l'imagination fasse le reste. Ça pioche pas mal dans Verne avec ces zeppelins et ces montgolfières, London avec le grand Nord, et j'ai aussi pas mal pensé à du Miyazaki au fur et à mesure qu'avançait ma lecture (il y a sans doute aucune influence et je dois peut être être le seul à faire le parallèle), notamment avec l'étroite relation qu'entretiennent les humains avec leurs dæmons (j'avais la VF de Jiji dans la tête quand Pantalaimon parlait :hap:).
Alors maintenant l'idée de ces créatures liées aux humains est une riche idée, même si la suspension d'incrédulité ne marchait pas trop à certains moments (le tabou de ne jamais toucher le dæmon d'un autre ne tiendrait jamais en vrai), heureusement contrebalancé par le traitement qui est fait quand, justement, le concept de séparation est exploré.
Parlant de suspension d'incrédulité le coup de l'ours qui met son armure comme s'il mettait une chemise, j'ai beau avoir pas mal d'imagination, ça ne marchait pas du tout dans mon esprit, pourtant j'ai adoré le personnage (qui partage cette scène extrêmement touchante avec l'héroïne sur la fin).
Surtout, c'est la noirceur de l'ensemble qui fait tout le sel du livre. L'auteur évite tout manichéisme binaire pour se concentrer sur chaque élément (pas si évident que ça pour un enfant, ça parle pas mal de particules élémentaires) convergeant vers un climax pas si simple et franchement bien vu. Tout cela en ayant même jeté au passage quelques petits parallèles plus ou moins cachés avec le nazisme (carrément !). Le tout lié par un sous-texte anti-religieux, même s'il ne faudrait pas que ça devienne de l'athéisme primaire, et qu'il y ait une réelle réflexion derrière, car en l'état c'est pas mal cliché et c'est à mon sens un réel point noir. Cela dit les références religieuses en elles-même pourraient presque évoquer Evangelion, et ça, pour un livre pareil, ça surprend (agréablement).
Un bon livre qui m'oblige à acheter les suites car cela finit sur un cliffhanger qui n'est pas une torture de suspense non plus mais qui donne envie d'en découvrir plus. A ce titre, si quelqu'un pouvait donner un avis rapide sur les deux autres volets de la trilogie, et pourquoi pas sur le tout dernier (La Belle Sauvage) v.v
Enfin, pas trop l'endroit idéal pour en parler mais j'ai vu le film dans la foulée, incroyable cette purge :-|
J'ai toujours pas compris pourquoi il avaient enlevé la fin originelle alors que c'était le gros morceau du livre. Sans ça, l'histoire n'a plus de sens. Mais bon, c'est fait c'est fait...
Sentinelle:
J'ai lu récemment deux petites nouvelles d'Edgar Poe, la version française traduite par Baudelaire. Lire la version originale aurait pu être intéressant aussi, mais pour le coup j'ai préféré tenter en français, c'est déjà un peu compliqué. La première était Double-assassinat dans la Rue Morgue, bon, je l'ai pas trop aimée, le début était intéressant, mais certains passages étaient extrêmement longs et pas grandement fascinants. Mais globalement c'est une bonne nouvelle.
La deuxième était Le Scarabée d'Or, je l'ai beaucoup plus appréciée, je trouve le rythme mieux dosé, et l'histoire mieux amenée, bien que les deux soient dans un registre totalement différent. Je conseille à tous de lire quelques nouvelles d'Edgar Poe, c'est assez enrichissant ! Pis personnellement c'était pour me forcer à me remettre à la lecture, vu que j'avais complètement lâché, c'est moins violent en commençant avec des nouvelles. :oups:
D_Y:
@Haine Le Scarabée d'Or est la nouvelle que j'aime le moins du volume "Histoires Extraordinaire". L'assassinat de la rue Morgue une que je préfère :8): Qu'est ce qui t'as vraiment paru long dedans ?
Les traductions de Baudelaire sont loin d'être dégueulasses (doux euphémisme), je dirais pas qu'elles sont supérieures au texte original non plus mais en tout cas on ne perd pas au change, ce qui est extrêmement rare (une autre exception étant la trad du Paradis Perdu par Chateaubriand). Ça s'explique principalement par le génie de Baudelaire mais aussi parce que Baudelaire et Poe étaient à peu près chtarbés de la même manière, avec les même névroses et à l'hygiène de vie déplorable (Poe est mort à 40 ans de delirium tremens, seul dans un fossé, voilà voilà...).
Si tu trouves les Histoires Extraordinaires un peu austères je te conseille vivement les Nouvelles Histoires Extraordinaires qui est à mon sens un des plus grand chef d'oeuvre de la littérature, un des livres que j'apporterais sans réfléchir sur une île déserte. Tu m'en diras des nouvelles si t'y jettes un œil un jour.
Sentinelle:
Je vais probablement continuer dans Edgar Poe ouais ! Je vais voir ça je pense @D_Y
Ben honnêtement j'ai trouvé certains passages vraiment très lents et descriptifs, mais assez excessifs, ça m'ennuyait un peu. Pourtant j'aime bien ce qui est contemplatif ou très descriptif mais là le rythme était un peu cassé. Après je l'ai dit et je le redis, je pense pas que ce soit une mauvaise nouvelle, je l'ai trouvée intéressante. Il me semble que c'était l'une des premières dans le genre ? Je ne suis plus sûre du tout, sans doute une info balancée par ma mère au hasard... Donc c'est toujours pertinent de les lire et tout !
(Lisez pas le spoil svp, ça spoile vraiment)
(Cliquez pour afficher/cacher)J'ai une peur bleue des Chimpanzés et Orang-Outans, ça l'a pas améliorée aussi. :'(
EDIT : Par rapport à la traduction de Baudelaire, loin de moi l'idée de te contredire !! Le début de Double Assassinat dans la rue Morgue était génial à lire, on s'imprégnait beaucoup je trouve, et le personnage nous apparaissait comme très charismatique. Le style de Baudelaire a dû beaucoup jouer. Mais je vais peut-être me porter vers des nouvelles un peu moins austères comme tu dis, pour essayer de reprendre un rythme de lecture plus correct xD
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