Comme je l'ai mentionné dans un autre topic, je me suis réservé quelques semaines pour me replonger dans
Ocarina of Time, et malgré le fait que je pensais réellement trouver le jeu lourd et vieilli, typique de cette génération qui a sans doute le plus grand ratio de jeux devenus injouables, j'ai finalement pris un tel pied que je suis prêt à reconsidérer mon avis sur le jeu. Attention, ça va être un pavé de rumsteck qui je pense ne sera que très modérément intéressant.
D'abord, mon passif sur le jeu est important pour comprendre la relation amour/haine que j'ai eu pendant tout ce temps avec OoT, le côté "haine" étant le plus important. Quand j'ai eu ma première vraie console 3D à Noël 2003 avec le CD Collector Zelda, je m'étais fait de sacrés plans sur la comète (c'était le retour à la mode de la fantasy après le succès du SdA) par rapport au jeu, plans largement alimentés par un superbe (enfin du point de vue d'un enfant je veux dire, en vrai c'était sans doute un torche-cul) dossier dans un Nintendo Magazine datant de quelques mois plus tôt (iirc). Mes attentes étant beaucoup trop élevées (je pensais vraiment que les jeux pouvaient reproduire des choses comme au cinéma, en l'occurrence, au risque de me répéter, comme le SdA), j'ai fatalement été un peu déçu (ou disons plutôt décontenancé) devant un jeu qui n'était finalement sorti "que" 5 ans plus tôt (à mettre en perspective des 18 ans qui séparent l'époque dont je parle et maintenant) et qui me semblait donc déjà vieux. Mais dans le même temps mon parcours vidéoludique à cette époque ne se limitait qu'à des daubes sur PC (
La Menace Fantôme, Astérix contre César... oui oui, les mêmes qui ont eu leur quart d'heure de gloire dans les JdG) pour la 3D, et la GBC pour la 2D, autant dire que je ne pouvais certainement pas rester de marbre devant un monde simili-ouvert, et une réelle ambiance (dont je ne comprendrais la moelle qu'en 2021 en me rendant compte de l'importance de la colorimétrie) qui prend aux tripes.
Un autre problème d'envergure était que cette inexpérience absolue faisait qu'il m'était impossible d'avancer tout seul. Je n'étais juste pas câblé, à mon âge et avec mon expérience, pour comprendre la logique interne du jeu et avancer avec fluidité. Le cheminement des énigmes n'avaient juste aucune logique. Et je ne parle même pas des quêtes comme l'épée Biggoron, dont les étapes me semblaient être de la pure sorcellerie à trouver sans soluce (je tiens à dire en passant que même à presque 30 ans, je trouve toujours le coup de la scie un peu ambigu). Cela fait que relativement rapidement j'ai du me référer à des soluces (celle de PZ, au demeurant, d'où la raison de ma présence ici depuis 17 ans). Ne supportant que très peu la frustration de bloquer même cinq minutes sur une énigme, je me suis vite mis dans la tête que j'avais besoin de la soluce pour TOUT faire, ce qui est finalement arrivé, que ce soit pour le chemin à prendre, les donjons (le temple de l'eau en particulier me paraissait impossible), les quêtes annexes, les boss, &c. D'ailleurs je pense réellement que même si j'avais eu une autre mentalité, je n'aurais pas réussi à finir ce jeu, car il nécessite quand même une certaine connaissance préalables de certains codes qui ne font pas vraiment sens lorsqu'on n'y connait rien en JV. Mais c'est le point commun de la plupart des JV, de devoir passer par une phase d'apprentissage de certains codes propres aux mondes virtuels.
Comme c'était prévisible donc je n'ai pris aucun plaisir ni aucune satisfaction à finir ce jeu, et à part recommencer en boucle le combat contre Ganon qui me faisait bien triper, j'ai vite migré sur Majora's Mask dont l'ambiance me parlait plus (bien que j'ai aussi vite abandonné, tant la difficulté d'y arriver me paraissait encore plus insurmontable ; mais j'ai recommencé tout le début en boucle par contre). De fait malgré la fascination par rapport à de vagues souvenirs de moi jouant avec soluce sur les genoux mais parvenant quand même à entrevoir le génie entre les lignes, je comprenais parfaitement la réputation grandissante de jeu "surcoté" qu'il s'est trainé (et se traine encore je pense) un peu partout.
Voilà ma situation à l'heure actuelle par rapport à la nostalgie (c'est à dire pratiquement inexistante) et mon amour pour le jeu (très relatif). Je me suis mis un point d'honneur à tout faire seul, et à l'heure où j'écris ces lignes j'ai réussi à avoir 19 cœurs, environ 80 skulltula, toutes les améliorations, toutes les flèches et magies, la mélodie des épouvantails, l'épée biggoron, tous les masques, et j'oublie sans doute des choses. Alors finalement cette pause de 18 ans, elle m'a été bénéfique ou non ?
D'abord, un détail trivial que je n'aurais pas soupçonné est l'écran titre (ça commence bien
![Sarcasme inside :hap:](https://forums.puissance-zelda.com/Smileys/Olympia/hap.png)
). Il faut savoir qu'avant de jouer à un jeu (retro ou non) je regarde s'il a pu avoir (ou va avoir) un impact important sur les joueurs à l'
instant t. En me mettant ainsi dans la peau d'un autre lors d'une découverte, je conclus la plupart du temps que la plupart des jeux ne sont pas marquants sur le long terme. Cependant, pour une poignée (Shenmue ou FF7 par exemple), il m'est arrivé d'être soufflé de manière "rétroactive". Pour être plus précis, ici je me suis mis dans la peau d'un joueur ayant eu l'habitude des Zelda 2D, qui a non seulement devant lui une 3D ma foi impressionnante (je parle bien de l'écran titre en particulier et non pas du jeu qui peut être assez faiblard à ce niveau à certains endroits) et aussi d'une musique qui n'était pas à sa place habituelle. Car après tout, pourquoi avoir créé une mélodie spéciale alors qu'ils auraient pu passer un thème d'écran titre habituel ? Les images aussi impliquent plus une sorte de poésie qu'une aventure épique et pleine de combats.
Sans vouloir m'arrêter sur chaque petit détail qui m'a fait tiquer aujourd'hui et pas à l'époque (je crains que mon expérience ne me soit propre et que je ne puisse la partager en profondeur sans ennuyer les gens), le level design général m'a parus très très solide. Le Village Cocorico et son cimetière sous la pluie fonctionnent encore (je trouve), aidé en grande partie par l'OST il est vrai (magistrale BO de Koji Kondo, je profite de le dire ici, même les mélodies de l'Ocarine sont superbes). J'ai mentionné l'ambiance plus tôt qui est magnifiée par la colorimétrie ; l'exemple le plus parlant est le Village Kokiri dont les teintes de vert sont vraiment très soignées. C'est ce subtil mélange entre les couleurs et les mélodies qui, je pense, sont la colonne vertébrale de la direction artistique. Toutes les zones ont leur identité (parfois magnifiques comme le Domaine Zora du passé). Cela n'est pas exempt de défaut bien entendu : le chara design est globalement une catastrophe. Je dirais que les 3/4 des personnages ont des tronches de l'enfer, pas seulement les Grandes Fées (qui sont devenues un cliché en la matière depuis) mais aussi beaucoup d'autres (Mido, les charpentiers, le vendeur barbu...). Cela dit cela ne veut pas dire qu'il a été bâclé. J'ai appris à considérer le mauvais goût lui-même comme quelque chose de significatif.
Surtout, à l'époque des Skyrim et des Witcher 3, lorsqu'il est si facile et tentant de considérer OoT pour ce qu'il est, c'est à dire un petit jeu tenant sur 64 Mo, ma plus grande surprise a vraiment été l'extrême richesse du jeu. Je ne parle pas seulement des X quêtes annexes et des nombreux détails qui parsèment le monde (bien que cela aurait pu largement suffire) mais la richesse visuelle. Une dizaine de donjons tous variés et exploitant bien la 3D nouvelle et la verticalité (le temple de l'eau est un chef d’œuvre du genre, malgré son petit soucis d'ergonomie avec les bottes), des choses à faire partout et tout le temps; sur la plaine, dans les villages, la nuit et le jour, dans le "passé" et "futur", énigmes environnementales, interconnexion entre les zones, objets (globalement) exploités même hors donjons, donjons passionnants (jamais trop simples hormis les premiers, mais jamais trop tordus non plus), ambiance excellente, le tout baigné d'une OST comme on en entend peu même aujourd'hui... cela fait le cocktail d'un chef d’œuvre. Et si ce n'est le cas, qu'est ce qui peut être considéré comme chef d’œuvre, et peut on vraiment considérer le JV comme un art si on refuse à OoT sa place d'ambassadeur en la matière ?
Le jeu a des défauts comme même les tableaux de maître en ont. Les principaux pour ma part sont la lenteur soporifique des dialogues, la rapidité du cycle jour/nuit (c'est dire à quel point je pinaille), le framerate en mousse (pourtant je jouais en version US, même si ça ne représente que 3 pauvres frames en plus) et comme je l'ai dit le chara-design. Je pense que le jeu aurait gagné à avoir des personnages plus féériques et moins déformés en mode Tchernobyl.
Il n'empêche que j'ai un frisson de plaisir en regardant le générique de fin et le plan où Epona court seule sur la plaine. Finalement OoT c'est le jeu où l'on sent le travail acharné pour faire quelque chose de grand, mais qui repose aussi sur des choses simples et non grandiloquentes (et c'est ça, la maitrise et le talent).
Conclusion, je ne suis plus de ceux qui disent qu'il est surcoté, il est très possible qu'il soit dans mon panthéon des meilleurs jeux 3D de tous les temps, et j'ai hâte maintenant de me replonger dans Majora's Mask.