"Attention, il n'y a pas eu de réponse à ce sujet depuis au moins 120 jours.
À moins que vous ne soyez sûr de vouloir répondre, pensez éventuellement à créer un nouveau sujet."
LoL.
Je me suis aperçue que j'avançais bien dans mes fic, mais que je ne les postais plus ici. Du coup, je rectifie cette erreur. Du coup, je vous mets le second chapitre de ma fiction Rise of the Guardians, qui a enfin un titre :
Au Fil des Notes. La troisième et quatrième sont terminés. 4 chapitres sur 10, ça va.
Le NaNoWriMo semblant me motiver (du moins, pour le moment), je vais tenter de poster plus ici et, qui sait, écrire des histoires originales.
A savoir que ce chapitre n'est pas encore entièrement relu et qu'il risque d'y avoir quelques modif'. Pour suivre l'avancée et lire les chapitres finaux, je vous invite à vous rendre sur ma
page FanFiction.net.
Bref, bonne lecture.
Au Fil des Notes : Chapitre 2
Dire que le Pôle était en effervescence était un bel euphémisme.
Les Gardiens étaient survoltés. Fée ne donnait plus d'ordres, mais elle ne pouvait s'empêcher, nerveusement sans doute, de faire le tour de la grande salle en voletant en quatrième vitesse et en s'arrêtant rarement, si bien qu'elle donnait le tournis à tout le monde. Bunny, lui, ne volait pas, mais faisait simplement les cent pas accompagnés de quelques pauses où il tapait du pied, visiblement agacé. Il n'était d'ailleurs pas impossible que la Gardienne y soit un peu pour quelque chose. Nord, quand à lui, essayait de s'occuper l'esprit en attendant, et il le faisait d'une manière... peu conventionnelle : il jetait des bûches au feu. Jusque là, tout allait bien, sauf qu'il le faisait toutes les cinq minutes, si bien que l'âtre débordait de bois, et, considérant que la combustion n'allait pas assez vite à son goût, il jetait un petit verre d'alcool à brûler qui, en plus d'être très dangereux à cause du retour de flammes, n'avait qu'un effet minime sur le brasier. Alors il réitérait l'opération jusqu'à qu'une bûche puisse rentrer de nouveau. Si bien que la température commençait sensiblement à grimper, une constatation qui arracha une grimace à Jack, qui observait le manège de ses trois compères assis sur la rambarde qui entourait le globe, aux côtés de Sab. Ce dernier, comme à son habitude, somnolait, des petites créatures de sable dorées se chamaillant gentiment autour de lui. L'esprit de l'Hiver les regardait, amusé de leur petit manège. De temps à autre, il tendait le bras pour un effleurer un, qui se tortillait et fuyait aussi sec avant de retourner embêter l’un de ses confrères. Le jeune homme rit avant de reporter le regard sur les autres. Ils attendaient quelqu'un, et pas n'importe qui.
L'arrivée de Dame Nature était imminente. L'annonce de sa venue avait été rapportée par un petit élémentaire de feu qui était soudainement sorti de l'âtre en sautillant et qui s'était tranquillement dirigé vers le Père Noël, ses petits pieds dodus laissant sur son passage des empreintes de brûlé. Il avait délivré son message et était reparti aussi vite qu'il était venu, abîmant encore plus le pauvre parterre. Excepté le fait que Nord devrait changer son beau tapis aux arabesques colorés, la venue de l'un des esprits les plus influents et importants de ce monde eut l'effet d'une petite bombe. Ce n'était pas tous les jours que Nature faisait le déplacement jusqu'au Pôle. De mémoire, et d'après le vieil homme, elle n'y était venue qu'une seule et unique fois, juste après sa construction. Une fois encore, cela en disait long sur la situation : pour que cette grande dame vienne jusqu'à eux, la situation devait être grave. Mais, même en sachant cela, elle prenait son temps.
Ça faisait maintenant deux heures que le message avait été transmis. Dame Nature se faisait attendre, et ce n'était pas au goût de tout le monde.
« Mais qu'est-ce qu'elle fait ! s'impatienta le lapin de Pâques. Elle prend son temps !
— L'un de ses temples a été complètement détruit, rappela Fée, un peu de patience ! Et tu connais Nature, elle est toujours très ponctuelle et son retard nous montre à quel point la situation peut-être critique pour elle. »
Bunny se rembrunit et se remit à faire les cent pas, silencieux. Ça ne dura pas longtemps. La patience, à part celle qu'il lui fallait pour peindre ses œufs, n'était pas vraiment l'un de ses points forts.
« Ça fait quand même plus de deux heures ! protesta-t-il une nouvelle fois. On aurait été plus vite si on l'avait rejoint !
— Il aurait fallu sortir le traîneau, objecta Nord, calme. C'est long de le préparer.
— Je t'en prie, Nord, n'essayes pas de prendre sa défense ! On sait très bien que tu aurais sauté dedans et claqué les rênes avant même que tes Yétis aient finis de ferrer tes bêtes ! »
Le Père Noël fit la moue. Le lapin n'avait pas tort, bien au contraire, tout était bon pour qu'il sorte son traîneau, quelque soit la situation. Bien que le passage par les terriers du Porteur d'Espoir soit plus rapide, le vieil homme préférait grandement les loopings que le toboggan, ce n'était un secret pour personne.
L'esprit de l'Hiver s'amusait de leur petite querelle. Il aimait bien voir les gens se disputer gentiment, ça montrait à quel point ils s'appréciaient. Une bonne amitié n'en était pas une sans de petits désaccords qui pimentaient le quotidien. Il l'avait compris il y avait bien des années en observant les enfants jouer dans la neige, se bagarrant avant de se réconcilier aussi sec. Il les avait envié, un long moment, il avait souhaité avoir un compagnon aussi, afin de tromper la solitude et de connaître ces chamailleries. Mais il avait fallu trois siècles avant qu'il ne trouve une famille et qu'il n'expérimente tout cela. Ca l'avait changé, de parler à de véritables personnes plutôt qu'à lui-même ou à son bâton.
Un frisson parcourut l'échine de l'adolescent. Cherchant d'où cela pouvait bien venir, ce sentiment inconnu qui lui soufflait que quelque chose se passait, il regarda aux alentours avant de lever la tête, fronçant les sourcils. Un petit sourire vint progressivement fleurir sur son visage quand il vit de quoi il retournait, et il reporta son attention vers ses camarades tout en serrant son totem qu'il maintenait debout devant lui. En pleine conversation, assez vive d'ailleurs, Bunny et Nord ne semblait pas s'apercevoir des événements, ni même Fée et Sab, qui regardaient eux aussi leurs deux amis se disputer.
« Du calme, lapinou, coupa soudain Jack en appuyant sa joue sur son bâton. Je suis sûr que Dame Nature va arriver très bientôt, d'ici quelques minutes même. »
Le dit-lapinou, après avoir fusillé du regard son protégé qui l'avait coupé en pleine tirade, renifla dédaigneusement et croisa les bras, faisant mine de bouder.
« Et qu'est-ce qui te fait dire ça ? questionna-t-il d'une voix un peu trop sèche.
— La tempête de neige.
— La... quoi ? »
Le Porteur d'Espoir leva la tête, intrigué, et constata qu'effectivement, l'esprit de l'Hiver ne mentait pas : de sombres nuages avaient obscurcis le ciel, gonflés, et des flocons de neige commençaient déjà à tomber, recouvrant le toit vitré d'une infime couche immaculée. Remarquant enfin le changement brusque de temps, chacun comprit ce que cela voulait signifier. Car il était de notoriété publique que Dame Nature, esprit présent depuis le début des temps au même titre que le Roi des Cauchemars, était la maîtresse absolue des saisons et des éléments, que ses envies reflétaient l'état de la faune et de la flore et que ses sentiments étaient liés à la météo. Voir donc démarrer une tempête de neige était le signe que Nature n'était plus très loin. Des éclats de voix se firent entendre. Tous s'entre-regardèrent et cherchèrent d'où cela pouvait venir quand quelqu'un fit soudain irruption dans la salle, à pas rapides, suivi de près par deux Yétis qui tentaient vraisemblablement de suivre le rythme.
Jack reconnu immédiatement Dame Nature. Il était d'ailleurs assez difficile de la louper : elle portait son habituelle robe verte, aux manches longues et évasées, en soie et au dos échancré qui laissait entrevoir un dos d'ivoire. Divers branchages s'accrochaient au vêtement, laissant librement pousser des feuilles provenant de tout arbre et des fleurs variées, enjolivant le tout. Une longue chevelure ébène volait derrière elle au rythme de ses pas, et son regard émeraude, au milieu d'un visage aux traits fins et tirés, scrutaient les lieux avec détresse. Sa beauté naturelle était loin d'être un mythe, et malgré ces temps difficiles qui la préoccupait plus que tout, rien n'altérait son charme légendaire. En toutes circonstances, Nature restait belle, et cela déplaisait à très peu de monde.
Elle fut aussitôt rejointe par les cinq Gardiens, qui s'empressèrent d'aller à sa rencontre.
« Gardiens, chantonna-t-elle d'une voix cristalline en guise de salut.
— Dame Nature », répondirent ces derniers en s'inclinant respectueusement.
La jeune femme leur fit un petit mouvement du poignet, leur indiquant qu'il était inutile de s'attarder en salutations et autres signes de respect. Soupirante, elle passa la prochaine minute à refuser les propositions de Nord, qui lui demandait si elle voulait boire ou manger quelque chose. Il fallut un discret coup de pied de Sab pour qu’il arrête ses simagrées.
« Que s'est-il passé ? entama Bunny en se redressant.
— L'un de mes temples a fait l'objet d'une violente attaque il y a quelques heures, dans la jungle profonde d'Amazonie. Il n'en reste rien, juste un ignoble tas de pierre et de cendres. »
Le tremblement perceptible dans sa voix démontrait à quel point cette violence l'avait désolée. Ses yeux brillaient, et nul doute qu’elle essayait de retenir ses larmes pour paraître forte. Mais on ne pouvait se tromper sur ses sentiments : dehors, la tempête s’était intensifiée, et le vent claquait sur les vitres avec une violence croissante.
« Il y a des blessés ? s'inquiéta Fée.
— Non, les élémentaires présents ont réussi à quitter les lieux avant que tout ne s'effondre.
— Qui a fait ça ? demanda Nord.
— Je l'ignore. Sachez que si l'auteur de cet acte avait été porté à mon attention, je ne serais pas venue ici. »
Dans ses paroles, pourtant prononcées avec douceur, planait une menace démesurée. Jack ne put s’empêcher de réprimer un frisson : Nature, derrière ses manières sereines, était quelqu’un d’effrayante. Le jeune homme avait déjà eu écho de quelques de ses colères, qui avaient provoqué des désordres climatiques et des catastrophes naturelles, telles que des cyclones, des tornades et, plus rarement, des tsunamis. Une année, l’esprit de l’Hiver n’avait rien eu à faire tellement le caprice de la femme avait emprisonné la moitié de la planète dans un froid meurtrier. Un peu plus tôt cette même année, un pétrolier avait fait naufrage, déversant tout son stock de fuel sur la côte sud-est des États-Unis, détruisant une réserve naturelle en Louisiane. Ce fut une terrible catastrophe pour Nature qui resta impuissante face à ce spectacle, et elle ne supporta pas l’indifférence des Hommes face à ce désastre. Aussi avait-elle provoqué un hiver prématuré pour se venger de tant de douleur. Jack n’avait pas bronché et était resté sur la touche, ayant compris qu’il ne fallait surtout pas interférer dans ses petites affaires.
Comme quoi, il ne fallait pas juger une femme sur sa simple apparence.
« Je ne suis pas la seule, se désola Dame Nature, coupant le jeune homme dans ses souvenirs. Les Atlantes ont également essuyés une attaque il y a peu de temps.
— Ces vieux débris ! s'exclama Bunny avant de recevoir un violent coup de coude. Pourquoi on n’a pas été prévenus ?
— L'attaque n'a pas été aussi forte que la dernière, juste un peu de vandalisme. Et vous connaissez les Atlantes, ils ne savent pas demander de l'aide. »
Tous acquiescèrent. Il était de notoriété publique que les habitants de la très célèbre cité perdue, Atlantide, étaient distants et avaient beaucoup de mal à communiquer avec le monde des Esprits sans être méfiants vis-à-vis de ces derniers. Certainement était-ce dû au fait que l’esprit des Mers, Poséidon, s’était attaqué à eux il y avait quelques millénaires et les avait englouti sans aucun remord, et tout cela à cause d’un ridicule différend.
« Je ne comprends pas, intervint timidement Fée. Pourquoi faire appel à nous ? Bien d’autres esprits peuvent vous aider, et ce bien efficacement que nous cinq.
— C’est également mon avis, avoua son interlocutrice, en arrachant une petite grimace aux Gardiens. Mais ce n’est pas ce que pense l’Homme de la Lune, étant donné qu’il m’a demandé de venir vous voir.
— Évidemment, grommela tout bas l’esprit de l’Hiver.
— Mais nous sommes les Gardiens de l'Enfance ! protesta le lapin de Pâques. Quel rapport cette attaque a avec nous ?
— L’Homme de la Lune nous a contacté nous, coupa Nord. Il doit y avoir un rapport avec les enfants. Indirectement du moins. »
Quelques bruits d’approbations s’élevèrent, sans grande conviction. Avec aussi peu d’informations, l’enquête allait être difficile à débuter.
« Tes élémentaires ne savent rien ? interrogea Sab au moyen de divers symboles.
— Ils ont juste un souvenir assez évasif, on va dire, répondit-elle. Ils se souviennent juste d’une odeur de soufre, de l'obscurité, et de la frayeur qu'ils ont ressentie. »
Ce fut le déclic. Peu de personnes dans le monde des Esprits étaient associées à l’obscurité et à la frayeur. Ou plutôt, une seule et unique personne correspondait parfaitement au profil.
« De mémoire, la personne qui effraye les gens grâce à l'obscurité, c'est Pitch ! », accusa aussitôt Bunny en se redressant.
En face de lui, Dame Nature fronça imperceptiblement les sourcils. Elle ne semblait pas penser que le Croque-Mitaine soit responsable de cette attaque et, pour être franc, Jack non plus. Quel aurait été l’intérêt pour lui de détruire un temple de Nature ? Cela devenait de plus en plus étrange.
« Mais il est enfermé ! objecta le Père Noël. Il a été scellé dans son Royaume il y a deux ans. Il peut envoyer des cauchemars, mais il est coincé.
— Quoi ? Pitch est prisonnier ? », s'étonna le plus jeune.
Quatre regards se tournèrent vers lui, plus ou moins blasés. Deux ans et il n’avait toujours pas compris ce qui était réellement arrivé à leur ennemi. Il entendit un soupir à côté de lui, mais il n’arriva pas à savoir de qui il provenait.
« Cette nuit-là, Pitch a été emprisonné dans son Royaume, expliqua patiemment la Fée des Dents. Il ne peut pas en sortir, et n’a qu’un nombre limité de cauchemars qui peuvent aller et venir pour étancher sa soif.
— Je ne savais pas, souffla le jeune homme en ramenant son bâton crochu vers lui. Il a juste de quoi survivre si je comprends bien…
— Peu importe, tonna Bunny. Une vérification s'impose, pour voir s'il ne mijote rien et quelle est son implication dans cette affaire.
— S'il y en a une, rétorqua l'esprit de l'Hiver. Je viens avec toi. »
Le Lapin de Pâques hocha la tête, tandis que les autres s’échangeaient quelques regards. Ils discutèrent encore quelques instants, décidant de la marche à suivre, avant de se séparer. Nord et Fée partirent en direction de la bibliothèque pour essayer de trouver s’il y avait eu des précédents, Sab s’en alla faire sa tournée, la nuit étant tombée sur une bonne partie du globe, tandis que Jack et Bunny s’éloignaient, le premier en volant, l’autre en commençant à appeler un de ses terriers.
« Frost. »
L'interpellé se figea et se retourna vers Dame Nature, qui l'observait d'un air curieux. Surpris que la femme veuille lui parler, l'adolescent fit marche arrière et se posa doucement devant elle, de peur de la briser tant elle paraissait fragile. Il se redressa et la fixa, interrogateur.
« Dame Nature ? demanda-t-il.
— Je n'ai pas eu l'occasion de te féliciter. »
Il fut étonné par ses paroles. Rapidement, il fouilla dans sa mémoire afin de savoir quel évènement particulier et récent méritait des félicitations, mais il ne parvint pas à mettre le doigt dessus.
« Me féliciter ? Pour quelle occasion ?
— Pour ta nomination en tant que Gardien, répondit-elle un brin amusée.
— Oh. »
Il fit une courte pause. Il se sentit d’ailleurs très bête de ne pas y avoir pensé. Devant lui, la femme esquissa un léger sourire.
« Vous êtes l'une des rares à m'adresser des félicitations, avoua Jack.
— Vraiment ? s’étonna Nature.
— Oui. Il y a eu le Vent, qui me l'a murmuré à l'oreille en me transportant, Automne aussi, brièvement. Et...
— Je suppose aussi que tu as eu ton lot avec les Gardiens et l'Homme de la Lune. »
Grimace. Encore l’Homme de la Lune, il revenait souvent dans la conversation aujourd’hui. Pour quelqu’un qui voulait à tout prix éviter le sujet, l’esprit de l’Hiver était amené à beaucoup en parler. Cela lui déplaisait assez. Mais il fallait quand même dire ce qui était.
« A vrai dire, l'Homme de la Lune ne m'a jamais parlé, à part pour me dire mon nom. »
Dame Nature pencha la tête.
« Cela te blesse-t-il ? demanda-t-elle avec douceur.
— Je... Oui. »
Jack ne voyait pas l’intérêt de mentir. Il l’avait fait depuis trop longtemps, et cela lui pesait. Même s’il avait hurlé de nombreuses fois ses pensées la nuit, en regardant la Lune en face, il n’arrivait pas à se confier à ses proches. Peut-être était-ce ici l’occasion de le faire et, qui sait, d’obtenir quelques réponses, même s’il en doutait.
« Ne te tracasses pas pour si peu, rassura son interlocutrice. L'Homme de la Lune ne parle que lorsque c'est nécessaire, et ce n’est pas courant, certes. Mais il saura t'adresser quelques paroles le moment venu.
— Quand ? s’impatienta l’esprit de l’Hiver. Cela fait plus de trois cent ans que j’attends, et j’ai du mal à concevoir un moment aussi idéal que celui où j’ai été nommé Gardien…
— Lui seul le décidera, et c’est toujours quand tu t’y attendras le moins. »
Le jeune homme fit la moue. Il ouvrit la bouche pour continuer la conversation, mais son nom fut sèchement crié : de l’autre côté de la pièce, Bunny l’attendait, patiemment campé à côté d’un terrier. Enfin, patiemment était un bien grand mot : son pied tapant frénétiquement au sol montrait à quel point il avait hâte de finir ce qu’ils avaient à faire. Jack s’excusa auprès de Dame Nature qui hocha la tête, et s’envola, faisant signe à son ami qu’il y allait.
Ils devaient rendre visite à quelqu’un.
…[ ♪ ]…
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C'était calme. Le soleil automnal éclairait les lieux de ses doux rayons, quelques fois entrecoupés par les rares nuages qui voguaient dans les cieux, paisiblement. L'endroit était silencieux, on pouvait seulement entendre le bruissement des feuilles et une myriade de gazouillements, preuve du règne animal qui régissait les environs. Néanmoins, s'il y avait bien un endroit que les animaux évitaient, là où même les arbres n'osaient bouger et où il régnait un silence pour le moins morbide, c'était bien dans cette fameuse clairière : celle du Croque-Mitaine. Peut-être n’était-ce qu’une impression, qu’une illusion, mais une fois à l’intérieur de cet espace si particulier, les couleurs semblaient avoir perdues de leur éclat. Tout était terne, silencieux, comme figé, semblable à une vieille peinture à l’huile doté d’un incroyable réalisme. Si cela avait, certes, un certain charme, ça n’en restait pas moins dérangeant.
Bunny arriva bien avant Jack. Il était vrai que les terriers, qui traversaient la Terre, étaient bien plus rapides que de parcourir la moitié du globe à vol d'oiseau. L’esprit de l’Hiver aurait pu arriver plus vite, mais il se sentait vite oppressé dans les terriers, et moins il les empruntait, mieux il se portait. Lui qui adorait voleter partout et être entraîné par le Vent aux quatre coins du monde, se déplacer dans les tunnels du Lapin de Pâques développait en lui une certaine claustrophobie. C’était d’ailleurs là une de ses plus grandes peurs : rester enfermé dans un endroit particulier. Au fond d’une crevasse en Antarctique par exemple. Le jeune homme frissonna à ce mauvais souvenir. Mieux valait ne pas ressasser ça.
Les deux Gardiens se rejoignirent à la lisière de l’endroit et se dirigèrent vers le centre de la clairière, l’objet de toute leur attention.
« Nous y voilà », souffla Bunny en examinant l'entrée.
Elle était telle que se souvenait Jack : un énorme trou béant s'enfonçant dans les entrailles de la Terre, où gisaient tout autour les débris d'un ancien lit en bois, couverts de mouse verdâtre. C’était d’ailleurs assez drôle que ce fût un lit qui soit placé à cet endroit, étant donné que c’était le symbole même du Croque-Mitaine. Dont la légende racontait qu’il se cachait en dessous pour
effrayer les plus jeunes.
« Personne n'est jamais tombé dans là-dedans ? interrogea l'adolescent avec curiosité.
— Tu ne sens pas ? lui demanda à son tour le lapin. Pitch a déployé un périmètre de peur. Je pense que personne ne s'est jamais aventuré ici.
— Je vois. »
Ils inspectèrent les environs un petit moment avant de sauter dans le trou, dans l’obscurité. Ils atterrirent en bas, quelques centaines de mètres, en douceur, l'un sur ses deux puissantes pattes, l'autre en flottant. Sur leurs gardes, les deux amis progressèrent dans le couloir qui s’obscurcissait au fur et à mesure qu’ils avançaient. Laissant derrière eux la douce lumière du soleil, ils furent engloutis dans la noirceur du tunnel qui les menait vers un ennemi délaissé.
Pas à pas, les Gardiens traversèrent le couloir, aux aguets, traquant le moindre bruit suspect et le moindre mouvement brusque,
« Tu crois qu'il sait qu'on est ici ? chuchota Jack en plissant les yeux.
— Oh que oui, répondit son aîné, depuis qu'on est entré dans son périmètre. C’est son royaume, rien ne lui échappe. Mais cette grande asperge est pas connue pour son hospitalité, je pense pas qu’il nous proposera de prendre le thé. »
Ils laissèrent échapper un petit rire, qui se répercuta entre les murs. Pour la discrétion, ils repasseraient. Après une longue minute de marche lente, où ils essayèrent tant bien que mal de ne pas heurter les stalactites qui descendait un peu trop, ils débouchèrent enfin dans la salle principale du Royaume des Cauchemars.
L’endroit était toujours aussi lugubre : l’absence de lumière ajoutait une certaine angoisse lorsqu’on pénétrait dans cette immense salle aux allures cauchemardesques. Des escaliers sortaient de nulle part, dans tous les sens, barrant la salle, et menaient partout, des cages étaient suspendues au plafond irrégulier, entre les stalactites, se balançant doucement, émettant des petits grincements de temps à autre. Les profondeurs étaient sombres, et aucun des deux arrivants ne pouvait y distinguer quoique ce soit. Ce n’est pas pour autant qu’ils baissèrent leurs gardes : des cauchemars s’y terraient sûrement, attendant la moindre occasion de leur sauter à la gorge. Dans un coin de la pièce, abrité en dessous un énorme escalier en colimaçon, un globe en bronze où brillaient des milliers de lumières trônait, seul. Ce dernier était différent de celui présent au Pôle : plus petit, à peine plus grand que Jack, il était creux, seuls les continents étant représentés. Juste à côté, un siège quelque peu délabré, usé. Le Croque-Mitaine aimait-il observer le monde et ses lumières ? En même temps, il n’avait pas grand-chose à faire.
S’accordant sur le fait que le globe était, en quelque sorte, l’endroit de la rencontre, l’esprit de l’Hiver et le Lapin de Pâques s’y dirigèrent, sautant au-dessus des trous béants, parcourant des escaliers pour y parvenir. Une fois arrivés, il s’arrêtèrent à bonne distance du monument, scrutant les environs avec méfiance, attendant que le maître du domaine veuille bien les honorer de sa présence. Ce qui ne tarda pas.
Ils le sentirent plus qu’ils ne le virent ou qu’ils ne l’entendirent : l’angoisse monta d’un seul coup, l’air devint suffoquant. Une force inconnue semblait peser sur leurs cages thoraciques, et leurs cœurs se serrèrent en proie à un mal étrange. Bunny se mit sur ses gardes, boomerangs sortis quand un claquement de langue agacé se fit entendre.
Levant les yeux, ils eurent le temps de voir calmement sortir aux côtés de son globe en bronze la silhouette osseuse de leur ennemi, drapée de noir, les observant à l'aide de deux billes mordorées qui ne reflétaient qu'un évident mépris. Il s’arrêta assez loin de ses deux invités et toisa ces derniers de longues secondes, sans piper mot. Le Porteur d’Espoir, quant à lui, n’avait pas baissé ses deux armes, toujours sur le qui-vive. Ce qui n’était pas le cas de son cadet, qui avait baissé sa garde et qui s’appuyait nonchalamment sur son bâton, insouciant.
« Que me vaut la visite de deux Gardiens de l’Enfance ? », demanda finalement Pitch en se redressant quelque peu.
Son ton était calme, mais haineux, sa voix rocailleuse. On pouvait clairement sentir dans ses intonations de la colère, et qui n’était pas seulement due à leur intrusion. Ils n’avaient pas à chercher bien loin pour savoir quelle était la source de sa rancœur.
« Simple visite de routine », répondit le lapin de Pâques en haussant les épaules.
Sa magnificence leva un sourcil, vraisemblablement agacé.
« Et il vous a fallu deux ans pour venir voir ce que je devenais ? », siffla le Roi des Cauchemars, suivi d’un soupir plutôt contrarié.
En tout cas, c’était sûr, le Croque-Mitaine était loin d’être né de la dernière pluie. Jack voyait bien qu’il se doutait que leur visite cachait autre chose qu’une inspection annuelle pour vérifier qu’il ne faisait pas de bêtise. Et encore, la théorie de l’inspection annuelle ne tenait même pas la route étant donné ils n’étaient pas venus le voir la première année de sa captivité. L’improvisation et le mensonge n’étaient décidemment pas leur fort.
« On va être franc avec toi, Pitch, attaqua directement Bunny. Il s’est passé certaines choses, et on voulait être sûr…
— Et bien entendu, je suis la première personne à qui vous pensez, coupa sèchement son interlocuteur en croisant les bras sur sa poitrine.
— Bien sûr ! s’exclama Bunny. T’es le seul tordu qui est capable de faire ça ! »
Ses yeux brillèrent d’une fureur retenue et ses lèvres se pincèrent brusquement.
« Apparemment non. »
Sa voix calme contrastait avec l’expression de son visage, tirée, presque hargneuse. Il n’appréciait probablement pas le fait que deux Gardiens débarquent chez lui à l’improviste et l’accusent de torts qu’il n’avait pas causé. De surplus quand on le dérangeait dans ses moments de tranquillité. Pouvoir lire quelques heures sans interruption, c’était trop demandé ?
Sa réponse négative ne convainquit en rien le Lapin de Pâques qui enchaîna juste après, toujours aussi vif.
« Où étais-tu il y a six heures ? », interrogea Bunny.
Pitch laissa échapper un petit rire.
« Quelle question stupide. »
Il y eut quelques instants de blanc, avant que les deux Gardiens ne s’échangent un regard, un peu bêtes sur le moment. Le Croque-Mitaine étant retenu ici, il n’avait décemment pas pu sortir de cet endroit.
« Tu n'es pas derrière cette attaque ? demanda l’esprit de l’Hiver plus doucement.
— Et comment le pourrais-je ? rétorqua-t-il. Je vous rappelle que je suis emprisonné ici.
— On sait tous que tu es capable d'orchestrer tout ça ! renchérit le Porteur d’Espoir.
— Ça me brise le coeur de telles accusations ! », s'apitoya Pitch en prenant une pose dramatique.
Jack fut surpris d’une telle attitude. Il avait déjà entendu des anecdotes comme quoi le Roi des Cauchemars avait quelquefois tendance à agir comme une véritable drama queen, mais il n’arrivait pas à l’imaginer dans ce rôle. C’était chose faite. Encore une de ses facettes qu’il découvrait. Y en avait-il d’autres ? Il n’osait pas se l’avouer, mais il était curieux de savoir.
Le Lapin de Pâques, quant à lui, n’était pas empreint d’une telle curiosité. Il fut d’ailleurs plutôt agacé du petit manège de son interlocuteur, et il le montra clairement en grognant un coup.
« Soyons sérieux, reprit le Croque-Mitaine en ignorant royalement le grognement. Oui, je suis bien capable d'envoyer mes cauchemars faire du grabuge, mais quel intérêt aurais-je à détruire un temple de Nature ? Surtout que mon armée entière n'égale en rien sa seule fureur. »
Moment de silence. Le temps que ses paroles fassent son petit bonhomme de chemin, de longues secondes s’étaient déjà écoulées.
« Ça ne prouve rien, bougonna Bunny en abaissant ses boomerangs.
— Que s’est-il passé exactement ? demanda évasivement sa magnificence en adoptant un air détaché.
— On ne sait pas trop, avoua Jack en s’appuyant contre son bâton. Les élémentaires sont trop vagues, ils se souviennent d’une vague de ténèbres, et de la peur.
— Y avait-il une odeur de soufre ? »
Les deux Gardiens froncèrent les sourcils tout en fixant l’homme en noir. Ce dernier les regardait en retour, l’un après l’autre, attendant sa réponse. Mais qui ne dit mot consent, et c’est le silence prononcé des deux intrus qui lui répondit. Pitch soupira bruyamment et se pinça l’arête du nez.
« Hadès », soupira-t-il.
Nouveau silence. Plus bas, on entendait des cauchemars crachoter, et racler le sol – ou peut-être était-ce le mur. Les ombres semblaient par ailleurs s’agiter, tournant autour de leur maître qui demeurait pensif, un bras replié sur sa poitrine, l’autre en suspens, la main se frottant le menton. Il semblait perdu dans ses pensées, mais il se reprit assez rapidement et s’adressa aux deux compères sur un ton assez sérieux.
« Je ne peux pas vous aider – et d’ailleurs, je n’en ai pas envie – mais je peux néanmoins vous conseiller de chercher des réponses auprès d’O’Lantern. Elle possède un certain passif avec la souveraine des Enfers et elle saura sûrement de quoi il en retourne. »
Les deux Gardiens gardèrent le silence avant de s’échanger un long regard. C’est sourcils froncés que Bunny se tourna vers le Roi des Cauchemars, se dressant sur toute sa hauteur et brandissant ses boomerangs vers lui.
« Et pourquoi tu nous aiderais ? » interrogea-t-il d’une manière un peu trop brusque.
Pitch sourit, dévoilant deux rangées de dents blanches qui contrastaient avec son apparence. Cela surpris Jack. Il n’avait jamais remarqué ce petit détail chez lui. En même temps, il ne l’avait pas vu des masses, mais c’était un élément à revenir. Fée le savait-elle ? Il y avait sûrement quelque chose à exploiter là-dedans.
« Parce que je n’aime pas Hadès. »
Bunny renifla et baissa ses boomerangs.
« Encore faut-il que tu aies aimé quelqu’un. »
Sans plus de cérémonie, le lapin fit volte-face en adressant un petit signe à l’esprit de l’Hiver. Jetant un dernier regard en arrière, ils quittèrent le domaine pour retourner au Pôle. Pitch, lui, était resté immobile, accusant les paroles de Bunny. Inconsciemment, sa main s’était refermée sur le pendentif qu’il portait dans la poche près de son cœur, ses doigts caressant le métal glacé dans un vain essai de réconfort.
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Jack O’Lantern était introuvable. Jack avait sillonné le globe entier, il n’y avait aucun signe de la jeune femme. Il était tout d'abord retourné à Sydney, où il était certain de trouver l'esprit d'Halloween concocter ses habituelles blagues, mais il n'en fut rien. Il fouilla les principales villes du monde, victimes de ses larcins les précédentes années, mais ce fut le même résultat. Il retourna même à la clairière de Pitch et hurla son nom, des fois qu'elle eut l'idée de rendre visite au Roi des Cauchemars, mais il fit également chou blanc. Elle s'était envolée. Elle avait sûrement dû jeter son dévolu sur une autre ville, au dernier moment. Ce n’était pas surprenant, la jeune femme était quelqu’un d’assez volatile.
Deux jours étaient passés depuis la destruction du temple de Nature, et ils n’avaient encore aucune idée du responsable. Seulement la supposition de Pitch, concernant la Souveraine des Enfers, Hadès, mais là encore, cela restait très vague. Et puis, il ne fallait pas oublier que cette piste venait du Croque-Mitaine, donc elle n’était pas considérée comme étant fiable. Mais étant donné que c’était la seule dont ils disposaient, ils ne faisaient pas les difficiles.
Durant les deux jours passés, rien n’était arrivé : pas de nouvelle attaque, pas d’indice sur cette dernière, même pas un seul petit conflit au sein de la communauté des Esprits. Comme si le monde s’était mis d’accord pour faire une courte trêve, et ainsi les laisser tranquilles. Parce que les disputes entre esprits et élémentaires, c’était quelque chose de très courant, voir même quotidien : entre les naïades qui se plaignaient des trolls qui polluaient leurs eaux rien qu’en prenant leur bain, les nains dont les mines s’effondraient parce que les élémentaires terrestres plantaient leurs racines trop profondément ou encore les bagarres entre les leprechauns et les fées, les Gardiens n’avaient pas le temps de s’ennuyer. Pas que ces querelles les concernaient, mais après l’Homme de la Lune, ils constituaient la plus haute autorité qui soit, et les esprits avaient plutôt tendance à se tourner vers eux au lieu de régler leurs problèmes eux-mêmes. Bien que cela agaçât certaines personnes – dont Bunny – aucun Gardien ne rechignait à la tâche et allait aider ceux qui les réclamaient.
Les esprits étaient certes calmes et partageaient avec enthousiasme leur savoir, mais aucun d’entre eux n’avait pu renseigner l’endroit où se terrait O’Lantern. Halloween était prévue pour le lendemain soir, et personne n’avait encore réussi à déterminer dans quelle ville la jeune femme allait s’établir pour faire sa petite affaire.
« Mais enfin, elle n’a pas pu disparaître de la surface du globe ! tonna le Lapin de Pâques en repoussant la multitude de mappemondes étalées devant lui. Elle est bien quelque part !
— Elle est bien cachée en tout cas, soupira Jack. Même le Vent n’a pas pu me renseigner…
— C’est pas possible… Sab, et tes rêves ? »
Le petit bonhomme de sable, flottant à quelques mètres de là, haussa les épaules et fit apparaître quelques symboles qui firent nettement comprendre qu’il n’en savait pas plus qu’eux. Le Porteur d’Espoir soupira et se rassit devant la table où il travaillait depuis déjà des heures.
« Et vous ? demanda l’esprit de l’Hiver en se tournant vers Nord et Fée. Vous avez trouvé quelque chose ?
— Malheureusement non, répondit le Père Noël. Il n’y a eu aucun précédent comme celui-ci, en omettant Pitch et ses coups tordus tous les deux siècles.
— Et concernant Hadès ?
— Rien de bien utile, intervint la Fée des Dents. Elle règne sur les Enfers tout en entretenant des relations conflictuelles avec ses deux frères. Mais elle n’a aucun grief contre Nature, ni même contre les Atlantes, donc il est très peu probable qu’elle soit la personne que l’on cherche.
— Pitch nous aurait donc mal orientés ? en déduisit l’adolescent. Ou même menti ? ajouta-t-il ensuite après un moment d’hésitation.
— Ça m’étonne pas », bougonna Bunny en se penchant une nouvelle fois sur ses mappemondes.
Tous soupirèrent de concert. Peut-être auraient-ils plus de chance en cherchant demain soir, lors d’Halloween. Même si déranger O’Lantern dans son activité préférée s’avérait être une très mauvaise idée, ils n’avaient pas d’autres choix. Attendre trop longtemps était risqué, il pouvait très bien y avoir une autre attaque.
Nature était restée au Pôle, confortablement installée dans un fauteuil en velours de la salle du Globe, près des Gardiens. Nonchalamment, elle observait la vie qui s'écoulait autour d'elle sans piper mot, son seul regard étant juge. Les Yétis, sentant ce dernier sur eux, s'appliquaient deux fois plus qu'à l'accoutumée, Nord en était plus que ravi. Sûrement avait-elle besoin de se sentir en sécurité. Ou simplement espionnait-elle pour savoir qui était responsable de son attaque, pour pouvoir lui rendre la pareille en première. Elle en serait très bien capable.
Calme, la grande dame buvait une infusion aux plantes, à côté du feu. Quelques élémentaires étaient avec elle : les feu follets s’amusaient sur le tapis, au grand dam de leur propriétaire qui n’arrêtait pas de jeter des coups d’oeils furtifs pour vérifier les dégâts, un élémentaire d’eau pataugeait dans un verre d’eau, quelques élémentaires terrestres s’enroulaient dans les cheveux de leur maîtresse, posés sur ses épaules et deux élémentaires d’air batifolaient dans les airs. Un tableau attendrissant : certainement restaient-ils pour veiller sur Dame Nature, pour la rassurer également et s’assurer qu’elle allait bien. Ils étaient tous sereins, et la petite bande allait vraisemblablement rester un petit moment. Mais c’était sans compter ce qui allait se passer.
Nature se tendit d'un coup, se redressant brutalement et renversant sa boisson sur le tapis déjà bien esquinté du Père Noël.
« Ça recommence ! s'écria-t-elle, hystérique. Un de mes temples est attaqué ! »
Sa soudaine détresse contrastait tellement avec son calme naturel qu'il fut difficile aux Gardiens de se persuader qu'il s'agissait de la même personne. Mais ils réagirent au quart de tour et se précipitèrent vers Dame Nature, qui s’était mise debout.
« Où ça ? interrogea brusquement Bunny. Où ça ?!
— Dans la Forêt de Tasmanie, l’île au sud de l’Australie, répondit-elle, la voix tremblante. Les élémentaires sont paniqués…
— Restez ici, on y va », lui intima Nord.
La femme hocha la tête et se retourna vers le feu, où les élémentaires présents s’empressèrent de se blottir contre elle pour la rassurer. Tandis qu’elle se rasseyait tant bien que mal, les cinq Gardiens se réunirent rapidement entre eux.
« Préparez le traîneau ! hurla le Père Noël à quelques Yétis non loin de là.
— Non Nord, pas le temps pour le traîneau, coupa le Lapin de Pâques. Aux terriers, camarades ! »
Sans demander l’avis général, il tapa trois fois au sol avec l’une de ses pattes. Immédiatement, un trou béant apparut et aspira les cinq amis, ou au moins, trois d’entre eux, Sab et Fée s’engouffrant à leur suite en volant. Jack, aux côtés de Nord, glissait dans le tunnel sombre, retenant sa respiration. Il se laissait balloter, son postérieur et son dos malmenés, n’osant pas voler, car il savait pertinemment que, tôt ou tard, il se prendrait une paroi en pleine face. Alors il préférait laisser les choses se faire. Il jeta un œil à Bunny, qui galopait devant lui avec aisance, au Marchand de Sable et à la Fée des Dents qui voletaient derrière sans problème, et au Père Noël, qui avait un grand sourire collé sur le visage. Il y en a qui s’amusaient, au moins. L’adolescent déglutit et attendit qu’ils arrivent, pour enfin prendre un grand bol d’air frais. Il se sentait tellement oppressé dans ces tunnels, si bien que les souvenirs liés à l’Antarctique lui revinrent en mémoire. Jack inspira un grand coup. Ce n’était pas le moment pour ça.
Au bout de longues minutes, le tunnel prit fin et c’est sous une chaleur torride et un soleil de plomb qu’ils atterrirent tête la première dans la forêt de Tasmanie. Des arbres volumineux et bien verts les entouraient, avec des dizaines de parterres de fleurs d’espèces différentes. Ils pouvaient entendre de nombreux insectes tourner au-dessus d’eau, et pas des moindres : ces moustiques étaient énormes. Mais là n’était pas la principale préoccupation des Gardiens qui reprirent très vite leurs esprits.
« Par la Lune, souffla plaintivement Jack Frost en se relevant avec difficulté. Je vais fondre…
— Vite, c’est par là ! » le coupa Bunny en se mettant à courir dans une direction.
Maudissant la chaleur qui régnait – et qui n’était pas là trois jours plus tôt quand il avait croisé O’Lantern à Sydney – l’Esprit de l’Hiver se remit debout et suivi ses comparses qui s’élançaient entre les arbres. Il ne leur fallu pas longtemps pour apercevoir les lignes gracieuses du temple de Nature, mais aussi la fumée noirâtre qui s’y échappait. Des cris paniqués se faisaient entendre, et c’est le cœur serré que les cinq acolytes pressèrent le pas, de peur qu’ils ne manquent l’auteur du crime. Une forte odeur de soufre se fit sentir, ce qui arracha à Jack une grimace tant l’odeur était désagréable. Essoufflés, ils parvinrent près du temple.
Mais à peine avaient-ils posé le pied dans la clairière que l’édifice s’effondra, dans un bruit assourdissant. Un nuage abominable de poussière se souleva, et il fallut attendre qu’il se dissipe pour que les Gardiens puissent observer de leurs propres yeux les dégâts.
« On arrive trop tard. »
Il ne restait que cendres et débris, au milieu d'un chaos inimaginable. Les élémentaires étaient venus se réfugier derrière la petite troupe, cherchant du réconfort, tandis que les autres pleuraient autour de ce qui fut autrefois leur maison, détruite sans remords, les laissant sans abri. De toute évidence, l’attaque était finie, et ils étaient arrivés trop tard pour ne serait-ce qu’apercevoir le responsable du massacre.
Le Vent semblait d'ailleurs leur souffler un rire victorieux, qui les firent frissonner de concert. Les prochains jours allaient être mouvementés.