Des fois, je me dis que mon problème, au-delà d'être ce que chacun sait, c'est d'être du Sud.
Parce que, autant être ce que chacun sait, ça se remarque, et ça change pas grand-chose, autant être du Sud, il suffit de le dire, et les gens vous regardent différemment. Ils vous demandent de dire "pain" ou ils vous demandent si on survit avec si peu de soleil.
... Mais on a le droit d'être sudiste même si on n'est pas marseillais, merde !
Et puis, qu'est-ce que vous croyez, amis des hautes longitudes, que nous sommes moins à cran que les autres ? C'est faux. Nous sommes aussi énervés que n'importe quel autre, c'est juste qu'on a moins de temps pour le manifester, car même pour le plus athéiste des sudistes, la sieste c'est sacré.
Y en a marre, je suis un citoyen comme les autres, vive la France, vive la fougasse !!!
En quoi consistent donc mes journées ? Je vais vous le dire, amis de la productivité forcée.
8h. Mon réveil sonne sur l'air de "On dirait le Suuuuud..." et je lui assène un coup de batte de base-ball. On ne
dirait pas le Sud,
c'est le Sud, espèce de machine ignare. Là-dessus, je décide de faire une sieste.
10h. Je prends mon petit-déjeuner composé de graines de tournesol, tapenade et fougasse, le tout avec un grand verre d'huile d'olive.
11h. Mon patron m'appelle en me demandant qu'est-ce que je fous. Merde, on dirait que lui, il a pas fait sa sieste. Je lui dis que les touristes néerlandais bloquent les routes, il me croit. Je me prépare pour travailler.
12h. Mon téléphone sonne, je décroche et j'entends "eh la *** à ta *** tu ramènes tes *** de fesses ce soir pour boire une bière ou j'te ***". Je soupçonne le Toulonais du sixième, sur la porte duquel j'ai scotché un photomontage de sa tête sur Ribery. Je l'emmerde grassement, parce que ça me fera plaisir de le voir. Et je fais une sieste pour fêter ça.
14h. J'apprends par message vocal que je suis chômeur. Quelle veine, je vais attirer la jalousie des Parigots.
14h30, je sors de chez moi. Dans le couloir, mon concierge lyonnais me dit bonjour, je ne lui réponds pas, comme d'habitude. Ca sent encore les tripes dans toute la cage d'escalier, mais je ne lui fais pas remarquer, par pure courtoisie.
15h. Je suis chez le tatoueur, pour me faire tatouer le logo de l'OM sur le pectoral droit. La séance commence, la douleur est vive, mais j'encaisse, tout comme les adversaire de mon club encaissent les buts. Mais là, horreur ! Horreur, je réalise que le tatoueur porte un nom bien précis : Pierre-Serge Guermont ! J'ai du mal à contenir un hurlement de rage, car de mes yeux,
je suis en train de voir le PSG marquer quelque chose ! Oh, que je souffre, mais j'espère surtout qu'il n'a pas encore remarqué mon admiration pour Marseille !
17h, la séance se termine, le mec me demande "si vous voulez, je peux vous tatouer "Paris on t'***" sur le pectoral gauche". Je détecte une pointe de sarcasme, et refuse poliment.
18h, une affiche publicitaire pour la Bretagne relance ma rage sanguinaire, je sors mon feutre noir pour l'exprimer, mais mon bras tremble, je n'y parviens pas. J'interpelle donc un passant pour lui demander gentiment d'écrire à ma place "MORTS AUX BELGES ET AUX PICARDS". Le type me répond d'un air blasé "Ah ouais ? Et ta carabistouille, tu l'écris comment, une foué ?" J'ai pas le temps de lui répondre qu'il m'aligne une droite, en plein dans l'épaule gauche.
19h, je me rends à la saladerie niçoise pour oublier ma journée. La belle Luisa me remarque et me dit "ça fait longtemps qu'on t'a pas vu, tu montes ?" Je lui réponds oui, j'ai besoin d'amour. Nous nous retrouvons dans une chambre éclairée par une lampe à UV, avec un tableau géant des calanques, et un CD qui diffuse les grillons et le vent. Là, Luisa présente deux transats, une bouteille de pastis, et des cacahuètes. Nous restons là, elle me demande si j'aime ça, et je lui réponds que oui, et j'aimerais un coup de soleil en plus.
21h, je sors plié en deux, avec une migraine de tous les diables. La lampe à UV ne m'a pas raté, mais je ne me suis pas senti si serein depuis bien longtemps. Je rentre chez moi, et là, nouvelle horreur, je réalise que j'ai oublié mes clés ! Je décroche donc mon portable pour demander de l'aide à mon voisin toulonais, et il me répond "va ***, ça fait deux plombes que j'attends pour boire ma *** de bière alors tu vas te ***" et il me raccroche au nez !
... Bon sang, mais il se rend pas compte que c'est typiquement à cause de gens comme lui qu'après, on entend plein de clichés dégradants envers le Sud, ou quoi ?
P.S. :