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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2

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Cap:
Syl
6 jours avant la fin
Laboratoire de Sébastide
Infiltration subtile et discrète
    — Un lointain passif ? Est-ce que ça aurait un lien avec ce qui a effrayé Alaïa tout à l'heure.
    — J'imagine que oui. Souhaitez-vous vraiment en savoir d'avantage maintenant ? Il me semble plus important de ne pas perdre de temps et d'aller arracher Alaïa des griffes de ce savant fou.

    J'eus un instant d'hésitation. La proposition était intéressante et ma curiosité ne m'avait jamais quitté. Néanmoins, des questions appelaient plus de questions. Et je ne pouvais répondre aux potentielles siennes.
    — Tu as raison. La vie d'Alaïa est en jeu. Allons-y !

    Les conduits des égouts avaient laissés place à des couloirs métalliques envahis par la rouille. Nous avancions prudemment, tentant d'atténuer l'écho de nos pas. Toute mon attention était portée sur la présence d'Alaïa, que je sentais au loin parmis d'autres sources de vie, ainsi que les éventuels pièges qu'il pouvait y avoir devant nous. Régulièrement, je devais désamorcer des glyphes magiques habilement placés sur notre chemin.
    D'énormes portes métalliques stoppèrent notre avancée.
    — Elle est derrière, murmurai-je doucement pour éviter que ma voix ne résonne trop. Et il y a du monde.
    — Pouvez-vous ouvrir cette porte ? demanda Cheiralba sur le même ton.
    Je pris quelques instants pour analyser la structure. L'ouverture était haute et large, et le battant, complètement métallique, était plutôt épais. Un glyphe de protection luisait discrètement, renforçant magiquement la solidité de la porte. Rien de bien difficile donc. J'eus un petit sourire carnassier :
    — Je peux. Mais ce ne sera pas très discret...
    — Et il y a-t-il d'autres passages ?
    Je pris quelques instants pour répondre. Le temps d'analyser rapidement les alentours, cherchant une potentielle deuxième entrée.
    — Hum. Pas à proximité en tout cas.
    — Très bien. Allez-y.
    Je hochai la tête avant de me placer face à la porte. Réprimant un frisson, je commençai par puiser la magie nécessaire pour mon sort. Désactiver la rune ne fut pas bien compliqué, elle se brisa dans un léger un éclat de lumière tandis que la puissance s'accumulait entre les mains.
    Un trait sombre fusa, s'écrasant contre la porte, qui crissa, se tordit avant de se faire projeter plusieurs mètres en arrière en un vacarme assourdissant.
    — Voilà, c'est ouvert, allons-y, appuyais-je une fois l'écho terminé.
    Sans me retourner, je franchis l'ouverture béante. La poussière retombait doucement dans ce que devait être l'entrée du laboratoire. Le battant de la porte avait écrasé ce qui semblait être le mécanisme d'ouverture, maintenant inutile, et... Un bras couvert de bandage ? Il se pourrait que le deuxième kidnappeur se soit trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Je haussai les épaules. Tant pis pour lui.
    Je désignai un tunnel avant de me tourner vers Cheiralba. Cette dernière se tenait au niveau de l'ouverture et regardait avec toujours un peu de surprise l'énorme battant sur le sol.
    — C'est par là, dépêchons-nous !
    La vieille femme secoua la tête avant de me suivre sans un mot.


    Nous courrions. Nos pas résonnaient dans le long couloir métallique. J'étais en tête, Cheiralba me suivait sans faiblir. Son visage ne reflétait que de la détermination. Au bout du couloir, une porte. Je m'arrêtai devant et fit un signe à la vieille femme. Une personne à l'intérieur. Seule.
    Je ne m'embarrassai pas des précautions d'usages, et fit voler la porte d'un rapide sort. Immédiatement, une douleur fusa dans mon épaule. Dans la petite salle, une femme se tenait derrière une table sur laquelle reposait un masse couverte d'un drap blanc. Elle avait de minces lunettes, ses longs cheveux noirs étaient attachés d'une manière particulière et elle portait une blouse autrefois blanche. Et surtout, elle pointait une petite arbalète de poing dans notre direction.
    — Je vous attendais.
    Encore une fois, je puisai de l'énergie pour la désarmer. Voulu puiser. La tête me tournait, et je peinais à me concentrer. Voyant mon trouble, la femme continua, un léger sourire sur le visage :
    — Les narcoleptiques sont décidément le meilleur moyen de traiter avec les mages...
    Je posais un genou à terre. La scène était de plus en plus confuse. Je sentis une main se poser sur mon épaule. Cheiralba ?
    — Et l'avantage de celui-ci est sa rapidité d'action...
    La dernière chose que j'entendis avant de sombrer dans l'inconscience fut un petit rire démoniaque...

Great Magician Samyël:
Salut, j'ai vu de la lumière je me suis permis d'entrer.

_________

(Cliquez pour afficher/cacher)Nom: Hyldegarde Sigurndottir d'Excavard
Age: 67 ans
Race: Naine
Profession: Princesse héritière des Grimmonts
Catégorie: Vétéran
Physique:  Hyldegarde a un visage aux traits prononcés caractéristique de ceux de sa race, aux lignes volontaires qui respirent l'assurance et la noblesse altière propres aux gens de pouvoir. Ses yeux sont d'émeraude, aux reflets chauds et dorés ainsi qu'aux pupilles étroites, surmontés par d'épais sourcils aux extrémités évasés. Son nez large est ostensiblement cassé en son milieu, orné de quelques discrètes rides de même que ses lèvres rebondies et généralement peinturlurées de mauve. Ses oreilles décollées sont ornées, du lobe à leur sommet, d'anneaux d'or et d'argent, ciselés ou non, sertis ou non et qui tintinnabulent discrètement à chacun de ses gestes, accompagnant les mouvements fluides de sa véritable crinière de cheveux roux, parcourue de tresses épaisses terminées par de similaires anneaux, bien que plus épais. Elle arbore de longs favoris, taillés avec une minutie évidente, dont le charme et l'érotisme ne laissent aucun Nain normalement constitué insensible.
Elle possède la silhouette trapue aux courbes rondes propre aux gens de sa race, taillée et affûtée par des années d'entraînement martial et de taille de pierre, lui conférant des muscles saillants, puissants et apparents.
Mental: Hyldegarde a vécu toute sa vie dans la luxure et l’opulence, entourée par une cohorte de serviteurs prêts à exécuter le moindre de ses caprices. Cette existence dorée lui a forgé un caractère hautain, arrogant, dédaigneux envers ceux qu'elle considère sous elle. Malgré tout, en digne héritière de l'honorable lignée d'Excavard, Hyldegarde n'est en rien oisive : son arrogance a été gagnée à la sueur de son front et de ses bras, que ce soit en maniant la pioche, le burin, l'épée ou la hache. Son égo n'a d'égal que ses prouesses martiales et les chef-d’œuvre nés de sa main qui peuplent le Hall de son père.
Quelque chose, cependant, s'est brisée en elle au cours des trois années passées au fond de la Faille. Sa hargne s'est volatilisée, de même que son assurance. Incapable dans les grandes lignes de se souvenir de ce qu'il s'est passé, elle souffre d'épisodes de doute, d’apathie et d'angoisses existentielles intenses, qui la laissent par moment tétanisée, incapable d'agir.
Biographie: Hyldegarde, fille de Sigurn Osgerson d'Excavard, et la fille unique du Thane des Grimmonts et de fait, son héritière légitime. Comme toute princesse de sang, elle eut une enfance dorée, dorlotée par des nourrices qui se pliaient en quatre pour répondre à tous ses caprices et couvée par ses parents raides dingue d'amour.
Contrairement aux petites filles nobles des Terres Bannières, à qui l'on apprenait la broderie, la poésie et la danse, on attendait d'elle qu'elle soit une vraie Naine. Une tâche à laquelle elle s'attela avec beaucoup d'ardeur et très tôt, s'emparant de la pioche familiale pour aller prospecter ses propres gemmes au fin fond des tunnels étroits sous les Grimmonts. Elle délaissa cependant l'art noble de la mine assez rapidement pour se concentrer sur un autre artisanat tout aussi prestigieux : la taille de pierre. Son talent se révéla presque inégalé, un génie artistique comme l'on n'en avait plus vu depuis le Haut Bergingson. Les statues qui naissaient sous son burin laissaient les observateurs en larmes, des larmes chaudes d'émotion.
En sus, elle suivit l'entraînement martial rude et exigeant des Tunneliers, des vieilles barbes habituées des combats de tunnel, maniant le long bouclier avec expertise et roublardise. Si elle détesta son séjour parmi les vieux vétérans, trouvant insupportables leurs interminables anecdotes sur leurs faits d'armes passés, elle se démarqua rapidement grâce à son intuition et son sens martial innés.
Les années passèrent, puis les décennies, et la princesse Hyldergarde commença à s'ennuyer. Les vieilles pierres des Halls sous les Grimmonts n'avaient plus de secrets pour elle et il n'y avait plus un seul Haut dont elle n'avait pas réalisé la statue. C'est ainsi qu'elle décida de partir, de quitter ses Halls natals à la recherche d'excitation, d'aventures et soucieuse de faire rayonner le blason d'Excavard dans les royaumes de la surface. Cesdites aventures la menèrent au jour fatidique de sa rencontre avec Eugénie d'Euphorie, la géante des Terres Bannières et de leur duel d'anthologie qui se termina, à la stupeur de tous, par un ex-aequo, un nez broyé et un genou pulvérisé, du jamais vu dans les annales du duel.
Cet épisode piqua fortement l'ego d'Hyldegarde, jusqu'à en devenir une obsession. Elle arpenta sans relâche chaque royaume qu'elle croisait, écumant les tournois et les concours, désireuse de croiser à nouveau le chemin de sa rivale et de lui faire mordre la poussière une bonne fois pour toute.
C'est la raison qui la mena à Miderlyr lors de l'annonce du prochain Grand Tournois.
But : Retrouver la mémoire et, par la même, Eugénie.

Hyldegarde
A l’aube de la Fracture
Au pieds des remparts
Flashback : Rencontre sur le pré

   Un petit vent frais faisait onduler les herbes du pré et voleter les cheveux d’Hyldegarde sous son casque à ailettes. La lune, énorme et ronde dans le ciel, se reflétait sur le fil des lames tirées, sur les courbes des spallières et des plastrons lustrés.
   Il n’y avait personne alentours et hormis le léger brouhaha continu en provenance de la cité, le silence était total. Face à la Naine se dressait la silhouette impressionnante d’Eugénie d’Euphorie, la géante des Terres Bannières, sa rivale, la seule qui ait jamais réussi à la déjouer en combat singulier. Tout comme Hyldegarde, elle avait revêtu son armure complète.
   La Naine serra le poing, faisant crisser le cuir de ses gantelets en assurant sa prise sur la poignée de son long bouclier, sur le manche de sa hache d’armes. Cela faisait de longues années déjà qu’elle attendait ce moment. Une chance d’assouvir sa revanche, de prouver au monde qu’elle, Hyldegarde Sigurndottir, était meilleure, meilleure que d’Euphorie et sa taille improbable.
   Il n’y avait pas de place pour le doute. Elle s’était entraînée dure, affûtant sa technique contre des adversaires plus grands, mettant toutes les chances de son côté. Toutes ces années passées à rêver à cette chance, cette revanche contre la grande guerrière, contre ses grands yeux turquoises aux reflets d’orage, contre son nez trop long et son attrayant et éternel petit rictus suffisant.
   Cette confrontation au clair de lune était très peu protocolaire. Le tournois ne commencerait qu’au point du jour, après tout. Mais leur rencontre fortuite en ville, au détour d’une taverne, avait fait bouillir le sang d’Hyldegarde. Le simple fait de poser les yeux sur sa haute silhouette, aux courbes puissantes et parfaites comme celles d’une statue de marbre,  provoquait en elle une chaleur insupportable, nouait ses boyaux et faisait monter une bile de rage au fond de sa gorge.
   Elle ne comprenait pas vraiment l’aversion suprême que lui inspirait la belle humaine, ni son besoin obsessionnel de lui prouver qu’elle était sa supérieure mais elle n’en avait cure : elle allait lui faire payer son affront. Leur rencontre avait commencé par quelques piques presques amicales qui s’étaient vite transformées en insultes avant de laisser parler les poings. Il avait fallu leurs écuyers respectifs et l’aide supplémentaire de quelques gardes pour les séparer. Dans la mêlée, Hyldegarde avait lancé son gant à la figure de la chevalière, qui avait répondu en lui renvoyant son propre gantelet.
   Un duel pour l’honneur, donc, avec la lune comme seule témoin.
   Les deux femmes s’observaient sans bouger, visages fermés. Chacune respectait trop le talent de l’autre pour oser faire le premier geste et potentiellement ouvrir sa défense.
-Que vous arrive-t-il, d’Euphorie ? La peur vous tétanise ? railla Hyldegarde, tentant de pousser la géante à agir.
-Non point. Il s’agit de cette herbe, voyez-vous. Elle est si haute, j’ai du mal à vous distinguer en son sein.
Malgré la tension, elles sourirent.
-Vous ne m’en voudrez point, je l’espère, mais je me vois dans l’obligation de vous infliger une défaite cinglante et sans appel, reprit l’humaine en faisant, enfin, un premier pas prudent. Votre suffisance m’horripile et il est temps que quelqu’un la remette à sa place.
-Je n’en prends point ombrage. Après tout, rétorqua la Naine en prenant elle aussi un premier pas, il est difficile de garder rancune envers les simples d’esprit.
Arrivées enfin à moins d’un mètre l’une de l’autre, elles armèrent leur bras de concert, prêtes à trancher, une fois pour toute, entre leur technique respective.
Un tremblement de terre soudain et brutal les fit vaciller, perdre l’équilibre et s’effondrer en avant, dans les bras l’une de l’autre et dans un fracas d’acier et de grognements. Une lumière intense illumina alors le pré, tandis qu’au loin, derrière les remparts de Miderlyr, une explosion titanesque retentissait, fracturant la ville en deux…


Hyldegarde
Quelques jours avant la fin
Quelque part dans la Faille
Flashback : Au bord du gouffre

   La main ensanglantée et tremblante d’Hyldegarde jaillit au bord du précipice, ses doigts sales aux ongles cassés cherchant frénétiquement une prise le long de la pierre coupante. Puisant dans ses dernières réserves, elle se hissa en grognant sur la corniche, son plastron cabossé, rayé, fracturés crissant désagréablement sur la roche grisâtre. A bout de souffle, elle se laissa choir au sol, se souciant peu de l’inconfort provoqué par son long bouclier, toujours attaché dans son dos par son épais baudrier.
   Ses yeux fatigués se dardèrent sur le ciel, petite bande bleuâtre loin dans les nuées, par-delà les falaises déchiquetées de la Faille. Cette vision provoqua en elle un vague sentiment d’urgence, lui donnant la force de se redresser sur les coudes, avant que cette étincelle de vigueur ne soit aussitôt soufflée, l’apathie s’emparant d’elle. Des larmes silencieuses se mirent à couler le long de ses joues, traçant un sillon plus clair dans la saleté accumulé sur son visage.
   Elle resta un moment prostrée là, une peur soudaine, viscérale, la saisissant alors qu’elle constatait qu’elle n’avait aucun souvenir des événements qui l’avaient menée jusqu’ici, où qu’”ici” puisse être. Elle ferma les yeux, fouillant frénétiquement dans sa mémoire. Des images, des flashs lumineux, remontèrent ; une descente interminable, des couloirs tortueux, obscurs, percés d’alcôves remplies d’horreur innommables. Des cris, des pleurs, le tintement du métal.
Le visage d’Eugénie.
Eugénie la repoussant, ses yeux exorbités par la terreur, lui hurlant de… de…
Une douleur sourde se mit à poindre derrière ses orbites et Hyldegarde poussa un petit gémissement plaintif. Elle ne se rappelait plus. Tout ce dont elle se souvenait, c’était son ascension le long de l’a-pic. Prise après prise, se déchirant les mains sur la pierre cruelle et déchiquetée, concentrée sur son objectif.
Eugénie lui avait dit de… lui avait dit de… elle devait...
Son regard se focalisa sur un nuage qui passait au loin, là haut dans le ciel.
A quoi bon, à présent ?


Hyldegarde
Il y a 3 ans
A l'intérieur des ruines de  l'hôtel particulier de monsieur de Montalgure
Flashback : Une promesse

   -C’est de la folie, fit calmement Hyldegarde en s’adossant contre le seul mur encore debout, les bras croisés.
   Eugénie s’arrêta un instant de régler les sangles de sa cuirasse, poussant un soupir avant de reprendre.
-C’est la chose à faire. Quelqu’un doit mettre un terme à cette horreur.
La Naine baissa les yeux, caressant distraitement ses favoris et laissant le silence s’installer.
-Je suis navrée, reprit l’humaine attrapant son heaume sur une commode éventrée et se retournant, son harnachement terminé, mais je crains que notre duel devra attendre une période plus propice.
Hyldegarde releva le regard. Elle n’avait jamais vu la chevalière aussi sérieuse. Son rictus suffisant avait disparu, remplacé par une moue résolue et déterminée. L’orage qui grondait d’ordinaire dans ses si grands yeux s’était tu, terrassé par les étincelles du devoir et de la résignation.
Cette vision perça le coeur de la princesse des Grimmonts d’une façon qu’elle ne s’expliquait pas.
-Il faut bien avoir votre esprit étroit pour songer encore à de telles futilités dans un moment pareil, railla-t-elle mais toute bile s’était envolée de sa voix.
Leurs regards se croisèrent.
-Bien, allons-y. Les autres nous attendent. Je vous autorise à me suivre, d’Euphorie.
Les sourcils de la grande humaine se haussèrent de surprise.
-Vous..?
-Cela va de soi. Je ne peux décemment pas vous laisser vous accaparer toute la gloire. Et puis j’ai fait une promesse à votre père de vous ramener vivante. Afin de pouvoir vous détruire une bonne fois pour toute sur le pré.


Hyldegarde
Quelques jours avant la fin
Quelque part dans la Faille
Flashback : Manteaux de cuir
 
   -Je t’avais dit que j’avais entendu quelque chose.
   Une voix derrière Hyldegarde lui fit rouvrir les yeux. Puisant dans ses forces déclinantes, elle se redressa tant bien que mal. Deux individus émergeaient d’une ouverture dans la parois. Ils arboraient de longs manteaux qui ne laissaient à voir de leurs corps que des membres enroulés de bandages.
   -Une Naine, fit l’autre en claquant dédaigneusement de la langue, d’une voix qui sonnait étrangement.
   -C’est toujours mieux que de rentrer les mains vides, reprit son comparse.
   -A peine. Tu sais à quel point Sébastide a horreur des Nains. Rapport à leur structure interne, ou je ne sais quoi. En plus, celle-ci a l’air sur le point de clamser.
   -Qu’importe, on l’embarque. Les ordres sont les ordres.
   -Je me demande ce qu’elle fout là, tout de même. Regarde son armure. Une Croisée, peut-être ?
   -M’étonnerait. Ca fait un baille que la Croisade ne fout plus les pieds à cette profondeur.
   Les deux hommes continuaient de discuter en s’approchant, faisant comme si elle n’existait pas. Après s’être remise péniblement debout sur ses jambes flageolantes, Hyldegarde porta la main à sa ceinture, pour découvrir que sa hache n’y était plus.
   -Du calme, du calme, susurra l’un des deux en sortant des replis de son manteau une seringue. Tout va bien se passer…

Hyldegarde
6 jours avant la fin
Laboratoire de Sébastide
Bruit de couloir
   Hyldegarde n’avait aucune notion de l’endroit où elle se trouvait, ni de combien de temps s’était écoulé depuis qu’on l’avait jetée dans cette cellule. Au moins quelques jours s’étaient succédés, si elle s’en référait à la fréquence des maigres repas qu’on lui dispensait. Elle avait repris des forces, récupéré quelque peu de sa fatigue mentale. Sa mémoire lui faisait toujours défaut mais plus elle essayait de se souvenir, plus les migraines devenaient douloureuses.
Elle n’avait qu’une certitude glacée, douloureuse, celle qu’elle devait retrouver Eugénie, qu’elle devait accomplir quelque chose. Mais quoi ? Elle rongeait son frein. Elle devait sortir d’ici. De ce qu’elle pouvait voir en s'agrippant aux barreaux de la petite lucarne qui ornait la porte de sa prison, elle se trouvait dans un long couloir bordé de cellules identiques à la sienne, desquelles s’échappaient des cris et gémissements.
Parfois, un homme vêtu de la même manière que ses ravisseurs passait dans le couloir, poussant une table à roulettes sur laquelle se trouvait un corps sous un drap. Ces mêmes hommes passaient une fois par jour pour apporter de la nourriture rance et de l’eau croupie. Ils n’ouvraient pas les portes, se contentant de jeter leur bagage à travers les barreaux et empêchant la Naine de tenter une échappée par la force de ses poings.
Les mots de ses kidnappeurs lorsqu’ils l’avaient capturées ainsi que les hurlements qui résonnaient le long du couloir par intermittence lui suffisaient à comprendre qu’il se passait ici des choses terribles et que son tour n’allait pas tarder.
Elle était assise dans un coin de sa cellule, ruminant sur sa situation lorsqu’un bruit assourdissant la tira de sa torpeur. Un bruit proche d’une explosion. Intriguée, elle se hissa le long de la porte, s'agrippant aux barreaux et collant son visage entre les interstices, curieuse de voir ce dont il retournait et désireuse d’en profiter si cela s’avérait être une chance de s’échapper.     
   

Yorick26:
Cheiralba
6 jours avant la fin
Laboratoire de Sébastide
Catalepsie
Cheiralba se retrouvait seule. Alaïa était aux mains de Sébastide et voilà que son compagnon de route magicienne venait de se faire surprendre et mettre hors d'état de nuire. Deux femmes donc qui se faisaient face. L'une jeune et armée d'une arbalète. L'autre beaucoup moins agile et dépourvue d'arme ou de magie. Elle n'avait que son corps.

La femme araignée posa une main sur l'épaule affaissée de Syl. Le carreau avait traversé de part en part infusant au passage le sang de la magicienne du poison dans lequel il avait été plongé. Il valait mieux qu'il soit ressorti. Le tissu s'imprégnait déjà formant une tache sombre grandissante. Impossible de dire à présent quels avaient été les dégâts faits à l'intérieur, mais la magicienne risquait une perte hémorragique important si elle ne faisait rien. Cependant Cheiralba n'avait pas le temps de l'examiner. Elle se releva pour faire face à son nouvel adversaire, les doigts teintés de rouge qu'elle essuya sur le bas de sa robe qui n'était plus aussi blanche qu'auparavant.

La femme la tenait en joue avec son arbalète. Il ne lui avait fallu que quelques instants pour placer un second carreau. A vrai dire, Cheiralba n'aurait su dire s'il avait été placé là depuis le début, comme dans le cas des armes à deux coups, ou si elle avait usé d'une technologie novatrice pour que cette arbalète de petite taille se réarme rapidement. Elle n'eut pas eu le temps de se poser plus longtemps la question que la femme avait décoché son deuxième trait qui atteint l'épaule droite de Cheiralba. Cette fois le carreau resta planté dans la chair. La douleur arriva une demi-seconde plus tard. Par réflexe elle porta sa seconde main sur la plaie ce qui ne fit qu'intensifier la douleur. L'articulation était hors d'usage. Au mieux elle était luxée, au pire l'os était fracturé. Au moins, il n'y avait pas d'hémorragie.

Cheiralba releva les yeux vers son adversaire qui souriait et attendait. Cette dernière pouvait attendre longtemps. La femme araignée se saisit de l'empennage du carreau et brisa le tube à ras de la peau pour ne pas relancer le saignement. Elle l'extrairerait plus tard.

≪ Êtes-vous prête à rejoindre votre amie magicienne ?
    — Je compte bien vous tuer avant.
    — Vous n'en aurez, je le crains, pas le temps. Vous semblez l'ignorer, mais ce deuxième carreau était également imbibé de ce même narcoleptique dont souffre votre amie.
    — Oh, je ne l'ignore point. Je le sens bien lutter dans mes veines. Il aurait d'ailleurs déjà dû faire effet, n'est-ce pas. Si un simple passage dans l'épaule de la magicienne a suffit à l'endormir en quelques secondes. Avec la pointe qui distille encore son venin dans mon épaule, je n'aurais pas dû avoir le temps de vous répondre.
    — Je ne peux pas nier le bien fondé de ce raisonnement. Je ne sais quelle magie vous permet d'y résister, mais je gage que vous ne tiendrez pas assez longtemps pour me passer sur le corps. Surtout avec un bras inutilisable.
    —  Ne vous… Ne…  ≫

La vieille femme ne finit pas sa phrase. Elle qui se tenait s'était si fièrement relevée pour faire face à son ennemi se tenait maintenant accroupie. Elle n'avait eu le temps que de faire quelques pas pour essayer de prendre appui sur un mur. Cela ne semblait pas suffisant et elle s'allongea, glissant sans grâce le long de la paroi dans un bruit de frottement de tissus contre le métal froid du couloir. Une fois à terre, elle garda les yeux ouverts rivés vers le visage de l'assistante de Hordefeu sur lequel s'était dessiné un sourire victorieux. Seul un sommeil naturel pouvait les maintenir fermés.

≪ Voilà qui est mieux. Deux magiciennes à terre. Une elfe. La récolte est merveilleuse ces temps-ci. ≫

Sofia s'approcha doucement vers la femme araignée, l'arbalète toujours à la main. Arrivée auprès d'elle, elle donna un premier coup de bottine sur le corps de sa dernière victime. Aucune réaction si ce n'est de basculer un peu plus sur le dos. Les traits de Cheiralba étaient relâchés et ne transmettaient aucune émotion si ce n'est celle de l'apaisement. Prudente, la jeune femme asséna un second coup, cette fois plus violent, en insistant sur la pointe de sa chaussure directement sous les côtes afin d'atteindre le diaphragme. Malgré cela, la vieille femme resta figée. Satisfaite du résultat de ses tests, elle se tourna vers Syl qui gisait un peu plus loin. Une mare de sang s'était répandue sur le sol métallique, mais elle prenait déjà des teintes plus foncées. Bientôt ce ne serait qu'un épais paquet gélatineux d'hémoglobine coagulée. Elle fit les quelques pas qui la séparait d'elle, s'agenouilla et déposa l'arme pour pouvoir soulever l'épaule de la magicienne et en examiner la blessure.

≪ Le saignement s'est arrêté. Note pour moi-même, avec un peu de chance, elle pourra être opérée par Sébastide dans quelques jours… Il faudra la remettre quand même sur pied. Le sang qu'elle a perdu devra la maintenir calme pendant le temps de sa convalescence. Ensuite, il faudra prendre relais avec de nouveaux narcoleptiques. Bon. Ce n'est pas si pire. On a peut-être perdu les deux andouilles, mais je suis sûr qu'il fera de vous des cobayes qui pourront les remplacer. L'une comme l'autre doivent bien avoir une utilité quelconque pour Sébastide. ≫

Lorsqu'elle se tue enfin, elle remarqua que sa voix recouvrait jusque-là des bruits de frottements discrets. Elle tendit l'oreille pour en comprendre la signification, mais n'arriva pas à distinguer leur nature. Afin d'éclaircir ce mystère, l'assistante du docteur Hordefeu tourna la tête.
Derrière elle se tenait une vieille femme, ou ce qui lui semblait être une vieille femme car le bas de son corps ressemblait à une des expériences de Sébastide. La lumière aseptique du plafond du couloir n'éclairait pas le visage de cette apparition incongrue si bien qu'elle mit plusieurs secondes à comprendre qu'il s'agissait de la même personne qui se tenait effondrée quelques temps plus tôt. Pendant que ses pensées tentaient de trouver une cohérence à ses nouvelles informations qui étaient contradictoires avec ce qu'elle tenait pour acquises auparavant, la vieille femme était toute proche d'elle.

Par réflexe, Sofia tendit le bras pour attraper l'arbalète et se retourna pour pointer cette dernière vers cette adversaire récalcitrante. L'aiguillon de la femme araignée frappa à ce moment-là et glissa le long avant d'atteindre l'épaule de l'assistante. Sofia poussa un grognement de colère, furieuse de s'être laissée dupée et touchée. Elle ressentait une brûlure à l'endroit de l'impact, mais tint bon et ne lâcha pas son arme qu'elle dirigea à nouveau vers la femme araignée.

Ce n'est que lorsqu'elle actionna le mécanisme de l'arbalète que Sofia se rappela qu'elle avait déjà utilisé la deuxième munition. L'assistante se targuait d'être une tireuse exemplaire. Elle faisait mouche pratiquement à chaque fois et la puissance du narcoleptique suffisait amplement dans tous les cas à tranquilliser suffisamment sa cible pour qu'elle puisse en venir à bout à mains nus s'il le fallait. Sauf cette fois. Il y avait quelque chose qui clochait. Avait-elle raté sa cible ? Non, le sang sur la robe de la vieille femme prouvait qu'elle l'avait touché. Si elle n'était pas à contre-jour, elle aurait même pu distinguer un bout du carreau qui faisait saillie à travers le tissu. Elle ne voyait alors qu'une explication, la vieille femme avait réussi à utiliser un sort particulièrement efficace pour contrer les effets du narcoleptiques.

Le regard fixé sur le visage, elle ne se rendit pas compte qu'elle avait reçu deux coups d'aiguillon supplémentaire, un dans la jambe gauche et un dans le bas ventre. Elle ne sentit pas le quatrième, mais elle le vit venir puisque l'appendice de son adversaire se courba plus en avant afin d'atteindre cette fois la gorge de Sofia. Devinant quelle était sa cible, elle voulut alors se protéger le visage, mais elle se rendit compte que ses bras ne répondaient plus. C'est une dernière hypothèse d'une résistance naturelle aux narcoleptiques de son adversaire qui avait feint de s'endormir que l'assistante du docteur Hordefeu perdit connaissance.

Lorsque sa tête frappa le sol métallique dans un bruit mat à vous tirer des frissons, Cheiralba s'asseya pour faire le point. La première chose était qu'elle avait mal. Mal à l'épaule, d'une part, mais mal également au ventre. Les deux coups qu'elle avait reçus avaient été violents. Sans un don hérité de sa nature arachnide pour feindre la mort, elle n'aurait pas pu masquer ne serait-ce qu'un gémissement.

La catalepsie. Cheiralba s'en savait capable, mais ne l'avait pas expérimenté depuis longtemps. Elle avait utilisé une fois lorsqu'elle vivait encore parmi la famille Du Murié. Elle ressemblait alors encore à une enfant, et par farce, elle avait fait semblant d'être morte, inquiétant tout son entourage. Elle lutta le plus longtemps possible, mais les pleurs de sa mère adoptive finirent par venir à bout de sa patience. Elle fit semblant alors de se réveiller ce qui tira aux personnes présentes des cris d'effroi. Contente de sa plaisanterie, Cheiralba se mit alors à rire aux éclats. Rires rapidement interrompu par la gifle que lui asséna son père. S'en suivirent des pleurs de joie mêlés à la colère, de longues explications et surtout la promesse de ne jamais recommencer. Les Du Murié avaient disparu, la promesse était maintenant caduque depuis longtemps, mais la femme araignée ne put s'empêcher de s'en vouloir d'avoir trahi leur souvenir.

La femme araignée dégagea sans ménagement le corps endormi de l'assistance pour pouvoir examiner plus attentivement celui de Syl. Comme Sofia l'avait dit, le saignement s'était arrêté. Tout espoir n'était pas perdu, mais la femme araignée se retrouvait face à un dilemme. Si elle prenait le temps de soigner la magicienne avec le peu de moyen, ce serait autant de temps perdu pour sauver Alaïa qui était aux mains de Sébastide. Si elle partait au secours de la jeune elfe, elle devait abandonner Syl dans ce couloir avec le risque que sa plaie s'ouvre à nouveau et que l'hémorragie reprenne.

La vieille femme aux jambes dévêtues souffla un coup et repris sa concentration. Depuis qu'elle avait repris l'hospice dans les égouts, elle avait déjà été confronté à des situations similaires où elles faisaient face à deux urgences à la fois. La plupart du temps, elle avait pris les bonnes décisions en suivant des règles simples : sauve celui qui peut être sauvé, repousse les incertitudes. C'est exactement ce qu'elle choisit de faire. Repousser les incertitudes, en l'occurrence le sort d'Alaïa. Elle pouvait maintenir en vie la magicienne, elle en était sûre. La jeune elfe était peut-être déjà morte et en partant à son secours, elle risquait de les perdre toutes les deux.

Cheiralba détacha le reste du haut de sa robe pour libérer les deux autres paires de bras qu'elle gardait cachées sous son corset. Quelques mains supplémentaires lui seront d'un grand secours, d'autant que son bras droit était pour l'heure inutilisable, et lui permettraient de gagner du temps. Elle commença par dégager le côté de la plaie auquel elle avait accès du sang qui s'était coagulé à l'intérieur. Par chance, aucun nouveau saignement ne fut à déplorer. Profitant de l'anesthésie apportée par le narcoleptique administrée gracieusement par l'assistante, elle fouilla à l'aveuglette la plaie afin d'analyser à tâtons les dégâts que le carreau avait faits. Par chance, le projectile était passé entre les os du bras et de l'épaule épargnant la clavicule et l'omoplate. Les muscles et des petits vaisseaux n'avaient pas eu cette chance et avaient beaucoup saigné.

Cheiralba commença par recoudre tant bien que mal les muscles superficiels déchirés. Elle en laissa certains tels quels, ils cicatriseraient plus tard avec un peu de chance. Elle ne pouvait pas y faire grand chose de toute façon. Alors qu'elle commençait à recoudre la peau d'un côté, ses autres mains soulevèrent l'épaule afin de commencer le travail sur l'autre plaie. La suture avançait vite et en quelques minutes le trou laissé par le carreau était refermé de part et d'autres. Un examen rapide soulagea Cheiralba : même si sa respiration était beaucoup plus lente que la normale, elle était toujours vivante. Le poison qui s'écoulait dans ses veines était puissant.

La vieille femme hésita. Il était improbable que ça suffise, mais même si la plaie était suturée et qu'elle ne risquait plus de nouvelles hémorragies, la perte de sang couplée à l'anesthésie maintenant la vie de la jeune femme en danger. Si son cœur ralentissait encore, il pourrait s'arrêter complètement. Elle ne pouvait pas se le permettre. Le risque était trop grand. Bien qu'elle ne connaisse pas la nature du narcoleptique utilisé, elle planta dans le creux du bras de la magicienne son aiguillon. Au lieu de lui injecter un autre narcoleptique comme elle l'avait fait sur l'assistante, elle instilla un excitant.

Cheiralba attendit quelques instants que les premiers effets de son injection apparaissent. Si la respiration toujours aussi lente, les yeux de Syl, auparavant basculés vers le sommet de son crâne, étaient pris de mouvements saccadés erratiques. En quelques secondes, ses pupilles se dilatèrent et s'agrandirent jusqu'à recouvrir l'iris et la sclère. Du noir abyssal naquit d'abord une lueur rougeoyante qui se transforma rapidement en un feu incandescent. Bien qu'aucune chaleur n'émanait de ses yeux, son regard était fait de flammes qui éclairaient le reste de son visage. La vieille femme se souvint d'avoir été confrontée à une telle vision lorsque Syl l'avait menacée.

≪ Tout le monde à ses secrets. ≫ répéta Cheiralba. La magicienne avait dit cela avant de l’interdire de la trahir. Elle l'avait pris pour elle, car elle avait bien un secret qu'elle venait de mettre à jour, mais elle n'avait pas vraiment envisagé que c'était également le cas de la magicienne. Même si elle ne comprenait pas exactement ce qu'il se passait, elle se doutait bien que ce changement de regard n'était dû ni au narcoleptique, ni à son stimulant. La magicienne cachait des choses, mais pouvait-on en attendre moins d'une sorcière.

La vieille femme se détourna des yeux de la jeune femme pour s'intéresser au reste du corps. Des spasmes parcouraient les membres : des successions de contractions et de relâchements lentes qui n'affectaient qu'un bras ou une jambe à la fois. Cheiralba craint dans un premier temps qu'il se soit agi de convulsions dues à une réaction chimique, mais les symptômes ne collaient pas.

≪ Vieille femme, aide-moi à me relever. dit Syl avec la voix gutturale qu'elle avait employé auparavant pour la menacer.
    — Que le ciel soit loué ! Syl, vous êtes réveillée.
    — Elle est encore loin d'être réveillée. La fillette ne peut pas résister à la dose de cheval que cette femme nous a administrée. J'ai déjà eu du mal à m'en réveiller sans ton coup de pouce.
    — Si vous n'êtes pas Syl, qui êtes-vous ?
    — Ce serait trop long à t'expliquer et j'en ai pas spécialement envie. Retiens que je suis un hôte clandestin de la fillette et que pour l'instant il n'y a que moi qui puisse t'aider.
    — Vous êtes un ami de Syl, j'imagine.
    — "Ami" n'est pas le terme adéquat non. Utilisons dans un premier temps celui d'"allié". Cela répond ainsi à la question que je devine, à savoir si tu peux me faire confiance. Dans un premier temps, il le faudra bien.
    — Dans ce cas, je vais faire avec.
    — Que tout cela est adorable. Donc, si tu pouvais te rendre utile maintenant que tu m'as mis dans la case des gentils, je t'ai demandé tout à l'heure de m'aider à me relever. Il va me falloir encore quelques minutes pour que j'élimine assez de poison pour reprendre correctement le contrôle de son corps. ≫

Cheiralba s'aida de ses différents bras pour remettre sur pied le corps de Syl qui, à sa grande surprise, réussit à rester debout. L'équilibre était précaire, mais suffisant pour se tenir droit. L'hôte qui contrôlait la magicienne réussit à faire un pas, puis un deuxième. A ce rythme, il n'avancerait pas vite, mais il avancerait. La vieille femme prit le temps de raccommoder rapidement ses vêtements pour les rendre plus confortables. Il n'était plus question de cacher sa véritable nature, mais il était hors de question qu'elle déambule dans le laboratoire à moitié nue. Son appendice et ses bras surnuméraires resteraient visibles, mais le reste de son corps de femme serait au moins couvert par décence et par pudeur. Avec le tissu restant, elle en profita pour fabriquer une écharpe qui maintiendrait son bras endolori, puis elle rejoignit l'esprit qui contrôlait le corps de Syl.

Il avait plus avancé que ce qu'il avait imaginé et ses mouvements étaient plus naturels, presque fluides. Peu à peu, il devait se débarrasser d'assez de narcoleptique, par magie probablement, pour maîtriser de mieux en mieux les gestes de la magicienne.

Chompir:
Hundwiin Drakonia III
Vétéran
Jour 7 avant la fin
Quelque part dans les entrailles de la faille
La capture
     Enfin, enfin l'espoir revenait. Malgré l'épuisement et le manque de force, Hundwiin était poussé par l'espoir de remonter. L'espoir de transmettre les exploits de ses camarades. Enfin il allait pouvoir tenir sa promesse, raconter leurs actes héroïques, la façon dont ils se sont sacrifiés pour refermer la brèche. L'enfer qu'ils ont connus. Les faire élever au rang de héros et ainsi honorer leur mémoire.

     Les couloirs tortueux de ce dédale semblaient se ressembler encore et encore. Il faisait sombre, très sombre, mais pour Hundwiin, ces couloirs étaient bien plus lumineux que l'enfer qu'il avait connu avant ; il y voyait bien mieux et arrivait à se diriger sans trop de problème. Parfois Hundwiin croisait quelques monstres mineurs qu'il tuait pour les empêcher d'atteindre la surface.
     Après plusieurs heures de marche à errer dans ce dédale sombre et sans vie, Hundwiin arriva à un grand croisement ou plusieurs embranchements se faisaient. Tiraillé par la faim et la fatigue, cette épreuve paraissait insurmontable, il était sur le point de craquer.
     Le jeune Draconien se laissa choir au sol. Ses forces le quittaient, l'énergie qu'il avait dépensée pour ouvrir une brèche dans le mur et sa course n'avaient pas arrangé les choses. Ses dernières pensées furent pour ses compagnons tombés, il pouvait presque les voir devant lui, à le regarder en train de le juger. Il était désolé, il n'aura su tenir sa promesse.

     Des voix se firent entendre, semblant lointaine. Hundwiin n'aurait pu dire ce qu'elles disaient, si au moins cela fut réel ou si c'était la folie qui le rongeait. De toute façon, cela n'avait aucune importance, c'était la fin pour lui. Il était sur le point de mourir. Il allait devoir faire face à son échec devant ses camarades, devoir leur faire face.
     ≪ Bon sang, regarde moi ça, un Draconien. Non mais tu y crois, un draconien ici. Et regarde son état. Tellement lamentable qu'on aura aucun mal à le remonter. Enfin… Il faudra quand même un brancard.
— Effectivement, c'est une sacrée trouvaille. Le maître sera fier de nous et va peut-être nous promouvoir à un meilleur poste. J'en ai marre de descendre dans ces cavernes à la recherche de cobaye.
— Allez, aide-moi. On s'occupe de lui et on le remonte. ≫
Hundwiin perdit connaissance, incapable de comprendre ce qu'il se passait. Son dernier regard se porta sur deux figures floues en blouse de cuir blanc qui essayaient de le porter.

* * * * *
     ≪ Mais qu’est-ce que vous faisiez ? Pourquoi cela a mis autant de temps pour ... ?
— Eh bien, Madame .... , .... une déconvenue.
— Quel genre de déconvenue ?
— Il y a eu une.... Mais ne vous inquiétez pas, .... A l’heure qu’il est, ....
— ... les portes.
— Mais Madame, ....
— Est-ce que j’ai demandé ton avis ? Dois-je te .... la dernière fois que tu m’as désobéi ? Ici bas, on ne peut .... apparence. As-tu inspc.... ? Es-tu resté long.... ? As-tu véri.... quelqu'un d'autre ?
— ....
— Non. Bien entendu. Je me demande .... vous deux.
— Je suis ....
— Va refermer les portes .... ≫
     Hundwiin avait repris conscience à moitié, Il avait été traîné sur ce qui semblait être un brancard. Il avait l'air d'être attaché et sous un drap. Il avait entendu une nouvelle voix, elle semblait être féminine, quant à l'autre, elle avait l'air d'être l'une de celle qui l'avait apporté ici mais il n'en était pas sur. Sa tête le faisait souffrir, il perdit connaissance à nouveau espérant mourir une bonne fois pour toute afin de quitter cet état lamentable.

* * * * *
     ≪ Quel état lamentable quand même, un si beau spécimen de Draconien, en plus il porte des ailes, forcément quelqu'un de la haute. Il est en état de choc, fortement dénutri. Rien qu'un cocktail de ma fabrication ne puisse pas réparer, mais je ferai mieux de prendre mes précautions avant de le remettre en état. Il serait dangereux qu'il reprenne trop de force et puisse se libérer. Et une telle créature, maître Sebastide serai ravi et cela l'aidera surement beaucoup. Ne perdons pas de temps et commençons les soins dès maintenant. Mon beau Draconien, vous allez goûter à un de mes filtres. Ils pourraient réinsuffler la vie à un cadavre. Mais pas trop. Pas trop. ≫
     La voix féminine dirigea le brancard vers le fond de la pièce et sortit des sangles plus puissantes afin de s'assurer que le draconien ne bouge pas. Elle injecta ensuite quelque chose dans le corps.
     ≪ Ces deux boulets ne vont jamais réussir à retenir cette vieille femme, je vais devoir te laisser mon beau, je reviendrai à toi après pour te conduire à monsieur Hordefeu. Tu vas lui être très utile. ≫

     La voix féminine était partie. Hundwiin reprenait petit à petit connaissance. Où était-il ? Il distinguait vaguement de la lumière et des formes sous le drap. Il sentait une perfusion dans son bras, elle devait l'alimenter et c'est elle qui lui avait redonné des forces. Tout espoir n'était peut-être pas perdu, il allait peut-être encore pouvoir tenir sa promesse. Pour autant, il était solidement attaché et dans un lieu inconnu où on ne lui voulait pas du bien. Il devait trouver un moyen de s'enfuir de là, mais comment, les sangles qui le maintenaient étaient très solides et malgré les forces qu'il récupérait, il était incapable de bouger. La femme avait dû lui injecter une sorte de paralysant.
     Soudain, un bruit assourdissant se fit entendre, de quoi pouvait-il bien s'agir ? Avait-ce un rapport avec ce qu'avait évoqué cette femme ? Y avait-il quelqu'un qui attaquait cet endroit ? Dans ce cas, cette personne pourrait peut-être l'aider.

Cap:
Syl
6 jours avant la fin
???
Relève
    Il n'y avait pas un bruit autour de moi. Pas de respiration. Pas de bruissement de tissu. Pas de bruit sourd. Le silence. Complet et absolu. J'ouvris les yeux. Tout était sombre. Quelques petits éclats de lumière flottaient dans les airs. Comme des petites flammèches. J'avais la bouche pâteuse, la gorge sèche. Sûrement un contre-coup de la toxine. J'avais été particulièrement imprudente, j'aurai facilement pu me protéger de ce carreau...
    Mon épaule. Je n'avais pas mal. Même pas une gêne. Rien. Etais-je encore sous l'effet anesthésiant ? Non. Je pouvais sentir mes poings se serrer et mes ongles appuyer sur ma peau. Que s'était-il passé ?
    J'avais encore du mal à me concentrer. Les idées s'enchaînaient sans que je puisse les saisir. N'entendant toujours rien, j'entrepris de m'asseoir. Je réussis sans difficulté. La tête me tournait, mais c'était supportable. Je jetais un coup d'oeil à mon épaule. Dans la pénombre, je ne vis rien. J'entrepris donc de la palper prudemment avec mon autre main. Rien. Pas la trace d'une blessure. Pas de trou dans le tissu. Mais. Comment ?
    Je regardais autour de moi. Des ténèbres. A perte de vue. Et autour de moi, en suspension, une multitude de petits éclats dorés. La lumière partait d'eux, douce, chaleureuse, pulsant lentement au gré de leur farandole. Je connaissais cette endroit. Je. Non. Impossible. L'angoisse me prit à la gorge tandis que j'appréhendais doucement la douloureuse vérité. Le Sceau avait explosé.
    — Tu te réveilles enfin fillette.
    La voix, grave, posée, aux résonnances gutturales provenait de derrière moi. Je n'avais pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agissait. Le démon. Thargraktrug. Ma tête me faisait souffrir, il n'était pas encore envisageable de me lever. J'entrepris maladroitement de me retourner. Le mouvement ne fut pas simple, mais je voulais au moins le voir et lui faire face.
    Je devinais sa haute stature dans la pénombre. Les grandes ailes membraneuses repliées dans son dos et les deux cornes torsadées qui émergeaient de son front donnaient à sa silhouette une forme étrange. Il se tenait bien droit, les bras croisés sur la poitrine. Ses yeux de feu étaient posés sur moi et brillaient d'un éclat amusé.
    — Ne fais pas cette grimace fillette. Tu sais comme moi que ça finirait par arriver.
    — Je... Je ne peux... m'entendis-je cafouiller.
    La bouche pâteuse, j'avais du mal à parler et articuler. Son petit rire stoppa ma tentative. Il fit quelques pas dans ma direction avant de s'arrêter à ma hauteur. Je n'essayais même pas de bouger, je savais que j'en étais incapable. Il s'accroupit alors pour se mettre à ma hauteur avant de saisir délicatement mon menton de ses longs doigts fins. Le contact était chaud et je pouvais sentir toute la puissance qu'ils contenaient, me faisant frissonner. Quoiqu'il envisageait de faire, je ne pouvais l'en empêcher.
    Je me surpris à le dévisager. Depuis tout ce temps ensemble, c'était la première fois que je pouvais le voir d'aussi près. Son visage, fin, était plutôt charmant, si ce n'est les deux longues cornes torsadées qui émergeaient de son front. Des petites dents pointues dépassaient sur ses lèvres trop sombres pour appartenir à un humain. Ses pommettes, saillantes, lui donnaient un air enjoué, appuyé par la flamme dansant dans ses yeux complètement noirs.
    — Regarde dans l'état où tu es fillette. Tu luttes depuis si longtemps. Forcément, tu es épuisée.
    Son sourire s'étira.
    — Repose-toi fillette. Je m'occupe de tout.
    — Non je...
    Ma faible protestation se perdit dans l'obscurité. Il avait disparu.


???
6 jours avant la fin
Laboratoire de Sébastide
Nouveaux alliés

    — Vieille femme, aide-moi à me relever.
    La voix de la magicienne avait prit des teintes plus graves et gutturales.
    — Que le ciel soit loué ! Syl, vous êtes réveillée.
    — Elle est encore loin d'être réveillée. La fillette ne peut pas résister à la dose de cheval que cette femme nous a administrée. J'ai déjà eu du mal à m'en réveiller sans ton coup de pouce.
    — Si vous n'êtes pas Syl, qui êtes-vous ?
    — Ce serait trop long à t'expliquer et j'en ai pas spécialement envie. Retiens que je suis un hôte clandestin de la fillette et que pour l'instant il n'y a que moi qui puisse t'aider.
    — Vous êtes un ami de Syl, j'imagine.
    — "Ami" n'est pas le terme adéquat non. Utilisons dans un premier temps celui d'"allié". Cela répond ainsi à la question que je devine, à savoir si tu peux me faire confiance. Dans un premier temps, il le faudra bien.
    — Dans ce cas, je vais faire avec.
    — Que tout cela est adorable. Donc si tu pouvais te rendre utile maintenant que tu m'as mis dans la case des gentils, je t'ai demandé tout à l'heure de m'aider à me relever. Il va me falloir encore quelques minutes pour que j'élimine assez de poison pour prendre correctement le contrôle de son corps.
    Cheiralba s'aida de ses différents bras pour remettre sur pied le corps de Syl. L'équilibre était précaire, les mouvements encore hésitants, mais il tenait debout. Les premiers pas ne furent pas faciles, mais rapidement, Thargraktrug pris de l'assurance dans la manipulation de ce corps. Une fois ses gestes devenus fluides, il désactiva avec un petit sourire le charme sur l'apparence de la jeune femme. Ses cheveux retrouvèrent leur apparence flamboyante. Il fit ensuite rouler son épaule fraîchement recousue, ce qui lui arracha une légère grimace. Néanmoins, son léger sourire ne le quitta pas : le travail était propre et le résultat lui convenait grandement.
    Il se retourna pour faire face à la vieille femme, qui s'était approchée. Cette dernière avait raccommodé ses vêtements, laissant apparaître deux paires de bras supplémentaires ainsi qu'un étrange appendice. Un de ses bras était tenu en écharpe, sûrement une séquelle de son combat contre la femme à l'arbalète. Le démon haussa un sourcil en détaillant l'apparence de Cheiralba, mais ne fit aucun commentaire sur cette dernière.
    — Vous avez l'air de bien vous remettre du poison, et ce, bien plus vite qu'escompté. Par ailleurs, vous devriez ménager votre épaule : je n'ai fait que des premiers soins rapides, la blessures pourrait se réouvrir après un mouvement trop brusque ou trop extrême.
    — Ca ira vieille femme. Allons-y si tu veux sauver ton amie elfe.
    Sur ces mots, le démon se retourna et se mit en route. La pièce n'avait que deux entrées, en éliminant celle par laquelle ils étaient arrivés, le chemin à prendre était tout tracé.
    Ils arrivèrent très vite dans une autre salle semblable à la précédente. Petite, elle était vide excepté le brancard laissé au milieu. Solidement attaché sur ce dernier était étendue une créature aux écailles sombres. Deux cornes rouges brillantes dépassaient de son front. Il avait tourné la tête dans la direction des nouveaux arrivants et les fixait de ses yeux rouges rubis. Un draconien.
    — Je... Aidez-moi... S'il vous plaît. demanda-t-il d'une voix faible.
    Le démon leva les yeux au ciel, complètement indifférent à la détresse du draconien. Cheiralba, quand à elle, s'était déjà approchée et examinait le corps de la créature de ses nombreux doigts agiles.
    — Nous n'avons pas le temps de nous occuper de lui vieille femme. Surtout si tu veux sauver ton amie elfe.
    — Cela ne prendra que quelques instants. Il n'est pas blessé, juste fatigué et retenu par ces sangles.
    Sur ces mots, Cheiralba entreprit de détacher les liens enserrant le draconien. Le démon n'attendit pas et se détourna de la scène. Si la vieille femme souhaitait s'occuper de toutes les créatures retenues ici, elle n'était pas prête de rejoindre l'elfe. Cette pensée lui arracha un sourire tandis qu'il s'engageait dans le couloir suivant. Il entendait des bribes de la conversation derrière lui mais ne prêta pas attention aux quelques mots qu'ils s'échangèrent.
    Devant lui s'étendaient de chaque côté du couloir des cellules fermées par d'épais barreaux métalliques. Si beaucoup étaient vides, certaines renfermaient des créatures plus ou moins identifiables et surtout, plus ou moins vivaces. Des gémissements se faisaient régulièrement entendre.
    Thargraktrug avançait lentendement, regardant avec curiosité des deux côtés. Si la plupart des occupants étaient prostrés et semblaient complètement amorphes, certains montraient des signes de peur à son passage, se tapissant au plus profond de leur cellule. Derrière lui, des pas se faisaient entendre : ceux légers de la vieille femme et ceux, plus lourds et plus patauds, de son nouvel ami draconien.
    — Mademoiselle !
    Une naine, le visage appuyé contre les barreaux, venait de l'interpeller. Contrairement à tous les autres prisonniers, elle semblait vive, volontaire et en plutôt bon état. Et surtout, c'était la seule qui s'était avancée en entendant des bruits de pas.
    — Je sais que vous ne faites pas partie des geôliers. Auriez-vous l'amabilité de me sortir de ce trou puant ?
    Le ton était sec et déterminé, appuyé par l'accent cassant du peuple nain. Le démon se plaça face à elle, la jaugeant du regard. De corpulence habituelle pour sa race, elle présentait également une musculature apparente et bien dessinée. Elle tenait fermement les barreaux, cachant une partie de son visage de ses poings. Des mèches rouges en pagaille chutaient sur son large front. Son large nez, ostensiblement cassé en son milieu émergeait de son visage. Elle fixait également le démon de ses yeux émeraude, ne montrant aucun signe de recul lorsque leurs regards s'attrapèrent.
    Ils se fixèrent quelques instants avant que Thargraktrug ne secoue la tête en soupirant. Cheiralba et le draconien étaient presque arrivés à sa hauteur. Le démon haussa malgré tout la voix afin d'être sûr d'être entendu par la femme araignée :
    — La vieille femme voudra te sauver aussi, pour sûr. Ecarte-toi !
    Sur ces mots, il tendit simplement son index, libérant un trait d'énergie en direction de la serrure. La naine n'eut que le temps de faire un bond en arrière pour éviter la déflagration. Le verrou explosa, laissant s'ouvrir doucement la porte en un petit grincement.
    Le démon se tourna alors vers Cheiralba, un sourire carnassier sur le visage :
    — Et voilà vieille femme. Une personne de plus de sauvée. Espérons que notre joyeuse compagnie arrive à temps pour sauver ton amie elfe.

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