Durant le dernier mois, j'ai du faire dans les 1500km sans (quasi) emprunter l'autoroute. J'ai donc pu goûter avec joies (
) à la nouvelle réforme routière : la limitation à 80km/h.
Une bonne partie de ces kilomètres parcourus étaient entre Lyon et Toulouse (j'ai fait l'aller retour quoi). Et non, pas en passant par la vallée du Rhône, mais bien en coupant tout droit dans le Massif Central. Pour les curieux, ouvrez maps, et regardez le trajet : ça fait Lyon-St Etienne-Le Puy-Mende-Rodez-Albi-Toulouse. A la louche, il doit avoir dans les 400 km de nationale.
Avant que je ne donne mon avis, il faut savoir que j'aime conduire, et je suis souvent à fleurter avec la limite maximale quand les conditions le permettent. Je fais donc partie de ces gens qui roulent à 94km/h sur les nationales sympathiques, celles plutôt droites et avec de grandes courbes.
Donc quand j'ai vu le premier panneau 80, j'ai d'abord rigolé, me disant que c'était bizarre. Puis je me suis ensuite rappelée la nouvelle loi. Dans un premier temps, j'ai soupiré, mais je me suis pliée : je me suis calée à 84km/h. Puis j'ai rapidement déchanté. Les automobilistes se rangent dans deux catégories. Les premiers respectent la limitation. Mais vraiment sérieusement : ils sont à 75km/h, 80km/h pour les plus rapides. Et quand un radar est annoncé, ils prennent peur, et roulent à 65/70km/h. Parce que quand même, faudrait pas se faire flasher. Puis il y a la deuxième catégorie : ceux ignorant complétement la réforme, et roulant comme avant, voir plus (bawi, se faire contrôler à 90km/h ou 99 km/h, c'est la même amende, et c'est toujours un point, autant rouler à 99km/h). Donc ceux là te coller au derrière, et font tout pour doubler. Souvent à en être dangereux (et je ne parle pas que du dépassement).
Le trajet m'a donc particulièrement agacée. Pourtant, j'adore conduire. Mais ces deux comportements rendent le trajet particulièrement agaçant, et stressant. J'ai donc voulu me renseigner sur cette réforme. Apporte-t-elle vraiment quelque chose ? Quels sont les points positifs (et négatifs) de cette nouvelle limitation ?
La mortalitéPremier argument avancé par le gouvernement, cette réforme a pour but de diminuer la mortalité sur les routes. Est cité en exemple 2003, et l'arrivée des radars automatiques. Ces derniers ont permis une réduction de la vitesse, provoquant une baisse de la mortalité sur la route (la plus basse jamais enregistrée d'ailleurs).
L'image est pas super nette, mais montre clairement la baisse de la mortalité sur la route, ainsi que les différentes causes, à chaque fois. Ainsi, les progrès technologiques apportent aussi de la sécurité et permettent également la diminution de la mortalité. Mais concentrons-nous sur la vitesse, sans prendre en compte les progrès technologiques.
Je vous épargne les calculs sur les distances de freinage théoriques, les 10 mètres de différence (environ) ne changent pas grand chose en soi, surtout si les distances de sécurité sont respectées.
Si on regarde la cause des accidents graves, on retrouve à chaque fois la vitesse. Le lien est exponentiel entre cette dernière, et la mortalité. Ainsi, de façon intuitive, si on baisse la vitesse, on baisse le nombre de morts sur la route.
Mais c'est oublier une autre partie du problème : les drogues (oui, j'inclus l'alcool dedans). D'ailleurs, l'alcool est responsable à lui seul d'un tiers des accidents mortels. Proportion toujours conservée, malgré la baisse du nombre d'accident.
Ce point sur l'alcool me permet de glisser une petite question. On parle toujours du nombre d'accident, mais jamais de la proportion d'accident. Je suis quasiment sûre (mais impossible de trouver mieux que l'image qui va suivre) que le nombre de personne sur la route, et le nombre de kilomètre parcourus par conducteur a augmenté considérablement ces dernières années. Pour un nombre d'accidents décroissant (puis globalement constant ces dernières années). Si on regarde le ratio, la proportion d'accident est en baisse. Pourquoi dans ce cas est-ce que l'on présente toujours un nombre et non pas le ratio ?
L'indice de circulation est équivalent au nombre de km parcourus Mais bref. Je m'égare. On parlait de la mortalité. La vitesse est responsable de 55% des accidents (je retrouve plus où je l'ai lu par contre, mais il me semble que c'était cet ordre de grandeur
). Oui, mais, il y a une différence entre la vitesse maximale autorisée, et la vitesse à laquelle roule les automobilistes. Pensez à ces routes de montagnes sur lesquelles on peine à dépasser les 50km/h. Elles sont aussi limitées à
90 80km/h. Si on regarde la vitesse moyenne des automobilistes, bah, on est pas trop loin de la nouvelle limitation :
La description parle de réseau secondaire Le temps et l'argent Parce que le temps, c'est de l'argentSi on calcule le temps "perdu" passé à rouler à 80km/h au lieu de 90km/h, on arrive à environ 1 minute pour 10 km parcourus. Pas énorme me direz-vous ? En effet, sur de petites distances, la différence n'est pas énorme, mais si on commence à considérer des distances plus grandes, les temps deviennent vite plus grands. Les professionnels, ceux amenés à prendre beaucoup la route, vont ainsi augmenter leur temps de trajet. Mais plutôt que passer plus de temps sur la route, ils vont plutôt réduire leur champ d'action, pouvant ainsi créer des "zones blanches", plus du tout déservies.
Parlons également du coût de cette réforme. Bah oui, il a fallu changer tous les panneaux. Les chiffres avancés sont de l'ordre de 11 000 panneaux. Pour un coût compris entre 6 et 12 millions d'euros (oui, j'ai pas plus précis). Mais soyons rassurés, l'ensemble du trop perçus par les radars et autres amendes pour excès de vitesse sera entièrement utilisé pour les soins aux accidentés de la route (même si on ne sait pas comment sera estimé le trop perçu).
Et le climat là dedans ?Une première approximation pourrait nous faire penser que cette réforme pense à notre vieille planète. Déjà, on va avoir des voitures qui ne seront pas à leur régime moteur maximal : les plus anciennes ne passent pas forcément la 5ème à 80km/h, et les plus récentes ne passent pas non plus la 6ème (toujours à 80km/h). On observera ainsi une augmentation des rejets en gaz à effet de serre (GES) de la part de ces véhicules.
Cependant, ils ne sont pas majoritaires. Et bien sachez que énergie nécessaire pour entraîner un véhicule augmente avec le carré de sa vitesse, ce qui signifie que la consommation de carburant augmente plus vite que la vitesse. Ainsi, d'un point de vue écologique, il est plus intéressant de baisser sa vitesse de 10km/h sur les autoroutes que sur les nationales.
Également, afin de compenser le "temps perdus" sur les nationales, les gens préfèreront peut être faire plus de km, et prendre l'autoroute. Ce qui n'est pas pour la diminution des GES...
Et mon avis du coup ?Vous l'aurez sûrement compris vu mon ton légèrement acerbe, je suis contre cette réforme. Et mes recherches m'ont confortées dans mon opinion. Je n'arrive pas à voir des avantages (mis à part remplir les caisses de l'état), pour quand même pas mal de points négatifs pour les automobilistes, ceux qui utilisent les nationales tous les jours. Une réforme, comme celle proposée par les départements, me semblait bien plus pertinente : une modulation des vitesses pour chaque route, en fonction de sa dangerosité. La vitesse est fixée par le département, également en charge de l'entretien de la route. Là, à mon avis, la réforme ne s'attaque pas au problème, mais au porte-monnaie. Ces quelques kilomètres par heure ne changent pas grand chose ; l'alcool (et autres drogues), ou les smartphones présentent bien plus de danger aujourd'hui. D'ailleurs, j'ai peur que par ennui, les gens les sortent beaucoup plus en conduisant...
Et vous, qu'en pensez-vous ?