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Doutchboune:
Déjà, je m'excuse, j'ai mis trop de temps à répondre. Ma période de rentrée a été plus prenante que prévu, et j'ai encore un peu de mal à sortir la tête de l'eau. Mais ce matin, j'ai pris le temps de lire ton texte, et j'ai beaucoup apprécié. J'ai préféré le chapitre 1 au prologue, qui est aussi très bien, mais je trouve, un peu moins accessible. Je dois reconnaitre que j'ai dû relire parfois une tournure pour comprendre à qui correspondaient certains pronoms (et pour un j'avoue que j'ai toujours un peu de mal, ici : "Une fois leurs esprits retrouvés, ils s’adressèrent un regard et il l’invita à le rejoindre près de lui." avec le "il" et le "le", à moins que ce soit une coquille et que ce soit "la" et que l'homme du couple invite sa compagne à le rejoindre)

Reste que c'est vraiment très joli, avec une sorte de bonheur, mais tellement mélancolique, que ça en devient gênant. C'est aussi peut-être mon état d'esprit du moment qui veut ça aussi, je ne sais pas, j'ai un peu tendance à voir les choses en noir... Je suis pas super douée pour faire critique littéraire, pardon.

Neyrin.:
@Doutchboune Non, non je la trouve très bien ta critique, et même très intéressante ! J'aime beaucoup avoir le ressenti des lecteurs, quels sentiments ils éprouvent vis-à-vis du texte, etc. C'est vrai que le prologue est assez étrange, et je l'aime bien pour ça... Mais je vais effectivement le réécrire, parce que j'ai déjà eu la critique des tournures trop complexes ou encore des pronoms mal employés. Il faut que je me penche plus dessus mais je suis plus concentrée sur les autres chapitres sinon j'ai juste l'impression de stagner au même point.

C'est-à-dire « gênant »? Dans le sens où tu as l'impression d'être beaucoup trop dans l'intimité des protagonistes, ou que ça te renvoie trop à tes propres faiblesses et sentiments ? Ensuite, je ne pense pas que ce soit juste ton état d'esprit du moment. C'est mon état d'esprit qu'on lit là-dedans, et j'y relate une sorte de bonheur fantasmé qui n'arrivera jamais, d'où la mélancolie... :oups:

Doutchboune:
En fait ce que je trouve gênant, c'est que le bonheur a l'air d'être faux, d'une certaine manière. Je ne dis pas qu'il n'est pas réel, mais il est trop construit pour être honnête, j'ai envie de dire. Comme forcé. D'ailleurs, on a l'impression (enfin, j'ai l'impression) que l'homme du couple n'aspire pas vraiment à la même chose, mais suit tout de même (par amour, pour faire lui faire du bien à elle).

L'intimité ne me gêne pas, j'aime beaucoup quand les textes entrent dans l'intimité des personnages, ressentir leurs émotions. J'écris peu, mais j'aime essayer de faire ressentir les choses quand je le fais (quant à dire que j'y parviens, c'est une autre histoire !). Non, là, c'est ce côté bonheur calculé qui me met d'une certaine manière mal à l'aise, mais je vois du coup ce que tu veux dire avec ce bonheur fantasmé, et pourquoi moi je le ressens comme étrange. Peut-être parce que moi, j'ai cessé d'imaginer un véritable bonheur, entier et plein, même fantasmé, et que le voir ailleurs me rend triste, je ne sais pas. C'est difficile à expliquer.

Pour ton prologue, j'aime beaucoup son côté étrange, je le redis^^

Neyrin.:
@Doutchboune Leur bonheur est irréellement parfait pour que le retour à la réalité soit un peu plus violent. :oups: Disons qu'ils vivent hors du tout, hors du temps, hors de la vie telle que nous la connaissons et vu qu'ils sont complètement isolés du reste du monde, ils se sont créés une bulle de bonheur qui n'est pas possible, en réalité. Ce sera l'un des aspects du scénario d'ailleurs (avec le fait que le jeune homme n'aspire pas à la même chose, parce qu'il est préoccupé par quelque chose qui le tire du bonheur caricatural qu'il vit avec sa compagne. Elle se force à l'instaurer, finalement), mais il faut attendre l'arrivée de l'élément déclencheur pour ça. Le but, c'est aussi que ce soit assez irréaliste et onirique puis que peu à peu, la frontière entre le réel et l'onirisme devienne compliquée à déterminer.

D'ailleurs, à l'époque, le titre du prologue était « Couple étrange hors du réel » et c'était aussi le sentiment que je voulais donner : un bonheur très exagéré avec des personnages qui semblaient très innocents et insouciants au premier abord, presque naïfs. Après c'est sûrement confus dans mon texte... Mais j'espère que par la suite, ça se démêlera. Enfin surtout, j'espère que le début ne décourage pas la lecture. On me dit souvent (et je l'applique au quotidien) que lorsque je choisis un livre, il faut que je lise la première page et si j'ai envie de la tourner, c'est qu'il faut que j'achète le bouquin. C'est compliqué à appliquer s'agissant de l'écriture du texte parce que je ne sais pas si les gens auront envie de tourner la page...

Edit : C'est intéressant ce que tu me dis parce que tu as mis le doigt sur une sensation que je voulais transmettre au lecteur, ou du moins que je voulais faire transparaître dans mon texte. En fait, mon « souci » (on va dire) c'est que, lorsque j'imagine un écrit et lorsque je le mets en forme, j'ai les ressentis mais je n'ai pas l'idée formée dans mon esprit (ça sonne très étrange dit comme ça). J'ai le scénario en tête mais pour ce qui est du reste, je me mets réellement dans la peau des personnages ce qui fait que je ne sais pas où j'en suis vis-à-vis d'eux une fois que j'en sors.

Ce que j'essaye de dire, c'est que je fonctionne beaucoup au ressenti lorsque j'écris et ce sont souvent les lecteurs qui mettent le doigt sur ce que j'ai créé. À ce moment-là, je me rends compte qu'ils ont mis des mots sur ce qui, au départ, n'était qu'un sentiment qui me guidait.

Edit² : Merci beaucoup pour ton retour en tout cas ! Ces deux chapitres ne sont que des prototypes, et ça me permet de pointer les défauts et de retravailler tout ça tranquillement. :-*

Neyrin.:
Texte qui date de 2017, légèrement retouché mais il est brut de mon adolescence. Il explique mon obsession pour le rouge à lèvres, mais aussi pour les traces de rouge à lèvres sur les filtres de cigarette (c'est très précis).

LÉA

« Je vais me changer, il fait trop chaud dans ces fringues. »

Elle chût sur son lit. Il abritait une pléthore de vêtements éparpillés ça et là, formant ainsi une curieuse créature qui s’apparentait à une longue chevelure dépeignée. Au beau milieu de ce chaos de textile — composé exclusivement d’affaires de jeune femme —, se trouvait un chandail bleu marine à la coupe masculine. C'était celui de son petit copain. Elle m'avait confiée qu'elle aimait s'endormir avec car il portait son parfum. Elle repoussa le pull jusqu’à son oreiller, et s’empara d’un body noir qui convenait davantage à la température printanière du début d’après-midi.

« J’ai du gras sur le ventre, ça fait petite brioche. Ne regarde pas, s’il te plaît. »

Sur ces mots, elle se libéra de son jean et de son haut dans lequel elle commençait à transpirer. Elle prit soin de déposer le vêtement sur son ventre qui, en effet, abritait un peu de graisse. Ce léger bourrelet était d’autant plus mis en valeur par la culotte rouge où il avait l’air de se sentir à l’étroit.

Je me retournais pour ne pas l’embarrasser davantage, et respecter ce complexe dérisoire qui nous empêchait d’être face à face le temps d’un bref changement de tenue. Ainsi, je me retrouvais face à un grand miroir qui pouvait contenir le reflet d’une personne toute entière. Outre le mien qui n’était pas d’un grand intérêt, le miroir renvoyait aussi celui de la jeune femme derrière moi, installée sur son lit, qui retournait son body noir afin que l’étiquette soit à l’intérieur. Je fis mine de regarder les breloques qui traînaient sur le bureau adjacent pour ne pas éveiller quelque soupçon et, du coin de l’œil, j’observais mon amie se changer.

Jamais encore je n’avais pu la voir ainsi, en sous-vêtements, et cette première fois risquait très certainement d’être la dernière. Je me sentais quelque peu gênée, moi, encore habillée, de m’adonner à pareille observation. Pourtant, mon esprit semblait réticent à l’idée de détacher mon regard du corps féminin qui se mouvait dans ce grand miroir.

Je l’avais toujours admirée. Au fond, sûrement désirais-je lui être semblable, ou du moins lui ressembler en quelques points. Elle avait un visage carré aux traits – certes – durs, mais affinés par ses cheveux ondulés qui caressaient ses épaules. Ils arboraient une teinte se rapprochant du châtain, pimentée par de timides reflets blonds. Il fallait être particulièrement attentif pour les remarquer, mais surtout porter une admiration toute particulière à la personne concernée. C’était dans cette minutieuse observation que l’on pouvait démasquer cet amour inavoué que je lui portais.

Outre cela, elle avait toujours des sourcils parfaitement épilés et nets ; jamais elle ne laissait un poil intrusif détruire l’harmonie de son travail. Pourtant, elle estimait nécessaire de les dessiner davantage pour qu’ils soient d’une perfection plus grande encore, sans pour autant qu’ils ne fassent artificiels.

Toujours à travers le miroir, je dérobais mon regard sur ses yeux. Ils étaient vairons — l’un bleu et l’autre marron —, et il n’y brillait jamais une lueur froide ou désabusée. Le plus souvent, ses yeux parcouraient sans relâche les lignes imprimées des livres, ou bien l’écran de son téléphone dont elle ne se séparait qu’à de rares occasions. Ses lèvres, quant à elles, étaient d’une belle simplicité. Cependant, comme si leur propriétaire ne les trouvait pas à son goût, elle les habillait tous les matins d’un rouge qui leur donnait une forme pulpeuse, réveillant une soudaine envie de les dévorer par la même occasion. Lorsqu’elle portait une cigarette à ses lèvres, une trace grasse écarlate teignait le filtre.

Mon amie se redressa. Elle glissa ses jambes dans son vêtement, et enveloppa le haut de son corps à l’intérieur. Il était quelque peu décolleté : on pouvait deviner la naissance de sa petite poitrine potelée. Son regard se porta sur mon reflet dans le miroir, comme si elle cherchait à savoir si je l’observais subrepticement. Honteuse, je fis lamentablement mine de m’intéresser aux ouvrages éparpillés ça et là parmi les feuillets de cours et les crayons Bic. Il y avait une sélection intéressante d’auteurs ; elle appréciait beaucoup la littérature, et ce depuis qu’elle était petite. De fait, c’était une jeune femme particulièrement cultivée qui, à seize ans, savait manier la langue française bien mieux que n’importe qui partageant notre âge.

J’enviais sa culture, son talent et ses résultats remarquables sur ses bulletins scolaires. Quelle chance elle avait d’être ainsi ! Sûrement n’y prêtait-elle pas attention, tant cela faisait partie intégrante d’elle-même. C’était ainsi. Elle était ainsi, et peut-être devait-elle envier d’autres jeunes personnes pour leur intelligence autant que je l’enviais.

« Tu as lu tous ces bouquins ?

 — Une partie, oui, dit-elle. Je relis souvent les mêmes livres, en vérité. En ce moment, je lis Marguerite Duras mais je ne suis pas sûre qu’elle soit sur le bureau. »

J’acquiesçai, puis me retournai. De nouveau, nous étions face à face. Je ne la quittai pas des yeux pour autant, comme si j’étais inassouvie. Mon amie avait fini de se changer ; elle avait revêtu un jean qui se mariait de manière sûre avec la couleur noire de son body. Elle croisa son image dans le miroir, passa brièvement ses doigts dans ses cheveux pour les discipliner, saisit son sac à la volée et fourra un paquet de Benson & Hedges à l’intérieur.

« Bon, j’ai rien mangé… C’est pas grave, j’irai grignoter un truc quelque part. De toute façon, on va bientôt être en retard. Tu viens ? »

Je demeurai immobile au milieu de la chambre. Je n’avais pas envie de la quitter, car il était peu probable que j’ose y remettre les pieds un jour. Je voulais qu’elle reste dans cette pièce, assise sur son lit à me raconter toutes ses aventures nocturnes avec ses différents partenaires.

« Hm, j’arrive. »

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