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Écrits et tableaux
Neyrin.:
Re.
(Cliquez pour afficher/cacher)Tous les matins, lorsque le soleil caressait l'horizon, je m'extirpais des entrailles de mon lit. Le soleil se teintait d'une belle couleur orangée, qui tirait parfois vers le rose éclatant que j'appréciais contempler accoudé à ma fenêtre, en fumant ma première cigarette de la journée. Sa timide lumière s'étendait sur le sol, comme si elle entreprenait une douloureuse ascension qui ne cesserait qu'à l'arrivée de l'obscurité. Dans ce malheureux quartier où tout semblait s'être effacé, le lever du soleil était la seule chose agréable à regarder alors j'en profitais, c'était ainsi que je débutais mes journées chaque matin. Rien de bien transcendant, en somme.
Je me préparai un café, m'habillai avec une certaine lenteur dont moi seul avait le secret et m'installai dans mon canapé, allumai la télévision et regardai les programmes diffusés en cette heure matinale. J'attendais que les magasins ouvrent afin de me rendre en ville pour remplir mon frigidaire et mes placards qui étaient restés vides depuis bien trop longtemps maintenant. Je jetai la télécommande contre l'accoudoir, baillai à m'en décrocher la mâchoire et restai passif devant une chaîne qui diffusait des actualités en permanence. Le son n'était qu'un murmure, ce qui me satisfaisait. J'allumai une autre cigarette, faute de petit-déjeuner digne de ce nom. Un café insipide, cela n'avait rien d'un petit-déjeuner. Certes, ce n'était pas une justification car il me suffisait de bouger un peu mon derrière pour aller le prendre dans le café du coin, mais je n'aimais pas m'embarrasser de choses futiles, ni trop réfléchir.
Si l'on réfléchit trop, on est malheureux. C'était ce que disait mon père, qui lui-même disait que cela servait juste à rassurer les idiots, à ne pas leur dire qu'ils étaient idiots et les conforter dans leur bêtise. Je ne savais pas quoi en penser, j'étais sûrement l'un de ces idiots et ce devait être l'une des raisons pour laquelle j'étais encore seul, perdu au beau milieu de cet appartement pourtant si petit mais qui me paraissait immense, tant il était vide et froid. Ma mère me disait aussi que j'étais un imbécile, que c'était en grande partie pour cela que j'étais célibataire. Elle avait peut-être raison, mais elle ne me fournissait aucune solution alors je n'allais pas m'amuser à en dénicher une. Je n'avais pas envie de chercher, j'avais juste à attendre que ça vienne.
A neuf heure pile, ma montre se mit à sonner, m'indiquant qu'il était l'heure de partir. J'éteignis la télévision, me délogeai du fond de mon canapé, enfilai mes chaussures et un manteau puis sortis. Comme tous les matins, je traversai les mêmes rues de mon quartier, les mains fourrées dans mes poches sauf qu'aujourd'hui, je me sentais d'une humeur plus aventurière. Pourtant, je n'avais rien fait de particulier à mon lever. Etant un homme remplit de courage et de bravoure, je décidai de prendre une autre rue.
Elle n'avait rien de bien différente des autres, si ce n'était qu'elle était plus étroite. Elle était bordée par de modestes pavillons, dont l'un des jardins abritait un chien râblé. La bête se précipita jusqu'à la palissade, la truffe plaquée contre le bois et aboya comme une alarme lorsque je foulai une mince partie de son territoire. Je l'ignorai, intrigué par une rue qui me semblait plus isolée que les autres à ce moment-ci. Une fois à l'intersection, je constatai qu'elle était déserte et encore plus étroite que la précédente. Moi-même, je me demandai comme cela était possible et pourtant, elle l'était. Peu de voitures étaient stationnées sur les trottoirs, seulement une petite dizaine. Les palissades étaient gigantesques, un calme très différent de celui que je connaissais régnait.
Intrigué, je m'y engageai. Les maisons étaient tout à fait classiques par ici, quoi qu'elles étaient moins bien entretenues que celles de quelques rues plus haut. Les aboiements du chien s'estompèrent peu à peu, puis disparurent. Je me sentis terriblement seul, voire abandonné du monde dans cet endroit. Pourtant, je me trouvai toujours dans ce même quartier alors pourquoi cette impression était si forte ? Les mains toujours au fond de mes poches, j'observai les demeures et les jardins. L'une avait les barrières recouvertes de plantes grimpantes qui masquaient la propriété, et semblaient ne pas avoir été coupées durant des années. Elles envahiraient bientôt l'intégralité de la surface, et peut-être s'étendraient-elles même jusqu'aux murs de la maison. Je me plaisais à imaginer cette maison engloutie sous les plantes.
Je changeai de trottoir, prenant celui de gauche. Pas un chat. Pas un bruit, pas même celui du vent ou un aboiement de chien. Je ne tardai pas à arriver près d'une palissade qui était plus petite que les autres. Il me suffisait de lever légèrement la tête pour pouvoir observer le jardin, ce que je fis sans aucune gêne. De toute façon, il n'y avait personne dans les environs. Le jardin n'était pas très bien entretenu, l'herbe poussait n'importe comment et était envahie par endroit de mauvaises herbes. Perdu dans un coin de ce carré de verdure, une niche dans un piteux état que l'on pouvait presque entendre se lamenter. Je me rapprochai car étrangement, cette propriété m'intriguait.
Une voix tremblante et féminine coupa court au silence pesant. Je n'avais pas compris ce qu'elle disait. Elle provenait de l'autre côté du jardin, près d'une grande baie vitrée coulissante qui devait donner sur le séjour. Une personne s'y tenait, visiblement serrée par la timidité tant elle était raide sur ses deux jambes. C'était une femme, le visage creusé par la maigreur et dont le physique m'effrayait quelque peu. Son regard était orné de lourdes cernes violacées, ses cheveux noirs rêches étaient en bataille et ses genoux cagneux semblaient faillir sous les coups du vent. Son corps squelettique flottait dans ses vêtements. Un moment, je pensais que son pantalon allait glisser le long de ses jambes tant il était large mais il tenait bon. J'ôtai mes mains de la palissade, juste par politesse.
Lorsqu'elle s'avança vers moi, je crus voir un tas d'os ambulant qui essayait tant bien que mal d'adopter un comportement humain. Je ne m'attendais pas à tomber sur une telle personne, ce qui me plongea dans un profond silence. Je l'observai simplement. Elle, et ses os. Ses mains glissèrent sur la barrière, je n'osai pas les regarder. Ses veines devaient saillir sa peau, comme elles sailliraient celle d'une vieille femme. Cela me dégoûtait, pour tout avouer. Je me concentrai sur son regard, ses grands yeux creux et enfoncés qui me dévisageaient. Un pitoyable sourire déforma son visage livide.
« Vous êtes du quartier ? demanda-t-elle.
- J'habite quelques rues plus haut. J'étais simplement venu visiter par ici, excusez-moi pour le dérangement.
- Oh, ce n'est rien ! Peu de gens passent par ici, vous savez alors un peu de visite, ça ne fait pas de mal.
- Sûrement, répondis-je simplement. »
Elle m'intriguait, à vrai dire.
« Vous habitez seule ?
- Non, ce serait terrible si j'étais seule. Il y a deux ans, j'avais un chien pour me protéger mais il est mort d'un cancer. Pauvre bête, si vous saviez à quel point je l'aimais ! Je me suis sentis complètement désemparée, j'ai cru mourir. C'était le plus tendre des chiens, je vous l'assure ! Heureusement pour moi, je ne suis pas restée seule bien longtemps. Imaginez-vous un moment quelqu'un comme moi, seul ! Ce serait terrible, terrible, terrible. »
Elle parlait avec un débit impressionnant. J'avais du mal à la suivre, comme si cela faisait des années qu'elle n'avait pas autant conversé avec quelqu'un. Mais j'avais déjà la nette impression que, si je commençais à m'engager dans une conversation avec cette femme, je n'en sortirai plus avant un bon moment. J'avais des courses à faire, moi.
« Il est tellement gentil, oh si vous savez... La première personne qui m'aime de la manière dont je l'ai toujours souhaité ! J'ai toujours rêvé d'aller en Thaïlande. C'est magnifique la Thaïlande, vous ne trouvez pas ?
- Ce doit l'être, en effet.
- Il m'emmènera en Thaïlande. Quand, me diriez-vous ? J'en sais rien, vraiment rien mais on partira ensemble. Quand j'y pense, j'ai les larmes aux yeux. »
Elle afficha un large sourire de ses lèvres blanches. Une pathétique flamme frémissait dans son regard, ce qui devait sûrement être la manifestation de son intense bonheur. Ses mains squelettiques se resserrèrent sur la palissade, son corps était secoué par des frissons. Elle était pieds nus dans l'herbe mal entretenue, en plus de porter un haut à manches courtes. Elle devait avoir froid, si peu habillée.
« Excusez-moi, je serais bien resté discuter avec vous mais je dois y aller, on m'attend.
- Vous ne dites pas ça parce que je vous ennuie ? Oh je suis vraiment désolée de vous ennuyer !
- Non, rassurez-vous. Bonne journée. »
Je m'empressai de partir, ne désirant pas être retenu davantage. Je ne me retournai pas, mais je sentais son regard peser sur mon dos. Ce poids se libéra soudainement lorsque je quittai enfin le quartier. Cela résonnait presque comme une grande liberté dans mon esprit. Là-dedans, j'avais eu la nette impression d'étouffer entre quatre murs.
Ce fut l'esprit occupé par cette étrange femme squelette que j'allai faire mes courses. J'avais la tête ailleurs, pour tout avouer alors j'avais oublié d'acheter des canettes de bière. Je ne m'en étais rendu compte qu'une fois rentré chez moi. Même si la paresse m'avait saisi lorsque je débarrassai mon sac de mes achats, je décidai tout de même de repartir à la chasse aux canettes. J'avais emprunté le chemin habituel, afin de ne pas retomber de nouveau sur elle.
Le soir-même, malgré le fait que ma journée n'ait pas été plus différente que les précédentes, je ne parvenais pas à m'endormir. Cette rencontre avait suffi à troubler mon sommeil. Je ne cessai de me tourner dans tous les sens, sur le flanc ou le dos, à la recherche d'une bonne position mais visiblement, cela semblait impossible en l'état actuel des choses. J'observai alors les volets qui remuaient légèrement sous le vent nocturne, jusqu'à ce qu'il s'intensifie. Le volet de gauche se heurta avec fracas contre la vitre. Enfin, je sentis le sommeil me gagner. Je ne tardai pas à sombrer.
Je m'étais levé plus tard. D'habitude, je me levai dans les alentours de six heures du matin pour contempler le soleil à travers ma fenêtre. Aujourd'hui, je m'étais levé à dix heures. Déjà, ça foutait tout mon planning de la journée en l'air mais je n'allais pas m'énerver pour si peu. Demain, je ferai en sorte que tout rentre dans l'ordre. Je pris mon petit-déjeuner, fumai ma première cigarette de la journée devant la télévision. Jusqu'à onze heures, j'y suis resté puis je me suis décidé à me bouger de là, surtout lorsque la voix de ma mère a résonné dans mon esprit. Elle me dirait sûrement que je n'étais qu'un imbécile à rester pourrir dans ce canapé, que je devais me dépêcher de trouver un travail et une femme. Elle m'affirmait que c'était la clé du bonheur, moi j'en étais pas sûr.
Je décidai de me rendre de l'autre côté du quartier, par simple curiosité. Peut-être qu'elle était toujours là, cette femme squelette. Elle m'intriguait davantage. Je passai de nouveau devant ce maudit chien à la truffe écrasée par la palissade qui aboyait à tue-tête, avant de me retrouver dans cette rue étroite et oppressante. Peut-être qu'il n'y avait que cette femme qui y habitait, qu'elle vivait seule dans ce coin de quartier avec son compagnon. Je n'étais même pas certain qu'il existe, ce compagnon dont elle me parlait hier.
Je m'arrêtai devant la barrière, observai la lamentable niche qui allait s'effondrer à la prochaine averse qui s'abattrait sur la ville. Je me penchai pour jeter un coup d'œil à la baie vitrée : personne ne s'y trouvait. Les rideaux étaient tirés. Peut-être qu'il était trop tard désormais, ou peut-être dormait-elle encore. J'attendis encore un peu, les mains fourrées dans les poches de mon manteau. J'ignorai pourquoi je l'attendais. Hier, je n'avais pensé qu'à une chose : partir avant qu'elle ne m'emprisonne avec ses histoires. Ce devait être parce qu'elle avait changé quelque chose dans mon quotidien, parce qu'elle m'avait marqué. J'étais encore fatigué. Ça, c'était parce que je m'étais levé tard. J'avais un rythme à suivre.
J'ignorai combien de temps j'étais planté ici, au milieu de ce trottoir à regarder le bitume. Je devais être suspect, immobile de la sorte.
« Je peux vous aider, monsieur ? »
C'était un homme qui m'avait adressé la parole. Je ne fus pas surpris. Il m'était inconnu, plutôt jeune, une trentaine d'années je dirai. Il arborait une carrure impressionnante, mais affichait un grand sourire qui traduisait une profonde gentillesse. Cela me déconcerta quelque peu.
« Non merci, tout va bien.
- Vous attendez quelqu'un ?
- Je faisais juste une pause. »
Il semblait dubitatif.
« Ah, alors bonne après-midi dans ce cas, dit-il d'un ton attentionné.
- Merci, à vous aussi. »
Je le regardai s'éloigner jusqu'à la porte d'entrée de la maison de cette femme squelette. Il extirpa un trousseau de clés de la poche de son jean, puis entra avant de refermer derrière lui avec précaution. C'était lui, son compagnon visiblement. Elle qui n'avait que la peau sur les os, avait pour compagnon un homme qui faisait le triple de sa taille. Il devait remplacer son chien, certainement.
Chompir:
Premier passage de la fic plutôt intéressant.
J'ai bien aimé ta façon de nous présenter l'histoire et de nous la conter. Ce personnage squelettique est très intéressant et je l'aime plutôt bien. Tu nous donnes nous à aussi, l'envie d'en savoir plus. (et puis on s'interroge sur le titre de la fic. :hihi:)
Donc bravo et hâte de lire la suite. :miou:
Neyrin.:
(Cliquez pour afficher/cacher)Lorsque je faisais les courses, je revoyais ses grands yeux globuleux dans les oranges qui se piétinaient sur l'étal. Ils n'étaient pas oranges, n'avaient même pas une légère teinte orangée et pourtant je les revoyais. Ils me fixaient, légèrement déformés par ses joues qui remontaient. Je prenais alors des pommes, ou bien des poires même si je n'aimais pas ça. Souvent, je repartais plutôt bredouille avec rien à me mettre sous la dent. Ces derniers temps, j'avais changé mes habitudes alimentaires mais il n'y avait que moi pour m'en apercevoir. Il n'y avait que moi qui pouvait me remettre sur le droit chemin, me raisonner et me dire que je devais manger mieux et plus.
Parfois, lorsque l'envie m'en prenait, je prenais un pâtisserie dans la boulangerie du coin. Avant de la dévorer, je me disais que je mangeais ce gâteau à la place de cette femme squelettique qui elle, en avait bien besoin. Je me disais qu'un jour, je devrais lui en offrir une. La pâtisserie ne faisait pas long feu, alors une fois mon ventre satisfait, je repartais. Je passais toujours dans le quartier du squelette même si cela rallongeait le trajet. Je ne savais pas, c'était devenu une habitude. En début d'après-midi, elle n'était pas là et je le savais. Elle n'était là que tôt dans la matinée, près de la baie vitrée à observer l'extérieur, sûrement à attendre le retour de son compagnon. Peut-être qu'il partait travailler, peut-être qu'il allait faire les courses, peut-être qu'il allait faire son jogging matinal. Qui sait ce que cet homme pouvait faire dès le matin.
Moi qui ne me préoccupait pas particulièrement du quotidien de mes voisins, je me surpris à vouloir en savoir plus sur ce couple atypique. Un grand baraqué d'une gentillesse si grande qu'elle en paraissait fausse et une femme mièvre avec la peau sur les os, ça avait le don de susciter la curiosité du voisinage. Ils vivaient dans une rue isolée du reste du quartier, ce qui faisait qu'on ne les voyait pas beaucoup pour ainsi dire, jamais. Le compagnon, peut-être pouvait-on le croiser au détour d'une rue mais la femme passait aussi inaperçue qu'un fantôme. L'on croirait presque qu'elle se cachait de la lumière, qu'elle évitait tout contact prolongé avec l'extérieur comme si ç'allait lui porter préjudice.
Pourtant aujourd'hui, aux alentours de treize heure trentre-cinq - car oui, j'avais bien vérifié ma montre à ce moment-là -, je l'avais vu dans son jardin. Elle était assise dans l'herbe, la mine déconfite, le regard rivé sur sa main droite qui arrachait le gazon par petites touffes. Je la regardai s'adonner à ce fastidieux travail, les mains fourrées dans les poches puis je me décidai à l'interpeller.
« C'est rare de vous voir à cette heure-ci, dis-je simplement. Que vous arrive-t-il ?
- Eh bien vous voyez, je trouve le gazon très mal entretenu... Pourtant j'ai appelé quelqu'un pour tondre cette pelouse ! Mais quel travail, voyez par vous-même. Mon compagnon le fait bien mieux que cet incompétent.
- Alors pourquoi ne pas lui avoir demandé de le faire ? Et puis, je le trouve très bien taillé ce gazon.
- Vous dites ça juste pour me faire plaisir. Je suis très déçue, vous savez... Ce gazon n'est jamais bien coupé, jamais correctement entretenu, j'ai l'impression que l'on ne veut pas de lui. Vous savez, j'aimerais avoir un beau jardin avec un nouveau chien !
- Je sais, vous me le dites à chaque fois.
- Oh, je radote, je suis désolée mais je suis vraiment déçue, vous savez.
- L'herbe repousse, répondis-je en m'approchant de la barrière. Vous devriez plutôt retaper cette niche avant d'adopter un nouveau chien et de refaire votre gazon. »
Elle cessa d'arracher la verdure, puis coula un regard vers moi comme si ce que je venais de dire était l'évidence même.
« Oh bien sûr, vous avez raison. Je devrais vous écouter plus souvent, dit-elle d'une voix morne. Vous savez, ce n'est pas ce jardin qui m'inquiète en vérité. Ça fait depuis neuf heure du matin qu'il n'est toujours pas rentré et je suis si inquiète, si inquiète, c'est horrible... Alors j'essaye de m'occuper comme je peux. La radio ne marche plus, je n'ai plus de livres à lire alors je m'ennuie terriblement.
- Vous voulez que je vous rapporte des livres ? Je peux même vous en donner, si vous voulez.
- Non. Il n'aime pas être redevable. Moins il l'est, mieux il se porte, vous comprenez...
- Ce ne sont que des livres. »
Elle fit signe de la tête qu'elle n'en voulait définitivement pas. Je n'insistai pas mais lui proposai de se redresser. Elle le fit, mais ne bougea pas de son emplacement. Comme d'habitude, elle avait oublié de se couvrir avant de sortir par ce froid. Elle ne s'en plaignait jamais, ne tremblait jamais, à croire qu'elle ne ressentait pas le froid automnal.
Le squelette avait l'air si dépité, que je n'osais pas plus le déranger. Peut-être qu'il était temps de partir, que je l'avais assez ennuyée pour aujourd'hui. Dehors à treize heure trente-cinq, ça n'avait rien de bon pour elle. Je m'apprêtai à la quitter avant qu'elle ne m'interpelle :
« J'ai... La fenêtre coulissante est bloquée, vous voyez.
- Comment ça ?
- Je suis sortie et la fenêtre s'est refermée.
- Passez par la porte d'entrée. »
Elle me parut soudain déboussolée, comme un chien délaissé par son maître. C'était vraiment une femme étrange, voire inquiétante sous certains aspects. Elle caressait nerveusement ses mains, visiblement angoissée.
« Mon compagnon la ferme toujours à clé lorsqu'il s'en va...
- Pourquoi ?
- Je dors lorsqu'il part, vous voyez et il craint que des voleurs n'entrent pendant son absence...
- C'est ridicule, il n'y a pas de voleurs dans le coin. »
Elle haussa les épaules puis se tourna vers la baie vitrée. Ses jambes squelettiques bougèrent enfin, secouant toute sa structure osseuse. Elle se dirigea jusqu'à la fenêtre coulissante et de ses doigts maigres, essaya de trouver une ouverture pour la faire glisser. Je la regardai faire sans rien dire. Je n'allais pas entrer dans son jardin.
« Attendez que votre compagnon rentre.
- Je ne peux pas, je dois rentrer maintenant ! »
Sa voix s'était soudainement emplie de panique. Elle s'acharnait vainement sur la fenêtre, tentant tant bien que mal de la faire coulisser de quelques millimètres. Je délaissai mes courses, entrai dans le jardin et lui demandai de reculer. Elle le fit et les mains sur la vitre, je poussai pour ouvrir. Je n'eus pas grand mal à libérer l'accès jusqu'au séjour.
A l'intérieur, tout était sombre bien que la pièce soit assez vide. Elle était très peu meublée : seulement un canapé, un meuble télévision où il n'y avait pas de télévision et une bibliothèque. Au beau milieu de cette pièce, ces meubles apparaissaient presque comme des choses insignifiantes. Le séjour n'était pas très grand, plongé dans la pénombre. Toutes les fenêtres étaient recouvertes de grands rideaux, comme si l'on craignait la lumière du jour. Un étroit couloir succédait au salon, menant sûrement à la cuisine.
« Merci, merci, dit-elle dans un soupir de soulagement. Mais ne restez pas là, mon compagnon vous prendrait pour un voleur et il déteste les voleurs, vous savez.
- Bonne après-midi, répondis-je simplement. »
Elle me salua avec politesse, puis je quittai la rue sans plus m'attarder. Je ne me souvenais déjà plus de la tête de ce séjour, à croire que cette pénombre qui y régnait effacait même ma mémoire. Lorsque je me suis retourné pour vérifier le jardin, la femme squelettique ne s'y trouvait plus. Les rideaux avaient été tirés, elle s'était enfermée.
Je suis allé déposer mes courses chez moi, avant de me rendre en ville pour rejoindre un ami. C'était une personne tout à fait respectable, quoiqu'un peu bourru lorsque j'y repensais. Il portait la barbe comme personne, une barbe foisonnante noire qu'il rasait uniquement quand cela l'arrangeait. Parfois elle était bien taillée, parfois elle descendait jusqu'au col de son t-shirt avec anarchie. Il aimait bien porter des tongs, il en portait lorsque les premières chaleurs débarquaient jusqu'au début de l'automne. Il y a sept ans, s'il avait pu, il serait venu à son entretien d'embauche en tongs. Cela remontait, mais je m'en souvenais encore. Depuis, il s'était trouvé un bon travail contrairement à moi.
J'ai pris un café avec lui, il m'a parlé de son voyage en Italie, de sa fille de trois ans. Il adorait l'Italie, et sa fille. Il m'a dit vouloir l'emmener à Rome, que ça lui plairait sûrement mais qu'elle était encore trop petite. Je n'y répondais pas grand chose, si ce n'était que les enfants aimaient voyager même si le tourisme ne les intéressait pas particulièrement. Il voulait m'emmener aussi, vu que je ne voyageais jamais. C'était quelqu'un de gentil avec ses proches. J'ai voyagé une ou deux fois, en Espagne et en France parce que l'on me disait que c'était très beau. On a beaucoup discuté, puis je suis reparti dans les alentours de dix-huit heure. Je n'ai pas voulu rester dîner, je n'avais pas envie de voir sa femme.
Chompir:
Je suis content de lire la suite de ta fic, je la trouves vraiment intrigante, tu maîtrises très bien cet aspect. Continue comme ça. :^^:
Neyrin.:
Un petit truc écrit sur le tas, rien de bien transcendant. Je ne sais pas ce que ça vaut :oups:
Peut-être que je le terminerai !
(Cliquez pour afficher/cacher)D'ici, on voyait tout. Toute la rue passante, on la voyait se profiler vers l'horizon. On pouvait observer les gens avec attention, les juger, les étiqueter sans même qu'ils ne s'en aperçoivent. C'était l'une de nos places favorites, celle qui se situait près de la baie vitrée. La petite table ronde où l'on s'installait régulièrement était contre la vitre, et n'avait pas bougé de cet emplacement depuis des années, comme si ç'avait toujours été sa seule et unique place. Avec le temps, l'on avait presque l'impression qu'une mince partie s'était confondue avec la vitre d'une transparence incomparable. Le propriétaire en prenait grand soin, toujours brillante et dépourvue de traces. Les enfants n'y posaient jamais leurs mains, comme si dans leurs esprits étroits résonnaient les douces paroles de cette baie vitrée qui leur murmurait : « Ne pose pas tes mains sales ici, je suis propre et je tiens à le rester. » Ce devait être une voix très douce, maternelle pour qu'ils lui fassent confiance avec autant de facilité. De toute façon, il n'y avait que les enfants qui faisaient preuve d'une grande candeur.
Le serveur du modeste restaurant, un jeune homme menu mais charmant, se reflétait dans cette vitre à la propreté délicate. Son reflet manquait de précision, il ne reproduisait pas tous les traits de son visage fin et triangulaire, chaque petit détail que l'on pouvait noter en l'observant même distraitement. Sa barbe n'était jamais très bien taillée, ses cheveux toujours en bataille. Parfois, l'on pouvait le voir y passer sa main pour les remettre en place. Cela ne prenait qu'une seconde. Personne ne devait le voir se recoiffer, c'était un jeune homme droit et discret. Il était toujours affairé, sans arrêt sollicité et n'avait pas le temps de converser avec nous, ou d'autres clients. Il parlait peu, l'on entendait à peine le son de sa voix dans le restaurant, seulement le timide brouhaha qui suffisait à le couvrir.
Il nous connaissait. Tous les soirs - ou plutôt devrait-on dire toutes les nuits -, il se penchait légèrement sur nous, son stylo et un petit carnet dans les mains. Il prenait les commandes et servait, il faisait les deux à la fois. Il arborait un petit sourire, celui qui faisait rougir les adolescentes, et nous demandait si nous avions fait notre choix. Toutes les nuits, nous lui répondions la même chose : deux sandwichs au poulet et un café. On consultait le menu sans le lire, on le reposait lorsqu'il approchait pour donner l'illusion que l'on ne venait que rarement dans cet endroit. Il acquiesçait et s'éclipsait. Le soir, il filait au pas de course. La nuit, sa marche était plus détendue. Le midi, il n'était jamais là. C'était un autre garçon d'une trentaine d'années qui le remplaçait, quelqu'un qui semblait assez bourru. Il portait sur son visage l'infidélité, mais nous ne saurions dire comment c'était décelable.
Peu de temps après - nous n'avions jamais compté le temps qu'il mettait -, il déposait sur notre table une assiette qui contenait deux sandwichs et une tasse de café brûlant. On mangeait, on ouvrait un livre d'un auteur classique et l'on demeurait silencieux, les yeux rivés sur les mots qui défilaient sur les pages jaunies. Le serveur passait quelques fois, on pouvait croiser son regard si l'on avait une chance aimante. Une plénitude régnait en maître dans ce modeste restaurant, isolé du reste de la nuit et prédateur de l'obscurité de par ses grandes lumières qui imprégnaient les alentours, franchissaient la fragile baie vitrée.
La porte fut arrachée de son repos, poussée par un bras fin. C'était une femme qui entrait, vêtue tout de noir et qui portait pour seule couleur, un rouge à lèvres éclatant quelque peu effacé car resté trop longtemps sur ses lèvres. Ses talons claquèrent tandis qu'elle rejoignait l'une des petites tables rondes où elle prit place, celle qui se situait derrière la nôtre, proche de la grande vitre. Elle fit du bruit, tirant la chaise, poussant la table qui percuta la vitre pour se mettre à son aise. Le bruit qu'elle produisit fut semblable à une plainte, la plainte et manifestation de la détresse de cette vitre pourtant si choyée et respectée.
Nos yeux s'étaient depuis longtemps détachés de notre lecture, l'on observait le reflet de cette nouvelle cliente dans la baie vitrée. Le rouge de ses lèvres ressortait très distinctement, contrairement à elle. On devinait juste que son regard était rivé vers l'extérieur, comme si elle espérait voir passer quelque chose ou quelqu'un au sein des lumières qui éclairaient le trottoir d'en face. Elle avait la joue écrasée contre la paume de sa main, tenant sa tête comme si elle manquait de tomber.
Le serveur vint à sa rencontre, accompagné de son charmant sourire. Il prit sa commande et d'une voix féminine sans être aiguë pour autant, elle lui répondit : « Deux sandwichs au poulet et un café. » Il acquiesça puis s'éclipsa, la laissant seule. Nous ne l'avions pas quittée des yeux, son reflet était mystérieux. Elle nous remarqua, nous regarda à travers cette même vitre. Un mince sourire, presque timide se dessina sur ses lèvres rouges. Un enregistrement des années 60 se mit à tourner dans le restaurant, le son était si infime qu'il se confondait avec le silence.
Elle fixait de ses yeux vairons notre reflet dessiné sur la vitre teinte du noir de la nuit, et ne fit aucun commentaire. Nous la regardions aussi. Elle entrouvrit légèrement ses lèvres rouges, y glissa une cigarette qu'elle alluma de la timide flamme de son briquet. Le serveur ne tarda pas à revenir, déposa la commande sur la table et se pencha légèrement vers elle pour lui dire :
« Vous ne pouvez pas fumer ici, je suis désolé.
- Vraiment ? Ce n'est pas marqué sur la porte pourtant.
- C'est un endroit public, vous n'avez pas le droit madame...
- On a jamais droit à rien dans cette ville, dit-elle en recrachant un nuage de fumée. Laissez-moi au moins fumer cette cigarette, il n'y a personne à cette heure-ci et je doute que ça dérange la table d'en face, n'est-ce pas ? »
Elle observa notre reflet, à la recherche d'une affirmation. Nous avons gardé la bouche fermée car ne voulant pas prendre part à cette discussion houleuse. La femme insista par le biais de son regard, nous nous sentîmes vite oppressés mais aucun son ne sortit d'entre nos lèvres.
« Bien, dit-elle. Apportez-moi un cendrier dans ce cas et deux sucres pour mon café. »
Le jeune homme semblait pris au dépourvu par son attitude, mais se contenta d'un bref hochement de tête avant de s'éclipser de nouveau. La femme tira une nouvelle bouffée, les yeux rivés sur les deux sandwichs coupés en deux de façon méticuleuse. Pas un seul morceau de poulet ou de salade ne dépassait des tranches de pain, ces sandwichs étaient d'une perfection sans égale.
Il revint avec deux sucres qu'il laissa sur la coupelle blanche et un cendrier. La femme y écrasa sa cigarette, avant de plonger les deux carrés dans sa boisson chaude. Elle remercia brièvement le garçon. Plus personne ne vint briser le silence nocturne, ni les bruits de pas du serveur, ni la voix fémininement grave de la cliente au rouge à lèvres, ni même le timide vinyle qui tournait sans arrêt sur lui-même, voué à répéter les mêmes mouvements circulaires tout au long de son existence. Nous bûmes une gorgée de notre café.
« La dernière fois, je me suis rendue à une exposition, hasarda-t-elle. C'étaient des petits peintres qui exposaient leurs œuvres, et je comprenais bien pourquoi ils étaient « petits ». Si peu de talent artistique dans autant d'êtres humains, c'est presque de l'art. Pas un seul tableau ne se détachait des autres, c'était d'une banalité affligeante. C'était laid, et ça n'avait aucune signification.
- Qu'est-ce que vous en savez ? »
Elle croisa notre regard à travers le reflet, puis se mit à sourire.
« Je le sais c'est tout et même vous, vous devez le savoir. Je vous emmènerai à cette exposition, vous verrez à quel point c'est vide de sens. Bruegel et Caravage me manqueraient presque, eux c'étaient de véritables artistes.
- Ce ne sont pas les mêmes époques.
- Si aujourd'hui ces oeuvres sont laides, elles le seront aussi trois siècles plus tard. La seule différence étant que les générations suivantes viendront s'extasier devant un morceau de toile mal peint, exposé comme une oeuvre d'art dans un musée.
- Peut-être qu'elles sont très bien, ces peintures et que vous ne les appréciez tout simplement pas.
- Peut-être bien mais accompagnez-moi, la prochaine fois. Vous aimez peindre, vous ? »
Nous haussâmes les épaules.
« Vous vous en foutez, tant mieux. C'est mieux de se foutre de tout. Vous mangerez vos sandwichs ?
- C'est pour ça qu'ils sont sur la table.
- Je peux m'asseoir à votre table ? »
On ne lui répondit pas et pourtant, elle nous fit signe qu'elle arrivait. On la vit se lever dans le reflet de la vitre, ses talons claquèrent de nouveau puis elle vint s'installer face à nous, n'oubliant pas de déposer sur la table son assiette de sandwichs et sa tasse de café. La silhouette fantomatique du reflet s'était désormais matérialisée en face de nous. Elle croisa les jambes. Le rouge à lèvres éclatant qui habillait sa bouche semblait nous hurler de l'embrasser, tandis que ses yeux vairons nous fixaient comme désireux de nous entendre parler. Nous n'avions rien à ajouter, alors nous bûmes notre café.
« Ça vous arrive de vous trouver beau nu dans un miroir, vous ?
- Pardon ?
- A poil devant un miroir, vous vous trouvez beau ? demanda-t-elle de nouveau. Ça m'est déjà arrivé, une ou deux fois peut-être. J'étais tellement contente que je me suis rhabillée, j'ai pris mon maillot de bain et je suis allée à la plage. Ce jour-ci, j'étais magnifique et personne ne faisait attention à moi alors à la place, j'ai bronzé. C'est malheureux, non ? Ce n'est pas tous les jours qu'on est beau et le jour où on l'est, personne ne vous regarde.
- Vraiment personne ?
- Oh, j'exagère, dit-elle dans un rire. Lorsque je suis descendue pour rejoindre la petite rue commerçante, j'ai croisé le regard d'un jeune homme installé à une terrasse, devant un cocktail. Il buvait avec ses amis, il devait être dix-huit heures. Il m'a adressé un sourire, je lui ai répondu par un sourire, bien entendu car il était mignon. Vous ne souriez pas à quelqu'un de mignon, vous ?
- Peut-être.
- Bref, figurez-vous qu'il a quitté la terrasse pour venir me voir ! J'étais surprise, c'était pas tous les jours qu'on venait me voir alors j'étais flattée, très flattée qu'on se lève pour moi. Il m'a proposé de venir boire un verre avec lui.
- Vous avez accepté.
- Non, j'ai refusé. Je ne prends pas de verre avec n'importe qui et puis, je voulais qu'il me dise que j'étais très belle aujourd'hui avant de m'inviter à boire. »
En disant cela, elle affichait un grand sourire jusqu'aux yeux. C'était une femme très étrange avec des réactions incompréhensibles, peut-être qu'elle était un peu folle.
« Il ne pouvait pas vous dire que vous étiez très belle ce jour-ci, vu qu'il ne vous avait pas vue les autres jours.
- On dit toujours à une femme qu'elle est belle avant de l'aborder, même que l'on devrait dire qu'elle est plus belle que les jours précédents. D'ailleurs, on devrait même dire aux femmes qu'elles sont belles en permanence, jusqu'à les soûler.
- Vous êtes folle.
- Tant mieux, les gens sains d'esprit sont d'un ennui mortel. Vous vous amusez plus d'un fou que d'une personne lambda, pas vrai ? Alors si vous vous amusez plus de moi, je me sentirai tout aussi flattée. »
Nous la regardions d'un air dubitatif, puis nous entamâmes notre premier sandwich. Elle regarda le sien en silence, comme si elle le dévisageait. Un combat de regards s'était déclaré entre elle et la garniture écrasée entre deux tranches de pain coupées à la perfection. Le vinyle s'était doucement arrêté, comme un guitariste qui aurait laissé sonner la dernière note de son accord.
Personne ne vint remettre un vinyle, ni même relancer la timide musique qui emplissait le modeste restaurant. Deux clients quittèrent l'établissement, leurs yeux rivés sur l'écran de leurs téléphones puis disparurent dans l'obscurité, à l'abri des lumières du restaurant. On resta sans mot dire, promenant notre regard sur les tables non débarrassées, les gens accoudés au comptoir puis sur cette femme qui s'était installée face à nous, et qui, à l'instant, venait de s'avouer vaincue. Ses yeux vairons croisèrent les nôtres un court instant, et dans un petit rire embarrassé, elle but une autre gorgée de son café.
« Il a refroidi ! Il m'en faudrait un autre, je n'aime pas le café froid sauf avec des boudoirs. Une de mes amies sait faire les boudoirs mieux que personne, lâcha-t-elle. Vous voulez mes sandwichs ? J'ai commandé la même chose que vous, en pensant que ça nous permettrait d'engager la conversation mais vous n'êtes pas très bavard.
- Non merci, ça ira. »
Elle parlait trop vite, on ne savait plus à quel sujet répondre alors on ne répondait qu'à celui qui nous convenait. On avait la mémoire courte lorsqu'il s'agissait de converser.
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