Les deux enfants rêvaient.
Leur front collé à la vitre, ils exploraient la pièce poussiéreuse du regard.
Un capharnaüm régnait dans la salle. Une lumière tamisée éclairait des objets de toutes sortes et de toutes natures.
Une vieille enseigne au dessus des enfants indiquait "ô bazar"
L'un d'entre eux interrompit leur rêverie:
- Tu crois qu'on peut entrer ?
Le silence retomba.
Puis vint la réponse. Simple. Évidente.
- Oui.
Une clochette tinta lorsqu'ils ouvrirent la porte.
Un simple regard leur indiqua que le magasin était beaucoup plus grand qu'ils ne le pensaient.
Les deux enfants se sourirent. Leurs yeux brillaient d’excitation et de curiosité.
Ils commencèrent leur exploration.
Timidement.
Puis de plus en plus courageusement.
Les deux enfants regardaient tout. Touchaient tout. Manipulaient tout.
Un étrange cheval de bois. Une vieille mappemonde. Un commode en bois noir. Une immense armoire. Des étagères de livres. Des malles de jouets d'un autre temps. Des montagnes d'objets insolites recouverts de poussière. Rien n'échappait aux mains habiles et curieuses des jeunes enfants.
Leur rire joyeux résonnait dans la pièce. Le temps s'écoulait sans qu'aucun des deux enfants ne le remarque.
Ils s’amusaient. Découvraient. Rêvaient.
Une étrange coffret en bois attira l'attention l'un des enfants. Un oiseau s'envolant était gravé dessus. Un simple crochet maintenait le tout fermé.
- Regarde cette boîte ! Ça te dit qu'on l'ouvre ?
Les deux enfants échangèrent un regard complice. Et approchèrent leurs petites mains.
N O N !
Ils sursautèrent. Et se retournèrent dans un bel ensemble.
Un grand oiseau blanc les regardait. Ses plumes, d'un blanc laiteux, paraissaient abimés. Son long bec jaune pâle était taché. Une lueur dansait dans ses yeux jaunes.
- Tu crois que c'est lui qui vient de parler ?
- Je ne sais pas...
Les enfants fixèrent l'oiseau avec attention. Celui-ci pencha la tête sur le côté, ouvrit le bec puis le referma.
Un des enfants haussa les épaules et se retourna pour examiner à nouveau l'étrange boîte. Il approcha ses mains et...
N O N !
L'oiseau avait le bec ouvert.
- C'est lui ?
- Je crois...
- Vérifions. Oiseau ! Pourquoi ne f...
L'oiseau battit des ailes avec violence. L'enfant se tût.
-
H é r o n. Jesuis Héron ! Croassa l'animal.
- D’accord Héron. Pourquoi ne doit-on pas toucher la boîte ?
Le silence se fit. Héron ne bougeait pas. La tête inclinée, il fixait les enfants de ses yeux ronds.
Les enfants attendaient sa réponse. Guettaient le moindre de ses gestes.
Après une éternité, l'oiseau étendit ses ailes. Doucement. Délicatement.
-
Parcequil ne faut pas. Nananan, ilnefautpas !Le silence s'installa à nouveau.
Il fut brisé par un des enfants qui murmura:
- Il faut payer c'est ça... J'ai trouvé ça par terre tout à l'heure...
Il sortit une pièce de deux euros de sa poche et la montra à Héron. L'oiseau s'agita.
-
Nul le ! Pièce nulle ! Passa ! Passa du tout !Puis se calma aussitôt et s'immobilisa. Complètement. Parfaitement.
- Que faut-il faire alors ?
L'oiseau ne broncha pas.
Les enfants le fixèrent, espérant une réaction. Un mouvement. Un signe de vie.
Rien de tout cela n'arriva.
Ils s'en détournèrent. Et s'approchèrent du coffret. Les paroles d'Héron avait attisé leur curiosité.
Et ils l'observèrent. Ils n'essayèrent pas de toucher. Encore moins de l'ouvrir. Ils l'observèrent. Leurs yeux exploraient la surface gravée, détaillant chaque détail, chaque aspérité, chaque imperfection.
Et lorsque enfin ils se détournèrent, ils connaissaient tous les détails de la gravure parfaitement.
- Héron ?
L'oiseau cligna des yeux.
- Nous t'offrons...
L'oiseau étendit ses ailes.
- Ta liberté.
L'oiseau s'envola dans un tourbillon de plumes blanches. Immaculées.
Les enfants fermèrent les yeux. Lorsqu'ils les ouvrirent, ils étaient ailleurs. Un vent léger dansait dans leur cheveux. Les rayons du soleil caressaient leur visage. Une douce odeur de bonheur flottait dans l'air.
Le coffret était posé devant eux.
Les enfants s'accroupirent.
- Ouvre-le...
Des mains agiles se posèrent sur le crochet. Le firent sauter. Et soulevèrent le couvercle.
L'espoir jaillit. Se répandit. S'imposa.
Et le monde apprit à espérer.