Après plus d'un an et 190h de jeu (durée ridicule pour un Souls mais énorme pour un joueur occasionnel comme moi), j'ai fait tomber le platine de Dark Souls
J'ai longtemps été bloqué à 80% achievement plus par flemme que par difficulté, une bonne partie des trophées étant liée à la collecte d'objets, notamment la redoutable collecte de toutes les armes uniques du jeu + toutes les armes de boss (sachant que trois d'entre elles nécessitent de battre Sif trois fois). Je passe sur tous les miracles, toutes les pyro, toutes les magies, qui demandent de farm des objets à des endroits stratégiques, nécessaires pour augmenter le niveau des serments.
Cela n'a pas l'air extrêmement marrant présenté comme ça, mais la tâche n'est pas si ardue ni si titanesque que cela. Une partie de 50 heures à peine m'a permis d'en venir à bout.
(pour une raison obvious de spoil, les méconnaisseurs de DS ne devraient pas lire la suite)
Maintenant, platiner un tel jeu alors qu'il y a quelques années simplement le finir me paraissait tout simplement hors de ma portée me remémore mes toutes premières heures de jeu en 2014. On dit souvent (à raison) que la première expérience d'un Souls compte, et comme je me souviens de mes propres premiers pas sur PtdE sur PC comme si c'était hier, je dirais que cela se confirme assez. Jouer à DS entre 10 et 15 FPS en étant un total novice est aussi difficile que ça en a l'air... et décourageant. Je me rassure en me disant que si j'ai abandonné au Capra Daemon, c'était avant tout à cause du lag. Mais la partie était mal engagée : méconnaissance totale du système de crafting, aucune idée de la notion de scaling, encore moins des frames d'invulnérabilité qui accompagnent les roulades, progression en fat roll (sans doute supérieur à 75%), invocation de Solaire sur les gargouilles, technique de lâche sur Taurus. Bref, si par le plus grand des miracle j'avais atteint Anor Londo, j'aurais sans doute abandonné sur les redoutables Ornstein & Smough, qui encore aujourd'hui sont mes pires ennemis tous Souls confondus.
Seulement voilà, mon âme a été aspirée par ce chef d'oeuvre. Depuis peut être les Zelda 64, je n'ai jamais pris autant de plaisir à parcourir un monde, la terre dévastée de Lordran, qui jadis était le foyer des dieux. Dans un donjon humide et sombre, incapable de mourir et voyant les années passer sans ni boire ni manger, un élu attend son heure, sa libération venant sans doute d'un des personnage les plus important du jeu : Oscar of Astora. Sans lui l'élu serait resté enfermé dans sa forteresse isolée et glaciale, perdue au milieu des montagnes aux neiges éternelles, gardée par un gigantesque démon. Si ce dernier semble plus impressionnant que dangereux, le ton est donné, l'élu a ses épreuves à passer. Comme un Hercule moderne, il va se battre contre des démons, des dragons, et des dieux.
Si sa première vision de Lordran se fait à dos d'oiseau, il va vite découvrir que la plus grande partie du monde est cachée à ses yeux. Soit il côtoie les nuages avec les clochers et les beffrois des églises et cathédrales d'Anor Londo, cachés de ceux qui n'ont pas mérité leur passage; ou bien il s'enfonce dans les profondeurs : dans des caves, des marais empoisonnés, et des sépulcres pestilentiels dont la lumière elle-même a horreur. Peut être plus loin encore s'enfonce la cité perdue dans le voisinage des magmas souterrains brûlants, foyer des démons, que peu ont pu rejoindre sans succomber à la chaleur suffocante des enfers. Mais elle est perdue, d'aucun disent qu'elle n'a jamais existée. Alors comment savoir ?
Entre ces deux côtés opposés du monde, l'élu, que l'on découvre rapidement n'être somme toute qu'une carcasse tout à fait fragile, sera bien aidé par un don que son ancêtre pygmée a fait à son humaine postérité : la dark soul. Si cette dernière lui permet de revivre à volonté, il semble normal que ses adversaires aient voulu équilibrer la lutte. D'où des ennemis gigantesques, redoutables, cracheurs de feu ou lanciers, géant de fer au sommet d'une forteresse piégeuse, gargouilles de pierre rendues vivantes, et à leur côté des nuées de bêtes volantes ou rampantes, qui avalent ou écrasent. Non seulement par leur force ils ne cherchent qu'à mener l'élu une de ses mort. Mais de même ils empoisonnent, lancent des rochers, brûlent ou électrifient. Jamais monde n'a été plus hostile à un seul être. Pourtant la solitude est la force de Lordran, elle renforce la gratification non pas de passer un boss complexe, mais toute une série ininterrompue de zones dont pratiquement tous les éléments sont destinés à tuer.
La patience est la clé de tout. Si on la perd, rien n'est plus possible, l'élu aura quitté sa prison pour rien, et Lordran brillera à jamais dans la lumière pâle de l'étincelle qu'il reste de la Flamme. Mais l'abnégation de la mort est le motto de tout chevalier qui se respecte. De Gauvain à Roland cette valeur s'est transmise, et l'élu de cette digne postérité serait destiné à abandonner ? A travers les obstacles des ruines du monde, lorsque Capra et ses dogues seront tombés, que Quelaag fille du Chaos sera retournée à l'enfer duquel elle a été vomie, peut-il y avoir quête plus gratifiante que de faire tomber les dieux qui s'accrochent à leur domination de l'univers comme un naufragé à l'épave d'un navire ? Sont-ils d'ailleurs bien des dieux, ou les marionnettes d'êtres qui depuis l'origine des temps peuplent les profondeurs de la Terre ? Il y a un arrière goût de fruit défendu et de Satan, dans la malice des serpents primordiaux.
Un fait peut-être dont ne sont pas conscients les prétendus dieux. S'ils sont maîtres magiciens comme le puissant Gwyndolyn, qui aura un destin bien sombre, ou s'ils ont fuit dans des sphères célèbres plus clémentes, comme Gwynèvère, ou exilés, comme la fille illégitime Priscilla, ou effacés des mémoires, comme le Roi qui demeure encore sans Nom, le but sera bien de retourner à l'épicentre de l'Âge du Feu : le Kiln où siège Gwyn, leur maître à tous, qui s'est sacrifié pour maintenir la flamme jusqu'au bout. Principal naufragé peut-être ?
Si à Anor Londo, la cité divine, même les illusions sont mortelles, si bon nombre d'élus ont péris et abandonné sous leur joug, les plus persévérants ont atteint le sommet de la quête, et dés lors sont libres de perpétuer l'âge des dieux, ou commencer celui des hommes. Dans les deux cas il ne restera plus qu'à détruire les Seigneurs, Seath le dragon sans écailles, traître de sa race; la sorcière d'Izalith, enfermée dans ce qui n'est plus qu'une ombre de sa puissance de naguère; Nito, le maître du royaume des morts; et quatre tyrans dont la folie a été telle qu'ils sont enfermés dans les abysses, scellés par la sacrifice de milliers d'êtres.
Gwyndolin le fils de Gwyn nous accueille devant une tombe divine sous la menace "
thy transgression shall not go unpunished.
Thou shalt perish in the twilight of Anor Londo." A l'élu de répondre "
thy race has come to an end, you shalt cry, thou filthy piece of shit". Et tant pis si doivent périr les innocentes comme l'exilée Priscilla. Son seul tort est d'être incompatible avec l'âge des hommes. Mais être le nouveau maître de l'âge sombre se mérite, et comment mieux le mériter que d'anéantir l'humain primordial, Manus, qui dans les profondeurs de l'ancienne région verdoyante d'Oolacile, menace le monde dans son antre abyssale ? Quand bien même est-il voisin d'un dragon destructeur, Kalameet, le plus puissant de sa race, si méchant que les dragons de l'ancien monde n'osaient lui chercher querelle. Quand bien même, enfin, Manus s'est rendu maître du chevalier Artorias, de loin le plus puissant ayant jamais vécu. Avec leur mort à tous, il ne restera plus qu'à débuter une nouvelle ère, et si plusieurs époques ont vu les exploits de l'épée ou du catalyseur de l'élu, Gwyn a bien à craindre, ou beaucoup à espérer d'être libéré de son fardeau. Au cœur du Kiln le destin du monde se joue à l'épée et au bouclier, mais si j'ai parlé d'un élu, il me reste à parler d'un tyran. Qui sait ce que réserve l'âge des hommes ? Ou comment celui du Feu renaître de ses cendres ? Dans les deux cas la victoire de l'élu sur les êtres les plus puissants de la création lui assurent la domination complète de tous les êtres de la Terre. Et si Oscar d'Astora avait su tout cela, il n'aurait pas considéré sa mort comme un échec.
J'ignore à quel stade on peut se considérer comme fan de Dark Souls, toujours est-il que cette saga (et ce jeu en particulier) constituent un de mes plus grand souvenir sur console, un chef d'oeuvre dont on ne doit pas nier les (parfois gros) défauts, mais dont il faudrait mettre les qualités sur un piédestal proportionnellement élevé à la bassesse des faiblesses. Car elles constituent un des plus gros tour de force vidéoludique des années 2010, une révolution qui a marqué et qui marquera encore sans doute des générations de joueurs.