Je fais un petit mylife, mais je ne sais pas vraiment à qui en parler... donc j'en parle ici. Disclaimer : le récit est plombant.
Voilà, ces derniers temps, j'ai très peur de l'avenir.
Lorsque je suis sortie du lycée, j'étais ambitieuse et j'espérais pouvoir atteindre ce que je souhaitais devenir durant mes études (de droit). Je ne vais pas trop m'attarder sur ce que je souhaitais atteindre, mais en gros je me prévoyais un avenir modeste, plutôt éloigné de la précarité dans laquelle baigne actuellement ma famille.
Sauf qu'à mon entrée en université, je traînais déjà des casseroles psychologiques. Notamment, durant ma première année de licence, mes troubles alimentaires s'étaient empirés ce qui m'a plongée davantage dans la détresse. Ne pas manger et étudier durement, ça ne faisait pas bon ménage. Je pleurais déjà tous les soirs à cette époque, et je perdais mon temps à résister à la nourriture et à faire du sport... C'était très dur d'arrêter de manger, et je devenais hyper sensible aux odeurs. Chaque rare bouchée de nourriture était précieuse, et je les savourais comme personne ne le pouvait. Je regardais les gens manger, me disant qu'ils mangeaient ça pour moi et qu'ils me rassasieraient. Surtout, imaginez l'enfer quand le monde autour de vous est rempli de nourriture (restaurants, distributeurs, cafés, supermarchés, etc). En un an, j'ai perdu 6 kilos. Vous me direz, ce n'est pas énorme mais il faut savoir que je n'étais déjà pas très épaisse. Bref, je suis descendue à 44 kilos (pour 1m68, donc c'est le poids que je faisais à 14 ans) et juste un morceau de chocolat finissait par me rendre malade. Je valide ma première année haut-la-main cependant, même si ça m'a pas mal détruite psychologiquement (la pression, la dose de travail à fournir, le réapprentissage total des méthodes de travail très différentes du lycée, etc). C'est durant ma première année aussi où j'ai commencé à m'automutiler tellement je me haïssais, tellement je haïssais chaque partie de mon corps, chaque partie de moi-même. Je me trouvais laide et stupide, terriblement stupide.
Vint la deuxième année de licence (L2). Entre-temps, j'avais repris du poids suite à un séjour chez des grands-parents (5 kilos en deux semaines). En rentrant chez moi et en me pesant, j'étais détruite. Le monde s'effondrait sous mes pieds et en réponse à ça, je suis entrée dans une période boulimique où je mangeais jusqu'à vomir. Mon estomac ne me transmettait plus aucun message de satiété. Je pouvais ingurgiter un à deux kilos de nourriture en moins de quelques heures (c'était surtout le soir en cachette, et le week-end. Jamais à la fac où je persistais à ne rien manger le matin et le midi). Parallèlement, ma dépression a pris une ampleur considérable (auto-mutilation, crises de larmes, envies de mourir, etc) et mes soirées étaient toujours constituées majoritairement de séances intenses de pleurs, cachée dans ma chambre, tout en faisant mes dissertations, mes cas pratiques et mes commentaires d'arrêt. De plus, j'avais très peu de temps pour me reposer (je me réservais une heure avant d'aller me coucher).
Je pense aussi que c'était à cette période que je me mettais souvent au bord de la fenêtre, où je regardais dans le vide, j'étais en larmes et je fermais les yeux pour me convaincre de sauter... Mais je n'ai jamais réussi à le faire, parce que mon téléphone sonnait tout le temps. On m'appelait en boucle et la sonnerie me brisait. Elle me retenait à chaque fois.
Je n'appellerais pas ça des tentatives de suicide parce que je ne me suis jamais retrouvée dans une situation dramatique, à l'hôpital ou autres. J'avais par ailleurs prévu de mettre fin à mes jours le 17 mai 2019. Comme vous le constatez, ce n'est pas arrivé mais maintenant, chaque année et à cette date, je me sens terriblement mal et l'envie revient. Pour moi, le fait de ne pas l'avoir fait est un échec. Je ne supporte d'ailleurs pas mes anniversaires. Ma vie était censée s'être arrêtée à mes 19 ans... Les jours de mes 20 et 21 ans étaient horribles, je ne supporte pas de me savoir vieillir. C'est un pur échec par rapport à ce 17 mai 2019.
Puis en mars 2020, il y a eu le confinement. La fac nous donnait une grosse quantité de travail. Je me levais le matin à 8h et j'étais devant mon ordinateur jusqu'à 18h/19h. Ça jusqu'à mai. Sachant que mon état s'empirait et qu'il m'arrivait de passer des après-midi sur un lit, mutique, le regard dans le vide. Burn-out total. Mes trois mois de grandes vacances, je les ai passées sur mon lit, à ne rien faire. Mon état était pire que tout, vraiment pire que tout. Je ne pensais qu'à une chose : disparaître et n'être plus qu'un souvenir. Mes crises de boulimie s'étaient calmées, je recommençais à manger normalement mais je faisais des crises d'angoisse, des crises de larmes, des absences, du mutisme et je me mutilais assez sévèrement. De plus, tous les soirs (je vous assure), je disais que j'allais mourir. Bref, imaginez l'enfer… surtout pour les autres qui lisaient ça… (Les crises d'angoisses, de larmes et l'automutilation existaient déjà en L1).
Rentrée en L3 (2020-2021) mais je n'avais pas récupéré de mes vacances. J'avais déménagé dans mon premier appartement fin août. J'étais au fond du gouffre. Je n'étais plus rien, j'étais vide et je n'avais plus d'ambition d'avenir. J'allais mourir de toute façon, alors quel intérêt de penser à mon futur ? Mon futur métier, ma vie future ? Mais j'étais lâche parce que je n'arrivais pas à en finir.
Les premiers cours magistraux en amphithéâtre, je sentais que je n'allais pas bien et je n'allais pas tenir le coup. Ma détresse psychologique faisait vivre un enfer aux autres, et plus particulièrement à Ze. Ça faisait deux ans qu'il subissait les horreurs que je lui disais et mes crises diverses et variées. Parallèlement à ma reprise des cours, milieu septembre, je suis allée voir un médecin généraliste pour qu’il me soutienne pendant quelques séances et m’oriente vers des spécialistes. Mais il a été méprisant, n'a pas tenu compte de mes préférences, et m’a envoyée de force à l'hôpital psychiatrique. J’étais terrorisée. Je suis restée une journée là-bas (avec des médecins pas du tout délicats, dans une salle vide aux murs jaunes avec un brancard, des patients qui hurlaient dans les couloirs, moi qui faisais une crise d’angoisse et qui étais en pleurs parce que l’environnement était trop anxiogène...). C’était vraiment une horrible journée. Surtout, des heures d'attente juste pour un entretien moisi avec des psychiatres qui me font faire des exercices de respiration... Extrêmement utile. Bref. Pourtant, je lui avais dit, à ce médecin, que l'hôpital psychiatrique ne me convenait absolument pas, que j’avais besoin de mon environnement, de mes repères, de ma famille, de mon copain. Mon appartement, c’était mon cocon que j’avais fait à mon image et c’était mon repère ultime.
J'ai tenu jusqu'en octobre 2020 où, après moultes "tentatives" de suicide et un message d'une de mes amies qui me confronte à la réalité de mon comportement et aux conséquences dévastatrices qu'il avait sur les autres, j'ai arrêté la fac. Je suis tout de même restée dans le parcours pour conserver ma bourse d'études, même si je l'ai perdue entre-temps à cause de mes absences (j’ai réussi à la récupérer après une bataille administrative..).
Pendant 4 à 5 mois, j’étais une poupée de chiffon. Je ne faisais rien de mes journées, je ne pouvais ni lire, ni écrire, ni peindre, ni jouer aux jeux-vidéos. Je ne pouvais qu’être sur mon téléphone à regarder passivement des contenus merdiques, et faire le ménage. Je tournais en rond dans mon appartement. Pendant cette période, j’étais aussi un peu chez les parents de Ze et ça m’a beaucoup aidée d’être plus proche de la nature, de pouvoir faire des promenades dans la forêt, etc.
Vers avril 2021, après des mois de calvaire intérieur, j’ai recommencé à avoir envie de quelque chose : jouer à un jeu vidéo. Je me suis réfugiée dans Breath of the wild pendant plusieurs semaines (j’y avais déjà joué à l’époque sur Wii U et je l’avais fini, mais ce jeu avait eu la particularité de beaucoup m’aider en 2017). Puis j’ai pu rouvrir un livre. Puis j'ai eu envie d'écrire. Puis j’ai eu envie de peindre ; c’est comme ça que je me suis lancée dans mon premier tableau :
Cernus. Durant plusieurs mois, je survivais grâce à la peinture et petit à petit, pas à pas, tout doucement, j'ai repris vie. Mes crises s’espaçaient, je pleurais de moins en moins, je ne me mutilais plus. Je me levais le matin, je peignais et j’arrêtais jusqu’à très tard le soir quand le soleil se couchait et que je n’avais plus assez de lumière naturelle. Je passais des heures et des heures à créer avec mon pinceau et à harmoniser les couleurs. Puis j’ai commencé la broderie en juillet.
Cette petite période de quelques mois, c’était la meilleure de ces trois dernières années, même si j’allais encore très mal et que mon équilibre psychologique était très fragile. La moindre contrariété, le moindre minuscule échec pouvait me replonger dans mes travers pour plusieurs heures.
Aujourd’hui, je trouve que mon état est bien meilleur qu’il y a plusieurs mois, voire qu’il y a trois ans de ça. Je pleure rarement, je ne me mutile plus, mes crises d’angoisse ont disparu, je ne fais plus d’absences. Je fais toujours du mutisme parfois mais sans absence : j’entends ce qu’on me dit, je regarde dans les yeux, je peux hocher la tête et écrire sur un papier ce qui m’arrive. En comparaison, à l'époque, quand j'étais en crise, je ne comprenais pas ce qu'on me disait, mon regard fuyait ou était perdu comme si je ne voyais rien, je ne pouvais pas répondre par des hochements de tête (vu que je ne comprenais pas) ou en écrivant sur un papier.
Simplement, depuis ma re-rentrée en fac pour refaire ma L3, j’ai peur. J’ai peur parce que je suis épuisée. J’ai peur de refaire un burn-out. Je ne suis qu’étudiante, et pourtant j’ai déjà l’impression d’être cassée de l’intérieur. Autour de moi, les gens réussissent, font des Masters ou intègrent de très bonnes écoles… Mais moi, je n’ai plus la force et je ne sais même pas si j’arriverais à obtenir mon diplôme. J’ai peur aussi de ne pas réussir à travailler, que cela me cause des angoisses irrépressibles et que je devienne phobique. Tout est très incertain, surtout depuis que j'ai décidé de vivre. Comment envisager l'avenir quand on avait prévu qu'on ne vivrait pas ? Je traîne toujours mes casseroles et je suis même traumatisée de ce qui m'est arrivée. J'ai peur de refaire un burn-out, j'ai peur de perdre toutes ces activités (peinture, écriture, broderie) qui m'ont sauvée, à cause de la fac qui me bouffe tout mon temps et mon énergie… Mais il faut au moins que j'aie ce diplôme, je ne peux pas lâcher si près du but. Pas après tout le mal que je me suis donnée. Je tiens aussi à préciser que mes études me plaisent.