Hier, comme souvent, je jouais à Dark Souls en sirotant un café au lait et à la cannelle, en écoutant de la Synthwave, ce qui est ma propre façon d'oublier les vicissitudes de l'existence humaine.
Soudain j'entends un bruit de fond, une sorte de borgborygme confus. Je me dis "Quel fou a osé gâcher la douce harmonie de sa musique dans un manque de goût si frappant que Crazy Frog ne l'aurait pas même osé ?" pour me rendre rapidement compte que le bruit suspect ne viens ni de la musique, ni de mon jeu, ni de mon ventre, mais de mon mur !
Il se passait une diablerie dans ma tombe de vivant que l'on appelle une maison. Un "Glouglou" aussi naturel qu'une diarrhée de Gargantua. Suivant le bruit comme Harry Potter le sifflement du Basilique, mon enquête me mène dans la salle de bain, où je dois introduire dans mon conte le personnage de Kiki. Kiki est un petit chat qui a la particularité d'avoir peur de tout être humain, ne serait-ce qu'une petite fille, mais qui serait impassible comme la pierre si une bombe thermonucléaire tombait dans le jardin. Le hasard a voulu qu'en ce moment tragique le bougre était accroupi dans sa litière, concentré dans une tâche naturelle, particulièrement olfactive dans le cas de ce minou qui soulève les coeurs lorsqu'il s'y met avec intensité.
Mais Kiki n'était pas le centre de mon attention. De ma cuvette des toilettes avait jailli la cause du tonnerre mural. Sous mes yeux ébahis, les WC vomissaient des litres d'eau mousseuse ! À ce moment mon cerveau était en sorte de transe, se demandant à lui-même : "Dude, wtf ?".
La mousse se répandait sur le sol sous mes yeux et sous ceux de Kiki toujours occupé à la tâche. Moi, craignant que la mousse, de par sa provenance honteuse, avait sa source dans quelque fosse septique, donc accompagné d'effluves pestilentielles humaines, reprend mon sang froid, et dans toute ma virilité je m'écris : "Fuyez pour votre salut !".
Je me rends vite compte que même s'il l'avait voulu, Kiki n'aurait pas pu s'enfuir, car je fermais la porte pour éviter que les légions mousseuses, toujours suspectées d'avoir dans leur rang de la merde, ne se répandent sur mon parquet. Je me désespère de ma couardise. À genoux je m'exclame : "Pourquoi, ô Créateur, fais-tu de ma vie un tel fardeau ?!". Démuni, je reprends les rênes de mon courage. Quelle arme choisir pour combattre l'effluve toiletteuse ? Mon arme sera une serpillère, mon heaume mon t-shirt sur le nez, et je m'avance, avec en tête le chant : "the days have gone down in the West, behind the hill, into shadows".
Rouvrant la porte pour la bataille du siècle, les vapeurs des égoûts me défrisent les sourcils, un quart de la pièce écume sous la mousse, et mes pieds rencontrent immédiatement le liquide, qui me fait frémir jusqu'à la pointe des cheveux. Levant mon balais-serpillère comme la Mort sa faucheuse de la Nuit, je m'écris : "Retournez dans l'âbime que vous habitez, démons de mousse !". Et je vois Kiki, qui contrairement à ce que l'intervalle de ce récit laissait imaginer, est toujours en train de démouler, ce qui par ailleurs rajoutait sans doute à l'odeur nauséabonde générale, et me regarde, impassible, les petits yeux ronds comme la Lune, semblant se demander par quel miracle l'espèce humaine a pu s'élever aussi haut dans la chaine alimentaire.
Et voilà comment j'ai passé 1h de ma soirée d'hier à éponger de l'eau des chiottes.