Si vous croyez que les "délires paranoïaques" de ma mère sont sortis du néant un beau matin de 2015 vous êtes aussi meugnons.
En 2006, alors que j'étais un otaku solitaire, faible, conscient de son inaptitude à prendre sa revanche sur la vie qu'il meurt d'envie de peindre en rouge sang, mes parents divorcent. Dans le lot de dramas "habituels" à ce genre de situation, notamment réécrire l'histoire au prisme de la victimisation a posteriori, il est un fait sur lequel ma mère était plus intraitable que jamais. Mon père ne devait jamais revoir ma petite soeur (autiste de Kanner incapable de s'auto-gérer, à peine de communiquer).
Et pour atteindre ce but ultime, tous les moyens sont bons. Y compris lancer au proc' que le "fils indigne" qui avait choisi de vivre chez son père pour bien des raisons, aurait tenté d'abuser de la petite soeur. C'est la combine de rêve : pas de preuves (puisque "tenté"), pas de témoins (puisque ma petite soeur ne peut pas témoigner) mais c'est assez grave et sérieux pour qu'on n'aille pas prendre de risques inconsidérés.
Ce coup-là m'a brisé à un point que si vous avez pas idée, ça vaut mieux, et si vous avez idée, je compatis. Sincèrement. Deux années durant, je me suis complètement autodétruit psychologiquement pour me reconstruire sur des bases détruites à la dynamite, empoisonnées par la trahison et, comme vous l'avez constaté, stériles au pardon. C'est aussi à cette époque que j'ai découvert la série des
Shin Megami Tensei qui m'a aidé à mettre un mot sur le désespoir cynique qui me rongeait. Explorer un monde anéanti, transitoire, sans notions préétablie de "bien" ou de "mal" où ne sont que "faits", "choix" et "conséquences", où chacun peut être acteur ou témoin de son changement. Où l'Absolu n'existe pas, où l'Individu est omnipotent, usant notamment de son pouvoir pour brider l'Autre. Ce mot, c'est le
nihilisme. C'est de là qu'est né mon affect pour cette série qui m'aidera, 8 ans durant, à aiguiser ma vision du monde comme concept et comme réalité, mais jamais à apaiser ma méfiance et mon mépris des humains.
Notez que, suite aux pressions de ma famille, j'ai quand même fait l'effort de renouer un "semblant de contact" avec ma mère, jusqu'aux événements récents qui ont quelque peu rouvert de vieilles blessures. Voyez combien je suis récompensé. Combien nous sommes
tous récompensés de lui avoir laissé sa chance. D'avoir cru que son coup de sang n'était qu'un "regrettable malentendu qui a échappé à son contrôle" pour reprendre ses termes.
Qu'on ne me parle pas de "justice", la loi n'est du côté de personne ici ; elle sera même plus partante pour laisser mon neveu, du haut de ses 6 ans, décider s'il préfère vivre avec mamie qui a 20K€ pour lui acheter tous les jouets qu'il peut désirer, ou avec sa maman qui doit soigneusement étudier son compte en banque pour savoir si elle peut lui payer un croissant. Et de toute façon, "justice" est un mot dont la vengeance se fait hypocritement une bonne conscience - merci Freddy ! A ce niveau, il n'est plus question que de faute, une faute que l'on porte au tombeau.