Je sais plus trop quand parce que j'ai légèrement très beaucoup perdu la notion du temps, j'ai vu American Beauty. Si le titre de ce film de 1999 vous est familier, c'est normal, c'est parce que contrairement à moi, vous n'avez pas vécu dans une grotte : félicitation ! Le cas contraire, pansez vos morsures de chauve-souris et aller le voir de suite, parce que, croyez-moi, il en vaut le coup.
L'histoire d'une famille américaine ordinaire, les Burnham, qui vivent au coeur d'un quartier résidentiel chaleureux et verdoyant. Banal au possible ? Oui. Justement. Car les plus banales des familles peuvent être sujettes aux crises ; et quand le manque de communication vire aux psychoses, le destin des Burnham va devenir délicieusement tragique.
J'aimerais pouvoir présenter davantage les personnages, pour rendre mon synopsis plus alléchant ; mais j'aurais peur, se faisant, de gâter les portraits juste sublime et d'une grande justesse qu'en peint le film. Sachez juste que les amoureux de drame psychologiques et de situations qui déraillent complètement ou juste les amateurs de cinéma qui aiment se laisser surprendre ont tout intérêt à se le procurer au plus vite et à y chercher bonheur.
D'abord, parce qu'il est réalisé par Sam Mendes, et que j'ai beaucoup de bien à dire sur Sam Mendes. Si le nom du monsieur ne vous évoque que dalle, c'est que vous n'aimez pas James Bond OU que vous êtes en train de nettoyer vos piqûres de moustiques parce que vous n'avez toujours pas quitté votre marais : on lui doit en effet Skyfall, un des meilleurs opus jamais sortis de toute l'histoire de l'espion anglais, et il planche actuellement sur la réalisation du suivant, 007 : Spectre. Mais surtout, Sam Mendes, c'est un type dont j'ai déjà dit beaucoup de bien à l'occasion d'une précédente critique sur ce topic ) ; en effet, j'avais déjà eu l'occasion de m'extasier sur son travail dans l'excellent Road to Perdition, un film de gangster sur lequel j'avais beaucoup vanté la qualité de l'image et qui compte parmi mes longs-métrages favoris, tant il réussit à être à la fois esthétique et semblable malgré l'univers impitoyable dans lequel il prend place.
Ce (trop) long paragraphe plein de digressions inintéressantes vous en dit long sur l'appréciation que j'ai des rares travaux de Mendes que j'ai pu voir. Avant de faire du cinéma, le type faisait du thêatre, et pas dans le genre troupe de village puisqu'il a travaillé comme metteur en scène pour la Royal Shakespare Company. Rien que ça. Puis un jour, il a décidé de se lancer sur le grand écran, et pour son premier court-métrage, il a décidé de frapper fort et de pondre le film dont je suis censé parler depuis tout à l'heure : American Beauty. Et là, vous êtes en train de vous dire que j'ai beaucoup tourné autour du pot, juste pour étaler ma science : bah, oui, en fait. Mais pas seulement : je tiens surtout à saluer le talent d'un type qui a réussi à toucher le jackpot au premier essai, et qui a fait montre lors de sa carrière d'un véritable talent et d'une grande application.
D'habitude, j'aurais tendance à saluer les prises de risques, les montages audacieux et les sursauts d'originalité... Déjà ici, Mendes fait montre de sa capacité à créer des plans tableaux, des figures les plus classiques à des constructions plus personnelles ; mais ce qui m'a particulièrement interpellé dans ce film, c'est l'impression que j'ai eu que plutôt que de créer ses codes, le réalisateur a ici décidé de s'approprier ceux d'Hollywood et de les tirer vers la satire, et ce avec beaucoup de subtilité :on est donc loin de la parodie grossière et ridicule, et on touche à quelque chose qui touche davantage à la sensibilité. C'est dans l'utilisation de montages très clichés, des scènes d'hallucinations érotiques aux prises de mains entre amoureux, en passant par les passages où le hard-rock montre que les personnages remontent une pente ou traversent une période particulièrement épique de leur vie... Qu'il s'amuse à créer un décalage, quelque chose qui fait sonner ça faux et, du coup, d'autant plus brillant. Ajoutez-y à ça une facilité à jouer sur les lumières et les couleurs, ou à employer la météo (OH MON DIEU, DE LA PLUIE, IL VA SE PASSER UN TRUC GRAVE) pour créer des atmosphères particulièrement immersives, et en même temps pour créer la surprise ou le malaise ; la musique s'inscrit dans un répertoire au fond très caractéristique du cinéma hollywoodien, mais s'accorde tellement à l'image qu'on peut difficilement le lui reprocher (et puis, c'est fait exprès, après tout).
A ceci, ajoutez une écriture magistrale. Non content d'être orchestré par Saint Mendes, le film a été scénarisé par Alan Ball, qui y a justement fait ses débuts sur le grand écran... Et pour ceux qui ne le connaissent pas, il faut savoir que le gars a travaillé sur plusieurs épisodes de True Blood, mais aussi et surtout sur Six Feet Under, dont il a notamment écrit l'excellent épisode 1 qui devrait être une raison suffisante pour vous inciter à regarder la suite tant il est génial.
L'ouverture d'American Beauty est juste fantastique, les scènes d'expositions sont du bonbon pour vos sens de la narration, et les péripéties sont jubilatoires, un véritable rollercoaster (moi aussi je speak l'américain) émotionnel traité avec un mélange de sensibilité et de cruauté des plus délectables. Je n'irais pas jusqu'à parler d'inattendu, mais c'est construit avec beaucoup de finesse et de détails, et les bouleversements scénaristiques arrivent à mériter leur nom. De l'histoire d'une famille des plus normales, on part sur quelque chose d'absolument tordu, et c'est d'autant plus agréable que le jeu des acteurs et la justesse de leur caractère rend l'ensemble vraiment très humain, et crée ce choque du réalisme qui vire au cauchemar avec une vraisemblance crues. Waouh.
American Beauty joue à merveille avec des thèmes particulièrement bien traités, tels que le jeu des apparences, la quête et l'affirmation de l'identité (et entre autre de la sexualité), les carcans sociaux, le manque de communication et la complexité des relations familiales.
Au sujet des acteurs, je ne développerais pas grand-chose, toujours pour ne pas vous gâcher les portraits des personnages (sérieux, un véritable miracle, j'ai bavé tellement c'était brillant), mais il n'y en a pas UN SEUL qui m'ait déçu, même les plus fades ou les plus secondaires ayant leur moment de bravoures. Les protagonistes sont extrêmement bien interprété, les répliques géniales, c'est fluide et on y croit ; mention spécial à Kevin Spacey et Annette Bening, formidables indépendamment et faisant preuve d'une grande alchimie à deux, ou encore à Wes Bentley et Chris Cooper? incroyablement justes malgré la facilité qu'ils auraient pu avoir à se louper vu leurs rôles.
Alors ouais, vous l'avez sûrement deviné, mais j'ai ADORE American Beauty. Mais genre, dans son ensemble. Et c'est d'autant plus marquant pour moi que c'est pas un film que je m'attendais à aimer, et qu'en fait, j'en suis maintenant pas mal fan. Alors croyez-moi, si vous avez deux heures devant vous, jetez-vous dessus, y a peu de chance pour que ça soit perdu.