DRAGONSLAYER(Le Dragon du Lac de Feu)de Matthew Robbins. 1981. U.S.A. 1h49.
Avec Peter McNicol, Caitlin Clarke, Ralph Richardson, John Hallam, Peter Eyre, Albert Salmi, Sydney Bromley, Chloe Salaman, Emrys James, Roger Kemp, Ian McDiarmid.
Genre: héroic fantasy
Sortie salles:
US - 26 Juin 1981
FR - 20 Octobre 1982
Des films ayant pour sujet une créature aussi légendaire que le dragon, si l'on regarde bien, il n'y en a pas énormément. Ils se comptent même sur les doigts d'une main, si bien sûr on excepte la transformation de la sorcière en dragon à la toute fin de
La Belle au bois dormant, ou encore le magnifique Magyar à pointes de
Harry Potter et la Coupe de Feu.
Mais à part le non moins célèbre
Cœur de dragon,
Le Règne du Feu, le film d'animation
Dragons (génialissime!), ou bien le film coréen
D-War, on ne peut pas dire qu'on fasse une overdose de reptiles ailés au cinéma. Dans le domaine vidéoludique peut-être, mais hélas pas dans les salles obscures...
Évidemment, comme je m'efforce de vous parler des films les plus "recommandables", vous me pardonnerez de ne pas citer les purges que sont
Donjons et dragons (1 et 2) ou
Eragon... (Ah ben merde, trop tard
)
Parmi ces films, il y en a pourtant eu un qui fut le premier du genre, et sans aucun doute aussi le plus réussi.
Co-produit par Walt Disney et Paramount,
Dragonslayer (renommé en France
Le Dragon du Lac de Feu) fut malencontreusement un échec financier à sa sortie. Totalement sombré dans l'oubli depuis, en dehors d'une poignée d'aficionados indéfectibles, cette production de 18 millions de dollars (qui en aura rapporta 14 !) se révèle pourtant un spectacle d'héroïc-fantasy assez inhabituel. Puisqu'en l'occurrence, l'écurie Disney s'attelle cette fois-ci à faire preuve de violence audacieuse dans les méfaits d'un dragon destructeur, friand de jolies donzelles candides et démunies.
Ce fut par ailleurs le premier film estampillé Disney déconseillé aux moins de 12 ans.
Au royaume d'Urland, un ancien dragon nommé Vermithrax sème la terreur auprès de la population. Pour calmer sa haine destructrice, le roi est régulièrement contraint de lui offrir en sacrifice une jeune vierge tirée au sort parmi sa population. Galen, un apprenti-sorcier, va tenter de combattre le monstre depuis que son maître fut malencontreusement assassiné.Avant toute chose, oubliez
Le Règne du Feu. Ici, point d'univers post-apocalyptique, on laisse le dragon là où il a toujours été dans la conscience collective, en l'occurrence dans son élément d'origine : la bonne vieille
fantasy à l'ancienne. Le genre est d'ailleurs très en vogue à l'époque puisqu'un certain
Conan le Barbare et surtout le cultissime
Excalibur sortaient la même année (1981). Les films respectifs de Milius et de Boorman connaîtront cependant un bien meilleur destin au box-office.
Artistiquement pourtant,
Dragonslayer n'a absolument rien à envier à ce genre de productions épiques. Dans une
photographie somptueuse aux teintes maltaises et des décors naturels transcendant l'immensité de plaines et montagnes clairsemées,
Le Dragon du Lac de Feu séduit par son
esthétisme d'une époque moyenâgeuse où la sorcellerie semble en phase de déclin. Le choix des comédiens est notamment un atout anticonformiste pour crédibiliser les enjeux dramatiques impartis aux protagonistes. En oracle autoritaire et vieillissant, Ralph Richardson fait preuve de son charisme habituel alors que son comparse, Galen, interprété par le débutant Peter McNicol, s'attribue un rôle chevaleresque à la bonhomie naïve. Sa compagne Valérik, campée par Caitlin Clarke, possède elle aussi une physionomie naturelle ordinaire dans sa beauté suave toute en modestie.
(à noter aussi que le rôle du frère Jacopus est joué par l'acteur britannique Ian McDiarmid, alias l'Empereur Palpatine dans la saga Star Wars).Cette aventure sombre, mais jamais avare de cocasserie, nous illustre donc
l'initiation d'un jeune apprenti sorcier délibéré à combattre un monstre destructeur que personne ne semble pouvoir arrêter. Si son maître nécromancien s'était de prime abord accordé la tâche drastique de l'enrayer, il en aura décidé autrement au moment opportun pour se porter en sacrifice et ainsi privilégier Galen à prendre la relève. S'ensuit alors une expédition de longue haleine pour le jeune disciple afin de traquer le monstre et assurer la sérénité auprès du royaume d'Urland.
Ce qui surprend au fil narratif à l'intérêt grandissant, c'est son refus de toute prétention et la volonté majeure de
rationaliser un monde médiéval régi par un monarque égocentrique. En effet, le roi empli d'orgueil réfute sans complexe à ce que sa fille vierge soit tirée au sort comme toutes les paysannes prudes de sa contrée afin de satisfaire le dragon colérique. Le réalisateur mise donc dans un premier temps sur la
suggestion en retardant au possible les apparitions dantesques de l'animal. Un peu comme les
Dents de la Mer ou
Alien, le dragon va nous être dévoilé avec parcimonie en divulguant certaines parties de son anatomie. Que ce soit son immense queue de serpent, l'intonation rugissante de sa gueule cracheuse de feu ou ses larges ailes déployées du fond d'un ciel crépusculaire...
En affiliant l'
humour pittoresque d'un apprenti maladroit avide de renommée, la
tendresse de sa liaison naissante avec une paysanne timorée et son
aventure dantesque d'une traque laborieuse contre un dragon cruel, cette épopée médiévale nous transporte au sein d'un univers dépaysant où la magie est en instance d'initiation.
La dernière demi-heure échevelée laisse place à la frénésie de
combats homériques entre Galen et l'animal, réfugiés dans une grotte de feu pour se livrer une lutte sans merci. Quand au point d'orgue final tout aussi épique, il met en valeur les envolées aériennes d'un dragon plus pugnace que jamais afin de provoquer l'antagoniste réfugié en altitude d'une montagne. C'est à cet instant fatidique que la sorcellerie acquise va enfin pouvoir porter ses fruits par l'anticipation d'un alchimiste rusé. Toutes ces séquences impressionnantes où le dragon apparaît dans sa complète anatomie se révèlent
saisissantes de réalisme par son aspect funèbre et terriblement hostile. D'ailleurs, en ce qui concerne les effets spéciaux, il s'agit du premier film ayant utilisé la technique de l'animation
go-motion supervisée par ordinateur. On est également surpris par la cruauté tolérée à certaines séquences martyrs ou de jeunes vierges sont sacrifiées par embrasement d'un brasier ou simplement dévorées par les rejetons du dragon !
Verdict final :
Changeant des traditionnels spectacles familiaux édulcorés, Le Dragon du Lac de Feu aborde le genre d'héroic fantasy avec maturité et même une certaine audace horrifique dans deux séquences portées en offrande. En réalisateur intègre, Matthew Robbins n'oublie pas pour autant la légèreté d'un humour imparti à son héros principal et surtout la crédibilité d'un univers médiéval ténébreux. Quand à la caractérisation du monstre belliqueux, il se révèle l'un des dragons les plus probants jamais conçus au cinéma !
Clairement l'un des meilleurs films de dragons qui existe et, avec le film d'animation Dragons, Dieu sait qu'il n'y en a pas beaucoup...