Je me sens un peu obligé de répondre, parce que j'ai cru lire plusieurs points assez importants, et entre autre, je suis touché directement par cette question (ça aide).
Bon, naïf que j'étais, l'image a lancé le débat, et une personne a appelé la personne de droite "un(e) trans". Hors, ce n'était pas un trans, puisque cela impliquait un changement total de sexe (alors que le trans, selon la définition, transcende cette notion). Et la question s'est posé à moi, lorsque j'étais au travail. La femme sur l'image (qui était un homme avant) portait une robe, un maquillage, bref, était l'image standard de la femme version occident.
Commençons par la définition d'un individu « trans » : il est communément admis comme un diminutif aussi bien pour transgenre ou genderqueer que pour un(e) transexuell(e). Pour faire simple, il s'agit d'individus dont le genre (c'est à dire leur façon de percevoir leur sexe biologique) diffère de leur sexe biologique. On a donc les deux cas les plus évidents, transfemme (un homme biologique s'identifiant comme une femme à un plan psychologique) et transhomme (inversement), mais aussi des cas moins évidents. Il faut un peu percevoir le genre comme un spectre plutôt que du binaire avec homme d'un côté et femme de l'autre. C'est vraiment une question de cas par cas, très personnelle. Comme l'a mentionné Blue, tous les trans ne cherchent pas à l'exprimer physiquement ou à effectuer de transition (donc de changement de sexe), ou alors ne veulent en faire que certaines étapes et pas d'autres... Par exemple, un transhomme peut désirer effectuer quelques opérations mais pas prendre d'hormones, ou alors prendre des hormones sans effectuer d'opérations, voire de ne faire ni l'un ni l'autre tout en se considérant comme un homme.
Pour parler de toute cette question, je pense qu'il est aussi fondamental de comprendre le concept de dysphorie du genre. Il s'agit d'une « condition » (c'est pas le bon mot mais j'en trouve pas de meilleur) psychologique qui provoque un sentiment d'inconfort ou de malaise vis à vis des aspects sexués de son corps. En général, c'est avec ce facteur que l'on identifie un trans (en-dehors du fait qu'il s'approprie lui-même cette part de son identité), et c'est aussi ce qui le pousse à vouloir entamer une transition.
Avec ces cartes en main, il est facile de passer à d'autres questions, comme : qu'est-ce qui définit un homme/une femme ? Au niveau de la société, il semblerait qu'il est possible de définir son propre genre en jouant sur les différences que la société a établies pour ces deux sexes.
Si on maquille un homme de façon très efféminée, qu'il a une voix plutôt aiguë, qu'il porte des boucles d'oreilles, des robes, les cheveux longs, qu'il est bien rasé, qu'il porte des talons ou des petites chaussures, il y a peu de chances qu'il se fasse appeler « monsieur ». Ça ou il se fera traiter de pédale.
Le fait est qu'en voyant un individu, sans lui avoir demandé de baisser son froc, on ne peut pas affirmer qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme à 100%. On peut émettre des conjectures basées sur notre bon sens et ce qu'on sait du dimorphisme sexuel, mais face à quelqu'un qui joue avec les codes de la société et qui arbore une apparence plus androgyne, c'est plus houleux, par exemple. Et de même, parfois, certains trans présentent bien une dysphorie de genre, ou s'identifient bien différemment de leur sexe biologique, mais ils ne ressentent pas le besoin de se conformer aux « standards » de la société (ou alors ne peuvent pas y parvenir s'ils le désirent).
Dans ce genre de cas, il me paraît très essentiel de faire primer le respect. Si quelqu'un demande à ce qu'on utilise un certain pronom, il faut respecter ce choix. S'il veut qu'on ne lui pose pas de questions sur ce qu'il a dans son pantalon, il faut le respecter également (les questions à coup de « t'es un homme ou une femme ? » peuvent paraître innocentes, mais en réalité, à l'oreille d'un trans, elles ressemblent plutôt à « alors y'a quoi dans ton froc, t'as eu des opérations, y'a quoi de marqué sur ton passeport, hein ? », et c'est désagréable, facile de comprendre pourquoi).
Donc, pour reprendre ta question d'origine, le concept d'individu transgenre n'a rien à voir avec « transcender le genre ». Une petite faiblesse linguistique aux yeux de certains sans doute, mais c'est pas moi qui ai choisi le mot, et il est compris en tant que tel actuellement. Tout comme le fait qu'on appelle toujours un atome comme ça alors qu'il est loin d'être insécable et qu'il se compose de particules. On se comprend une fois le mot défini, et c'est l'essentiel.
(Et au passage, le « trans » de transsexuel/transgenre n'a rien à voir avec « transcender » ! Il vient du contraste : trans (de l'autre côté) / cis (du même côté).)
Pour les autres interrogations :
Je ne sais pas si par cela, tu impliques de laisser les gens se faire opérer s'ils le veulent (je doute, mais je vais partir comme si, puisque c'est mon sujet à l'origine), mais la mode (qui n'est pas mauvaise en mon sens) actuellement est de dire aux gens "Vous êtes comme vous êtes, vous êtes une créature unique, vous êtes parfait comme vous êtes". Et étant donné le lourd impact psychologique et physique d'une opération (qui est, dans le fond pour moi, contrairement à toi, rien "de plus" qu'une opération chirurgicale, et, dans ma personnalité, je trouve ça vraiment triste et risqué de la part les gens qui en font (sauf ceux qui ont été sujet à une maladie ou à des brûlures, cela va de soi). Je vais même me risquer à comparer ça à quelqu'un qui va se faire étirer les jambes parce qu'elle ne se sent pas bien car trop petit). Ce n'est pas un caprice, ça va évidemment psychologiquement plus loin, mais est-ce une bonne chose ? Est-ce une chose à encourager ou à accepter en haussant des épaules ? Si l'on me dit que je ne suis pas dans la peau de ces gens, je pourrai répondre que j'ai réfléchi sérieusement à une opération (si j'avais eu l'argent...), pour mon massif popotin qui me hante, surtout à la plage et lorsque je porte un costume. Pourtant, j'ai appris, avec l'aide de ceux qui m'aiment (très important dans ma réflexion), à m'aimer comme je suis.
Comme je l'ai dit plus tôt, on est dans un pays libre, et c'est tant mieux. Mais j'estime, en tant qu'ami (si ça arrive à un ami), et tes propos me confortent en ce sens, devoir déconseiller à quelqu'un le changement de sexe. L'identité est dissociable du sexe, et l'on peut s'aimer tel que l'on est de base, et je pense qu'il faut pousser les gens en ce sens, surtout que, de part ma réflexion et de ce que je vois dans certains de tes propos, ça vient d'une image que l'on se fait d'un sexe.
J'ai mis en gras les parties essentielles de ta question (selon ma lecture) et auxquelles je vais tenter de répondre.
Tout d'abord,
qu'est-ce qui fait qu'un trans en est un ? C'est une question que je me suis personnellement beaucoup posé, vu comme les définitions divergent sur internet. Est-ce quelqu'un d'affecté par une dysphorie de genre à un niveau plus ou moins élevé, ou peut-on être trans sans dysphorie ? Et peut-on expliquer ce qui introduit une dysphorie chez un individu ? Ce sont des questions souvent tabou parce qu'elles ont tendance à vite délégitimer les trans, vu qu'elles sortent souvent de bouches malveillantes (et qu'elles sont suivies de la superbe conclusion « les trans c'est du hoax, la dysphorie ça existe pas, gros bullshit de notre société sexiste » (Et pique à titre de mon expérience, mais souvent, ces gens-là sont sexistes eux-mêmes. C'est juste qu'ils adorent retourner leur veste dès qu'il s'agit de clasher les trans.)).
Du coup, difficile d'animer une discussion là-dessus sans qu'elle ne devienne sensible, puisque plus de 50% de la population trans a au moins une tentative de suicide avant ses 18 ans, et que l'espérance de vie moyenne d'une transfemme de couleur est de 35 ans (je n'ai pas de source mais j'ai vu ces statistiques revenir à moult reprises, mais je chercherai un lien à l'occasion). Bref, des stats très alarmantes si on veut mon avis.
Plusieurs réponses ont été apportées, mais aucune n'est admise avec certitude. L'une de celles qui revient souvent et qui explique pas mal le concept de dysphorie repose sur le concept de « géographie corporelle » : le cerveau possède une sorte de « carte » du corps, et parfois elle ne convient pas au corps lui-même. Ce qui explique qu'on puisse se sentir mal à l'aise par la présence ou l'absence de pénis ou de seins sur son corps, pour prendre un exemple rapide et éloquent. Ça va évidemment beaucoup plus loin, mais le concept est posé.
C'est loin de se limiter au regard des autres, en tout cas. Certains trans s'en fichent du regard des autres d'ailleurs, tandis que pour d'autres trans, il est très important car il leur permet de valider leur ressenti. Il y a plusieurs exemples de trans qui ne se conforment absolument pas aux normes de leur « nouveau sexe », donc ça va vraiment l'encontre du fait que ça serait une pensée inculquée par la société !
On pourrait aussi se demander pourquoi, par exemple, les transhommes ressentent la nécessité de comprimer leur poitrine pour apparaître avec un torse plat. La raison qui revient le plus souvent, c'est de pouvoir
montrer à autrui son ressenti plutôt que de devoir se poser et le lui expliquer (ce qu'on ne peut évidemment pas faire avec les inconnus). Plus que de se conformer à une convention sexuée, on impose son genre sur son sexe biologique. Oui, quelqu'un peut facilement retourner le problème et dire que ça renforce les différences entre les sexes sur le plan sociologique (Blue a d'ailleurs cité l'exemple d'une transfemme qui se posait cette question, comme quoi c'est loin d'être exclusif aux cis comme on pourrait le penser (et moi-même je me suis posé la questions de nombreuses fois)). Mais tout est une question de perspective, et encore une fois, c'est personnel. Tout comme certains transhommes portent des aplatisseurs de poitrine tout simplement pour une question de confort personnelle (de la même manière qu'on choisit de porter des chaussettes dans ses sandales lol). Et ce n'est pas exclusif aux transhommes, tout simplement (femmes complexées par leur poitrine ou ayant une poitrine pas assez ferme, hommes ayant une peau peu ferme à cette zone, etc.).
Bilberry évoque bien encore un autre aspect de cette question, en plus.
Ensuite,
pourquoi recommander une transition ? À froid, ça ressemble un peu à un parcours du combattant direction Rio de Caca (si on en respecte les étapes les plus fréquemment employées) :
- On doit prendre des hormones régulièrement, donc on passe par des pilules, des crèmes ou des seringues... mais qui aime se rajouter des médicaments à prendre régulièrement, franchement ?
- Qui dit hormones dit seconde puberté, donc souvent, acné. Personne n'aime ça. (sauf si c'est votre kink secret, désolé, chacun sa vie)
- L'entourage va avoir du mal à s'adapter : faire chier tous ses proches avec un nouveau nom et des nouveaux pronoms alors qu'ils sont déjà habitués aux anciens, pourquoi faire ? C'est « juste » un nom et un pronom, pourquoi en faire tout un foin ? En plus, c'est garanti qu'ils vont beaucoup se tromper, au moins au début.
- C'est cher parce que l'assurance ne le prend pas en compte.
- Les opérations sont (pour la plupart) lourdes et demandent plusieurs mois pour être complètement satisfaisantes.
- Les trans sont une minorité hautement discriminée. Il suffit de mettre le pied dans des chiottes publiques qui ne conviennent pas à votre apparence physique selon les gens qui s'y trouvaient, et vous êtes victime de regards assez vulgaires, voire de harcèlement verbal ou d'agression physique si c'est pas votre jour.
Tout ça pour dire qu'avec autant d'« inconvénients »,
qui sur terre recommanderait à quelqu'un de faire une transition sexuelle ? Sur ce point, je comprends ton point de vue, Guiiil.
Cela dit, il faut aussi se mettre à la place des trans, et se dire qu'ils se sont sans doute déjà posé toutes ces questions, voire s'en posent bien d'autres encore. Les transitions sont, dans la grande majorité des cas, très encadrées, parce qu'on veut s'assurer qu'il n'y aura pas de regret et que le patient sait pleinement à quoi il s'engage. À de très nombreuses reprises, des psychologues et psychiatres ont tenté des méthodes alternatives pour aider les individus trans, en déconseillant une transition « médicale » (et qui passe donc par les hormones, les opérations, etc.), et dans la majorité de ces cas, les effets étaient nuls ou presque. C'est ce qui pousse les psychologues à recommander les options médicales le plus souvent, désormais.
Mais, encore une fois comme l'a dit Blue, le rapport au corps, qui plus est son propre corps, est complètement personnel. Chacun a le sien et choisi comment il envisage son problème. Les psychologues, psychiatres, endocrinologues, docteurs, chirurgiens... ne font que proposer des options pour aider à épauler le malêtre qui entoure toute cette situation.
C'est donc facile de dire qu'on aimerait éviter de faire une transition alors que c'est parfois la seule option (que l'on connaisse en tout cas, mais la recherche sur le rapport au sexe et sur le genre en général est très ouverte).
Pour te « mettre dans la tête » de quelqu'un qui envisage ces options, dis-toi que si pour toi il est plus simple d'apprendre à t'accepter que de faire ces opérations, parfois la dysphorie est telle que s'« accepter » est impossible ne serait-ce qu'à envisager. Je reprends encore une fois Blue, mais il a lui-même évoqué le fait que le corps sexué est aussi une position sur le plan interrelationnel, et plus précisément, intime et sexuel. Difficile d'occulter des parties de son corps dans ce genre de contexte.
Il ne faut pas bêtement comparer ça à la chirurgie esthétique, car le sexe va bien plus loin que la simple apparence, comme on l'a si bien établi dans cette conversation. Et encore une fois, ces opérations sont très encadrées. De plus, comme pour toute opération de « chirurgie esthétique » (je ne considère pas que celles des changements de sexe en soient, pour toutes les raisons citées plus haut), le chirurgien fait tout pour dissuader son patient lors de sa rencontre avec lui : il veut s'assurer que le patient sait ce qu'il veut et qu'il ne va pas demander de rectification par la suite (ce qui serait problématique pour le patient comme pour le chirurgien, qui y perdrait !).
(Et je rejoins également Blue sur le fait que la chirurgie esthétique est loin de se limiter à vouloir être plus beau.)
En dehors de tout ça, c'est très bien que la science moderne nous permette d'avoir accès à des opérations aussi élaborées, que ce soit en chirurgie esthétique ou en chirurgie de ré-assignement sexuel (wow cette traduction mot pour mot, mais bref, je sais juste qu'en anglais c'est
sex reassignment surgery), et j'espère sincèrement que ça va continuer de s'améliorer. Ce sont encore des options nouvelles et récentes, donc c'est normal qu'elles nous paraissent un peu comme des mesures drastiques, mais le seraient-elles vraiment, par rapport à tout ce que le problème cause ? La majorité de la population trans possède un ou plusieurs trouble(s) mental(aux) à cause de sa dysphorie, que ce soit parce qu'elle a été identifiée trop tard (et que les dégâts en étaient déjà présents) ou parce que la transition n'a pas été à la hauteur de leurs attentes (aussi avancés qu'on soit, les opérations pour les trans ne sont pas encore parfaites du tout par exemple).
Et évidemment que quand on peut éviter un traitement ou une opération, on l'évite. Même pas besoin de soulever la question des trans pour préciser ça.
EDIT : Je savais que j'oubliais des trucs, mais je tiens aussi à clarifier ce point :
Edit : Je vais préciser par rapport à ce que j'ai dis sur ce que j'ai vu à la télé. Souvent les personnes, lors de leur témoignage, disaient : "Je me suis rendu compte que j'aimais les garçons, que j'aimais m'habiller en femme, et que je me sentais bien en robe". Ce qui me laissait penser "Bah, t'as pas besoin d'être une femme pour faire tout ça..". Et les opérations n'étaient que la suite logique : "Je veux être une femme, j'ai donc besoin de seins". Et non pas "Je me sens pas bien sans poitrine, je dois en avoir une". D'où ma précision : "je me base sur les témoignages vus à la télé".
Oui, c'est ce qui revient le plus souvent quand les trans sont dans des émissions TV ou qu'on explique leur situation. Personnellement, je vois ça comme une façon extrêmement facile d'expliquer le problème. C'est tout sauf évident d'en parler à quelqu'un qui aura du mal à comprendre ce genre de ressenti quoi qu'il arrive ! C'est pour ça que c'est facile de se rabattre sur des choses plus faciles à comprendre, donc quand un trans parle de son enfance, il mentionnera généralement avoir été attiré par les activités du sexe opposé (mais ce n'est qu'effleurer la surface bien souvent), en grandissant, il dira que la puberté l'avait mis mal à l'aise... Mais c'est réducteur au final.
Quant aux trans qui s'accoutument parfaitement aux normes de leur « nouveau sexe », comme les transfemmes très féminines et les transhommes barbus, perso je vois surtout ça comme du : « avant d'entamer ma transition, je ne pouvais pas (par exemple) me maquiller librement à cause du regard des autres, maintenant je peux, donc je le fais ».
Voilà, j'ai l'impression d'oublier pas mal de trucs (je ne mentionne pas les intersexués par exemple alors qu'ils ont évidemment leur mot à dire) et j'ai la flemme de me relire, mais j'espère que ça pourra t'apporter quelques éléments de réponse pour considérer le problème d'un autre angle.
J'explicite aussi pourquoi je dis que c'est un sujet qui me concerne : je me considère comme trans moi-même, et j'envisage au moins une opération (et je sais déjà laquelle). Je préfère les pronoms masculins mais je tolère les pronoms féminins. Je n'ai jamais vraiment été conformiste vis à vis des normes d'un genre ou de l'autre, et j'ai tendance à m'en foutre complètement, mais je sais que j'ai un rapport absolument atroce et problématique avec mon corps. Au point où j'en suis, j'essaye juste de peser le pour et le contre des options qui s'offrent à moi, parce que j'ai simplement envie d'aller mieux sans pour autant trop encombrer ma vie avec des procédures médicales. Mais j'attends de recevoir de l'aide de professionnels avant de me décider définitivement sur quoi que ce soit, quitte à ce que ça prenne un peu plus de temps. Donc voilà ce qui explique l'exhaustivité de ma réponse sur ce genre de question