Je ne veux pas trop intervenir dans le débat sur la religion, mais j'ai envie de partager une citation que j'ai découverte il y a deux jours. Elle est due à Charles Péguy :
"Parce qu'ils n'aiment personne, ils pensent qu'ils aiment Dieu."
Je trouve que cela décrit avec une extrême justesse tous ceux qui se servent de la religion pour nourrir la haine de l'autre, comme les quelques illuminés qui se sont réveillés en France il y a un an. Les espèces de dégénérés style Civitas qui pensent être en mission divine pour sauver le Royaume de France rentrent complètement dans cette description.
Au passage :
C'est pour ça que je n'ai rien contre des religions à titre philosophique (comme le bouddhisme par exemple), mais que j'ai davantage un problème avec les autres.
Une petite remarque, parce qu'il serait regrettable de penser que certaines croyances sont épargnées par les cons : en Birmanie, les bouddhistes sont à l'origine du massacre des Rohingyas, une ethnie de croyance musulmane. Comme quoi, il n'y a pas que les chrétiens, les juifs ou les musulmans qui sont capables de se foutre sur la gueule.
Et je réagis là-dessus tant que j'y suis :
En science, la frontière entre hypothèse et fait est très mince. On n'est sûr de rien, il serait possible qu'on découvre demain que la gravité n'est pas ce qu'on pensait, etc. De nombreuses personnes citent Darwin, or la théorie de Darwin a été beaucoup changée pour devenir la théorie de l'évolution actuellement admise et il y a encore des arguments contre cette théorie. Les connaissances scientifiques sont en perpétuel changement.
Ce que tu appelles "hypothèse", j'appelle ça une théorie, et c'est précisément ce que fait la science. Les faits, en science, c'est ce que dit l'expérience, pas ce que dit une théorie extrêmement bien vérifiée tant qu'elle n'est pas remise en cause.
Tu prends l'exemple de la gravitation : le
fait est que les pommes finissent par tomber des arbres. En revanche, la description que l'on en fait, même si elle est extrêmement bien vérifiée, n'a rien d'un "fait", mais relève bien d'une théorie. Le terme de "théorie" est souvent perçu comme désignant une idée vague sur la façon dont les choses sont, qui attend d'être vérifiée - sans doute à cause de la théorie de l'évolution, justement, qui est remise en cause par beaucoup de monde -, mais ce mot a une signification bien plus large, et une théorie peut très bien être largement validée, sans pour autant être promue au rang de "fait". C'est à mon avis ce qui fait toute la différence entre la science, qui tente de décrire du mieux possible l'Univers, la nature, sans prétendre en exprimer les lois "réelles", et la religion, qui établit comme factuelles et indiscutables toutes les réponses qu'elle apporte sur le monde.
Sur un autre sujet, quinze ans après :
On ne devrait pas légaliser la marijuana.
Je n'en fume pas, et je trouve crétin d'en fumer, mais je pense qu'on devrait légaliser TOUTES les drogues afin de contrer le marché de la drogue qui fait des ravages partout ! Après tout, l'alcool est légalisé, et il fait des ravages. Tout en cadrant la chose, comme actuellement avec la drogue sus-cité.
Il y a non seulement la question d'empêcher le trafic de drogue, mais aussi une question de santé pas directement liée au cannabis en lui-même, mais aux produits qui sont ajoutés dedans pour en augmenter le prix de vente. Le discours qui prétend tenir compte de la santé des consommateurs de cannabis en refusant d'en encadrer la vente - et donc la "qualité" - me paraît profondément hypocrite.
Quant à la prétendue augmentation soudaine de cannabis qu'entraînerait sa légalisation, quand on sait que 15 millions de français en ont déjà consommé, difficile de croire que cela aurait un impact réel... (sans compter que cela montre bien l'inefficacité de la prohibition)
Au-delà de ça, il faudrait aussi que les politiques arrêtent de faire preuve d'une telle hypocrisie en refusant d'évoluer sur cette question, alors qu'ils ne font à peu près rien pour lutter contre le tabac, si ce n'est en augmenter régulièrement le prix sans réel impact sur la consommation.
Bon sinon, vu que c'est apparemment l'ambiance, en ce moment, de se battre contre des droits acquis depuis longtemps par les femmes, deux idées impopulaires :
1) L'interdiction du voile intégral est une (grosse) connerie.Je précise que la loi qui interdit le port du voile intégral dans les lieux publics est en fait une loi plus générale, qui interdit la dissimulation du visage dans les lieux publics, notamment pour des raisons de sécurité, ce qui est plutôt une bonne chose (cela dit, ça reste quand même assez singulier, vu qu'il faudrait en principe condamner toutes les personnes masquées, y compris lors d'un carnaval ou ce genre d'événements, mais bon, ça relève plus de l'application de la loi, et ce n'est pas vraiment le point important).
En revanche, tous les beaux discours invoquant la liberté et la défense des femmes me paraissent parfaitement ridicules. Soyons clairs : je trouve particulièrement stupide de se foutre une burqa sur la tête au nom d'une croyance, et la soumission (consentie ou non) des femmes par les religions est sans doute l'une des choses qui m’écœurent le plus. Pour autant, ça ne justifie pas, à mon sens, que l'on interdise explicitement le port du voile intégral. Deux situations sont possibles :
- La femme porte la burqa de son plein gré, et dans ce cas, cette interdiction est une privation de liberté. Bien sûr, ce n'est pas parce que ce choix est le sien qu'elle n'est pas soumise à une pression religieuse, familiale, culturelle. Mais c'est le cas de bien des choses, surtout lorsqu'il s'agit des droits des femmes, et l'on n'en fait pas une loi à chaque fois : ce serait sans doute peu utile, par rapport à ce qu'apporte l'éducation.
- La femme est clairement forcée de porter le voile intégral, et l'on sanctionne alors une victime, ce qui va complètement à l'encontre de l'intention première. De plus, on expose davantage ces femmes, dont la famille pourrait refuser qu'elle quitte son domicile pour ne pas enfreindre la loi.
Bref, dans les deux cas, le résultat est complètement contre-productif. Évidemment, je pourrais aussi parler des motivations électoralistes qui ont contribué à faire cette loi. C'est loin d'être la seule à jouer dans ce registre, mais celle-ci en est un exemple particulièrement frappant.
2) Il faut dépénaliser la prostitution.Bon, déjà, je passe sur les quelques arguments débiles à base de "c'est le plus vieux métier du monde, on ne pourra jamais l'interdire" : dans le genre stupide, on fait difficilement mieux. L'esclavage, avant d'être aboli, était déjà ancien, mais ça ne justifiait pas son existence. De la même manière, ce n'est pas parce que la prostitution existe depuis un bout de temps qu'elle en serait plus légitime.
En revanche, l'interdiction ou la pénalisation de la prostitution pose un certain nombre de problèmes. Le plus évident est à mon avis celui de la liberté : si une personne souhaite se prostituer, il n'y a aucune raison pour s'y opposer, dans la mesure où cela ne concerne qu'elle et son propre corps. Bien sûr, la traite et l'exploitation des prostitué-e-s existe, et il faut les combattre, mais il existe aussi beaucoup de travailleurs du sexe qui se prostituent par choix, et ils devraient être libre de le faire.
On entend souvent parler de "dignité" pour s'opposer à la prostitution : il s'agirait d'une activité que l'on ne pourrait exercer sans la perdre. À vrai dire, il ne me paraît pas raisonnable de laisser la loi décider de ce qui est digne ou de ce qui ne l'est pas, dès lors qu'il s'agit de notre propre corps et de notre sexualité*.
La liberté est un point important, mais il y en a d'autres : vouloir interdire la prostitution, c'est aussi isoler davantage les prostitué-e-s, ce qui a plusieurs conséquences. D'abord, il devient plus difficile de lutter contre les réseaux de proxénétisme. Les personnes prostituées ont aussi un pouvoir de négociation plus réduit si leur activité est illégale, ce qui peut les contraindre à accepter des rapports à risques. Enfin, cela tend à les exclure des opérations de prévention, les exposant davantage au VIH ou autres joyeusetés sexuellement transmissibles. Bref, en voulant les protéger des effets négatifs de la prostitution, on ne fait que décupler ceux-ci.
*
Au passage, ce qui fait perdre toute dignité aux prostitués "par choix", à mon avis, c'est plutôt qu'on leur assène une telle affirmation, en considérant qu'ils ou elles seraient incapables de juger de leur propre dignité.