@Plastik
Je conçois que tu trouves le roman chiant, mais je capte pas trop tes critiques à son égard.
Admettons le gros défaut du livre : son manichéisme. C'est tout simplement que l'histoire est symboliquement la lutte de la Vie contre la Mort (littéralement). Pourquoi ce serait nécessaire pour faire une bonne œuvre d'en tisser une trame complexe, toute en nuance ? Parce que la vraie vie est toute en nuance ? Dracula est en réalité un livre profond à la thématique forte (l'amour, la folie, le mystère, la mort...), c'est dommage que tu sois passé à côté.
Si ça se passe en Angleterre et pas dans un château glauque, c'est parce que la Mort est mise à hauteur d'homme, pas dans un enfer surnaturel.
Lucy n'est pas une femme faible, c'est une victime, le symbole de la pureté corrompue. Et son amie Mina est pas faible non plus, elle résiste à l'influence de Dracula après sa morsure et elle participe activement à la traque en Transylvanie. A contrario, Jonathan par exemple n'est pas un surhomme. Renfield est la plus grosse victime du roman en plus d'avoir un destin tragique... Mais peut être que ce qui te dérange, c'est le fait que tous les hommes aient envie de protéger la femme ? Je trouve pas que le défaut soit spécialement lourd.
Ensuite pour la cohérence du groupe et les nombreuses coïncidences que tu as relevées. Tu l'as dit toi même, le roman a un style épistolaire. Le fait que l'intégralité de l’œuvre soit vue à travers les yeux de ce groupe précis est étroitement lié au style, sinon autant faire un narrateur extradiégétique bidon. Et de là interroge toi sur le pourquoi Stoker a choisi de raconter son histoire dans un environnement étriqué, plutôt que l'inverse. Sur ce que ça implique pour le lecteur et sa perception de l'horreur. Rappelle toi par exemple la scène où Jonathan (je crois) voit Dracula dans la rue en compagnie d'autres personnes. Stoker aurait pu faire une intrigue parallèle avec ça, mais non. Il a eu la flemme, ou il y a une vraie raison ?
Quant au fait que tous se connaissent et que Dracula, comme par hasard, ait choisi d'habiter à côté de l'asile, c'est tout simplement que Dracula choisi Jonathan, et par extension Mina, pour se rapprocher de l'Angleterre. Et comme tous les personnages gravitent autour de Mina, il n'est pas spécialement extraordinaire qu'il ait choisi un endroit situé tout prés d'un de ses ami proche. Van Helsing est un docteur appelé à l'origine pour son avis de docteur (c'est un docteur ami d'un docteur quoi) qui s'avère devenir efficace au fur et à mesure qu'il analyse le mal qui ronge Lucy. Rien de bien solide pour effriter la suspension d'incrédulité je trouve.
Bref, je vois pas vraiment de quelles ficelles tu veux parler, de même que certains points soulevés (le fait qu'un roman écrit en période victorienne soit trop victorien par ex) me laissent dubitatifs. Je comprends que tu trouve le livre chiant (ça dépend de ta propre sensibilité) mais tu vois des défauts là où il n'y en a pas, et qui ont fait la force du livre dans l'imaginaire collectif.
Btw je sais pas en français mais dans la VO, Van Helsing parle comme tous les autres personnages, il n'y a pas de fautes de grammaires (ce qui, vu l'érudition du mec, aurait été assez grossier).
Bon bah, en effet, ce livre me déplait, son style d'écriture me bourre complètement.
Je comprends bien que Harker a été choisi par Dracula et que tout orbite d'un seul groupe, mais cela rend le scénario extrêmement prévisible, notamment Renfield qui parle sans cesse de son "maître", qui dit que Mina doit partir, et surprise, Dracula a pénétré dans l'asile pour accomplir sa funeste tâche (propos dits en présence de Van Helsing, le professeur qui sait tout sur tout), du coup, ça me laisse un peu pantois et me fait lever les yeux au ciel, plusieurs détails comme ça dans le livre me gonflent un peu: Van Helsing qui n'arrête pas de dire que durant la journée Dracula est planquée dans une "box" alors que Harker et lui-même ont été confronté au gars en plein jour... Erm, ça passait peut-être bien à l'époque, mais là en le lisant tout de suite, c'est quand même un peu gros. Même si la seule explication que je trouve derrière cela est effectivement que Dracula se serve de tout ce petit monde (après tout Harker s'échappe sans qu'on ne sache trop comment d'un château entouré de loups et rempli de saloperies), mais s'il est capable de tisser un tel plan et d'être omniscient à ce point, cela rend sa fuite d'Angleterre et sa déconfiture encore plus décevantes.
Comment Dracula a-t-il pu deviner que Mina se trouverait à Whitby, auprès de son amie Lucy? (Première victime de Dracula en Angleterre). Je trouve aussi que c'est un beau hasard que le docteur ami de Lucy (ne connaissant ni d'Eve ni d'Adam Mina et Harker avant que VH ne trouve les lettres de Mina adressées à Lucy et embarque tout le monde dans sa quête) habite à deux pas de l'asile de celui-ci. Dracula avait d'ores et déjà choisi sa résidence à Londres près dudit centre d’aliénés avant même d'avoir rencontré Jonathan Harker, qui va en remplacement de son patron qui a été victime d'une attaque de goutte.
Quant aux thématiques (La vie, la mort, la folie, l'amour, cette pointe de sensualité), on les ressent en effet poindre à travers le livre dans certains chapitres mieux torchés, mais encore une fois sa dualité très simpliste m'empêche effectivement d'éprouver un attachement quelconque à ses personnages ultra premier degré, la seule pour qui j'éprouve une quelconque compassion étant Mina qui refuse en effet son sort et veut participer à l'expédition.
Son manichéisme et son style me provoquent une terrible lassitude, je trouve simplement que le bouquin a très mal vieilli et ce à de nombreux points de vue.
Et en effet je lis la VO, et si, Van Helsing parle quand même pas très bien l'anglais, même en recherchant sur le net, je ne suis pas le seul à avoir cet avis, il y a des passages où c'est écrit parfaitement, mais d'autres où se glissent des erreurs aléatoires et des redondances ou des phrases sans queue ni tête. Les autres personnages parlent bien mieux, si on oublie les retranscriptions phonétiques des divers ouvriers et gardien de zoo rencontrés dans le livre.
Genre ça, c'est des exemples assez probants de complet WTF:
"Now take down our brave young lover, give him of the port wine, and let him lie down a while.... I may take it, sir, that you are anxious of result. Then bring it with you that in all ways the operation is successful."
"Notwithstanding his brave words, he fears us; he fear time, he fear want! If not, why he hurry so? His very tone betray him, or my ears deceive."
"Oh, Madam Mina," he said, "how can I say what I owe to you? This paper is as sunshine. It opens the gate to me. I am daze, I am dazzle, with so much light, and yet clouds roll in behind the light every time. But that you do not, cannot comprehend. Oh, but I am grateful to you, you so clever woman."
Donc oui, peut-être que tout ce que je souligne n'est propre qu'à ma sensibilité (sauf les erreurs de Van Helsing), et ce qui me déplait dans le bouquin est sûrement du à l'époque du livre et inhérent à son style. Néanmoins, de nombreuses nouvelles d'épouvante datant d'avant le roman de Stoker parviennent à instiller un minimum d'effroi et de questionnement avec des personnages un peu plus profonds que Quincey ou Goldmaning.
Bref, cela reste pour moi une véritable déception, et un livre d'un ennui manifeste dont les mérites sont complètement enterrés par tous les défauts que je lui trouve.