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Littérature, BD et séries d'animation / [Animation] Topic Masaaki Yuasa
« le: mardi 22 décembre 2020, 21:40:03 »Masaaki Yuasa est un réalisateur de séries et films d'animation japonais qui a commencé sa carrière à la fin des années 80 en travaillant, comme pas mal de personnes du métier, à l'animation de différentes séries populaires pour enfants (Doraemon, Crayon Shin-chan, Chibi Maruko-chan), il commencera à se faire connaître en tant que réalisateur au début du XXIème siècle.
Parmi ses influences visuelles, il compte entre autre les cartoons comme Tex Avery, dont on peut retrouver un style de déformations comique et la grande élasticité des personnages dans plusieurs de ses œuvres. Il a d'ailleurs déjà réalisé pour la TV américaine puisqu'en 2014, il signe l'épisode Food Chain de la saison 6 de la série Adventure Time. Mais ce n'est pas sa seule expérience en dehors du Japon, en 2010 déjà, il avait travaillé sur l'épisode spéciale Noximilien l'Horloger de la série française Wakfu.
Yuasa aime bien travailler avec des personnes sortant des frontières japonaises, cela peut aussi se voir à travers sa longue collaboration avec une animatrice, réalisatrice et aujourd'hui productrice d'origine coréenne : Eunyoung Choi. Ensemble, ils vont fonder le studio Science Saru en 2013, dans lequel seront réalisés plusieurs des séries de Yuasa.
Si j'essaie de citer toutes les œuvres sur lesquelles Yuasa a bossé, ce post ne risque pas d'en finir, je vais donc me contenter d'aborder celles que j'ai déjà vu pour le moment (ça va quand même être long...) et garder pour de futurs posts ses autres œuvres une fois je les aurais vues.
Je vais aussi faire ça dans un ordre pas tout à fait chronologique mais plutôt thématiques : on va d'abord se concentrer sur les adaptations qu'il a faites, qui constituent en général ses travaux les plus connus, et quand je vous aurais bien mis l'eau à la bouche, on passera à ses créations originales !
C'est parti sans tarder avec le film Mind Game (2004), adaptation d'un manga de Nishi Robin datant de 1995, qui est d'ailleurs publié en France aux éditions Imho. Je n'ai pas encore eu l'occasion de le lire donc je ne peux pas trop faire de comparaisons avec.
Jusqu'ici, j'ai mentionné des séries pour enfants mais une bonne partie de l'œuvre de Yuasa est destinée a un public adulte, c'est notamment le cas de Mind Game qui s'avère assez violent et comporte plusieurs scènes aux thématiques sexuelles. Comme la bande-annonce le montre bien, niveau graphismes, c'est un film très expérimental et barré. C'est un peu pareil pour le scénario, qui commence par une espèce de clip nous présentant à vitesse grand V le passé des personnages principaux avant de nous jeter dans leur vie assez foireuse et sur le point de tourner au pire suite à une confrontation avec des yakuzas.
S'enchaineront course-poursuite, arrivée dans un endroit des plus étrangse, exploration des personnages entre deux scènes barrées, pour se lancer enfin dans un final explosif et fin de l'histoire à travers un nouveau clip prolongé montrant tous les personnages, achevant de re-contextualiser le scénario dans un "tout est lié" assez mystique et géant.
Je n'ai eu l'occasion de voir le film qu'une seule fois mais c'était dans une salle de cinéma et ce fut une expérience complètement folle et intense. J'ai eu un peu de mal à rentrer dedans mais une fois que ce fut le cas, j'ai vraiment accroché à cette aventure !
Procédons maintenant à de petits sauts dans le temps avec The Tatami Galaxy (2010) et Night is Short, Walk on Girl (2017), qui sont actuellement disponibles sur Netflix.
On a là deux adaptations de romans, situés dans l'univers de l'écrivain Tomihiko Morimi qui a vu entre temps d'autres de ses œuvres être aussi adaptées (Uchouten Kazoku/La famille excentrique ; le Mystère des Pingouins). Il a une grande affection pour la ville de Kyoto dans laquelle se situent la plupart de ses histoires et qui pourrait presque compter comme un personnage. Ses livres ne sont pas publiés en français donc je n'ai pas pu les lire mais de ce que j'ai pu comprendre, Yuasa n'a pas adapté à la lettre près TTG et Night is Short, il a pris ses libertés sur certains points.
The Tatami Galaxy est une série de 11 épisodes centrée autours d'étudiants d'un campus, et plus particulièrement du narrateur, qui n'est vraiment pas satisfait de sa vie d'étudiant. Il n'a pas trouvé sa voie, son seul ami est un type qu'il trouve détestable et malgré ses simples demandes en matière de petite copine, il n'en a toujours aucune ! Clairement, il y a un truc qui ne va pas dans sa vie et si seulement il avait pris les bonnes décisions a son entrée à l'université, cela ne se serait pas passé comme ça ! Oui, s'il pouvait retourner en arrière, tout serait différent !!
On va donc suivre notre narrateur à travers ses différentes vies à l'université, qu'il rejoigne le club de théâtre ou bien celui de cinéma, voir même qu'il préfère une organisation secrète qui fait la loi sur le campus. Ce n'est pas une série que je conseille de regarder d'un coup/trop vite, parce que le schéma des épisodes est assez similaire, voir répétitif, et que la capacité du protagoniste à passer complétement à côté des problèmes qu'il se cause à lui-même peut s'avérer assez frustrante.
C'est cependant une série très intéressante, à la fois pour ses graphismes léchés et pour la manière dont on découvre petit à petit les différentes facettes des personnages autour du narrateur, qui nous seront dévoilées selon sa position dans l'intrigue. Et les derniers épisodes concluent "l'arc" du narrateur de manière intéressante et satisfaisante.
Attention, les dialogues sur le premier épisode s'enchainent quasi sans interruption à une vitesse qui peut s'avérer difficile à suivre ! Ce n'est pas le cas pour le reste de la série cependant. Je dirais aussi que cela s'adresse plutôt à un public à partir de la fin de l'adolescence. Les rêveries du narrateur et de son "Johnny" ne sont pas que romantiques.
Night is Short, Walk on Girl est un film qui a aussi lieu autour du même campus de Kyoto mais, si on voit quelques caméos de personnages de Tatami Galaxy, les personnages principaux sont différents. On y pass une nuit pas si courte que ça autour d'une étudiante qui se laisse porter par son instinct pour profiter des aventures que propose la ville de nuit, sans savoir qu'elle est suivie tout du long par un de ses ainés qui cherche un moyen de l'aborder. Au cours de leurs péripéties, différents personnages vont se croiser et se recroiser.
On est dans le même style visuel que Tatami Galaxy. Le film peut très bien se voir sans avoir regardé l'œuvre précédente, même si c'est un bonus sympa. Je l'ai vu dans une salle de cinéma comblée la première fois et c'était une expérience incroyable, malgré le fait que j'étais super mal placée (tout devant, sur le côté) parce qu'arrivée en retard. Il ne se passait pas une minute sans rires ou exclamations.
J'ai malheureusement trouvé le rythme un peu moins bon lorsque je l'ai revu toute seule, sur Netflix. Je connaissais les twists et les blagues, donc cela a probablement influencé, mais je trouvais le temps un peu long à certains moments et il n'y avait personne pour rire avec moi.
La romance avec le senpai stalker ne plaira probablement pas à tout le monde, j'y suis moi-même assez hermétique mais la jeune fille est tellement charmante dans son optimisme joyeux et son goût de "l'aventure" du quotidien, que cela reste très plaisant à regarder.
En 2014, c'est à une œuvre culte du mangaka Taiyô Matsumoto (Amer Béton, Sunny, Les Chats du Louvre...) que Yuasa s'attaque : Ping Pong, avec une série de 11 épisodes.
Peco et Smile sont deux joueurs de ping pong arrivés en seconde, dans une école au club pourri. Ils ont un passif ensemble, le très animé Peco ayant introduit le beaucoup plus calme Smile au sport. Peco est talentueux mais se repose beaucoup sur ses lauriers. Pendant ce temps, Smile devient la coqueluche de l'entraineur du club, qui aurait été un joueur réputé il y a longtemps, et reçoit même des offres de recrutement de la part de Kazama, la star du club lycéen le plus réputé de leur région. Avec tout ça, leur amitié pourrait être sur le point de se fracturer...
Bon, je vais être totalement objective (/s) : c'est de la bombe. De base, j'adore presque toutes les œuvres de Taiyô Matsumoto et j'aime aussi beaucoup le style de Yuasa, ce combo ne pouvait donc que me plaire. Le manga est adapté avec quelques petits changements dans la présentation des événements, on a des ajouts et modifications des histoires des personnages, approuvées par le créateur original. Que ce soit le manga ou l'anime, les deux valent vraiment le coup et il s'agit d'une œuvre accessible à tous.
Le style graphique peut paraître "laid", mais ne vous arrêtez pas à cela, c'est vraiment une belle série, et si les personnages semblent peu attractifs au début, ils ont vraiment du charme quand on apprend à les connaître et un développement très plaisant. La série est très dynamique et les épisodes s'enchainent facilement !
Un petit extrait d'un des premiers épisodes, où les protagonistes rencontrent le personnage de Wenge (♥), pour vous donner une idée.
Ping Pong est passé par un peu tous les éditeurs français de simulcast depuis sa sortie mais je ne sais pas trop où il serait disponible en ce moment malheureusement
Début 2018, Yuasa et le studio Saru se lancent dans une série où tout est permis sur Netflix, avec une réinterprétation du manga culte de Go Nagai, Devilman.
Issu du Weekly Shônen Magazine, c'est un manga de baston gore où, suite aux révélations de son ami Ryô, le froussard Akira va apprendre l'existence de démons et participer à un rituel pour devenir Devilman. Cela lui permettra de les affronter afin d'empêcher la destruction de l'humanité.
Bon, je pose les choses sur le tapis direct : j'aime pas le manga original. Et je n'aime pas spécialement l'adaptation de Yuasa non plus. Celle-ci joue à fond la carte de l'ultra-violence et du sexe, à l'image des œuvres de Go Nagai, et si ce foutoir apocalyptique n'est pas pas dénué de qualité, il n'est absolument pas pour moi.
Ce n'est évidemment pas le cas de tout le monde, la série a fait un buzz monstre l'année de sa sortie et on le retrouvait partout dans les discussions sur l'animation japonaise pendant plusieurs mois. Donc si le petit résumé que j'en ai fait vous attire, je pense que vous pouvez tenter.
Depuis, Yuasa a co-réalisé avec Pyeon-Gang Ho un nouveau projet pour Netflix : Japan Sinks 2020, l'adaptation du roman La Submersion du Japon. Mais ne l'ayant pas encore vu, je ne peux pas trop en parler.
Aussi, on va passer à une autre adaptation datant de 2020 : Keep Your Hands of Eizouken!, adaptation d'un manga de Sumito Ōwara qui parle de faire de l'animation ! Pour la petite anecdote, Yuasa a dit avoir découvert le titre en faisant un peu "d'ego search" : tapant son nom dans des moteurs de recherches, il a vu des fans qui disaient que son style correspondrait parfaitement pour animer cette histoire. Après avoir lu lui-même le manga, il a eu envie d'essayer.
On suit donc pendant douze épisodes les différentes étapes de création d'un anime, à travers trois héroïnes qui cherchent à fonder un club d'animation au lycée. C'est instructif, tout en étant amusant et très imaginatif visuellement parlant. Les protagonistes sont très fun à suivre et à voir évoluer dans leur travail, en même temps qu'on découvre un peu plus leurs motivations avec les épreuves qu'elles traversent pour arriver à atteindre leurs objectifs.
Que vous vous intéressiez à la création d'univers en général, à l'ambiance des anime avec club scolaire ou aux méthodes de production d'animation, cette petite série a tout pour vous plaire ! La série est disponible sur Crunchyroll.
Maintenant que je vous ai présenté un bon nombre des adaptations réalisées par Yuasa, passons aux projets qu'il a lui même imaginé !
Sa série la plus ancienne remonte à 2006 et s'appelle Kemonozume ! On a là un anime adulte, avec une vibe assez proche de son Devilman au niveau de l'histoire mais un style graphique assez différent, qui fait très crayonné par moment et expérimental. On est plus proche de Mind Game niveau style, ce qui fait sens vu que l'anime est sorti deux ans après ce film.
Kemonozume est une histoire d'amour entre un chasseur de bêtes mangeuses d'humains et une de ces bêtes. Au fur et à mesure que leur relation évolue, on découvre aussi différentes informations sur leurs passés à travers des flashbacks et de nombreuses choses vont se mettre sur le chemin : leurs natures différentes, évidemment, mais aussi plusieurs secrets de l'organisation des chasseurs de bêtes.
C'est un anime de 13 épisodes très particulier et qui ne plaira pas forcément à tout le monde mais si vous appréciez les séries et l'animation expérimentale, ainsi que le travail de Yuasa en général, cela vaut le coup de tenter !
Bon par contre, cette série, tout comme la prochaine que je vais décrire, n'est malheureusement pas disponible en France.
Deux ans après Kemonozume donc, en 2008, Yuasa se lance à nouveau dans une série originale, de 12 épisodes cette fois-ci : Kaiba, une série de science-fiction au style graphique inspiré de Osamu Tezuka. Et de la même manière que les manga de Tezuka peuvent avoir un graphisme mignon mais une histoire beaucoup plus sombre, Kaiba se situe dans un univers dystopique bien glauque quand on se penche dessus.
Les personnages de cette histoire vivent dans une galaxie où a été inventé un procédé qui permet de transformer le cerveau en une puce électronique et de controler la mémoire : il est possible à la fois de transférer sa puce dans un autre corps mais aussi d'enregistrer et "revoir" certains souvenirs (qu'ils nous appartiennent ou pas) ou de les mettre de côté, voir carrément les supprimer ou modifier... Les corps et la mémoire sont donc devenus des commodités et évidemment, ce sont ceux qui possèdent de l'argent qui peuvent en profiter au mieux, tandis que les pauvres se font plutôt exploiter par le système.
Mais cela, vous le découvrirez plus en détail avec le protagoniste de notre histoire, qui se réveille amnésique au début de celle-ci. Cliché ? Oui, en apparence, mais cela fait totalement sens avec cet univers : il s'est fait volé ses souvenirs, tout naturellement. Les premiers épisodes nous ferons découvrir les facettes de cet univers avec différentes petites aventures, parfois drôles, poétiques, tristes ou cruelles. Quelques pistes sont lancées sur l'identité de notre personnage principal mais c'est vraiment dans la deuxième moitié de l'histoire que ce scénario sera abordé et résolu.
Kaiba est le premier anime de Yuasa que j'ai vu et j'ai adoré cet univers à la fois dur et beau. Je sais que certains ont une préférence pour la première partie, plus épisodique, mais j'aime beaucoup les deux moitiés de l'histoire ! Le concept de base est très bien exploré et le style graphique fonctionne pour donner l'impression qu'on se situe dans un tout autre univers.
En 2017, en même temps que Night is Short, Yuasa sortait un autre film d'animation : Lou et l'île aux Sirènes, qui sera diffusé au festival d'animation d'Annecy et y remportera le Cristal du long-métrage, le grand prix du festival.
Ce film se veut plus grand public et familial que les œuvres précédentes de Yuasa, mais cela ne veut pas pour autant dire qu'il est moins barré !
Kai est un adolescent assez morose, amateur de musique, parti avec son père pour habiter dans le village de pêcheur reculé où vit son grand-père. Là-bas, il existe des légendes autour de sirènes qui auraient dévoré des habitants. Seulement, lorsqu'il rencontre une petite sirène qui adore danser au rythme de sa musique et dont le chant est envoutant, il est fasciné et a très envie de continuer à la voir.
Mais garder cela secret n'est vraiment pas facile et lorsque d'autres habitants vont l'apprendre, cela va créer de gros problèmes au sein du village.
Il y a à la fois un côté très onirique et féérique à l'œuvre, à chaque apparition de Lou, la petite sirène, qui déborde de joie, mais on a aussi un point de vue assez large autour des différents habitants du village : on a d'abord les adolescents, qui ont pour la plupart surtout envie de se barrer d'ici et de rejoindre une grande ville, mais aussi les adultes, la famille et leurs inquiétudes et relations variés avec leurs enfants, et puis les figures importantes du village qui ont toutes leur avis sur la présence de sirènes, voir même un certains passif avec elles.
Comme le film est assez long avec ça (presque deux heures), il n'est pas exactement pour les touts petits enfants, malgré la bouille adorable de Lou. Le rythme peut d'ailleurs semble assez inégal, entre des phases assez lentes et ternes de la vie quotidienne pas forcément joyeuse de Kai, et les moments où Lou arrive et que tout devient bien plus déjanté.
Mais malgré cela, je trouve le film bien sympa et à voir, notamment pour son très beau final.
En 2019, Yuasa a sorti un autre film à thématique aquatique, que je n'ai pas encore eu l'occasion de regarder : Ride Your Wave. Voici la bande-annonce, pour vous donner une idée du sujet.
Excusez moi pour la longueur de ce post d'intro, je tenais à parler d'un peu tout ce que je pouvais mentionner ! Et j'ai aussi mis pas mal de vidéos parce que je trouve que cela marche souvent mieux pour montrer les qualités des œuvres de Masaaki Yuasa que des images fixes.
J'espère que cela vous aura donné envie de voir certaines œuvres de Yuasa et si vous en avez déjà regardé (dont j'ai parlé ou pas), n'hésitez pas à donner voir avis dans ce sujet.