Du coup je poste ici ma fic pour le NaNoWriMo 2017 :oui:
Un cachot
Quelqu’un est là ! J’entends des pas dans le couloir. Depuis des jours je n’ai pu fermer l’œil. Le visiteur est-il rat, homme ou lutin, mes sens ne peuvent plus le savoir. Je vis dans le monde des ombres, et les prunelles de mes yeux ont encore peine à découvrir les formes des spectres dans la nuit. Il y a quelques jours, il me semble que c’était le solstice, les nuits sont encore longues et humides. Les vapeurs m’empoisonnent les poumons, et je me rappelle avec nostalgie les effluves des acides lorsque, de mes chaudrons, les fumées de mes potions envahissaient l’air comme l’encre la rivière.
Que dis-je ? N’est-il pas là matière à me prêter les traits d’une démone, et ainsi louer la justice de me condamner aux flammes purgatoires ? Demain, je suis morte, ai-je dit morte ? J’aimerais qu’il en soit ainsi, si tel était, cela signifierait que je succomberais avec l’âme innocente, et alors, peut-être, rejoindrais-je les prairies dorées où dansent les anges. Pourtant, ce matin froid de novembre, lorsque toutes les cheminées du royaume s’allumèrent en un grand brasier, lorsque mères et petits se racontèrent des histoires au coin des flammes, un juge au regard aussi sombre que sa robe relâcha le marteau de son jugement, avec le fracas de Vulcain. La sentence était la Mort. Mais, petit juge malin, morte, ne l’étais-je pas depuis longtemps ? Pourquoi aurais-je été présente dans cette cour glacée, sinon ? Un observateur qui aurait eu le courage de contempler dans l’infini de mes yeux aurait vu de noires fumées, des ombres glissant au milieu de forêts obscures aux troncs desséchés. C’est, chers visiteurs, ce qu’on peut retrouver de plus rassurant dans l’âme d’une sorcière. Il y a des choses plus terrifiantes que les fantômes dans les profondeurs de l’âme. Le juge ne s’y trompât pas, non plus que les délateurs, qui colportèrent le bruit de mes allées nocturnes au milieu des collines, des sacrifices de brebis, des mixtures vivantes, mélangeant la vie là, mixant la mort ici, baignée seulement par l’éclat argenté de ma mère Hécate.
Je résistais aux crachats, aux pierres et aux coups de la populace en colère. Je n’eus qu’un battement de cœur de trop, lorsque je vis le forgeron avancer une bassine d’huile bouillante, prête à y être plonger. C’était un châtiment trop doux pour une sorcière, de sorte que je devins le cauchemar des frères et des prêtres. Durant des jours, de l’aube jusqu’au cœur de la nuit, je devins le sujet de travail de ces bons religieux, non pour me purifier, mais pour, si jamais cela était en leur pouvoir, envoyer aux enfers un cadeau empoisonné. Jamais Dieu ne fut jamais autant sollicité dans nos contrées, que pendant ces longs jours. Je dis longs, non que j’eus horreur des paroles divines, contrairement à ce qu’ils pensaient, mais car j’appris au dépend de ma chair que parmi tous les hommes, les religieux sont les plus créatifs dans l’art de la souffrance.
Mais qu’importe ? Me voici maintenant, au milieu des pierres froides, ni vivante ni morte, compagne des arachnides. Les châtiments ont été vains, les voix de ma tête hurlent toujours plus fort. Je cri lorsque j’entends les loups, je prie lorsque je suis baignée par la Lune. Mère, pourquoi m’a tu abandonnée ?
Appelez-moi Epsilon. Il y a quelques années – je ne sais exactement combien – pauvre, affamée, et vouée à devenir la proie de la maladie, il vint en mon esprit la singulière idée de me tourner vers le vice et le méfait. C’était, pensais-je, le meilleur moyen de fuir la misère et m’ouvrir les portes du succès, car, comme cela est bien connu, la richesse et la vertu sont deux sœurs ennemies jurées. Lorsque je devins si lasse que mes nuits devinrent des journées, lorsque le pain et l’eau commencèrent à manquer, lorsque s’installa un novembre humide et gris en mon âme, enfin lorsqu’il manqua de peu que le Danube accueille mon corps fatigué par le tracas de l’existence, alors il était grand temps de songer à prendre le large. Je sens le jugement poindre dans votre esprit, mais pensez-y, vous qui vivez l’existence de la paysannerie, ou de la grande pêcherie. Quelle vie est-ce donc là ! On dit l’homme grand et sage, centre de l’Univers, mais que font la plupart ? Ils bêchent, ils creusent, ils suent, dans la fatigue, le froid ou la chaleur, le gel et la poussière, et pourquoi ? Des pommes de terre pour nourrir leurs maigres corps, et un empire à faire subsister.
Mais, objecterez-vous, le travail c’est la santé, et le soir, j’ai la satisfaction de savoir que le fruit de mon labeur ira dans les boyaux d’un légionnaire en Arabie, ainsi je peux dormir en paix. Mais, dirais-je, le soldat lui-même finira sous peu dans les boyaux du monde, alors quelle est la différence entre l’air et la pomme de terre ? La finalité universelle, c’est la tombe et l’ombre. C’est ce que me dit une âme en perdition que je croisais dans l’obscurité du soir, lors d’une longue errance dans la forêt. Le spectre luisant avait été tué par un légionnaire de notre pays, alors que s’avançaient vers lui les nuées de nos braves soldats en campagne, et qu’alors il ne restait plus que les enfants pour leur faire obstacle. Alors, me dit-il, tandis que je fuyais, je fus tué par vos fermiers, ainsi que l’a prouvé la vigueur du bras qui tenait le glaive qui m’a tranché. Vile sorcière, te voilà menteuse ! criez-vous. Les armées pillent pour se nourrir, les plus sots le savent, moi je nourris l’innocent lorsque j’égorge et cuit. » Ah ! Voilà qu’on dit que c’est mon sein qui abrite le diable.
Cependant je tremble. Le néant ne m’effraie pas, qu'il serait aisé que notre fin soit ainsi, que la mort nous évapore ! Mais bientôt je partirai dans les régions infernales, je boirais le Léthé par gorgées, au milieu des épines pourries, harcelée par les maudits démons aux fouets brûlants. Qui pour croire que j’eus un jour ma part d’innocence en ce monde de vivants ? Quel joueur de dés, dans le ciel éthéré, me jugea misérable pour me jeter dans les griffes d’une telle destinée ? Songez, je vous prie, qu’avant d’être déchu, Lucifer lui-même était bon. Alors je veux dire par quels chemins de ronces, gorgés de boue, je passais, dans quels abimes je m’engouffrais. Enfin, par quel cheminement malin, abusée par la Fatalité, je me dirigeais vers l’art mauvais de la sorcellerie. Plût au ciel que vous ne jetiez mon récit aux flammes. Lors de nuits brumeuses, lorsque votre âme sera gorgée des vapeurs du vin, qui sera là pour vous retenir de suivre le feu follet ? Qui vous empêchera de passer un pacte maudit, au lieu de rester près du foyer de la cheminée, enroulé des bras de vos femmes et de vos filles ? Lorsque je rêve je revois cette époque bénie d’insouciance, de révolte, de liberté, mes pensées libres comme les éperviers. Au-dessus de moi les nuages s’ouvrent en grand, et des richesses dorées y coulent comme une cascade de l’Eldorado. Les cieux me couvrent de bénédiction, ma demeure est la source des arc-en-ciel et des rivières de cristal.
Alors je me réveille dans les ténèbres, bercée par le bourdonnement des mouches, et dans mes pensées il ne subsiste que le bûcher et la damnation. A mon réveil j’ai beaucoup pleuré, voulant rêver encore.
J’étais une fille souriante, heureuse, et promise à une existence paisible. Dans mon premier souvenir d’enfance, je suis bercée dans les bras de ma grand-mère Wilhelmina, tandis que dehors se déchaînent les éléments de notre nature commune. Aujourd'hui, lorsque je suis dehors, dans le froid, uniquement accompagnée par le vide et les ombres, j’aime me remémorer ces instants privilégiés, depuis longtemps passés, où l’hostilité du monde ne m’avait pas encore atteinte, et où il semblait que la chaleur humaine de ma grand-mère était un imparable bouclier contre les éléments destructeurs.
La cabane dans laquelle nous vivions avait été bâtie à la main deux générations avant la mienne. Elle se trouvait légèrement isolée du reste du village, mais pas assez pour être abandonnée dans la solitude, de sorte que nous profitions de la proximité du village, tout en passant des nuits calmes. L’habitation était tournée vers le Sud, afin que des fenêtres nous puissions voir, à notre aise, les eaux chatoyantes du Lac de Constance. C’était comme un miroir posé sur Terre par les dieux, pour que de leur hauteur, ils puissent voir le reflet de leur toute puissance. Un jour d’été, il était éclatant de bleu. Un jour d’hiver, lorsque l’océan du Ciel se déversait sur nous, il avait un air surnaturel. Le matin, il n’était pas rare qu’un brouillard opaque rende le monde entier ténébreux. Ainsi l’eau devenait le complice du crime. Il semblait en effet que la brume recouvrait même nos âmes, et que tous nos péchés étaient cachés des yeux inquisiteurs du Jugement Dernier. Quelle culpabilité alors ressentaient les coupables, lorsque l’orbe solaire escaladait les montagnes comme des collines, et de sa toute puissance chassait les brumes comme un rideau de velours !
Je vivais avec ma grand-mère, Wilhelmina, et mon père, Friedrich. Ma mère était morte depuis longtemps, mais à quoi bon en parler trop longuement ? Je l’ai tuée peu de temps après ma première inspiration d'air. En Prusse, la médecine des hommes est barbare et dangereuse, comme ma famille l’apprit en me donnant naissance. Et quelle naissance ! Que mes premiers cris ont dû résonner jusqu’aux oreilles des chérubins ! Au milieu du sang et de la fatigue, l’un d’eux, vexé d’avoir été dérangé dans son repos céleste, banda la corde de son arc, et un dard brûlant vint se planter dans le cœur de ma mère. Ainsi partit Franzisca de la face du monde. Je sais que mon père m’en a toujours voulu de lui avoir ravi un tel cadeau. Il part souvent à l’aube, et revient tard le soir, dans la montagne, déchargeant sa haine contre les troncs des arbres. Il ne me l’a jamais dit, mais je vois dans son regard un que-sais-je qui me met mal à l’aise, qui même dans ma nature poétique me sert la gorge comme si elle était bouchée par un crapaud.
Pendant les nuits d’hiver, lorsqu’une pluie glacée tambourinait contre les carreaux de la maisonnée, il préférait marcher vers l’auberge et se perdre dans les labyrinthes des liqueurs. C’était devenu un rituel qui, disait-il, était rendu nécessaire par la rudesse de son existence. Il était vrai qu’il faisait plus que son âge, ses vêtements étaient mal taillés pour son corps musclé, et sa face laissant transparaitre la lividité d’une fatigue pendant trop longtemps accumulée. Pendant ces messes léthéennes, pendant lesquelles tous les hommes de la région creusaient leur enfer en cherchant leur paradis dans l’oubli artificiel, ma grand-mère et moi restions seules à seules. Je pense que ces moments seraient demeurés calmes, eussent-ils été en pleine Apocalypse. Sa voix était douce, la bonté de son regard se reflétait dans le mien, et alors qu’elle chantait dans mes oreilles d’enfant, un calme divin berçait mon âme. Elle avait été une grande lectrice et, bien que les livres soient rares dans notre famille, elle pouvait réciter des histoires dont elle connaissait les principaux nœuds, bien qu’elle n’ait jamais su retranscrire la poésie des mots. Cependant je ne trouvais rien de plus poétique que de la voir assise sur son fauteuil à bascule, sa silhouette découpée par les flammes de la cheminée, les yeux perdus sur les plaines de ses souvenirs. Elle avait passé une longue partie de son existence sur les route, dans les tribus tziganes, traversant les cols et les vallées profondes de l’Europe de l’Est. De cette existence, elle avait appris la musique, la communion avec la nature, et elle connaissait comme personne les secrets enfouis de la nuit. Que sont les ténèbres lorsque nous sommes habitués à dormir avec les loups ? J’avais l’impression, quelque fois, qu’elle parlait directement à la nuit. Elles étaient presque comme sœurs, se murmurant à l’oreille lorsque dort le monde. Qu’importe ? C’était la seule à ne pas m’avoir jugé matricide avant même que j'apprenne à marcher. Si dans sa sagesse et sa gentillesse, ma grand-mère parlait aux ténèbres, qu’il en soit ainsi, et qu'alors les âmes les plus noires restent condamnées à marcher dans la lumière.
La vie champêtre devint vite ennuyeuse, mais j’apprivoisais l’ennui comme un ami d'enfance. A l’adolescence, mes tâches ménagères finies, le linge lavé et étendu, je levais le regard vers les sommets des montagnes dans mon dos, et tel un oiseau je m’y envolais en rêve. Ils étaient couverts d’un éternel duvet de neige, et parfois, les nuages peinaient à les surpasser, et recouvraient les pics d’un air de purgatoire. Même les faucons dans leurs nids rocheux étaient aveugles, et lorsque l’on se concentrait, on pouvait y voir des géants endormis au creux des plus hauts pics, tandis que la ruche des petits hommes, bien en contrebas, levait la tête vers cet univers insondable. Je ne peux décrire quels effets eurent ces monts sur mon imagination de jeunesse. Le jour, je me baignais jusqu’aux genoux au bord du lac, et lorsque mon regard croisait le reflet des pics dans les vagues, j’étais prise d’un tel vertige, que j’avais l’impression de chuter dans la géhénne. La nuit, j’étais épiée par des esprits farceurs et malicieux, de sombres génies, qui étaient présents à la naissance du monde, et qui depuis étaient devenu les gardiens des temps, jusqu’à ce que le temps lui-même s’évanouisse comme une brise.
Malgré ma nature curieuse, j’étais condamnée à rester dans l’oubli. Les secrets du monde étaient renfermés dans un grimoire qui m’était à jamais interdit. Les jours se suivaient, paisibles, tandis qu’au fur et à mesure, le calme produisait sur mon esprit une douleur piquante. Je passais le temps à tisser et coudre. Ma grand-mère, par beau temps, s’asseyait sur le seuil en jouant de son accordéon, une pipe d’ébène sur le bord des lèvres. Ces mélodies mélangées à l’odeur des tabacs, lorsque la brise était douce et le temps clément, étaient un paradis terrestre. La source de tous les doutes. C’est environ à ces moments que je me figurais à quoi ressemblait une éternité au paradis, et quel ennui ce genre d'existence nouvelle devait être. J’étais aventureuse, et la couture me devint rapidement insupportable. J’étais ingrate, et le temps passant les notes de l’accordéon devinrent autant de clous rouillées plantés en mes oreilles. Je feignais d’avoir pleinement compris la place qui m’était assignée en ce monde. Partout où l’on me voyait, on louait mon faux sourire. Mes cheveux d’un noir d’encre reflétaient le soleil, et j’ose me souvenir que certains fermiers ou bergers n’hésitèrent pas à passer près de la rive du lac, lorsque je m'y trouvais à tremper le linge. J’en accueillis certains non sans une certaine ironie. J’étais décidée à jouer avec ces âmes faibles, afin qu’intérieurement, je me convaincs d’être plus qu’une femme invisible de cette époque maudite. Je les imagine encore aujourd’hui, étendus sur leurs lits de paille, m’imaginant pendue à leurs épaules, éreintée devant la fatalité de l’existence. Et eux, les courageux, tels des Atlas modernes, me protégeant contre les assauts répétés de la vie. Même dans la perspective de la mort, je me réjouis, moi inconnue de l’amour véritable, d’être ainsi partie en quête de ma liberté.
Je dresse ici un portrait de mon âge d’or, qui n'a guère d'importance. Qui pour se soucier de mes amis, de mes voyages, de mes passions ? Tout est volatile comme une légère fumée blanche. Aujourd'hui, elle est totalement dispersée. Cependant je passais une existence paisible, certes rompue aux tâches du commun de l’humanité, mais en paix. Lorsque notre étoile se trouvait à son zénith, un voyageur de passage voyait, assise sur un petit tabouret de bois, au milieu de l’herbe verte, une jeune fille, les cheveux d’un noir de jais, la robe blanche éclatante, apprenant les gammes et les notes sur un vieil accordéon tzigane. Je crois qu’elle avait les traits éclatants de la jeunesse. Ses doigts fins pouvaient apprivoiser les papillons. Elle avait les yeux vairons ; l’un bleu, l’autre marron. Un nez aquilin et des sourcils joyeux, des pieds légers comme ceux des fées.
Figurez-vous, si vous voulez bien le croire, que trois mauvaises fées vinrent se perdre dans les bois sur les rives du Lac de Constance. C’étaient les Larmes, les Soupirs et les Ténèbres, les filles de la Mort. J’aurais pu passer une existence paisible, et, encore en ce jour, jouir des joies de la paysannerie. Cependant avec les années le temps vint à changer, un crachin d’automne glaça mon âme, jusqu’à ce que pour les simples plaisirs du monde, je n’éprouve plus que frustration et dégoût. La religion de mon père, au milieu des goulots des bouteilles, devint vite un appel vers l’enfer. Je ne sais ce que je préférais, lui m’abandonnant, ou lui revenant au milieu des transes de l’alcool, le poing brandit et la langue venimeuse ? Un soir que l’air se chargeait des prémices de l’orage, il revint d’une de ses beuveries, chargé de poison comme un âne d’Egypte l’est de pierres. Je n’avais pas vu plus de seize printemps qu’il commençât à me frapper, moi qui, dit-il, étais la source de son Mal. Moi, vomie par un diablotin ou un bouc pendant une nuit de Sabbat !
Où se cachait la justice dans les plis de ce nouveau mal ? Quelque part, il me semblait que le diable se jouait de moi, lorsque mon père Friedrich tombait sous le joug du terrifiant delirium tremens. J’essayais la lecture sincère de la Bible et la prière lorsque, le soir, mes côtes endolories, les yeux mouillés des larmes de l’innocence, j’adressais mes paroles au dieu muet et sourd. Que lui importe ? Pour lui, le cœur qui gonfle mes veines est le même que le petit cœur des libellules. Si la plus pure des créatures humaines ne se soucie pas de la vie des insectes, pourquoi en serait-il autrement dans l’esprit du créateur, lorsque les hommes se débattent dans les tempêtes de l’âme ? J’étais abandonnée. Dans ma détresse, seule Wilhelmina prêtait une épaule à mes larmes. Mon univers s’écroulait. Oh, quel simulacre est le monde ! On dit que dans les pays envahis, les générations d’opprimés nées après la guerre se soumettent sans mal, n’ayant pas connu les joies d’une existence libre. Ils sont leurs propres geôliers, ils forgent leurs chaînes dans le métal le plus solide, et pour défendre les oppresseurs, eux-mêmes s’enfonceraient un poignard dans le cœur. J’avais perdu ma joie, mes lèvres avaient oublié le mouvement des sourires, semblable à celui des astres. Mes yeux étaient devenu aveugles au chatoiement des couleurs printanières. Il y avait quelque coup de canon dans mon cœur, une guerre sans merci et sans pitié, qui n’avait d’issue que la dissolution du reste de mon esprit sain, comme un morceau de sucre fondant dans un marécage.
C’est en ce temps que je vis pour la première fois le chat noir. Ce n’était, bien entendu, pas le premier chat que je voyais. Avant d’être rongé par l’alcool, mon père était habitué à nous amener en traineau au cœur du village, lorsque, pour la nuit de Saint-Nicolas, petits et grands se réunissaient au milieu des chants et des bougies, pour une veillée inoubliable que nous germains portons en nos cœurs. Alors, enfant, je m’égarais dans les ruelles, enivrée de cette ambiance surnaturelle, et je jouais avec chats et chatons. Ils rampaient des gouttières, couraient tels des éclairs dans la grand’rue, miaulant de toutes leurs petites gorges pour me rejoindre en grande procession. Avec l’écho des chants de fête des enfants, dans l’humidité des rues, j’étais heureuse, car enfin j’avais trouvé des amis. Peut-être était-ce un signe de ma nature sombre. Peut-être étais-je réellement née des enfers, couvée par Cerbère, et que ces jours de fête, les chats du pays reconnaissaient en moi leur vraie maitresse. Quelle enfant se rendrait compte naturellement de sa monstruosité ?
Le chat ! Un matin, perdue dans la grisaille, me rendant au puits, les sabots de bois résonnant sur le sol du chemin, j’entendis dans l’ombre un léger miaulement, qui semblait sortir des entrailles de la terre. C’était un chat à la robe d’un noir profond. Non pas le noir de la nuit, qui s’évade à la faible lueur d’une allumette. Non plus que le noir qui baigne les placards et les caves, qui ne sont que les abris des insectes. Je veux dire le noir, qui emplissait le Vide avant la création du monde. Toutes les légions du Pandémonium fuient le grand Néant qui règne dans ces régions lointaines, et voici que, sans raison, un chat de ce noir-ci était craché à mes pieds, en me fixant de ses yeux de génie !
« Chat, ô Chat, si tu es étranger à ce monde comme je le suis au tiens, que viens-tu errer dans nos régions de l’air ? »
Il ne répondit pas, mais le contraire aurait-il été sain ? Un passant m’aurait trouvé des plus sotte, de me voir ainsi bavarder avec un chat errant. Il aurait peut-être vu ce qu’un début de folie m’avait fait mal interpréter ; un chat borgne, au poil sale et crépu, noirci seulement par le manque de lumière.
La sale bête me suivit tout le jour. Il avait un regard mauvais, jetant de ses yeux les même lances que Saint Michel. Que voulait-il ? Ce petit malin aurait pu me faire détester l’entièreté de la race féline, si les évènements qui suivirent ne m’enfermèrent pas dans un océan magique, dans lequel, au creux des vagues, le chat noir ne devint mon meilleur compagnon, mon âme sœur en ce monde. Ah, que les bergers se moquent, qu’ils jalousent mes compagnons poilus, avec eux je volais dans la nuée des cieux, dans les cheveux de la Lune, jusqu’au pays des faunes, les plaines de Tannhäuser. Mon père tombât gravement malade environ à cette époque. Comme toute essence de maladie, cela était subtil, pratiquement invisible dans les premiers jours du mal. Invisible excepté de moi seule, qui voyais, au milieu de ses coups, les prémices de la décomposition au fond de ses yeux.
Y’a t-il quelqu’un, au-delà des montagnes, dans les villes, dans les campagnes, pour comprendre que j’aimais tendrement mon père ? Je voyais son vice comme une tâche, mais je connaissais sa vraie nature. Comme je sens coupable d’avoir éteint le sourire du visage de Franzisca ! L’on se croit immortel pendant un temps bien long, jusqu’à ce que jeunesse se tare, que vieillesse nous ronge, que le doigt squelettique de la Mort nous frôle le front. Quelle misérable créature, celle qui a conscience de l’inéluctabilité de la fin. Pauvres humains ! Quel choix leur reste-il ? Vivre dans la douleur ou se noyer dans l’oubli. La vie se surestime elle-même, elle se tient à la barre de l’existence comme un capitaine tient son navire au milieu de l’ouragan. Devant l’incertitude de l’Après, nombre de héros deviennent lâches. J’ai senti les cœurs d’Achille et de César faire trembler les murailles du monde, lorsqu’arrivait leur dernier souffle. Plus de matin, plus de rosée, plus de baisers ! Rien d’autre que l’Inconnu, et alors nous savons qui est lâche. Mais songez, vivants, n’auriez-vous pas eu une peur panique, si vous aviez réalisé l’imminence de votre naissance ? N’est-ce pas la plus parfaite preuve de la douleur de la vie ?
La deuxième fois que je vis le chat noir, mon père était au seuil de la mort. C’était la Peste Blanche. Dans la profondeur des forêts, coupant et suant, inspirant les copeaux des arbres fraichement abattus, ignorant les morsures du gel et la fatigues des muscles, mon père avait développé ce mal fulgurant. Il arrêtât de me battre, mais non de boire. Le soir, j’étais agenouillée devant le foyer de la cheminée, tandis que les toux rauques emplissaient l’air de leurs ondes. Ma grand-mère, au chevet de son beau-fils, le chérissait comme un nouveau-né. Qu’elle soit bénie, elle pour qui même le plus fautif des hommes méritait d’être bercé. Je dois dire avec honte que je ne pleurais pas, et que j’eus même la plus grande des indifférences par rapport au destin tragique qui menaçait mon parent. Positivement à mon absence d’émotion, je dois conter ce qu’il advint pendant une nuit hantée par l’imminence du trépas. Ce soir-là, je me levais, mue par un besoin de m’engouffrer au milieu des bois. En vérité, j’avais vu la forme du chat se découper sur le rebord de notre fenêtre. Dans ma folie, j’ai suivi le monstre dans la nuit !
A la lisière du bois, je sentis les premières larmes glacées couler le long de mes joues. Dans le spectre varié des maladies de l’esprit, il semblait que j’étais déjà abandonnée à une tristesse infinie. Ma vie glissait sur la pente de la misère, qui est plus glissante que la pente du Parnasse l’est à une âme vulgaire. Il y avait des ténèbres à la surface de l’abime, et mon esprit y planait comme un spectre. Soudain, je vis dans les ombres une figure, tout droit sortie d’un rêve.
« - Es-tu songe ou matière ? lui demandais-je.
- Les deux. Mes émotions et mes sentiments sont des illusions, mais moi je suis réelle, tout le monde le sait dans les rangs de votre race.
- Alors tu es quelqu’un de bien connu sous nos cieux ?
- Mon nom est Lacrima. Ne vois-tu pas les larmes qui s’échappent de mes yeux comme les rayons d’une étoile ? Ne vois-tu pas les tiennes couler de tes prunelles sous l’action de ma baguette ? Avec moi, les hommes éprouvent la tristesse, c'est de cette façon qu'ils apprécient le mieux la joie.
- Hélas, ô Lacrima, tu m’étouffes, de l’air ! Le sel de mes larmes remplirait le ventre de l’Atlantique. Plût au ciel que je ne t’ai trouvée dans une clairière, te battant au fleuret avec ta cousine la Joie, et que cette dernière te transperce le cœur, de sorte que l’humanité se réveille sous un soleil neuf, épargnée de toute misère présente et à venir !
- Silence, démone, te voilà bien présomptueuse, de donner des leçons de création au Créateur, Lui qui me fit respirer et jouer de cet instrument qu'est ce point dans le vide de l'Univers. Pour cela, tu pleureras jusqu’à la fin de tes jours et bien après. »
Dans le sein de la nuit noire, un loup mugit dans le lointain. Mon désespoir plongeât dans les profondeurs du monde. Je me battais la poitrine, m’arrachait les cheveux, quelle malédiction tenait le siège de mon âme ? Je m’avançais dans une clairière argentée, et vit assise sur une roche en son milieu une figure semblable à la première. Je me figurais que c’était une sœur du premier spectre, et que soit je rêvais encore, soit j’étais vouée moi-même à la mort.
« - Oh ! criais-je. Le diable m’accable de tous côtés, parle ! que je sache quel tour l’enfer me joue encore.
- Epsilon, hier encore, je volais au-dessus des rizières de Chine, avant de retourner dans les déchirements des révolutions de France, puis en retour je m’égare dans une tribu Pawnee, sur les rives de la Niobrara, qui sera bientôt le Nebraska. A mon passage, les guerres fauchent le champ des âmes humaines, et les mères et les filles soupirent ; mon nom est Suspiria.
- Suspiria ! Je comprends maintenant, mes poumons se gorgent de vapeurs, la pression me rend parente du volcan, lorsque je crierai, ce sera semblable à l’impact du météore.
- Allons, avance, au bout du bois il y a une grande fête en ton honneur. Tu y trouveras notre mère à toutes, puisse-tu voir éclairer les mystères de ton existence, âme chanceuse. »
J’étais brisée, volatile comme l’écume. Ô Fatalité ! Je n’ai pas eu le temps ni la clarté d’esprit de te combattre face à face. Ainsi tu me noies, sans me laisser le choix. Chanceux les puissants, les clairvoyants, eux qui savent que la grande guerre du monde, c’est celle de l’Homme contre la Fatalité. Parfois, elle recule, l’humain stratège triomphe, il créer des ponts, des empires, des écritures, des poèmes. D’autres fois, cependant, il croupie dans le champ de bataille. La déesse, sur son destrier d’ombre, savoure sa victoire, alors viennent l’ignorance, la haine, et la peur dans les cœurs. Ennemie terrible, qui nous tient sous son talon depuis les balbutiements d'Eve.
Larmes et Soupirs, sous votre empire la Mort commence à me paraitre belle. Que vois-je au loin ? Les bois sont luisants, il y a du mouvement. Si les cerfs et les biches sont les témoins quotidiens de ces prodiges, ce sont des créatures bénies entre toutes les créatures vivantes. Je vois au milieu des champignons des fées, tenant dans leurs poings petits comme des têtes d’épingles des trompettes, des cymbales, des flûtes, &c. Curieux spectacle, elles se dirigent en file, telles des fourmis, avec leurs minuscules pieds, là où la forêt est le plus sombre. En levant les yeux, j’ai cru voir l’ombre d’un faune, ses sabots résonnent sur les feuilles mortes. On dirait que tous les oiseaux de la nuit, chouettes, hiboux, ou corbeaux, joignent leurs chants que le jour rend discordant, mais les ténèbres la plus belle symphonie. Étrange spectacle que voici, et pour quelle funeste fatalité ? Ils accourent, les lutins, les gobelins, chantant et dansant vers le cœur de la nuit. Tout résonne, la forêt répond à la mélodie surnaturelle.
Je tremble de repenser à ce moment funeste. Ces êtres de l’au-delà se dirigeaient vers un chêne vénérable, planté par les esprits de la forêt au matin du monde. Ce n’était pas un bel arbre, car à son pied se trouvait la troisième sœur. Elle enlaidissait le monde, murmurait la peur dans le cœur des choses. Pourtant plus je m’avançais plus je la trouvais belle, et en vérité solennelle, une rivale réelle à Cléopâtre.
« - Me diras-tu, esprit, qui es-tu, et si tu es le dernier de mes tourments dans cette nuit sans fin ?
- Je suis Tenebris. J’habite les coins reculés de ce globe, j’ai ma demeure dans le fond des fosses abyssales. J’ai jeté mon foulard sur l’Univers, et j’ai emplit le vide de Ténèbres. Je suis trop profonde, au début et à la fin de vos vies, pour votre entendement. Beaucoup pensent me dompter, mais songe à ceux qui, pendant l’aube du monde, étaient surpris par les tigres de qui j’étais l’alliée ? Pourquoi avoir peur des monstres, si ce n’est sous mon oppression ?
- Oh, je suis condamnée !
- Es-tu lâche, ou ton cœur est-il suffisamment vaste pour accueillir les ombres ? Tu as vu un chat noir ces jours derniers. Nous sommes trois sœurs à danser, main dans la main, menée par cette entité, notre maitresse. Est-elle en vérité un chat ? Ah, tu bouillonnes de le savoir ! Engouffre-toi plus profondément encore dans les bois, si comme nous le pensons, telle est ta destinée.
Imaginez, lorsque vous vous réveillez d’un cauchemar. Un mauvais lutin, sorti d’on ne sait quel gouffre, vous piétine la poitrine et vous coupe le souffle. Vous vous réveillez avec horreur, et vous êtes reconnaissant au matin d’éclairer votre univers. Je connus cette nuit-là le noir le plus profond de la création. Le soleil lui-même y serait noyé. Comme toutes les candidates volontaires, je m’engouffrais avec douleur sur la voie de la sorcellerie. Je marchais pieds nus dans les épines et les ronces, mais je n’étais plus maître de ma volonté. L’ai-je été un jour ? Le libre arbitre, n’est-ce tout simplement une illusion, et ne sommes-nous pas seulement des automates, uniquement mû par des ressorts cachés ?
Dans un gouffre était la plus grande des marionnettistes. C’était la source d’un ruisseau glacé comme le Styx. Cette veine menait dans les hautes sphères de l’enfer, nullement accessible au vivant, et chemin tortueux même pour les morts. J’étais dirigée tout en étant aveugle. Les yeux ne me servaient plus de rien, qu’ils soient ouverts ou fermés. Terrifiante impuissance des pupilles. Et si je rêvais, et qu’à mon réveil, je ne puisse me rediriger vers les lueurs de l’aube ? Perdue dans le sein de la terre pour toujours, vouée à redevenir poussière à l'allure de la limace !
Cependant j’entendis ce qu’était mon but. Une mélodie lugubre, macabre, l’air d’un violon strident, faisait onduler l’air renfermé.
« -Voici la fin de ma vie. J’ai expiré et en voici le bout. Quel dieu cruel me jeta dans les ténèbres, comme un ivrogne fracassant son verre sur le parquet. Si moi, âme chérie, suis condamnée à l’enfer, c’est qu’il doit être surpeuplé, ce lieu morbide. Ô Mort, quels poètes gémissent dans les chambres de tes palais ?
- Pléthore, tous coupables de quelque crime. Mais tu ne les verras pas ce soir. Je t’attendais, Epsilon. Seize ans sont passés comme le battement d’une aile de papillon, et te voici rappelée. Je suis Proserpine, je règne sur les régions infernales.
- Quel enfer ! Je ne veux pas y aller.
- Qui te l'a annoncé, que je le punisse ? Nulle âme damnée n’est jamais passée dans l’ouverture de cette grotte, tu n'as fait que suivre le fil invisible de ma volonté propre.
- J’ai tant prié, pourtant !
- Le silence a plus d’écho que les prières du Pape.
- Je suis née dans la bonté !
- Il n’y a ni bien ni mal en ce monde, seulement ce qui est et ce qui doit être. Quels choix ont des pions sur un échiquier de bois. Quel choix te reste-t-il ? Ton choix, c'est d'être ma lieutenante, être libre en enfer, plutôt qu’esclave au paradis.
- Mais à quel prix ? La damnation éternelle, vivre dans le noir pour toujours.
- Tu es de nature à être sorcière. N’as-tu jamais été en paix les nuits de pleine lune ? Tu parles aux crapauds. Les chauves-souris sont pour toi comme des colombes. La puanteur des acides est pour ton nez une douce fragrance. Le marécage sera ton univers, et tu t’y sentiras bien comme une nymphe en eau cristalline.
- Choses dégoûtantes ! Suis-je si aveugle ? J’ai tant vu le regard noir de mon père, a t-il dont lu en moi ?
- Il n'a lu qu'en surface, la Vérité est pire encore.
- Serais-je condamnée à la solitude ?
- Tu seras l’amie des hyènes d’Afrique, la complice des chimpanzés, la confidente des chats, la nourrice des pourceaux. Ils sont tous de meilleure compagnie que le plus noble des hommes.
- Maigre consolation, l’odeur des porcheries me donnent déjà la nausée.
- La connaissance, alors ! Tu ne vivras plus dans l’ombre, mais tu liras les âmes, tu sauras les secrets du monde. Dans les méandres de l’intelligence, tu seras reine.
(Epsilon, à part)
« - Je suis piégée. Quel bas instinct me pousse à me lier à ces créatures ? J’entends dans les branches les échos des tambours des gobelins. D’abord bruit sinistre, ils pénètrent mes tympans comme une belle symphonie. Mon âme est en plein métamorphose, mes sentiments de femme coulent comme un navire éventré par des pirates de Somalie. Esclave du monde, te laisser acheter aussi simplement. Le ciel bleu, jusqu’alors, me transportait de joie céleste, la Lumière, pénétrant les pores de mon visage, ont maintenant senteur de Paradis, par rapport à ma condamntation. Qu’il en soit ainsi, et que la leçon soit amère, nous ne sommes libres ni dans cette vie, ni dans la suivante, pas même dans la mort. »
(se retournant)
« - Proserpine, j’accepte le pacte. Ma volonté m’abandonne comme un rat quittant le navire, et je ne suis rien de plus qu’une enveloppe morte, à la merci du vent.
- Tu es bien plus que cela maintenant, tu es sorcière. A tes pieds trembleront des cités et des royaumes, tu voleras dans les nuages et ramperas dans les grottes. Dans ton chaudron rouillé, seront mixés des breuvages à faire pâlir les alchimistes. Plonge maintenant ce poignard empoisonné en ton sein, et que la peur fasse sonner la cloche des églises dans l'aube grise du matin. »
Je pris le couteau, glacé comme l’Arctique, et d’une main invisible, lâche et esclave, j’en mis la pointe à l'emplacement de mon cœur. Oubli, ouvre-moi tes bras ! Je le plantais, sous le rire aigu de Lacrima, Suspiria, et Tenebris, sœurs maudites, pendant que leur mère jouait du violon d'outre-tombe.
Je me réveillais au petit matin, dans la même disposition qu’à la veille. J’aurais tant aimé tout oublier, comme au sortir d’un rêve. Mais je su que mon existence était damnée, le Lac de Constance ne devint qu’une tâche grise, le soleil levant un point aveuglant et sinistre. Je songeais à prendre demeure au plus profond des marais putrides. Sainte Wilhelmina, les notes de ton accordéon me laissent maintenant froide. Tu es vouée à ta solitude, comme moi à la mienne. Je pris la résolution de disparaitre dès que possible. Je rampais dans la brume, tel un lézard, jusqu’à l’ancienne cabane qu’était mon logis. Friedrick avait été emporté, la tuberculose avait pris son envol, tenant son âme dans ses griffes. Peut-être avait-je été trompée, peut être n'étais-je pas vouée à la sorcellerie. Ces pensées, maintenant que mon âme et morte, ne sont plus rien que des brises.
Qu’il en soit ainsi, âme damnée. Je partais vers les déserts, effrayant les oiseaux pour qu’ils cessent leurs infâmes chants. Je n’étais rien d’autre qu’un spectre, et à mes talons me suivait un chat, le monstre noir comme l'abime.